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Victoire : À la demande de Bien Vivre à Pierre-Bénite, Notre Affaire à Tous et PFAS Contre Terre, l’arrêté permettant l’extension de l’activité PFAS de Daikin est suspendu
Communiqué de Notre Affaire à Tous, Bien vivre à Pierre-Bénite et PFAS contre terre, 20 juin 2024 – Jeudi 20 juin 2024, le tribunal administratif de Lyon a suspendu l’arrêté préfectoral laissant DAIKIN CHEMICALS FRANCE étendre son activité sur le site d’Oullins-Pierre-Bénite, suite à la demande de Bien vivre à Pierre-Bénite avec les contributions du collectif PFAS contre terre et de Notre Affaire à Tous, ainsi que de la commune d’Oullins-Pierre-Bénite. Le juge a reconnu que le projet d’extension aurait dû être soumis à autorisation, et donc à évaluation environnementale, car il présente des dangers. L’arrêté préfectoral permettait à l’industriel d’exploiter une nouvelle unité de production et de stockage de produits chimiques, sans être soumise à une évaluation environnementale. Les produits concernés seraient le bisphénol A fluoré et l’hexafluoropropylène (HPF), deux PFAS, alors que DAIKIN CHEMICALS FRANCE se situe dans la “zone la plus polluée (aux PFAS) de France” (Le Monde). Véritable danger pour la santé, les polluants éternels sont à l’origine de cancers, problèmes liés à la thyroïdes, infertilité… Depuis l’émission Vert de Rage révélant la contamination aux PFAS du sud de Lyon, citoyen.nes, associations, syndicats et politiques se mobilisent pour l’interdiction des PFAS et pour établir les responsabilités dans la pollution du sud de Lyon. Citation de Jean Paul Massonnat, membre de Bien vivre à Pierre-Bénite : “Ce jugement fera date, il montre enfin que les gens atteints par cette pollution peuvent passer avant les intérêts industriels. Rien ne doit être négligé pour protéger la santé des humains et leur environnement. Voilà déjà un grand pas.” Citation de Camille Panisset, secrétaire de Notre Affaire à Tous – Lyon : “Nous sommes soulagés que le juge reconnaisse le danger que représente cette extension et demande la suspension de l’arrêté. La santé environnementale doit primer par rapport à la productivité. Le droit de l’environnement n’est pas optionnel, la préfecture et les industriels sont encore tenus de s’y conformer. » Le collectif PFAS contre terre apporte son soutien à cette action en justice, par une pétition : ”PFAS contre terre se réjouit de la décision du tribunal administratif de Lyon, qui va dans le sens de l’application du principe de précaution. Les études d’impact devront se montrer à la hauteur des enjeux pour la santé des riverains et des employés travaillant sur les sites industriels d’Arkema et de Daikin. C’est un premier pas pour le respect des populations empoisonnées.” Bien vivre à Pierre-Bénite, PFAS contre terre et Notre Affaire à Tous restent mobilisés et vigilants quant à l’activité des industries produisant des PFAS et continueront à saisir le juge dès que la santé des riverains est compromise et le vivant menacé. Communiqué de presse du 4 juin 2024 Contact presse Marine Coynel, chargée de communication de Notre Affaire à Tous : marine.coynel@notreaffaireatous.org
Commission d’enquête du Sénat sur TotalEnergies : réaction des associations écologistes
Communiqué, le 19 juin 2024 – La commission d’enquête du Sénat sur les moyens mobilisés et mobilisables par l’État pour assurer la prise en compte et le respect par le groupe TotalEnergies des obligations climatiques et des orientations de la politique de la France a rendu public son rapport final. Les associations saluent le diagnostic sévère et sans appel posé sur la stratégie climaticide de TotalEnergies ; elles regrettent cependant le manque d’ambition de la plupart des 33 recommandations du rapport, notamment en termes de mesures contraignantes pour obliger le groupe à respecter les objectifs fixés par l’Accord de Paris.Au cours des six derniers mois, les expertes et experts ainsi que les scientifiques auditionnés ont démontré que la stratégie d’expansion fossile de TotalEnergies était un accélérateur de la crise climatique et une menace pour les droits humains, en pointant du doigt sa volonté d’augmenter sa production d’hydrocarbures et de renforcer notamment ses activités dans le gaz naturel liquéfié. D’autres ont également mis en lumière le manque de transparence concernant le lobbying exercé par le groupe sur les responsables politiques, et la porosité des liens entre les dirigeants de TotalEnergies et la machine étatique, voire le soutien de la diplomatie française à sa stratégie internationale.A l’inverse, Patrick Pouyanné et les autres responsables de la major pétrolière auditionnés ont défendu coûte que coûte la stratégie “climatique” et les pratiques actuelles du groupe, sans aucune volonté de changement malgré leurs impacts dramatiques. L’intervention de Bruno Le Maire a témoigné d’un manque patent de volonté politique de réguler cette multinationale pour l’engager concrètement dans la sortie progressive des énergies fossiles.Pour nos associations, ce rapport a le mérite d’ouvrir le débat au sein d’une des instances démocratiques clefs du pays sur l’impérieuse nécessité d’une reprise en main par l’État de son rôle de régulateur des multinationales, et en particulier du secteur des énergies fossiles. Il n’était pas gagné d’avance que ce rapport soit adopté au vu des fractures au sein de la commission d’enquête, et il est donc le fruit de difficiles compromis. Dès lors, les associations soulignent l’intérêt de certaines recommandations concrètes, comme l’arrêt des importations de GNL russe aux niveaux français et européen, ainsi que des mesures affirmant le besoin de plus de transparence ou de plus de régulation par l’Etat pour permettre la sortie des énergies fossiles. Mais elles déplorent que la majorité sénatoriale de droite se soit efforcée de diminuer le niveau d’ambition des recommandations du rapport et ait choisi de faire l’impasse sur des enjeux majeurs comme la question de la taxation des superprofits de la major pétro-gazière.Pour Edina Ifticène, chargée de campagne Énergies fossiles à Greenpeace France :“Deux visions opposées se dégagent des auditions et des travaux de la commission d’enquête. D’une part, l’industrie et ses soutiens politiques qui balayent d’un revers de main la responsabilité de TotalEnergies dans la crise climatique, d’autre part, celles et ceux qui alertent sur les risques de plus en plus tangibles que cette logique fait peser sur notre avenir et rappellent l’État à son devoir de protection de l’intérêt général. La solution ne peut pas être de se défausser sur les seuls citoyennes et citoyens, qui payent l’énergie au prix fort, en leur intimant de réduire leur consommation. L’État doit instaurer des contraintes politiques fortes obligeant l’industrie fossile à réduire son empreinte carbone et à payer pour les dommages déjà causés. En cette période d’instabilité politique, ce clivage rappelle qu’il est essentiel d’avoir une nouvelle majorité politique volontaire sur cette question.” Pour Justine Ripoll, responsable de campagnes pour Notre Affaire à Tous : “L’État français faillit à ses obligations en ne régulant pas la trajectoire climatique de TotalEnergies. Dans les années 90, le lobbying et la désinformation de la major nous ont collectivement fait perdre des décennies précieuses pour prévenir l’aggravation du dérèglement climatique. Nous avons aujourd’hui un constat démocratique sans appel et des solutions sur la table pour corriger cette erreur historique et protéger enfin les générations futures.” Pour Soraya Fettih, chargée de campagnes France pour 350.org :“Fruit d’un long travail de mobilisation de la société civile française, la commission d’enquête sénatoriale sur TotalEnergies a conclu ses travaux mais nous laisse sur notre faim. Si elle reconnaît la nécessité pour l’État de faire preuve de plus de vigilance sur les activités de l’entreprise, elle reste bien trop timide dans ses recommandations sur le rôle régulateur de l’État pour imposer une vraie transition énergétique juste et compatible avec l’urgence climatique. Si la Commission suggère, à raison, de faire contribuer les entreprises fossiles au Fonds pertes et dommages, elle ne va pas jusqu’à proposer la taxation de leurs super profits indécents qui pourrait permettre de lutter aussi contre la précarité énergétique dont souffre un·e Français·e sur cinq. C’est une occasion manquée de prendre le gouvernement au mot, la France co-pilotant une initiative internationale sur la taxation pour générer des revenus pour le climat et le développement. Elle pourrait montrer l’exemple en s’attaquant dès maintenant aux profits de l’industrie fossile. Il est grand temps que nos dirigeants mettent fin à cette impunité.” Pour Gaïa Febvre, responsable des politiques internationales Réseau Action Climat France :“Le gouvernement français doit faire preuve de cohérence. Il ne peut pas prôner la fin des énergies fossiles lors des sommets internationaux comme les COP et, en même temps, fermer les yeux sur les actions de TotalEnergies. Lors de la COP28, la France, comme tous les autres pays, s’est engagée à sortir des énergies fossiles. Aujourd’hui, pour espérer rester crédibles, les paroles doivent être suivies d’actes. Il est urgent de contraindre TotalEnergies à respecter l’Accord de Paris. Fermons le robinet des énergies fossiles pour éviter les coûts des pertes et dommages liés au changement climatique et aux efforts d’adaptation. Nous avons pris assez de retard et nous devons agir maintenant pour garantir un avenir vivable.” Pour Juliette Renaud, coordinatrice des Amis de la Terre France :“La multiplicité des auditions tenues lors de cette commission d’enquête a permis de mettre en lumière non seulement l’étendue des conséquences néfastes des activités de Total, mais aussi la …
Victoire d’étape dans le procès climatique contre TotalEnergies
Communiqué de presse, Paris, 18 juin – Dans le contentieux climatique engagé par 6 associations et 15 collectivités territoriales contre TotalEnergies, la cour d’appel de Paris a jugé l’action judiciaire recevable. La Cour met fin à une controverse procédurale qui risquait de priver d’effectivité la loi sur le devoir de vigilance et ouvre la voie à l’examen judiciaire du fond de l’affaire. Excepté pour la ville de Paris, la Cour juge toutefois l’action des collectivités territoriales irrecevables. English version : Press release En janvier 2020, une coalition d’associations et de collectivités territoriales (1) a assigné TotalEnergies en justice, rejointe depuis par les collectivités de Paris, New-York, Poitiers et Amnesty International France. L’objectif est de contraindre la compagnie pétrolière à prendre les mesures nécessaires pour s’aligner avec l’objectif 1,5°C de l’Accord de Paris, conformément à la loi relative au devoir de vigilance. Le 6 juillet 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a déclaré l’action judiciaire irrecevable selon une interprétation contestée et inquiétante de la loi sur le devoir de vigilance. La coalition s’est tournée vers la cour d’appel. Pour la coalition, la décision de ce jour ouvre la voie au premier procès climatique contre une multinationale en France. Après plusieurs années de procédure, la multinationale va désormais devoir justifier du respect de ses obligations en matière climatique. Vers un jugement au fond sur le devoir de vigilance Le tribunal judiciaire avait considéré que TotalEnergies n’avait pas régulièrement été mise en demeure, au motif que les demandes formulées dans l’assignation n’étaient pas strictement identiques à celles du courrier de mise en demeure envoyé à la multinationale. La cour d’appel a au contraire estimé que TotalEnergies avait été suffisamment avertie avant d’être assignée. Elle a considéré que les demandes présentées au juge devaient se rattacher par un lien suffisant avec celles figurant dans la mise en demeure, s’agissant des risques d’atteintes visés. La Cour a également reconnu qu’il revenait au juge de contrôler le respect par une entreprise de ses obligations au titre de son devoir de vigilance et de porter une appréciation sur les mesures demandées. Cette décision vient mettre fin à une interprétation restrictive de la loi qui, à rebours de l’objectif poursuivi par le législateur de faciliter l’accès à la justice pour les victimes de violations de droits humains et d’atteintes à l’environnement, offrait un échappatoire aux entreprises. Les décisions dans les affaires EDF/Mexique et Suez/Chili ont également été rendues par la cour d’appel. La Cour a jugé l’action recevable dans l’affaire EDF/Mexique, le juge estimant que l’assignation et la mise en demeure pouvaient viser des plans de vigilance différents. En revanche, la Cour a jugé irrecevable l’action des associations dans l’affaire Suez/Chili. La Cour a également jugé que les demandes au titre de la prévention du préjudice écologique étaient recevables. Contrairement à ce que soutenait le juge de la mise en état, l’action peut se fonder à la fois sur le devoir de vigilance et sur le préjudice écologique. La cour ouvre ainsi la voie à un débat sur les mesures devant être adoptées par TotalEnergies pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre impactant le climat. Un accès restreint pour les collectivités Si la ville de Paris s’est vue reconnaître un intérêt à intervenir (2), la Cour a cependant jugé irrecevable l’action des autres collectivités territoriales. Celles-ci n’auraient pas suffisamment démontré l’existence d’une atteinte ou d’un retentissement particulier du réchauffement climatique sur leur territoire. Ainsi, la Cour opère une restriction du droit d’agir en matière climatique même si elle ne ferme pas totalement la porte à l’action des collectivités territoriales. La coalition examinera comment les collectivités territoriales jugées irrecevables pourront continuer à s’impliquer dans ce procès historique qu’elles ont participé à construire. Signataires : Notre Affaire à Tous, Sherpa, France Nature Environnement, ZEA, Amnesty International France et les villes de Paris, Arcueil, Bègles, Bize-Minervois, Correns, Grenoble, La Possession, Mouans-Sartoux, Nanterre, Sevran, Vitry-le-François Notes Les trois décisions concernant les affaires : EDF/Mexique, Suez/Chili et TotalEnergies/Changement climatique seront analysées lors d’un webinaire organisé par les trois coalitions le mardi 9 juillet de 18h à 19h30. Inscriptions sur : https://bit.ly/3Xqxig4 (1) Sherpa, Amnesty International France, France Nature Environnement, Notre Affaire à Tous, ZEA, les Eco Maires et les villes de Paris, New York, Arcueil, Bayonne, Bègles, Bize-Minervois, Centre Val de Loire, Correns, Est-Ensemble Grand Paris, Grenoble, La Possession, Mouans-Sartoux, Nanterre, Sevran et Vitry-le-François. (2) La ville de Paris a rejoint l’action en justice en septembre 2022 en tant qu’intervenante volontaire, ce qui lui permet de soutenir les prétentions des demanderesses sans formuler de demandes propres. Lire la décision Contacts presse Sherpa : Théa Bounfour, chargée de contentieux et de plaidoyer, thea.bounfour@asso-sherpa.orgNotre Affaire à Tous : Justine Ripoll, responsable de campagnes, justine.ripoll@notreaffaireatous.org
IMPACTS – Quels traitements pour les pertes et préjudices ? Historique international et expériences locales dans les Outre-mer français
Les conséquences des changements climatiques sont déjà visibles. Notre Affaire à Tous met régulièrement en avant les différences d’impacts et les inégalités qui y sont liées, tant au niveau international que national. Si nous sommes toutes et tous concernées par le réchauffement climatique, nous ne sommes pas tous responsables au même niveau ni n’avons les mêmes moyens (financiers mais aussi sociaux, juridiques, etc.) pour nous protéger de ces conséquences ou nous adapter. Ces questions sont anciennes et de plus en plus abordées et documentées, notamment au niveau international. On parle de pertes et préjudices (loss and damages), c’est-à-dire les conséquences du changement climatique qui ne peuvent être évitées ce qui amène la question des réparations des préjudices subis (perte de revenus à cause d’une inondation ou d’une vague de chaleur) et celles des compensations pour les pertes qui ne peuvent pas toujours être évaluées en termes économiques (vies humaines ou non, perte d’une culture, etc.). Cependant, si ces problématiques sont bien présentes dans les discussions, leur prise en compte effective et leur intégration dans des plans d’action concrets sont encore trop lentes et limitées. Dans ce numéro d’IMPACTS, dans le cadre d’une clinique Notre Affaire à Tous et des étudiant.e.s de Sciences Po Toulouse (Manon MERLE & Léo RICHER) font un point détaillé sur la question des pertes et préjudices en retraçant notamment son évolution dans le régime climatique. SOMMAIRE Partie 1 – Pertes et préjudices : compenser les inégalités climatiques au niveau international La lente consécration des pertes et préjudices comme troisième pilier du régime climatique international : retour sur l’historique de la mise à l’agenda1. Années 1990 : La lutte des PEID pour la reconnaissance de leur particulière vulnérabilité aux effets résiduels des changements climatiques2. Premières apparitions de l’expression « loss and damage » dans la soft law : de la COP de Bali en 2007 à la création du Mécanisme international de Varsovie en 20133. La consécration des pertes et préjudices comme troisième pilier de l’action climatique internationale avec l’Accord de Paris de 20154. L’application concrète de ce troisième pilier : la création du Fonds pour les pertes et préjudices à la COP 27 Compenser les pertes et préjudices ?1. Le refus de la responsabilité et le choix de la solidarité internationale2. Dans le cadre de la CCNUCC, une évolution laborieuse du traitement financier des pertes et préjudices depuis la COP 213. Le Fonds pour les pertes et préjudices4. Compenser les pertes non-économiques Partie 2 – Le cas des Outre-mer français La vulnérabilité des Outre-mer au changement climatique L’exclusion des Outre-mer de la diplomatie internationale sur le climat Partie 3 – Le cas de Mayotte Mayotte, territoire insulaire français Situation socio-économique La préparation de Mayotte aux changements climatiques et les pertes et préjudices1. Un habitat fragile face aux évènements climatiques extrêmes2. La crise de l’eau de 2023 : une crise révélatrice d’une mal-adaptation3. Les pertes et préjudices auxquelles Mayotte fait ou fera face Conclusion Bibliographie La Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) adoptée en 1992 à l’issue du Sommet de la Terre de Rio, constitue le socle du régime international de la lutte contre les changements climatiques. Ce régime est complété par deux autres traités, à savoir le Protocole de Kyoto (1997) et l’Accord de Paris (2015). Sur la base du premier rapport du Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) paru en 1990, les Nations Unies reconnaissent au sein de la CCNUCC un principe devenu notoire, celui des responsabilités communes mais différenciées des parties à la convention dans la contribution aux changements climatiques. En conséquence, il appartient « aux pays développés parties d’être à l’avant-garde de la lutte contre les changements climatiques et leurs effets néfastes » (Article 3 de la CCNUCC). L’action climatique a d’abord été concentrée sur une stratégie d’atténuation des changements climatiques, c’est-à-dire de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), fondée sur l’idée que les effets des changements climatiques pouvaient être évités. Puis, l’échec des politiques d’atténuation, et de l’existence future d’effets inévitables des changements climatiques, font prendre acte aux Etats parties à la CCNUCC de la nécessité de se préparer face à ces effets néfastes. L’adaptation devient alors le second pilier du régime climatique international au côté de l’atténuation. Il est définitivement entériné en 2010 avec la création du Cadre de l’adaptation de Cancún. En parallèle, est discuté au sein des négociations internationales la reconnaissance d’effets résiduels des changements climatiques, c’est-à-dire d’effets qui se produisent et se produiront en dépit de la mise en place de politiques d’atténuation et d’adaptation, aussi conceptualisés sous le vocable de « pertes et préjudices ». Ces effets résiduels peuvent être les conséquences d’événements climatiques extrêmes (ouragans, typhons, submersions, etc.) comme de phénomènes climatiques à évolution lente (montée du niveau des mers, salinisation des sols, etc.). Pour comprendre rapidement et concrètement ce que sont ces pertes et préjudices, il est courant de les distinguer en deux catégories : d’une part, les pertes et préjudices économiques (destruction d’infrastructures, pertes de revenus, etc.) et d’autre part les pertes et préjudices non-économiques (perte de souveraineté, perte d’identité culturelle, etc.), donc difficilement évaluables en termes monétaires. Nous reviendrons sur la construction de cette définition au cours de l’article. L’identification et la compensation des pertes et préjudices devient le troisième pilier du régime climatique international en 2015 avec l’adoption de l’Accord de Paris. Or, si l’établissement de ce troisième pilier est le plus récent, et que la décision de mettre en place un Fonds dédié au traitement des pertes et préjudices n’est intervenu qu’à l’issue de la COP 27 (et qu’il n’est pas encore opérationnel), des débats, concernant la reconnaissance de dommages inévitables futurs et la mise en place de mécanismes d’assurance pour y faire face, animent les négociations internationales dès le Sommet de la Terre de Rio de 1992. Ces questions, portées par des Etats particulièrement vulnérables aux effets des changements climatiques, s’accompagnent au départ d’une demande d’implémentation de mécanismes assurantiels, auxquels seraient soumis à participation les Etats développés, opérant par là la …
Bien vivre à Pierre-Bénite, PFAS contre terre et Notre Affaire à Tous, demandent l’annulation et la suspension par la justice de l’extension de l’activité PFAS de Daikin
Communiqué de Notre Affaire à Tous, Bien vivre à Pierre-Bénite et PFAS contre terre, 3 juin 2024, 4 juin 2024 – Vendredi 31 mai 2024, Bien vivre à Pierre-Bénite avec les contributions du collectif PFAS contre terre et de Notre Affaire à Tous, dépose un recours contentieux à l’encontre de l’arrêté préfectoral du 1er février 2024 laissant DAIKIN CHEMICALS FRANCE étendre son activité sur le site d’Oullins-Pierre-Bénite. La suspension immédiate, pour défaut d’étude d’impact, est également demandée. Il est irresponsable de laisser cet industriel producteur de PFAS augmenter sa production alors qu’il se situe dans la zone la plus contaminée de France par les “polluants éternels” (Le Monde). L’arrêté préfectoral contesté (n° DDPP-DREAL 2024-19) prend acte de l’extension et adopte des prescriptions complémentaires accordées à la société Daikin concernant l’exploitation d’une nouvelle unité de production et stockage de produits chimiques. L’arrêté autorise ainsi des rejets supplémentaires de substances chimiques dans l’air et accorde à l’industriel un délai de 36 mois pour proposer un plan de substitution, et non directement la substitution des produits PFAS. Il prévoit également l’impossibilité technico-économique à cette substitution. La journaliste Emilie Rosso (France 3 région AURA), avait révélé le 3 avril 2024 dernier que les produits concernés seraient le bisphénol A fluoré et l’hexafluoropropylène (HPF), deux PFAS. Cette extension fait suite à la relocalisation de l’activité de DAIKIN depuis les Pays-Bas, due à une plus forte réglementation dans ce pays. Il est également nécessaire que la France et l’Europe se dotent d’une réglementation plus exigeante pour protéger les citoyen.nes et donner la priorité à la santé environnementale. Depuis l’émission Vert de Rage révélant la contamination aux PFAS du sud de Lyon, citoyen.nes, associations, syndicats et politiques se mobilisent pour l’interdiction des PFAS et pour établir les responsabilités dans la pollution du sud de Lyon. Le 30 mai dernier, le Sénat a adopté la proposition de loi interdisant l’utilisation de PFAS dès 2026 pour les textiles d’habillement (2030 pour les autres textiles), les produits de fart et les cosmétiques. Les polluants éternels sont à l’origine de graves problèmes pour la santé : cancers, problèmes liés à la thyroïdes, infertilité… Il est donc incompréhensible qu’au moment où la société demande l’interdiction des PFAS, DAIKIN en augmente ses rejets dans l’air. Citation de Jean Paul Massonnat, membre de Bien vivre à Pierre-Bénite : « L’association Bien vivre à Pierre-Bénite a décidé d’attaquer en justice un arrêté qui ne met pas toutes les chances du côté de la population. Après 2 ans de découverte du scandale de la contamination par les PFAS, il est grand temps que les organismes ou les personnes chargés de nous protéger remplissent efficacement leur mission, et rétablissent une confiance qu’ils n’auraient jamais dû perdre. Difficile d’imaginer qu’un industriel agrandisse de 1400m² son unité de production sans inconvénient ? Nous sommes privés d’une enquête environnementale qui aurait permis de lever le voile sur des activités maintenues volontairement dans l’obscurité. Nous, riverains, exigeons de la transparence.” Citation de Camille Panisset, secrétaire de Notre Affaire à Tous – Lyon : “Pour les riverains mobilisés depuis deux ans contre la pollution aux PFAS, l’extension de l’activité de DAIKIN prouve une nouvelle fois l’irresponsabilité des industriels et la complaisance de la Préfecture face à l’augmentation des rejets de PFAS nocifs pour leur santé et le vivant en général. La situation lyonnaise est en total décalage avec la prise de conscience nationale du scandale des PFAS, au moment même où le législateur s’en saisit. ” Le collectif PFAS contre terre apporte son soutien à cette action en justice, par une pétition : “Cette nouvelle unité de production est un véritable scandale dans le scandale car rendue opérationnelle par l’État dans le mépris total des populations riveraines contaminées. La préfecture affirme que « cette unité ne conduit pas à des rejets [de molécules PFAS] dans l’eau » alors que ce sont les rejets aériens qui sont dénoncés s’agissant de Daikin. Est-ce cela le « crime industriel facilité par l’État ? ». Initiative citoyenne, Bien vivre à Pierre-Bénite, PFAS contre terre et Notre Affaire à Tous sont mobilisés au nom du principe de précaution pour annuler cet arrêté préfectoral incompréhensible qui fait monter d’un cran la mobilisation et la colère des riverains. La demande de suspension sera examinée par le Tribunal administratif de Lyon le 17 juin prochain. Contact presse Marine Coynel, chargée de communication de Notre Affaire à Tous :marine.coynel@notreaffaireatous.org
Numéro 20 de la newsletter des affaires climatiques et environnementales – Point sur les procès climatiques à travers le monde
S’abonner à la newsletter Affaires climatiques et environnementales Chères lectrices, chers lecteurs, Quelques mois avant le dixième anniversaire de l’association, nous sommes heureuses et heureux de vous présenter notre vingtième numéro de la newsletter des affaires climatiques et environnementales. La première newsletter, publiée en mai 2019, portait sur les victoires de la justice climatique. Ces premiers opus étaient uniquement accès autour du contentieux climatique. Puis, nous avons élargi notre champ de travail à l’ensemble des contentieux environnementaux, comme le fait Notre Affaire à Tous, tout en restant orientés vers les contentieux systémiques. Aujourd’hui, dans ce vingtième numéro, nous souhaitions revenir sur l’évolution des contentieux climatiques, durant ces cinq dernières années et sur les perspectives qu’ils ouvrent. En outre, comme à l’accoutumée, vous retrouverez un panorama des dernières décisions de contentieux climatiques et environnementaux, en France et à travers le monde. Très bonne lecture et merci d’être toujours aussi nombreux et nombreuses à lire ce courrier ! Et si vous souhaitez, vous aussi, vous investir dans la rédaction des prochains numéros, c’est par ici. Sandy Cassan-Barnel, co-référente du groupe de travail veille-international Sommaire Focus : Point sur les procès climatiques à travers le mondeAffaires Climatiques Smith v Frontera New Zealand Supreme Court Dernière décision dans l’Affaire du Siècle Prononcés dans les affaires de Grande Chambre concernant le changement climatique à la Cour Européenne des Droits de l’Homme La publicité de Lufthansa interdite pour greenwashing par l’autorité britannique de régulation de la publicité Le Tribunal international sur le droit de la mer a rendu un avis historique sur les obligations des États au regard des effets du changement climatique sur les milieux marins Affaires Environnementales Le Conseil d’État ordonne l’enfouissement des déchets toxiques sur le site de Stocamine Rapport de la Cour de cassation sur le traitement pénal du contentieux de l’environnement Le recours d’un groupe de 145 Camerounais contre les agissements du groupe Bolloré Thomas c. EPA recours contre les permis délivrés par l’Agence de protection de l’environnement guyanaise (EPA) à Esso Exploration Recours contre le permis de forage du champ gazier de Barossa, en Australie, pour non consultation des populations autochtones Décision du Conseil d’État relative aux soulèvements de la Terre Focus : Point sur les procès climatiques à travers le monde Alors que la crise climatique continue de s’aggraver et que les gouvernements du monde entier peinent souvent à adopter des mesures adéquates, les tribunaux s’imposent comme des arènes clés pour contester l’inaction et exiger des actions concrètes en faveur du climat. Le dernier rapport sur les tendances mondiales en matière de contentieux climatiques, publié en juin 2023 par la London School of Economics, a répertorié 2341 cas (tous défendeurs confondus), dont les deux tiers ont été initiés depuis 2015, année de la signature de l’Accord de Paris sur le climat. Il relève par ailleurs que seulement 24 juridictions étaient représentées dans le rapport en 2017, contre 39 en 2020 et 65 en 2023. Ce dernier rapport du PNUE et du Sabin Center met en évidence la véritable internationalisation des contentieux climatiques ; ces contentieux dont « le scope ne cesse de s’étendre » offrent ainsi « une voie possible pour s’attaquer aux réponses inadéquates des gouvernements et du le secteur privé à la crise climatique ». Cette augmentation notable des litiges climatiques souligne l’urgence croissante de la situation. Lire le focus Affaires climatiques Smith v Frontera New Zealand Supreme Court La Cour suprême de Nouvelle-Zélande a rendu, le 7 février 2024, une importante décision ouvrant la voie à un procès en responsabilité civile contre les sept sociétés néo-zélandaises les plus émettrices de gaz à effet de serre en raison des dommages causés par leurs émissions de gaz à effet de serre. Lire l’article Dernière décision dans l’Affaire du Siècle Le 22 décembre 2023, le tribunal administratif s’est prononcé sur la question de savoir si le Gouvernement français avait correctement exécuté la décision du 14 octobre 2021 dans lequel le tribunal sanctionnait l’Etat français pour manquement à ses obligations en matière de lutte contre le changement climatique. Lire l’article Prononcés dans les affaires de Grande Chambre concernant le changement climatique à la Cour Européenne des Droits de l’Homme Le 9 avril 2024, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a statué sur trois affaires climatiques : Verein KlimaSeniorinnen Schweiz et autres c. Suisse [GC], Duarte Agostinho et autres c. Portugal et 32 autres, et Carême c. France. Si elle a jugé les deux dernières irrecevables, la Cour a rendu une décision de fond concernant l’affaire portée par l’association KlimaSeniorinnen. Marquant un tournant historique en matière de justice climatique, la Cour a conclu à une violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme par la Suisse. Ainsi, la Cour reconnaît le droit des individus d’être protégés par l’État contre les effets du changement climatique. Lire l’article La publicité de Lufthansa interdite pour greenwashing par l’autorité britannique de régulation de la publicité En mars 2023, Lufthansa, compagnie aérienne allemande, se fait épingler pour greenwashing par l’Advertising Standards Authority (ci-après ASA), l’agence chargée de la régulation de l’industrie de la publicité au Royaume-Uni. Celle-ci estime qu’une affiche publicitaire pour la compagnie a pour conséquence de donner une image trompeuse de l’impact sur l’environnement des activités conduites par Lufthansa. Les mesures prises par Lufthansa ne sont pas cohérentes avec l’impression que donne la publicité. Lire l’article Le Tribunal international sur le droit de la mer a rendu un avis historique sur les obligations des États au regard des effets du changement climatique sur les milieux marins Le 21 mai 2024, le Tribunal international sur le droit de la mer a rendu un avis reconnaissant et explicitant les obligations des États, individuelles et collectives, de prévenir, réduire et maîtriser les émissions de gaz à effet de serre et leur impact sur les milieux marins. Même si ce ne sont que des obligations de moyens qui obligent les États, le Tribunal insiste sur le niveau élevé de diligence requise et l’obligation des États de faire …
Affaire du Siècle : un pourvoi en cassation pour une justice climatique cohérente et ambitieuse
Communiqué de presse, 21 mai 2024 – Face au maintien d’une politique environnementale inadaptée et à la décision inquiétante du Tribunal administratif de Paris de ne pas utiliser tous les leviers à sa disposition pour évaluer la trajectoire climatique de la France, les organisations de l’Affaire du Siècle (Notre Affaire À Tous, Greenpeace France, Oxfam France) avaient annoncé leur pourvoi en cassation il y a quelques semaines. Aujourd’hui, elles déposent leur mémoire complémentaire au Conseil d’Etat. En décembre 2023, le Tribunal administratif de Paris a statué que l’État avait respecté le jugement de 2021, car le surplus d’émissions de gaz à effet de serre a été compensé, bien qu’avec un an de retard. En choisissant d’adopter une vision simpliste du jugement de 2021, le tribunal se refuse à prendre en compte de nombreux paramètres pourtant déterminants dans l’évaluation des engagements climatiques de l’Etat. C’est la raison pour laquelle les organisations de l’Affaire du Siècle demandent au Conseil d’Etat de réexaminer l’exécution de la condamnation de 2021 à la lumière de ces paramètres – en cohérence avec les constats de la condamnation renouvelée de l’Etat en mai 2023. Tout d’abord, le Tribunal administratif de Paris n’a pas pris en compte l’origine des baisses récentes d’émissions ayant permis de compenser le retard pris entre 2015 et 2018. Or, rien qu’en 2021 et 2022, ces baisses étaient dues à 74% à des facteurs conjoncturels (1). L’Etat avait été jugé comme responsable du préjudice, c’est donc bien à lui de le réparer et il ne devrait pas pouvoir profiter de facteurs extérieurs, comme la crise du Covid ou l’inflation, pour atteindre cet objectif. C’est la responsabilité de l’Etat dans la réparation qui devrait être jugée et non pas la réparation elle-même. Le jugement de 2021 ordonnait également à l’Etat de prendre des mesures pour prévenir l’aggravation dudit préjudice. Pourtant, dans sa décision de décembre 2023, le tribunal a refusé de prendre en compte l’absence de mesures structurelles pour prévenir et compenser la diminution considérable de la capacité d’absorption des puits de carbone ces dernières années, qui s’est traduite depuis la condamnation de 2021 par une aggravation du préjudice écologique. Pour finir, les Ministères n’ont pas eu à prouver avec certitude que les mesures prises vont permettre à la France de respecter les objectifs climatiques fixés. D’après les organisations de l’Affaire du Siècle, le tribunal aurait dû exiger ces preuves et ne pas fonder son jugement sur une “tendance” avancée par l’Etat. Ces preuves sont d’autant plus nécessaires que les données environnementales semblent indiquer que sans l’effet des facteurs conjoncturels, les émissions vont de nouveau augmenter et que le préjudice écologique tendra à s’aggraver dans le futur. Une jurisprudence dangereuse pour l’avenir de la justice climatique Ce pourvoi en cassation est important car la décision du Tribunal administratif de Paris représente une jurisprudence inquiétante. Pour Jean-François Julliard, directeur de Greenpeace France, “elle laisse penser qu’une transition climatique non-planifiée est une solution suffisante à la crise environnementale. Elle permet à l’Etat de profiter d’événements conjoncturels, comme une météo clémente, un conflit armé ou une crise économique majeure, pour ne pas avoir à rehausser son ambition climatique et ne pas mener de politiques publiques plus fortes”. De plus, comme le rappelle Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France, “le manque de mesures structurantes et ambitieuses de l’Etat condamne la France à subir les conséquences du changement climatique, et ce de manière plus violente pour les populations déjà précaires” Les organisations estiment que le Tribunal administratif de Paris ne s’est pas laissé le temps et les moyens de bien examiner l’exécution du jugement de 2021 et qu’elles n’ont donc pas eu le droit à un procès équitable. Les tribunaux ont le pouvoir de faire agir les décideurs politiques Depuis plus de dix ans, plusieurs recours juridiques ont montré dans le monde entier que la justice était un des leviers pour faire face à la crise climatique. Le dernier en date est la victoire historique de l’association suisse Aînées pour la protection du climat devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme. En condamnant la Suisse pour inaction climatique, la Cour Européenne des Droits de l’Homme reconnaît que le changement climatique constitue une menace pour les droits fondamentaux des citoyens et citoyennes. “Cette décision est un signal fort envoyé aux Etats mais également aux juridictions nationales. Nous demandons à la justice française qu’elle se montre à la hauteur des enjeux démocratiques et des attentes des citoyens et citoyennes, comme elle l’avait fait en 2021”, conclut Jérémie Suissa, délégué général de Notre Affaire à Tous. Consulter le mémoire complémentaire Notes (1) Rapport du collectif éclaircies : “L’Etat a-t-il réparé le préjudice écologique ? Analyse des causes conjoncturelles et structurelles des réductions d’émissions 2021-2022” – 2023. Rapport annuel du Haut Conseil pour le Climat : “Acter l’urgence, engager les moyens” – 2023 Contacts presse Notre Affaire à Tous : Justine Ripoll – justine.ripoll@notreaffaireatous.org
AG de BNP : des engagements pour le climat qui se font toujours attendre
Au lendemain de la parution du rapport annuel Banking On Climate Chaos, dans lequel nous apprenons que BNP poursuit ses financements à l’expansion des énergies fossiles, nous étions présent·es à l’Assemblée générale annuelle de la banque pour lui demander de rendre des comptes. Malgré ce qu’elle prétend, BNP n’a pas fermé la porte à l’expansion des énergies fossiles Cette Assemblée générale s’est tenue au lendemain de la publication du rapport annuel Banking On Climate Chaos, l’analyse mondiale la plus large et détaillée sur les financements aux énergies fossiles. Ce rapport est publié par 8 organisations dont Reclaim Finance, et soutenu par 589 organisations dont les Amis de la Terre France. Dans cette nouvelle édition, nous apprenons que BNP Paribas était, entre 2021 et 2023, la première banque française à avoir soutenu financièrement l’expansion des énergies fossiles, avec un total de 23,9 milliards de dollars. BNP continue d’entretenir des liaisons dangereuses avec Total, en témoignent d’importantes transactions financières – BNP était entre 2021 et 2023 le premier financeur mondial de Total –, mais aussi le siège de Jean Lemierre, président de BNP, au Conseil d’administration de la multinationale. Par ailleurs, les financements toxiques de BNP dépassent les frontières. Elle est en effet l’un des principaux financeurs de Saudi Aramco, premier producteur mondial de pétrole et de gaz. Mais le mastodonte pétrolier saoudien n’est pas le seul partner in crime de BNP. La major pétro-gazière italienne Eni, impliquée dans pas moins de 11 bombes climatiques, a aussi profité, en décembre 2023, d’un prêt de 3 milliards de dollars auquel a participé BNP. Avec au total 10,3 milliards de dollars accordés entre 2021 et 2023, BNP Paribas se hisse au rang de 3e financeur mondial des majors et des grandes entreprises publiques pétrolières et gazières. C’est essentiellement via les prêts et les émissions d’obligations que BNP Paribas continue de soutenir le développement des énergies fossiles. Ainsi, si la banque s’est engagée à ne plus soutenir de projets de pétrole et de gaz, elle continue de nous conduire tout droit vers un monde à + 4 °C, à travers ses financements aux entreprises actives dans des projets de production et de transport d’énergies fossiles. Les scientifiques et étudiant·es à l’AG de la banque d’un monde qui brûle Suite à leur tribune publiée fin 2023, les quelques 1240 étudiant·es qui déclaraient alors refuser de travailler pour BNP Paribas aussi longtemps que la banque financera le développement des énergies fossiles, n’avaient pas obtenu de réponse à leurs préoccupations. Pour faire entendre leurs voix, une cinquantaine d’étudiant·es ont, en amont de l’AG, soumis des questions publiques à la direction de BNP. Émilie et Hermès, étudiant·es à l’école CentraleSupélec, ont même été contraint·es de devenir actionnaires et se sont rendu·es à l’AG ce 14 mai 2024. La communauté scientifique – avec le collectif Scientifiques en Rébellion – s’est elle aussi invitée à la « fête », après avoir demandé à plusieurs reprises des comptes à BNP. 600 scientifiques et des membres du GIEC avaient en effet déjà appelé le Conseil d’administration de BNP Paribas à mettre un point final à ses soutiens à l’expansion des énergies fossiles, dans une lettre et des questions publiques. Le simple rappel par les scientifiques présents dans l’AG des conclusions claires du GIEC et de l’Agence internationale de l’énergie, selon lesquels aucun nouveau projet d’énergies fossiles ne doit être financé pour avoir une chance de limiter le réchauffement climatique bien en-dessous de 2°C, a été accueilli par des huées des actionnaires (1). Face à nos interpellations, des réponses insuffisantes Aux questions des étudiant·es, des scientifiques, comme de nos ONG, la même réponse de BNP (2). D’une part, la banque semble d’accord avec le consensus scientifique, puisqu’elle déclare : « notre objectif est que nos financements ne puissent en aucun cas contribuer à de nouvelles capacités pétro-gazières » (3). La banque reconnaît ainsi la nécessité de mettre fin aux financements indirects du développement des énergies fossiles, via les financements non-fléchés ou généraux aux entreprises responsables de ce développement. Mieux encore, en réponse à nos questions écrites, la banque dit « s’abstenir de participer aux émissions obligataires conventionnelles du secteur pétrolier et gazier » (4). Cependant, elle n’inscrit pas cette déclaration comme un engagement ferme dans une politique sectorielle ou dans son plan de vigilance. Elle laisse ainsi ouverte la possibilité d’émettre de futures obligations à des entreprises qui développent des nouveaux projets fossiles. Où sont les garanties que ses financements n’augmenteront pas à l’avenir ? De plus, il s’agirait de prendre un tel engagement sur l’ensemble de ses services financiers, y compris les prêts, qui représentaient 54 % des financements de BNP Paribas à l’expansion fossile entre 2021 et 2023. BNP a certes diminué en 2023 ses financements à l’industrie du pétrole et du gaz et, grâce à la pression citoyenne, semble enfin reconnaître la nécessité de sortir des énergies fossiles. Mais elle doit aller plus loin encore, en actant fermement et définitivement la fin de toute forme de soutien aux développeurs de projets d’énergies fossiles. BNP ferait ainsi figure de cheffe de file et inciterait l’ensemble des acteurs du secteur financier à opérer le nécessaire virage vers une finance durable. Alors, dans l’objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050 telle qu’elle s’y est engagée en rejoignant la Glasgow Financial Alliance For Net Zero (GFANZ) en 2021, et étant donné que des progrès ont été faits et que la banque semble aller vers la bonne direction, pourquoi camper sur une logique de choix au cas par cas et ne pas traduire cette tendance prometteuse dans un engagement ferme sur la fin de tout soutien à l’expansion des énergies fossiles ? Le directeur de BNP Paribas, Jean-Laurent Bonnafé, déclarait sous serment au Sénat début mai que sa banque « ne finance plus l’expansion des hydrocarbures » (5). Les chiffres montrent sans appel que c’est faux, BNP doit désormais s’employer en faire une réalité. Alors que les impacts des dérèglements climatiques sont de plus en plus prégnants et dramatiques, nous appelons BNP Paribas à poursuivre ses progrès et à aller plus loin, en s’engageant fermement et officiellement à cesser toute forme de soutien à l’expansion de …
Deux ans après le début du scandale des PFAS : mobilisation collective à Lyon et nouvelle étape judiciaire
Communiqué de presse de Notre Affaire à Tous, 14 avril 2024 – Ce lundi 13 mai 2024, deux ans après la diffusion du reportage de “Vert de rage” qui a révélé une contamination d’ampleur aux polluants éternels (PFAS) dans la Vallée de la chimie au sud de Lyon. Notre Affaire à Tous a invité les collectifs locaux à faire le bilan de ces deux premières années de lutte. Cette soirée marque ainsi une étape importante de ce combat historique dans la région, berceau de la mobilisation nationale sur les PFAS. L’occasion pour l’association d’annoncer une nouvelle étape sur le plan juridique, puisqu’en parallèle du référé pénal environnemental lancé il y a deux ans, elle se constitue aujourd’hui partie civile aux côtés de cinq associations et trente-quatre victimes dans la procédure pénale en cours. Retour sur cette soirée de mobilisation. En présence d’une cinquantaine de riverain.e.s concernées par cette contamination, mais aussi d’acteurs institutionnels, scientifiques et politiques, la soirée a débuté par une table-ronde réunissant Martin Boudot (le réalisateur de Vert de rage), Gwenola Le Naour (sociologue ayant suivi les mobilisation citoyennes) et Stéphanie Escoffier (requérante contre l’entreprise Arkema, habitant Oullins et dont le lait maternel a été contaminé). Plusieurs collectifs locaux, environnementalistes, de riverain.e.s, ou de désobéissance civile, ont ensuite pris la parole pour témoigner de leurs actions de mobilisation contre les PFAS et leurs producteurs. Ces échanges ont permis de mettre en lumière les nombreux modes d’action, dont plusieurs sur lesquels se positionne déjà Notre Affaire à Tous depuis deux ans et pour les mois à venir. Dès mai 2022, Notre Affaire à Tous, notamment via son groupe lyonnais, s’est engagée dans une démarche judiciaire en portant un référé collectif contre Arkema, une des deux entreprises productrices de PFAS. A travers ce recours, Notre Affaire à Tous et les 56 co-requérants du référé (agriculteurs locaux, syndicats, mères de famille et victimes malades de la pollution, associations de riverains…) souhaitent faire appliquer le principe pollueur-payeur et établir les preuves de la contamination dans le plus grand hotspot français, aux frais de l’entreprise. Aujourd’hui, c’est à nouveau aux côtés de 39 requérants que l’association souhaite porter la voix de la société civile au sein de l’enquête pénale ouverte, afin de demander réparation des préjudices subis par les riverain.e.s et l’environnement. Cela marque une nouvelle étape dans la lutte contre les PFAS vers la fin de l’impunité des industriels à l’origine de ce scandale. Par ailleurs, Notre Affaire à Tous s’engage pour qu’un tel scandale ne se reproduise pas et pour remettre les citoyen.ne.s au cœur de la connaissance et de la gouvernance des risques industriels. L’association publie ainsi un manifeste pour la création d’un institut écocitoyen local, fruit d’un travail collectif construit au fil d’ateliers éco-citoyens menés dans la Vallée de la chimie depuis 2022, sur lesquels nous nous sommes appuyées pour formuler cinq propositions visant à alimenter les discussions locales. Pour Emma Feyeux, présidente de Notre Affaire à Tous – Lyon, “les rencontres que nous avons organisées avec les citoyen.ne.s et la société civile de la région lyonnaise nous l’ont démontré de manière limpide : pour sortir du piège mortel des pollutions industrielles, il faut associer les citoyen.ne.s et les scientifiques à la prise de décision. Le modèle d’institut écocitoyen a déjà fait ses preuves, il est temps que notre territoire, champion national des pollutions PFAS, se donne les moyens d’aller de l’avant”. Aux États-Unis, le scandale date du début des années 2000 : les discussions contentieuses et réglementaires ne sont pas encore terminées. En France, deux ans après la révélation du scandale, les avancées sont encore timides, la proposition de loi encore en discussion a été vidée d’une grande partie de son ambition par les lobbies industriels, et les freins sont encore nombreux pour traiter le problème à la hauteur des enjeux sanitaires et environnementaux qu’il engage. Lire le manifeste La synthèse du manifeste et nos 5 recommandations Contact presse Emma Feyeux, Présidente de Notre Affaire à Tous – Lyon : emma.feyeux@notreaffaireatous.org
Pesticides : l’agrochimie vole (encore) au secours de l’État pour garantir son inaction, confirmée par le plan Ecophyto 2030
Communiqué de presse, Paris, lundi 06 mai 2024 – Phyteis, le lobby de l’agrochimie en France, a confirmé ce vendredi 3 mai sa volonté d’intervenir, en appel, dans le recours Justice pour le Vivant introduit par un collectif de cinq ONG contre l’inaction de l’Etat face à l’effondrement de la biodiversité en cours. Comme en première instance, l’industrie apporte son soutien au gouvernement pour assurer que rien ne change au modèle d’évaluation, d’autorisation et d’usage des pesticides en France. Le plan Ecophyto 2030, annoncé aujourd’hui, symbolise les renoncements de l’État et son choix de l’inaction face à l’effondrement de la biodiversité. Phyteis s’invite une fois encore dans le recours Justice pour le Vivant, cette fois-ci en appel, en déposant ce vendredi 3 mai un mémoire en intervention pour défendre les intérêts des géants de l’agrochimie (Bayer-Monsanto, Syngenta-Chemchina, BASF…), et voler au secours du gouvernement. Après le jugement historique rendu le 29 juin 2023 par le Tribunal administratif de Paris, qui a reconnu la responsabilité de l’État dans l’effondrement du Vivant, et ses insuffisances dans l’évaluation des risques sur les pesticides – POLLINIS, Notre Affaire à Tous, ANPER TOS, ASPAS et Biodiversité sous nos pieds – ont fait appel devant la Cour administrative d’appel de Paris pour obliger l’État à corriger les failles du système d’homologation des pesticides. Le gouvernement, condamné à réduire l’usage des pesticides sur son territoire, a, lui aussi, fait appel de la décision, et vient de proposer un nouveau plan Ecophyto qui ne permettra pas d’enrayer l’effondrement de la biodiversité. « Cette nouvelle intervention de Phyteis, prouve que le système d’homologation des pesticides mis en œuvre répond aux impératifs économiques des firmes de l’agrochimie – et donne un accès libre sur le marché à des substances toxiques au détriment de la protection de la biodiversité. Tant qu’une « coalition » agrochimie – État perdure et que le gouvernement s’enfonce dans l’inaction, nous continuerons à défendre devant la justice la biodiversité et les intérêts du Vivant » martèlent les associations. Ecophyto 2030 Dans sa décision du 29 juin 2023, le tribunal a enjoint l’État à prendre avant le 30 juin 2024 « toutes les mesures utiles » afin de respecter les objectifs de réduction de l’usage des pesticides notamment prévus par les plans Ecophyto et pour protéger, comme la loi l’y oblige, les eaux souterraines des pesticides et de leurs résidus. L’appel de l’État refusant ce jugement et le contenu du plan Ecophyto 2030 démontrent son manque de volonté politique. « Le plan Ecophyto 2030 annoncé aujourd’hui ne limitera pas l’impact des pesticides sur la biodiversité, et ignore complètement le jugement de Justice pour le Vivant, dénoncent les associations. Il n’intègre aucune stratégie d’amélioration de l’évaluation des risques des pesticides en France, dont le Tribunal administratif avait pointé les limites, se fixant des objectifs à un échelon européen qu’il ne maîtrise pas alors qu’il a la possibilité d’agir dès maintenant au niveau national ; et il choisit l’indicateur HRI1 – dont l’adoption a été saluée par Phyteis –, qui ne permettra pas de mesurer de réelle diminution de l’usage des pesticides, alors qu’il a été condamné à renouer avec les précédents objectifs de réduction ». Une révision de l’évaluation des risques des pesticides est indispensable à toute politique de limitation de l’impact des pesticides sur la biodiversité, et une obligation soulignée par un récent arrêt (C-308/22) de la Cour de Justice de l’Union Européenne. Selon cet arrêt, l’Etat ne peut se contenter d’une évaluation des risques ne tenant pas compte « des données scientifiques disponibles les plus fiables ainsi que des résultats les plus récents de la recherche internationale ». En première instance, Phyteis avait défendu le gouvernement avec zèle et avait usé de la stratégie du doute afin de brouiller les cartes et nier, malgré les études scientifiques établies, le rôle majeur des pesticides dans le déclin de la biodiversité. Symbole fort : l’avocat de Phyteis était le seul présent pour défendre le gouvernement le 1ᵉʳ juin 2023 lors de l’audience. Joignant à nouveau ses forces à celles du gouvernement, Phyteis a demandé à intervenir et a produit un mémoire dans chacune des deux procédures en appel – l’appel des associations et celui de l’État. Les associations de Justice pour le Vivant ont pour le moment un mois pour répondre à ces nouveaux éléments. Contact presse Justine Ripoll – responsable de campagnes :justine.ripoll@notreaffaireatous.org
A69 : Notre Affaire à Tous se joint au contentieux en cours contre l’autorisation environnementale pour dénoncer le déni de démocratie environnementale.
Communiqué de presse, Paris, le 2 mai 2024 – Par des écritures déposées mardi 30 avril devant le tribunal administratif de Toulouse, l’association Notre Affaire à Tous devient intervenante volontaire dans le cadre du recours porté par une coalition d’associations – dont FNE Midi-Pyrénées, le Groupe national de surveillance des arbres (GNSA), ATTAC Tarn et la Confédération paysanne – contre le projet d’autoroute A69. Notre Affaire à Tous souligne que de nombreuses communes qui seront impactées par le projet n’ont pas été consultées dans le cadre de l’enquête publique. En outre, le dossier d’enquête publique mis à disposition du public était d’une particulière complexité et n’a pas permis au public de disposer d’une information claire et pertinente pour se prononcer. Enfin, avec 90% d’opposition, les préfets ne semblent pas avoir tenu compte des observations du public dans leur décision finale, de sorte que l’enquête publique est apparue de pure forme, sans permettre au public de pouvoir exercer une réelle influence. Une intervention volontaire consiste à prendre part à un contentieux en cours devant la juridiction administrative en développant de nouveaux arguments venant étayer le recours initial. Notre Affaire à Tous a ainsi formé une intervention volontaire au soutien de la requête des associations devant le tribunal administratif de Toulouse, en mettant particulièrement en avant le déni de démocratie environnementale entachant le projet A69. Notre Affaire à Tous s’appuie pour cela sur la Convention d’Aarhus et ses deux premiers piliers relatifs à l’information et à la participation du public au processus décisionnel, qui exige notamment que les observations du public concernant les questions environnementales soient dûment prises en considération. Dans un contexte de forte mobilisation des habitants contre un projet portant une atteinte grave à la biodiversité et continuant à promouvoir un modèle climaticide, l’action en justice demeure le seul moyen à la disposition des défenseurs de l’environnement pour faire appliquer correctement le droit et ainsi espérer obtenir l’annulation du projet autoroutier. Alors que Michel Forst, rapporteur spécial des Nations Unies, a dénoncé les violences subies par les « écureuils » occupant pacifiquement les arbres car elles constituent une menace pour la démocratie, il importe de rappeler que le droit à l’information et à la participation du public aux décisions ayant une incidence sur l’environnement est fondamental et doit être respecté, afin que les habitants de Haute-Garonne et du Tarn puissent faire part de leur opposition à ce projet anachronique et climaticide. Or, comme le rappelle Jérémie Suissa, délégué général de Notre Affaire à Tous : « Le projet d’A69 est une illustration flagrante de la logique de déni de démocratie environnementale dans laquelle s’enferme le gouvernement, qui a déclaré la guerre au droit de l’environnement. Il est temps que la Justice rappelle aux pouvoirs publics que les citoyens et citoyennes ont leur mot à dire dans les décisions relatives aux grands projets d’aménagement. » Tandis qu’une commission d’enquête parlementaire sur le montage juridique et financier est en ce moment en train de démontrer les multiples irrégularités entourant la future A69, les porteurs de projet et l’État poursuivent pourtant les travaux de construction sans attendre que le tribunal administratif rende sa décision, attendue en principe cette année. Contact presse Marine YZQUIERDO, avocate et membre du conseil d’administration – marine.yzquierdo@notreaffaireatous.org
Décryptage : un an après son assignation en justice, BNP Paribas appelée à mettre un point final à l’expansion des énergies fossiles
Après avoir mis en demeure BNP Paribas en octobre 2022 (1), nos associations Les Amis de la Terre France, Notre Affaire à Tous et Oxfam France ont assigné la banque en justice pour non-respect de son devoir de vigilance en matière climatique en février 2023 (2). Ce procès est inédit car c’est la première fois qu’une banque est appelée à passer devant le juge pour sa contribution aux changements climatiques.Un peu plus d’un an après notre recours, il y a des avancées ! BNP Paribas a mis à jour sa politique climatique, mais est-ce suffisant pour crier victoire ?Afin que la banque se mette en conformité avec la loi sur le devoir de vigilance, nous lui demandons de cesser de toute urgence d’accorder de nouveaux soutiens financiers directs ou indirects au développement de projets pétroliers et gaziers.Dans le viseur : les entreprises qui ouvrent de nouveaux projets d’énergies fossiles telles que, parmi les plus agressives, Saudi Aramco, Total ou Shell. On les appelle des “développeurs”. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur le climat (GIEC), comme l’Agence internationale de l’énergie (AIE) et les Nations unies, ces groupes œuvrent dangereusement contre la limitation du réchauffement climatique à 1,5 °C et même à 2 °C, et l’atteinte de la neutralité carbone d’ici 2050 – objectifs pourtant inscrits noir sur blanc dans les politiques de BNP Paribas, et qui apparaissent si chers à la banque dans sa communication. Une banque peut apporter 3 principaux types de soutien financier au développement des énergies fossiles. Cela peut être directement via un financement de projet, mais cela peut également passer par un financement à un développeur, que ce dernier peut utiliser librement – le financement n’étant pas dédié à un projet spécifique. Ces financements généraux peuvent prendre la forme d’une émission d’obligations ou d’actions, ou d’un prêt – appelé aussi crédit. Est-ce que BNP Paribas arrête les financements dédiés aux nouveaux projets pétro-gaziers ? Oui… et non En mai 2023, BNP Paribas a pris l’engagement d’arrêter tous les financements de projets “de développement de nouveaux champs pétroliers et gaziers” (3).On décrypte :C’est une étape à relativiser car ces soutiens financiers directs ne représentent que 3,6 % du financement de BNP au secteur fossile – en 2022 (4). BNP peut ainsi continuer à soutenir les entreprises qui portent ces nouveaux projets pétro-gaziers. Si ces financements d’entreprises sont qualifiés d’indirects, ils représentent bien le principal levier de soutien à l’expansion – et de loin. Par ailleurs, BNP Paribas n’a à ce jour exclu de ses financements directs que les projets d’exploration et de production de pétrole et gaz, mais ne s’est pas engagée sur le reste de la chaîne de valeur de cette industrie. Notamment, elle peut encore accorder des financements dédiés à de nouveaux terminaux de gaz liquéfié (GNL), gazoducs ou oléoducs liés à des réserves “conventionnelles” (5). Or ces projets jouent un rôle clé dans l’expansion du secteur : c’est notamment le cas des nouveaux projets de GNL, qui n’ont pas leur place dans le scénario qui vise la neutralité carbone d’ici 2050 de l’AIE. Est-ce que BNP arrête les nouvelles émissions d’obligations ou d’actions des développeurs ? Toujours pas BNP Paribas a affirmé n’avoir “participé à aucune nouvelle émission obligataire au secteur pétrolier et gazier depuis mi-février 2023” (6). Début février 2023 en effet, la banque avait participé à l’émission d’importantes obligations pour les géants Saudi Aramco et BP – respectivement d’un montant total de 4,5 et 2,5 milliards de dollars. On décrypte :C’est une bonne nouvelle ! Car les émissions d’obligations représentent un important levier de financement, notamment pour les grandes majors pétro-gazières. Et car BNP Paribas contribue largement à ces transactions : entre 2016 et 2022, 37 % des financements de la banque à l’industrie des énergies fossiles étaient liés à des émissions d’obligations (7). Malheureusement, en expliquant ne plus avoir participé à une émission obligataire au secteur récemment, BNP semble reconnaître le problème que posent ces services financiers… mais ne s’engage pas pour autant à renoncer à cette pratique nocive dans le futur. Il est donc impératif que ce constat très récent se traduise dans une mesure ferme et officielle, au sein d’une politique sectorielle. C’est d’autant plus urgent que ce type de financements représente souvent des montants élevés, et peut courir sur des années voire des décennies, engageant la responsabilité de BNP Paribas à moyen et long termes. Par ailleurs, BNP Paribas n’a fait aucune communication sur la fin des nouvelles émissions d’actions – bien que celles-ci représentent une part bien moins significative des financements de la banque aux développeurs. Est-ce que BNP arrête les nouveaux prêts aux développeurs ? Non plus La question est simple : est-ce que BNP a arrêté d’octroyer de nouveaux prêts à des entreprises qui, comme Total, prévoient de nouveaux projets de pétrole et gaz ? C’est pourtant là que la communication de BNP Paribas se complique encore. Or quand c’est flou, il y a un loup. La banque communique sur plusieurs éléments relatifs à ses activités de prêts : certains relevant de son flux de nouveaux crédits – c’est-à-dire les nouveaux prêts émis sur une année donnée –, et d’autres sur son stock de crédits existants – c’est à dire les prêts déjà en cours, mais qui peuvent dater de plusieurs années (8). En ce qui concerne son flux de crédits – c’est à dire ce qu’il faut principalement regarder quand on s’intéresse aux nouveaux soutiens de la banque aux développeurs –, BNP Paribas affirme que : “Pour réduire la partie « fossile » de son portefeuille, BNP Paribas a considérablement réduit sa production de nouveaux crédits au secteur pétrolier et gazier en 2023. Par exemple, à fin 2023, le rapport entre les flux de financement octroyés par BNP Paribas aux acteurs spécialisés dans l’extraction et la production pétrolière et gazière et les flux de financement liés aux projets d’énergies renouvelables s’établit à 1 sur 11.” On décrypte : Tout comme les nouvelles émissions d’obligations, BNP semble reconnaître le problème que posent les prêts aux développeurs mais ne s’engage pas pour autant à renoncer à …
