NOS DERNIÈRES ACTUALITÉS
CP / Loi climat résilience : nous avons la responsabilité d’agir pour contre le renoncement climatique, social et démocratique
Le mercredi 10 février, une semaine après que le tribunal administratif ait reconnu la responsabilité de l’Etat français dans la crise climatique, le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets est présenté en Conseil des ministres. Résultat de la Convention Citoyenne pour le Climat la loi climat est décevante, pourtant les propositions de cet exercice démocratique exemplaire auraient dû être reprises de sorte à garantir l’atteinte des objectifs climat dans la justice sociale ; il n’en n’est rien. Au lendemain du jugement de l’Affaire du Siècle, le gouvernement ne peut se contenter de si peu pour justifier son retard dans la lutte contre le changement climatique devant les 2,3 millions de citoyens ayant signé la pétition. Alors que plusieurs enquêtes ont démontré l’influence des lobbies sur ce projet de loi, il apparaît que les 149 propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat sont dénaturées. En l’état, le projet de loi ne reprend qu’une partie des propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat, et nombre d’entre elles sont détricotées, vidées de leur substance ou ne sont présentes qu’à titre d’incitation. Notre affaire à tous se mobilise pour améliorer ce texte et garantir l’action de la France dans la lutte contre le réchauffement climatique et l’atteinte des objectifs fixés. Hier matin, alors que Barbara Pompili terminait son intervention à la radio France Inter en fustigeant les militants écologistes taxé.e.s de “pessimisme”, plusieurs représentants politiques, d’organisations et d’associations dont Notre Affaire A Tous ont tenté de marcher jusqu’à l’Elysée afin de dénoncer le manque d’ambition et de volonté politique que reflète le projet de loi. Sur demande du préfet Lallement, nous y avons été verbalisés. En effet, à bien des égards, le projet est insuffisant, les différents avis rendus le concernant ainsi que l’étude d’impact réaffirment l’impossibilité par ces mesures d’obtenir la baisse prévue de 40% des émissions de gaz à effet de serre, objectif lui-même insuffisant au regard du nouvel objectif européen de -55%. A ce sujet, l’étude du Boston Consulting Group commandité par le MTES affirme que « dans un scénario volontariste, on estime que l’on pourrait atteindre ~339 MtCO2e à horizon 2030, soit une réduction de 38% par rapport au niveau de 1990 (figure 3), proche de l’objectif affiché par le gouvernement » Cette estimation mise sur un changement des comportements volontaristes estimé comme « possible », bien que « cela suppose de mobiliser des moyens politiques, financiers et humains inédits. ». Plutôt qu’une validation de la stratégie du gouvernement, cette nouvelle étude, privée, souligne que les mesures prises par le gouvernement depuis 2017 ne seront à la hauteur des enjeux que si le gouvernement va plus loin que les mesures actuellement prévues. Elle souligne par ailleurs que l’atteinte de l’objectif soutenu par la France au niveau européen de 55% de réduction d’émissions pour 2030 ne sera atteignable qu’avec un “changement de paradigme”, notamment en matière de politique agricole, option que le gouvernement ne soutient pas dans la réforme actuelle de la PAC malgré les appels des militant.e.s écologistes à la réformer en profondeur. Parmi les modifications substantielles aux propositions de la Convention Citoyenne : Plusieurs mécanismes d’amoindrissement sont à l’œuvre, et certains articles abordent des sujets clés sans pour autant concrétiser les outils juridiques permettant de les atteindre. C’est le cas des articles 2 et 3 concernant l’éducation et la sensibilisation : si ceux-ci consacrent la nécessité d’introduire l’environnement au sein de tous les enseignements et de sensibiliser aux enjeux de l’exclusion et de l’environnement, ils ne sont pas pour autant assez précis ou contraignants pour que l’on puisse avoir une idée de leurs implications, et font office d’incitation plus que d’obligations. C’est aussi le cas des nouveaux “rapports sur l’artificialisation des sols” introduits par le projet de loi ; ces rapports sont établis tous les ans par l’autorité en charge du plan local d’urbanisme et permettent d’évaluer l’artificialisation des sols sur le territoire. Pour autant, ils ne sont pas suivis de mesures contraignantes. Certains articles font une place telle aux exceptions qu’ils se trouvent privés d’effets. C’est le cas de l’article 37 concernant les extensions d’infrastructures aéroportuaires, dont la CCC demandait l’interdiction. La rédaction actuelle de l’article ne permet de bloquer aucun projet de notre connaissance, par exemple les extensions de Marseille, Caen et Roissy Charles de Gaulle ne seront pas concernées…Les projets qui entreraient dans cette interdiction font en fait l’objet d’une dérogation prévue dans le projet de loi, comme les aéroports de Beauvais et de Nantes Atlantique ainsi que les infrastructures des DROM. Si l’association salue l’abandon du projet de terminal 4 contre lequel elle lutte depuis près de 2 ans, annoncé ce matin, des garanties juridiques sont attendues. Enfin, certains articles semblent reprendre des mécanismes déjà à l’œuvre en partie, comme l’article qui impose aux documents d’urbanisme la prise en compte de l’artificialisation sur leur territoire alors qu’aujourd’hui ceux-ci doivent déjà faire état d’une gestion économe des sols… Comme attendu, c’est bien l’interprétation la plus faible des ambitions de la Convention Citoyenne pour le Climat qui est traduite dans ce document et si l’article 50 interdit la délivrance d’autorisation d’exploiter pour les structures commerciales qui entraîneraient une artificialisation de plus de 10 000m2 de sols, il n’est fait aucune mention des entrepôts commerciaux. A la création de nouveaux crimes, à la reconnaissance de l’écocide, le gouvernement a préféré proposer un renforcement des dispositions pénales du code de l’environnement en créant de nouveaux délits et rehaussant certaines sanctions aujourd’hui d’ores et déjà prévues. D’une part, le délit de mise en danger de l’environnement semble inopérant, tant les conditions requises pour considérer un comportement comme dangereux sont drastiques. D’autre part, le renforcement des sanctions sur les délits prévus et déjà existants ne touchera que les atteintes à l’environnement répondant aux mêmes conditions de gravité et de durabilité d’au moins dix ans. Enfin le manque de clarté souligné par le CE dans son avis le délit d’écocide prévu répond lui aussi à des conditions extrêmement restrictives, rejetant dans le rayon des délits des …
Extension de Roissy : les ONG demandent des garanties au Gouvernement
Dans une déclaration massivement relayée ce matin du jeudi 11 février, la ministre de la transition écologique a annoncé au Monde “l’abandon du projet de terminal 4”. En parallèle, le Gouvernement aurait demandé au groupe ADP “de lui présenter un nouveau projet”. Les associations prennent acte de cette déclaration, mais s’inquiètent de l’effet d’annonce et s’interrogent sur la teneur du “nouveau projet”, ainsi que sur les garanties juridiques apportées pour qu’il n’y ait pas d’augmentation des capacités d’accueil de Roissy, alors que le Gouvernement se déclare ouvert à cette possibilité. La question de l’extension des capacités de l’aéroport de Roissy reste posée, d’autant que l’article 37 de la loi Climat et Résilience limite son champ d’application aux projets nécessitant une expropriation foncière et laisse la possibilité aux aéroports de prendre en compte la compensation carbone dans leur bilan d’émissions de gaz à effet de serre. Nos associations avaient ainsi alerté le Gouvernement par un courrier en date du 8 février , sans réponse à ce jour. Nous demandons une réponse à ce courrier confirmant l’abandon du projet d’extension de l’aéroport de Roissy ainsi que la modification de la rédaction actuelle de l’article 37 du Projet de Loi Climat qui n’apporte pas les garanties juridiques suffisantes concernant l’extension de l’aéroport de Roissy ou de tout autre aéroport en France (une dizaine de projets en cours actuellement). Contacts presse : Audrey Boehly, Non au Terminal 4 – 06 77 81 49 40Chloé Gerbier, Notre Affaire à Tous – 06 46 43 55 09Agathe Bounfour, Responsable Transport Réseau Action Climat – 0782085677Magali Rubino, Greenpeace France – 07 78 41 78 78Françoise Brochot, ADVOCNAR – 06 79 51 25 60 Signataires : Non au Terminal 4, Notre Affaire à Tous, Réseau Action Climat, Greenpeace France, ADVOCNAR, Alternatiba Paris
11 février 2021 – Reprise de la revue de presse IMPACTS
Après quelques mois d’absence, “IMPACTS – La revue de presse des inégalités climatiques” revient ! En décembre 2020, Notre Affaire à Tous sortait le rapport “Un climat d’inégalités”, un dossier inédit sur les inégalités climatiques en France ! L’objectif : mettre en lumière un phénomène encore trop peu documenté, que nous nous efforçons de documenter depuis avril 2019 dans la revue de presse IMPACTS ! 5 ans après l’Accord de Paris, deux ans après l’Affaire du Siècle et la mobilisation des gilets jaunes, les actions ambitieuses en matière de lutte contre le dérèglement climatique se font toujours attendre et l’accélération du changement climatique pèse de manière inégale sur la population française. À travers ce rapport, nous avons documenté et analysé : Les populations les plus vulnérables,Les territoires les plus touchés,Les répercussions sociales,Les secteurs économiques menacés par les changements climatiques. Pour préparer ce rapport, nous avons également rencontré et interrogé quatorze citoyen·ne·s qui ont témoigné des impacts directs du dérèglement climatique sur leurs conditions de vie. Dans ce numéro de reprise de la revue de presse, nous vous faisons un récapitulatif des impacts climatiques de 2020. S’abonner à la revue de presse Lire tous les numéros 2020 : année de tous les (mauvais) records Notre rapport a été publié en 2020, une année de tous les (mauvais) records climatiques. 2020 est l’année la plus chaude jamais enregistrée après l’année 2018, et 9 des 10 années les plus chaudes appartiennent désormais au XXIᵉ siècle, la dernière décennie cumulant le top 7. Records de chaleur, records d’incendies, records d’intempéries… Tous ces indicateurs sont révélateurs de l’impact du dérèglement climatique qui ne cesse de s’intensifier. L’année 2020 n’a cependant pas été celle du record des émissions de CO2 en raison du ralentissement de l’activité humaine mondiale dans le cadre des mesures prises pour limiter la propagation de l’épidémie de Covid-19. Incendies nombreux et dévastateurs L’année 2020 a témoigné d’un nombre record d’incendies d’une intensité sans précédent à travers le monde. Dès janvier, l’Australie luttait déjà contre la pire saison de feux de forêts que le pays ait connu, avec un bilan tragique – plus de 11 millions d’hectares brûlés, 3 milliards d’animaux tués ou déplacés, et des millions de personnes impactées directement ou indirectement par les feux (déplacements, pollution de l’air, conséquences physiques et mentales, etc.). En Sibérie arctique, des températures caniculaires ont déclenché des feux dont le bilan est estimé par certains à 20 millions d’hectares de forêt détruits, soit 20 fois plus qu’en Californie, rapporte France Info. Et pourtant, les incendies californiens ont marqué les esprits par leur ampleur inédite, avec une surface détruite de plus de 8,000 km², soit 100 fois la superficie de Paris. Le Brésil, quant à lui, fait face à un nombre croissant d’incendies, notamment en Amazonie où une augmentation de 13% a été constatée au cours des neufs premiers mois de l’année 2020 – n’en déplaise au Président Jair Bolsonaro qui n’a cessé de nier l’origine et l’importance de ces feux. En effet, leur origine est cette fois essentiellement criminelle et résulte des incitations du gouvernement en place à procéder à des opérations de déforestation illégale destinées à installer des élevages illégaux de bétail. D’après Amnesty International, la déforestation a augmenté de 35% entre la période allant d’août 2019 à juillet 2020 et l’année précédente sur la même période. La France a elle aussi connu des feux cet été. Ces derniers, causés par le réchauffement climatique ou d’origine criminelle, se sont déclarés en particulier dans la forêt de Chiberta et dans les Bouches-du-Rhône, à Vitrolles ou encore à Istres, comme l’évoque Reporterre. Les catastrophes naturelles n’ont cessé de se multiplier : 2020 a été l’année des records pour de nombreux événements extrêmes (feux de forêts, tempêtes… ). Le nombre de catastrophes naturelles a doublé en 20 ans à l’échelle de la planète, selon un rapport des Nations Unies d’octobre 2020. Le principal risque pour ces prochaines années viendra majoritairement des vagues de chaleur, qui “ont augmenté de 232% depuis 1999”, alors que les catastrophes les plus importantes des dernières années étaient les tempêtes et inondations. Face à ces événements extrêmes, les personnes les plus pauvres sont les plus touchées : dans les pays pauvres, “seulement 4 % des pertes économiques causées par les catastrophes sont assurées, contre 60 % dans les pays riches, selon une récente étude publiée dans The Lancet”. Augmentation de la concentration de CO2 malgré la baisse des émissions Si les émissions mondiales de CO2 ont baissé de 7% en 2020 par rapport à 2019 en raison des mesures adoptées mondialement pour lutter contre la pandémie, ce record de diminution des émissions n’a pas permis de mettre un frein à l’augmentation des concentrations de CO2 dans l’atmosphère, rapporte La Relève et la Peste. Cette diminution est également à relativiser car elle est temporaire et ne provient pas de changements structurels. Cette baisse sans précédent des émissions mondiales s’explique avant tout par la réduction des émissions résultant des transports par rapport à 2019. Cette diminution est encore évaluée, en décembre 2020, à 10% pour le transport routier et à 40% pour le transport aérien.Or, la réduction ne signifie pas la stabilisation des émissions. Ainsi, malgré cette baisse des émissions, la concentration de CO2 dans l’atmosphère a augmenté de 410 à 412 parties par million, ce qui la rapproche du seuil des 450 parties par million fixé par le GIEC pour limiter l’augmentation de la température moyenne de 2°C. Cette évolution s’explique également par un puits de carbone terrestre ayant moins absorbé de CO2, notamment en raison d’incendies et de sécheresses. Zoom sur l’année 2020 en France En France, l’année a été la plus chaude jamais enregistrée à l’échelle nationale et des records de chaleur ont été atteints sur une majorité du territoire, comme en Isère où “le climat s’emballe”, en Alsace, au Pays Basque… D’une part, à ces grosses vagues de chaleurs de l’été s’est ajoutée une faible pluviométrie, avec un déficit de plus de 70% en moyenne sur la totalité du territoire. En août 2020, 75 départements étaient en restriction d’eau, impactant notamment les agriculteurs, victimes de la sécheresse. L’été 2020 a été le plus sec jamais enregistré, depuis 1959, battant pour la troisième année consécutive les records de sécheresse après les étés 2018 et …
PR / A historic decision in the Case of the Century: the French State is found liable for its insufficient climate action
Press release – February 3, 2020 In its Case of the Century decision, issued on the 3rd of February 2021, the Paris Administrative court acknowledged the French State’s responsibility in the climate crisis. It also recognised that it was illegal for the State not to respect its commitments in reducing greenhouse gas emissions. The Court recognised that climate change constitutes an « environmental damage » to which the State’s inaction has contributed » An additional decision is to come in the spring: the Court may then sentence the Government to take additional climate measures. The organisations bringing the Case of the Century stated, « More than two years after the start of our action, supported by 2,3 million people, this decision marks the first historic victory for climate and a major step forward in French law. This decision is also a victory for the truth: until now, the State denied its lack of action on climate change, despite accumulating evidence of the contrary (regularly exceeding carbon budgets as widely acknowledged by governmental agencies and advisory councils…). The Court recognises that the new « Climate » bill is not sufficient to reach currently fixed objectives. We very much hope that justice will not limit itself to recognising the State’s fault, but will also force it to take concrete measures to respect its climate commitments. » The French State’s lack of sufficient action against climate change is recognised for the first time The Court judged that the French State is at fault for not adopting sufficient measures to fight climate change and reduce France’s greenhouse gas emissions up to the objectives that France set for itself. It is the first time that a French court has recognised that the State is accountable for climate inaction. With such recognition of the State’s fault, every direct climate change victim in France will be able to turn to justice to claim for damages. The State will have to face its responsibility for years of insufficient climate action. The State’s insufficient climate action is directly harmful to the environment The Court has also recognised « that the State contributed to the harm done to the environment (the « environmental damage ») by exceeding France’s annual carbon budgets ». This judgment is a first in French law in that public entities are now as liable for pure environmental damage as private entities. The Court likely to mandate the State to repair the consequences of its inaction An additional court decision in the Spring [2] could sentence the State to take additional measures to tangibly and effectively fight the climate crisis. Recognising the State’s lack of sufficient climate action, which constitutes a fault, was a necessary condition to force the State to take action. With this first historic step taken, the Court must now decide how to put an end to the State’s illegal actions (or lack thereof), and beyond that, how to repair the harm already done by the excess of greenhouse gas emissions compared to France’s objectives. Download the press release Link to download photos Note to editors The court has also recognised the moral prejudice caused by the government’s insufficient action to four of the co-defendants (Notre Affaire à Tous, the Nicolas Hulot Foundation, Greenpeace France,Oxfam France). 1. An impact study led by the government itself shows that the legislation will only allow it to go half or two thirds of the way in terms of climate objectives. 2. The court has reopened an investigation for 2 months to allow more discussion between the State and the NGOs The Court could issue this decision after the State Council’s one in the Case brought by the city of Grande Synthe and supported by the Case of the Century. In the Grande Synthe’s Case, the Court asks the State to prove it can conform to its 2030 climate objectives. In the absence of satisfactory evidence brought by the State, the State Council could sentence it to take additional action. In both cases, the Case of the Century organisations will submit further evidence proving that France does not take sufficient action. Contacts Notre Affaire à Tous : Cécilia Rinaudo – 06 86 41 71 81 – cecilia@notreaffaireatous.orgFondation Nicolas Hulot : Paula Torrente – 07 87 50 74 90 – p.torrente@fnh.orgGreenpeace France : Kim Dallet – 06 33 58 39 46 – kim.dallet@greenpeace.orgOxfam France : Elise Naccarato – 06 17 34 85 68 – enaccarato@oxfamfrance.org
CP / Jugement historique dans l’Affaire du Siècle : l’État condamné pour inaction climatique
Communiqué de presse – 3 février 2020 Dans son jugement sur l’Affaire du Siècle, prononcé le 3 février 2021, le tribunal administratif de Paris reconnaît la responsabilité de l’État français dans la crise climatique et juge illégal le non-respect de ses engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre. L’État est également reconnu responsable de “préjudice écologique”. Les ONG requérantes dans l’Affaire du Siècle se félicitent de cette première victoire et espèrent un jugement plus historique encore au printemps : l’Etat pourrait être condamné à prendre des mesures supplémentaires sur le climat. Pour les organisations de l’Affaire du Siècle : “Plus de deux ans après le début de notre action, soutenue par 2,3 millions de personnes, cette décision marque une première victoire historique pour le climat et une avancée majeure du droit français. Ce jugement marque aussi une victoire de la vérité : jusqu’ici, l’État niait l’insuffisance de ses politiques climatiques, en dépit de l’accumulation de preuves (dépassement systématique des plafonds carbone, rapports du Haut Conseil pour le Climat, etc.). Alors que le nouveau projet de loi Climat de ce gouvernement est, de son propre aveu, insuffisant pour atteindre les objectifs fixés [1], nous espérons que la justice ne se limitera pas à reconnaître la faute de l’État, mais le contraindra aussi à prendre enfin des mesures concrètes permettant a minima de respecter ses engagements climatiques.” Pour la première fois, l’État français reconnu fautif en matière de lutte contre les changements climatiques La justice a tranché : l’État français commet une faute en n’adoptant pas les mesures suffisantes pour lutter contre les changements climatiques et réduire les émissions de gaz à effet de serre, conformément aux objectifs qu’il s’est lui-même fixés. C’est la première fois que la justice reconnaît que la France est responsable d’inaction climatique. Avec cette reconnaissance de la faute de l’État, toutes les victimes directes des changements climatiques en France pourront désormais se tourner vers la justice et s’appuyer sur ce jugement pour demander réparation des préjudices qu’elles subissent. L’État va enfin devoir assumer les conséquences de décennies d’inaction sur le climat. L’inaction climatique de l’État porte atteinte à l’environnement Le Tribunal a également reconnu le préjudice écologique, c’est-à-dire les dommages causés à l’environnement, par le dépassement par la France de ses plafonds annuels d’émissions de gaz à effet de serre. C’est une première en droit français : avec cette décision, le tribunal administratif estime qu’une personne publique, au même titre qu’une personne privée, peut être tenue responsable d’un dommage causé à l’environnement. L’État bientôt contraint par la justice à réparer les conséquences de son inaction ? Une nouvelle décision du Tribunal au printemps [2] pourrait condamner l’État à prendre des mesures supplémentaires pour lutter concrètement et efficacement contre la crise climatique. La reconnaissance de la faute que constitue son inaction climatique était une condition indispensable pour contraindre l’État à agir. Cette première étape historique désormais franchie, la justice doit maintenant statuer sur la façon dont l’État doit s’y prendre pour mettre fin à ses actions illégales, et, au-delà, réparer les dommages causés par les gaz à effet de serre émis en trop, par rapport à ses objectifs. Le jugement du tribunal administratif de Paris Notes aux rédactions Le Tribunal a également reconnu le préjudice moral causé par l’inaction de l’Etat aux quatre organisations co-requérantes (Notre Affaire à Tous, la Fondation Nicolas Hulot, Greenpeace France et Oxfam France). 1. Une étude d’impact réalisée par le gouvernement lui-même montre que la loi ne permettra de n’atteindre que la moitié, voire les deux tiers des objectifs 2. Le Tribunal a rouvert l’instruction pour deux mois afin de permettre à l’Etat et aux ONG d’échanger de nouveaux arguments sur la réparation du préjudice écologique Cette seconde décision pourrait intervenir après le jugement du Conseil d’État attendu dans le dossier porté par la commune de Grande-Synthe et soutenu par l’Affaire du Siècle, dans lequel il est demandé à l’État de prouver qu’il pourra se conformer à ses objectifs climat à l’horizon 2030 [3]. En l’absence de preuves satisfaisantes apportées par l’État, le Conseil d’État pourrait le condamner à prendre des mesures supplémentaires. 3. La décision du Conseil d’État du 19 novembre 2020 dans le dossier Grande-Synthe Photos disponibles ici
CP / Audience de l’Affaire du Siècle au tribunal : un pas de plus vers une victoire historique pour le climat
Communiqué de presse – 14 janvier 2021 L’inaction climatique de la France est une faute qui engage la responsabilité de l’Etat. C’est en substance ce qu’a déclaré Amélie Fort-Besnard, la rapporteure publique [1], lors de l’audience de l’Affaire du Siècle au tribunal administratif de Paris cet après-midi. Plus de deux ans après le début de la procédure initiée en décembre 2018 par Notre Affaire à Tous, la Fondation Nicolas Hulot, Greenpeace France et Oxfam France, l’audience de l’Affaire du Siècle s’est déroulée aujourd’hui, marquant le premier grand procès climatique en France. La décision du tribunal est attendue sous quinze jours. Pour les organisations de l’Affaire du Siècle : « si le tribunal suit les conclusions de la rapporteure publique, la responsabilité de l’Etat français dans le dérèglement climatique serait reconnue du fait de l’insuffisance de ses actions. Ce serait une avancée historique du droit français et une victoire majeure pour le climat et pour la protection de chacun et chacune face aux conséquences du dérèglement climatique. Toutes les victimes des changements climatiques pourraient alors s’appuyer sur cette jurisprudence pour faire valoir leur droit et obtenir réparation. L’Etat subirait alors une forte pression pour enfin mettre en œuvre les actions nécessaires pour limiter le réchauffement à 1,5°C. » La rapporteure publique estime, en effet, que l’Etat a bien commis une faute, qui engage sa responsabilité, en ne prenant pas toutes les mesures nécessaires pour respecter ses engagements sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Elle précise que c’est l’Etat lui-même qui a déterminé sa trajectoire climatique destinée à respecter ses objectifs nationaux et ses engagements internationaux sur le climat. La rapporteure publique propose au tribunal de condamner l’Etat à verser aux ONG la somme d’1 euro symbolique pour la réparation du préjudice moral causé, ce que demandaient les associations. L’Affaire du Siècle demande également à la justice de contraindre l’Etat à prendre des mesures supplémentaires pour le climat, pour enfin respecter ses propres engagements. Sur ce point, la rapporteure publique n’écarte pas une injonction à agir mais conseille au Tribunal de réserver sa décision pour plus tard, afin de permettre aux ONG et à l’Etat d’échanger sur la réalité de l’action climatique de l’état, et dans l’attente que le Conseil d’Etat rende sa décision dans l’affaire de Grande-Synthe [2]. Enfin, la rapporteure publique propose au tribunal de reconnaître l’existence d’un préjudice écologique devant les juridictions administratives, alors qu’il n’était jusqu’à présent retenu que devant les instances judiciaires. Cela constituerait une avancée majeure pour le droit environnemental. Une telle décision marquerait aussi une meilleure prise en compte de la Nature en droit. La rapporteure publique suggère au Tribunal qu’une personne publique, à l’instar d’une personne privée, pourrait être tenue responsable d’un dommage causé directement à l’environnement. Elle propose enfin de retenir que le changement climatique cause un tel dommage et que l’Etat en est en partie responsable. L’inadéquation de l’action de l’Etat face à la crise climatique est désormais soulignée, démontrée et pointée du doigt de toutes parts. Pourtant, le projet de loi issu de la Convention citoyenne pour le climat, qui sera débattu en mars prochain au Parlement, est, de l’aveu même de l’Etat, insuffisant pour lui permettre de respecter ses objectifs climatiques [3]. La balle est désormais dans le camp du gouvernement pour enfin revoir sa copie et prendre les mesures ambitieuses et nécessaires pour lutter contre le changement climatique. Notes aux rédactions [1] Rapporteure publique : magistrate indépendante qui propose au Tribunal une analyse complète du droit existant pour guider la décision et faire évoluer le droit si nécessaire. [2] L’Etat a versé au dossier, après la clôture de l’instruction, deux mémoires sur l’injonction à agir dont les avocates et avocats des ONG n’ont pas eu accès en amont de l’audience du 14 janvier. Ce délai permettra un débat contradictoire. [3] Une étude d’impact réalisée par le gouvernement lui-même montre que la loi ne permettra de réaliser qu’au maximum la moitié ou les deux tiers du chemin. Contacts presse : Notre Affaire à Tous : Cécilia Rinaudo – 06 86 41 71 81 – cecilia@notreaffaireatous.org Fondation Nicolas Hulot : Paula Torrente – 07 87 50 74 90 – p.torrente@fnh.org Greenpeace France : Kim Dallet – 06 33 58 39 46 – kim.dallet@greenpeace.org Oxfam France : Marion Cosperec – 07 68 30 06 17 – mcosperec@oxfamfrance.org Lire le communiqué en PDF
CP / L’Affaire du Siècle au Tribunal : l’Etat a rendez-vous aujourd’hui avec 2,3 millions de personnes
Lancé il y a plus de deux ans le recours en justice contre l’inaction climatique de l’État porté par Notre Affaire à Tous, la Fondation Nicolas Hulot, Greenpeace France et Oxfam France, arrive enfin à son dénouement : son audience au tribunal administratif de Paris aura lieu aujourd’hui à 13h45. Le jugement devrait ensuite être rendu sous quinzaine. Télécharger les images de l’action Nous sommes 2,3 millions » : c’est le message inscrit ce matin sur une affiche géante de 3m sur 30m posée sur la voie Georges Pompidou, à deux pas du tribunal administratif de Paris, par des citoyen·ne·s soutenant l’Affaire du Siècle. Une action symbolique qui vise à rappeler à l’État qu’il fait face aujourd’hui aux 2,3 millions de signataires de la pétition en soutien au recours (pétition en ligne la plus signée de l’histoire en France). Alors que la crise climatique reste au plus haut des préoccupations des Français·es1 même avec la crise sanitaire, et que de nouveaux records de chaleur ont été battus en 2020, l’État ne cesse de repousser le passage à l’action. Les émissions de gaz à effet de serre pendant ce quinquennat ont continué de baisser deux fois trop lentement par rapport aux trajectoires prévues dans la loi. Le Haut conseil pour le climat analysait en décembre dernier que deux tiers du plan de relance n’allait pas dans le bon sens et risquait de contribuer à la hausse des émissions. Enfin, le projet de loi sur le climat faisant suite à la Convention Citoyenne, rabote ou supprime de nombreuses propositions de la Convention, si bien qu’il ne permettra pas d’atteindre l’objectif d’au moins 40% de baisse des émissions à 2030 par rapport à 1990 – et donc encore moins le nouvel objectif européen d’au moins 55% de réduction en 2030. Une étape décisive pour la justice climatique Qu’est-ce qui se joue à cette audience ? Le rapporteur public présentera ses conclusions sur le dossier juridique de l’Affaire du Siècle, c’est-à-dire la décision qu’il recommande au tribunal de prendre. Les avocat·e·s des 4 organisations requérantes rappelleront ensuite les obligations climatiques de l’État et les manquements à ses engagements. L’État pourra à son tour s’exprimer. Le Tribunal enverra ensuite l’affaire en délibéré et pourrait annoncer la date à laquelle il rendra sa décision, généralement sous quinze jours. Que peut obtenir l’Affaire du Siècle ? Les organisations de l’Affaire du Siècle sont optimistes sur le fait que le tribunal reconnaisse l’inaction climatique de l’État, c’est-à-dire la « carence fautive » que constitue le non-respect par l’État des objectifs de réduction de gaz à effet de serre inscrits dans de multiples textes de loi. Les magistrats pourraient également contraindre l’État à prendre les mesures nécessaires pour atteindre ses engagements à l’horizon 2030 et 2050. Enfin, nous espérons que la justice reconnaisse l’obligation générale faite à l’État de lutter contre les changements climatiques, qui découle notamment de la Charte de l’Environnement de 2004, de la Convention européenne des Droits de l’Homme. Une telle décision serait historique et inscrirait dans le droit que la lutte contre les changements climatiques est indispensable à la protection des droits fondamentaux. Le levier juridique joue désormais un rôle essentiel face à la crise climatique : le 19 novembre dernier, dans le cadre du dossier de Grande-Synthe2, le Conseil d’État a affirmé le caractère contraignant des objectifs climatiques inscrits dans la loi (ce qui n’était jusqu’alors pas le cas), et a donné trois mois au gouvernement pour justifier qu’il mettait bien en place toutes les mesures nécessaires pour respecter ses engagements3. Aux Pays-Bas, en décembre 2019, la Cour Suprême a confirmé l’obligation faite à l’État de réduire ses émissions de 25% par rapport aux niveaux de 1990. Le tribunal administratif de Paris pourrait ainsi s’inscrire dans la continuité de cette dynamique, et rajouter une pierre à l’édifice en ordonnant à la France d’agir dès à présent. Notes Les Français face au changement climatique, sondage Kantar pour Oxfam France, décembre 2020.L’Affaire du Siècle est intervenante volontaire dans le dossier.Émissions de gaz à effet de serre : le Gouvernement doit justifier sous 3 mois que la trajectoire de réduction à horizon 2030 pourra être respectée, communiqué Contacts presse Notre Affaire à Tous : Cécilia Rinaudo, 06 86 41 71 81 – cecilia@notreaffaireatous.orgFondation Nicolas Hulot : Paula Torrente, 07 87 50 74 90 – p.torrente@fnh.orgGreenpeace France : Kim Dallet, 06 33 58 39 46 – kim.dallet@greenpeace.orgOxfam France : Marion Cosperec, 07 68 30 06 17 – mcosperec@oxfamfrance.org Lire le communiqué au format PDF
The Case of the Century: Chronology of the legal action
Why turn to the courts? State inaction is illegal! The state is obliged to respect its national, European and international commitments and to protect its citizens’ human rights. The victims of climate change are now visible. Citizens have clearly understood the widening gap between words and deeds, and that nothing is really being done today to counter the current climate crisis. All means of action have been used: individual actions, citizen mobilizations, boycotts as well as non-violent resistance. But neither the big polluters nor the States have answered the citizens and scientists calls for climate action. Today, France is not keeping its commitments, even those it has set itself. December 18, 2018: launch of the Case of the Century On 18 December 2018, Notre Affaire à Tous, in partnership with the Fondation pour la Nature et l’Homme, Greenpeace France and Oxfam France, initiated « l’Affaire du Siècle », the climate litigation case against the French State. The aim of this case is to have the judge recognise the general obligation of the French State to act in the fight against climate change, in order to protect French citizens’ rights against the dangerous impacts of climate change. The petition of support was signed by more than 2 million people in just a few weeks. March 14, 2019: filing of the summary request at the Administrative Court of Paris On February 15, 2019, the Minister of the Ecological and Solidary Transition rejected the request of NGOs Notre Affaire à Tous, Greenpeace France, Oxfam France and the Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme. They were seeking, on the one hand, to get compensation for the damages suffered as a result of the State’s faults in the fight against climate change and, on the other hand, to urge the State to put an end to all of its failures concerning climate issues. On Thursday, March 14, 2019, they filed their lawsuit tackling the State’s inaction over climate change via a « summary request » before the Administrative Court of Paris. May 20, 2019: Filing of the additional brief to the Court Following the summary request filed for the Case of the Century before the Paris Administrative Court on March 14, the lawyers of Notre Affaire à Tous, the Nicolas Hulot Foundation for Nature and Mankind, Greenpeace France and Oxfam France filed an additional brief detailing all the arguments of the climate litigation case against the French State for climate inaction. This filing officially launched the beginning of the trial period. June 24, 2020: The State files its reply Nearly sixteen months after the start of the case, the State finally responds to the arguments filed against it by Notre Affaire à Tous, the Nicolas Hulot Foundation, Greenpeace France and Oxfam France, for the Case of the Century. In its 18-page defense brief, the State rejects the arguments presented by the co-plaintiff organizations and denies the deficiencies pointed out, even though they had, in the meantime, been confirmed by the French High Council for the Climate. This response comes at a time when two other organizations – the Fondation Abbé Pierre and the Fédération Nationale d’Agriculture Biologique – are presenting their arguments in support of the Case of the Century to the court. September 4, 2020: The Case of the Century files its reply to the State’s arguments Our lawyers filed our « reply brief » (i.e. our counter-arguments) on September 4, 2020 and 100 testimonies from the « Climate Witnesses » platform launched by the Case of the Century in December 2019. In the reply brief, we remind the court that the responsibility of the State is indeed engaged, by demonstrating that it failed to establish an effective legal framework, and to implement the human and financial means to ensure its respect. The State has a crucial role to play, as regulator, investor and catalyst at all levels. The Case of the Century also demonstrates that by failing to meet its targets for reducing greenhouse gas emissions, energy efficiency and renewable energies, it has itself directly contributed to the climate crisis: between 2015 and 2019, France emitted approximately 89 million tons of CO2 equivalent in excess of its targets – the equivalent of two and a half months of emissions for the entire country (at the pre-covid rate). January 14, 2021: Hearing of the Case of the Century The hearing of the Case of the Century will take place before the Paris Administrative Court on January 14, 2021 at 1:45 pm, more than two years after the launch of this unprecedented legal action against the State’s climate inaction. At the hearing on Thursday, the public rapporteur will present his conclusions, i.e., the decision he recommends the court to take. The lawyers of the Case of the Century, who have demonstrated the State’s faults, will then take the floor to recall our arguments : The State has an obligation to protect us in the face of the climate crisis, yet it is far from respecting its commitments: France has systematically exceeded the carbon ceilings it had set for itself; The target of 23% renewable energy in 2020 is not respected; The delay in the energy renovation of buildings is such that the pace should be multiplied by 10 by 2030; Greenhouse gas emissions in the transport sector have fallen by only 1.5%, whereas the target was -15%! The State, as a defendant, is then also supposed to take the floor. It is not supposed to develop new arguments. The Court is expected to render its decision about two weeks after the hearing, at the end of January.
L’Objectif à valeur constitutionnelle de protection de la santé et de l’environnement dans la jurisprudence du Conseil Constitutionnel
Par Juliette Sardet, membre de Notre Affaire à Tous Lire l’article au format PDF La décision Loi sur la communication audiovisuelle du Conseil Constitutionnel a introduit la notion d’objectif à valeur constitutionnelle (OVC) en 1982 (1). Dans un premier temps, le Conseil Constitutionnel y entendait « la sauvegarde de l’ordre public, le respect de la liberté d’autrui et la préservation du caractère pluraliste des courants d’expression socio-culturels ». Plusieurs décisions sont venues préciser le contenu, augmenter le champ ou exposer les conséquences de cette notion. L’octroi de ce statut a pour fondement le fait de mettre en œuvre des principes issus du bloc de constitutionnalité. Les OVC ne créent pas de droits mais constituent des buts à atteindre. Ils se traduisent par une obligation de moyen. Ce sont de précieux outils pour le législateur afin de justifier des dérogations limitées à des exigences constitutionnelles et surtout de les concilier entre elles. Le 31 janvier 2020, dans le cadre d’un contentieux relatif à des textes interdisant la production, le stockage et la circulation en France des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées par l’Union européenne, le Conseil Constitutionnel est venu confirmer et étendre le champ des OVC. Par la décision n° 2019-823 QPC, il reconnaît pour la première fois qu’il découle de la Charte de l’environnement de 2004, non plus un « objectif d’intérêt général », mais un « objectif à valeur constitutionnelle deprotection de l’environnement, patrimoine commun des êtres humains » (cons. 4). Il réaffirme également la protection de la santé en tant qu’objectif à valeur constitutionnelle (cons. 5). Ainsi, si le législateur se voit confirmer la possibilité de porter atteinte à d’autres exigences constitutionnelles au nom de la santé publique, il se voit surtout nouvellement habilité au nom de la protection de l’environnement. Cet article se limitera ainsi à traiter ces deux protections en tant que justifications à des atteintes et non en tant que droits pouvant également être violés. La consécration, en tant qu’OVC, de la protection de la santé publique dans les années 1990 et de l’environnement en 2020, est le fruit d’une évolution jurisprudentielle propre à chaque enjeu (I). Si ce sceau constitutionnel peut apparaître symbolique au regard des conséquences qu’induit la qualification d’OVC, cette décision constitue une étape essentielle dans l’applicabilité des normes en matière d’environnement par le législateur et à travers de futurs contentieux environnementaux et climatiques (II). I. Mise en perspective : l’évolution de la santé publique et de la protection de l’environnement dans la jurisprudence constitutionnelle La position du Conseil Constitutionnel vis-à-vis de la protection de la santé et de l’environnement a évolué au fil de l’évolution d’une société de plus en plus soucieuse des enjeux sanitaires et environnementaux. Le contentieux le plus instructif est celui visant à concilier ces enjeux avec la liberté d’entreprendre – reconnue comme une liberté constitutionnelle découlant de l’article 4 de la DDHC (2). Toute limitation de la liberté d’entreprendre doit être justifiée par une exigence constitutionnelle ou un motif d’intérêt général, à condition que l’atteinte ne soit pas disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi (3). A. Reconnaissance de la santé publique en tant d’OVC Dès les années 1980, découlant du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 (4), la santé publique est reconnue comme une exigence constitutionnelle justifiant des limitations par le législateur. Dans un premier temps, le Conseil Constitutionnel lui accorde une « valeur constitutionnelle » dans la décision n° 93-325 DC du 13 août 1993 relative à la loi de la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France. Afin de justifier des atteintes à la liberté d’entreprendre, la santé publique sera ensuite érigée en « principe constitutionnel » avec la décision de principe n° 90-283 DC du 8 janvier 1991 (5), rendue sur la loi relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme. Dans un second temps, alors que la santé publique fut de plus en plus mobilisée par le législateur, le Conseil Constitutionnel fut amené à qualifier la santé publique « d’objectif à valeur constitutionnelle » afin de faciliter la conciliation de ces deux exigences. Ce fut le cas des décisions relatives à l’accès aux origines personnelles (6), à la peine complémentaire obligatoire de fermeture de débit de boissons (7), au bisphénol A (8) et à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes (9). La légitimité et l’autorité de la protection de la santé publique se sont progressivement assises. Sans qu’il apparaisse que le juge constitutionnel veuille remettre en cause cette qualification d’OVC, il s’est parfois contenté de citer cette exigence constitutionnelle sans pour autant la qualifier d’OVC. Il se limitait à évoquer « la protection de la santé », les « exigences de valeurs constitutionnelles » ou « du onzième alinéa ». Ce fut le cas dans les décisions relatives aux conditions d’exercice de certaines activités artisanales (10), au droit de consommation du tabac dans les DOM (11), à la loi de modernisation de notre système de santé (12), à la publicité en faveur des officines de pharmacie (13), à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 (14) et à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 (15). B. Consécration tardive mais historique de la protection de l’environnement en tant qu’OVC La reconnaissance du caractère prioritaire de la protection de l’environnement a fait l’objet d’une évolution beaucoup plus prudente. Jusqu’à la décision de janvier 2020, la protection de l’environnement ne fut envisagée que sous l’angle d’un « objectif d’intérêt général » (OIG). Ce dernier constitue également une justification pour porter atteinte à des exigences constitutionnelles, mais ne découle pas du bloc de constitutionnalité. Dans l’équilibre entre différentes normes constitutionnelles, l’OIG pèse relativement moins qu’un OVC face à d’autres exigences constitutionnelles, telles que la liberté d’entreprendre. D’une manière implicite dans un premier temps, dans la décision n° 2016-605 QPC du 17 janvier 2017, relatif à la Confédération française du commerce de gros et du commerce international, le Conseil constitutionnel a estimé que le législateur « a ainsi poursuivi un objectif d’intérêt général ». De façon explicite cette fois, dans la décision Société Schuepbach …
Éthique environnementale et droits : réflexions autour d’une évolution de la perception du droit
Par Xavier Idziak, membre de Notre Affaire à Tous Au-delà d’une rigidité souvent contestée, le droit de l’environnement s’entoure parfois de concepts et de notions plus philosophiques recherchant à répondre à des finalités spécifiques. Les éthiques environnementales proposent une vision de la perception de l’Homme au regard de son environnement, le droit considéré comme un droit de raison cherche à y répondre et à s’inscrire dans les courants des trois éthiques environnementales. Le droit de l’environnement invite régulièrement au travers de l’évolution des enjeux sociaux et environnementaux à repenser la place de l’Homme au sein de l’environnement. Aussi, ce droit et sa construction ont été largement influencés par des notions, concepts et principes ayant favorisé sa construction depuis les années 1960, le droit existant auparavant ne répondant pas à la même logique (1). Ce dernier a été fortement influencé par plusieurs mouvements issus de l’éthique environnementale résultant bien souvent de courants philosophiques cherchant à percer l’armure difficilement perméable du droit. L’éthique environnementale peut être considérée comme « une réflexion philosophique qui a su associer les questions morales classiques (qu’est-ce que la valeur ? comment distinguer le bien et le mal ? le pluralisme est-il nécessaire ?) et les problèmes contemporains qui font de la nature l’objet d’un débat philosophique » (2). Ces courants transcrivent à la fois l’évolution des enjeux sociaux, et aussi de la perception de l’Homme à son environnement naturel (3). L’actualité juridique récente en matière de droit de la Nature (4) invite à s’interroger sur la hiérarchie Homme-environnement. Une présentation successive de ces éthiques permettra de mieux percevoir le carcan juridique entourant le droit de l’environnement et sa perception de la nature. Il sera dès lors procédé à une analyse synthétique de l’anthropocentrisme, du biocentrisme et de l’écocentrisme. Le choix du synthétique ne doit pas être apparenté à l’absence de volonté démonstrative ; elle se fait au contraire dans une volonté pédagogique visant à présenter simplement les courants de l’éthique environnementale sans prendre un parti pris. Le premier des courants de l’éthique environnementale correspond à l’anthropocentrisme. Le droit de l’environnement n’échappe pas au classicisme juridique qui fait que le droit reste, en tout et pour tout, un instrument de domination de l’Humain sur ce qui l’environne (5). Le droit est dans ce contexte généralement conçu de façon à être anthropocentrique, cela signifie que l’Homme reste au cœur des préoccupations, et il n’a qu’une vision utilitariste de la nature (6). Le droit reste « binaire » (7) en incluant l’Homme d’une part et des choses d’autre part ; les Hommes sont « maîtres et possesseurs de la nature » (8). La vision anthropocentrée induit un vocable qui place dans un rapport hiérarchique l’Homme au-dessus de la nature (9). Les éléments de l’environnement sont dans cette éthique, qui reste souvent d’actualité, régis par des définitions donnant un rapport de force permettant d’utiliser librement et sans considération morale. L’environnement n’est dans ce cas perçu que comme une ressource ayant essentiellement une valeur marchande (10). La relation avec l’environnement et ses composantes existe bien, mais l’aspect mercantile et utilitariste prend le pas sur la protection de l’environnement. Si cette protection par le droit existe dans ce courant, elle ne s’organise qu’autour de l’intérêt Humain. L’environnement n’est protégé que lorsque le péril à son encontre affecte directement et durablement l’Homme (11). Pour ce faire, nous utiliserons une série d’exemples. Historiquement, les textes perçoivent l’environnement sous l’aspect d’une propriété où un droit d’usage est souvent conféré (12). Aussi, la Charte de l’environnement vectrice de lourds débats doctrinaux (13) est toujours perçue comme anthropocentrée ; l’environnement étant « le patrimoine commun des êtres humains » (14). Le professeur Fombaustier rappelle à juste titre que dans la Charte « ce n’est donc pas l’homme qui est pour l’environnement, mais bien l’environnement qui est pour l’homme » (15). À ce titre, si l’on s’en tient à réduire la nature ou l’environnement à une simple désignation de composantes, le Code de l’environnement est d’ailleurs particulièrement révélateur de cette vision. Celui-ci dénomme en effet largement l’environnement sous des composantes de ressources naturelles (16), faunistiques (17), génétiques (18) et même marines (19). Le recensement de ces éléments pourrait être opéré sur d’autres points, mais il ne convient pas au travers de ce billet de blog de développer davantage ce point. En droit international, l’environnement est reconnu comme assurant un bienfait à l’Humain. Ainsi, la très célèbre Déclaration de Stockholm de 1972 énonce en son préambule que « l’homme est à la fois créature et créateur de son environnement, qui assure sa subsistance physique et lui offre la possibilité d’un développement intellectuel, moral, social et spirituel. Dans la longue et laborieuse évolution de la race humaine sur la terre, le moment est venu où, grâce aux progrès toujours plus rapides de la science et de la technique, l’Homme a acquis le pouvoir de transformer son environnement d’innombrables manières et à une échelle sans précédent. Les deux éléments de son environnement, l’élément naturel et celui qu’il a lui-même créé, sont indispensables à son bien-être et à la pleine jouissance de ses droits fondamentaux, y compris le droit à la vie même » (20). La dimension anthropocentrée ressort particulièrement de la Convention par un intérêt qui est celui de l’Humanité (21). Au travers de ces exemples, il est possible de constater l’utilitarisme omniprésent de la nature en tant que ressource. La nature n’a pas de valeur intrinsèque dans le courant anthropocentrique (22). Pour autant, d’autres éthiques environnementales prennent en considération la valeur intrinsèque de l’environnement et de la nature et tendent à accorder une meilleure protection juridique. Le biocentrisme, s’il n’est pas à contre-courant de l’anthropocentrisme, propose de revisiter la valeur accordée à l’environnement. Cette conception récente, issue de la philosophie, longuement défendue outre-Atlantique (23), fait preuve d’une perception intrinsèque donnant à l’environnement une fin en soi (24). La présente éthique accorde à l’ensemble des êtres vivants une considération morale (25). Le biocentrisme en rompant avec la vision Kantienne du droit, n’accorde plus uniquement une valeur à l’être humain, il considère l’Humain et l’environnement comme une multitude par le respect de la valeur intrinsèque (26). Cette …
La confrontation des droits de la nature et des droits humains
Par Amina Medgoud, membre de Notre Affaire à Tous Introduction « Our challenge is to create a new language, even a new sense of what it is to be human. It is to transcend not only national limitations, but even our species isolation, to enter into the larger community of living species. This brings about a completely new sense of reality and value » (1) Reconnaître des droits à la Nature interroge notre rapport au monde. En effet, l’Homme moderne occidental, « maître et possesseur de la nature » (2) l’apprivoise et la soumet pour l’exploiter. A cet état de fait, le droit de l’environnement oppose une autre vision du rapport de l’Homme à la Nature qui permet de corriger les abus de son exploitation par des garanties et protections. En France, l’intégration de la Charte de l’environnement dans le bloc de constitutionnalité en 2004 (3) et la création du préjudice écologique dans le Code civil (4) reflètent cette « préoccupation environnementale ». Par ailleurs, la qualification juridique des biens environnementaux (5) nourrit les réflexions doctrinales. Objet extérieur aux personnes (6), les entités naturelles ne sont pas non plus des choses (7). Leur qualification semble donc changer selon la façon dont l’Homme souhaite en disposer. S’il peut exercer son droit de propriété sur certaines choses, il en va différemment lorsque ces entités sont « protégées » par le droit de l’environnement. Dans la perspective française, les « biens communs » bénéficient ainsi d’une protection disparate, non unifiée. Ils ne sont qu’une partie d’un tout, jamais envisagés en tant que détenteurs de droits liés à leur valeur intrinsèque (8). Pourtant, le dérèglement climatique, les catastrophes environnementales répétées, les conséquences manifestes de la surproduction et la surconsommation sont autant de signaux qui incitent à repenser cette construction juridique anthropo-centrée. Aussi, l’émergence de droits de la nature compris comme un « ensemble de règles reconnaissant et protégeant, au titre leur valeur intrinsèque, les entités naturelles et écosystèmes en tant que membres interdépendants de la communauté indivisible de la vie » (9) révèle-t-elle ce changement de paradigme. Ainsi, il ne s’agit plus de considérer la Nature comme objet mais bien comme sujet de droit autonome, au-delà de ce que permet aujourd’hui le droit de l’environnement. Cette modification radicale de notre relation au monde sape la conception jusnaturaliste du droit qui sacralise l’universalité et l’inaliénabilité des droits humains. En effet, les droits humains sont des droits naturels qui font de l’Homme le fondement et le sujet primordial de notre système de droits et de garanties des droits. Cet édifice juridique ne peut être détaché d’une certaine dimension politique et économique des rapports de l’Homme en société et dans son environnement. La confrontation entre ce bloc de droits et celui des droits de la nature apparaît alors pour certains comme le résultat inéluctable d’un rééquilibrage nécessaire afin de mieux protéger l’Homme et son environnement. Pour d’autres, a contrario, elle porte en elle les germes d’une dangereuse déconstruction juridique qui pourrait aboutir à créer « des droits sans l’homme » (10). Si la création de droits de la nature semble induire le glissement d’un système juridique anthropo-centré au profit d’un droit bio-centré (I), ce changement de paradigme n’implique pas nécessairement une incompatibilité entre droits humains et droits de la nature (II). Droits de la nature et droits humains : passage d’un droit anthropo-centré à un droit bio-centré Les premières mentions du droit de la nature apparaissent dans l’ouvrage de Christopher Stone en 1972, « Should trees have standing ? » (11). D’autres auteurs, à l’instar de Thomas Berry, contribuent à conceptualiser une théorie « écologique » du droit dont la portée remet en cause la légitimité de notre système juridique anthropo-centré qui assujettit la planète à l’économie (12). Cette théorie juridique se nourrit, en premier lieu, des idées de communauté et de renforcement mutuel (« mutual-enhancement ») qui fondent la Jurisprudence de la Terre (« Earth Jurisprudence ») : « The basic orientation of the common law tradition is toward personal rights and toward the natural world as existing for human use. There is no provision for recognition of nonhuman beings as subjects having legal rights … the naive assumption that the natural world exists solely to be possessed and used by humans for their unlimited advantage cannot be accepted … To achieve a viable human-Earth community, a new legal system must take as its primary task to articulate the conditions for the integral functioning of the Earth process, with special reference to a mutually enhancing human-Earth relationship » (13) En ce sens, la « communauté de la Terre » est un prérequis à l’existence humaine qui hisse la loi primordiale, « Great law », au rang des droits naturels (14). Cette idée prend corps à travers la définition de la loi primordiale que donne Cormac Cullinan, c’est-à-dire un ensemble de droits ou principes qui gouvernent le fonctionnement de l’univers (15). La Jurisprudence de la Terre assimile les droits de la nature à des droits naturels et, ce faisant, admet la diversité et l’entièreté de la nature et reconnaît sa valeur intrinsèque et immuable. Ainsi, selon Thomas Berry, la Jurisprudence de la Terre reposent sur plusieurs principes fondamentaux : la valeur intrinsèque de toutes les composantes du vivant ; la reconnaissance des caractères primordial et premier des droits de la nature ; l’indivisibilité de la nature, chaque entité du vivant appartenant à un tout interdépendant, l’Homme y compris (16). Cette conception renverse la théorie des droits de l’Homme. En effet, le caractère fondamental des droits de l’Homme repose sur le principe de la dignité humaine. Le préambule de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme adoptée le 10 décembre 1948 traduit cette idée : « Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde » (17). Par ailleurs, en droit français, l’article 16 du Code civil dispose : « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de …
L’application du « droit à un environnement sain » par la CJUE : une stratégie cohérente à amplifier
Par James Corne, membre de Notre Affaire à Tous PARTIE I Résumé Cet article ne vise pas, à travers la notion indéterminée de « droit à un environnement sain », un champ du droit de l’Union, à savoir le droit environnemental de l’Union. Il n’étudiera donc ni l’ensemble, ni une partie du droit dérivé. Il comprend cette notion comme un possible principe, de valeur constitutionnelle, permettant de contrôler l’ensemble des actes des institutions et des États membres. Dans un premier temps, il est question de savoir si un tel principe existe. La réponse est loin d’être claire. Il est néanmoins possible de répondre positivement, bien qu’il faille aussitôt ajouter que sa force normative est extrêmement faible. Dans un second temps, il est question de savoir si la CJUE n’a pas cherché à mettre en œuvre une stratégie qui permettrait de dépasser les faiblesses de ce principe. Autrement dit, dans l’impossibilité de l’invoquer efficacement de façon directe, n’est-il pas possible de l’invoquer de façon indirecte ? Il est finalement question, dans l’ensemble de cet article, de la manière dont la Cour met en œuvre le droit à un environnement sain : en ne le reconnaissant pas directement comme un véritable principe de droit, mais en lui garantissant indirectement une certaine effectivité. Il s’agit donc de rechercher, au travers d’arrêts variés et disparates de la Cour, cette stratégie. Pour un résumé plus précis, voir les derniers alinéas, en italique, de cette introduction La première partie de cet article est à lire ci-dessous. Elle concerne l’absence d’un principe, doté d’une véritable force normative, en droit de l’Union garantissant un droit à un environnement sain : un droit en manque de principes. Une seconde partie paraîtra dans le prochain numéro de la newsletter des affaires climatiques de Notre Affaire à Tous, en février 2021. Elle concerne la manière dont la CJUE cherche néanmoins, de façon indirecte, à garantir l’application de ce principe sans réelle force juridique : un principe en manque de droit. Lire l’article en PDF Introduction L’un des objectifs de l’Union est de garantir « un niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement » (article 3, §3, TUE) (1). En outre, « les exigences de la protection de l’environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en œuvre des politiques et actions de l’Union, en particulier afin de promouvoir le développement durable » (article 11 TFUE) (2). La politique de protection de l’environnement de l’Union est constituée aujourd’hui d’un droit dérivé foisonnant (3). Afin de mettre en œuvre cette politique de protection de l’environnement, l’Union dispose d’une compétence partagée (4) avec les Etats membres (article 4, §2, e) TFUE). Le législateur, statuant conformément à la procédure législative ordinaire (5), décide « des actions à entreprendre par l’Union en vue de réaliser les objectifs visés à l’article 191 » (article 192, §2, TFUE). L’Union étant une organisation internationale, elle ne peut agir que sur le fondement d’une compétence et seulement pour mettre en œuvre les objectifs qui lui sont assignés. Concernant le domaine en cause, ces objectifs sont « la préservation, la protection et l’amélioration de la qualité de l’environnement », « la protection de la santé des personnes », « l’utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles » ainsi que « la promotion, sur le plan international, de mesures destinées à faire face aux problèmes régionaux ou planétaires de l’environnement, et en particulier la lutte contre le changement climatique. » La base juridique définie par l’article 192 TFUE a permis l’adoption d’instruments variés et importants, obligeant, pour ne citer que quelques exemples, les États membres à procéder à des analyses d’impact avant l’adoption de mesures pouvant affecter l’environnement (6), ou, mettant en place le réseau « Natura 2000 » (7), ou, garantissant l’accès à l’information en matière environnementale (8), ou, établissant un label écologique (9), ou, concernant la responsabilité environnementale (10) ou la réduction des émissions polluantes (11). Des mesures garantissant plus indirectement la protection de l’environnement peuvent aussi être adoptées sur le fondement d’autres bases juridiques, telles que celles concernant la santé publique. Si, en principe, l’Union dispose d’une compétence d’appui (12) en matière de santé (article 6, a) TFUE), le traité prévoit certaines exceptions lui permettant d’adopter aussi dans ce domaine des actes d’harmonisation (article 4, §2, k) TFUE). Cette dérogation concerne, en particulier, les mesures dans les domaines vétérinaire et phytosanitaire ayant directement pour objectif la protection de la santé publique (article 168, §4, b) TFUE). Sur le triple fondement des bases juridiques concernant la santé publique, l’établissement, le fonctionnement du marché intérieur (article 114 TFUE) et la politique agricole commune (article 43 TFUE), le législateur de l’UE a adopté le règlement 1107/2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. Il constitue l’instrument qui permet à des substances actives, telles que le glyphosate, d’être autorisées dans l’Union. Son prédécesseur avait permis la mise sur le marché des néonicotinoïdes et du fipronil, dont la dangerosité pour la santé des abeilles semble aujourd’hui avérée (13). Cependant, cette somme d’instruments ne constitue pas, en tant que telle, un droit à un environnement sain ». Elle permet de former un champ d’étude, rassemblant un ensemble de règles disparates. Elle n’en constitue pas pour autant un droit ou un principe, entendu comme une norme dotée à la fois d’un degré suffisant de généralité et de complétude pour pouvoir emporter par elle-même des conséquences juridiques. En outre, la somme de ces instruments semble seulement manifester la constance de la volonté politique du législateur de l’Union – aussi heureuse qu’elle puisse être. Elle n’en manifeste pas pour autant le respect d’une obligation constitutionnelle qui s’imposerait à lui. La volonté politique semble dépasser le droit. Elle apparaît alors réfractaire à un réel contrôle juridique. Certaines normes inscrites dans les traités semblent pouvoir garantir ce droit à un environnement sain. Par exemple, la Cour a accepté, ce qui n’était pas évident, que les objectifs qui définissent la politique que peut mettre en œuvre le législateur de l’Union, listés à l’article 191 TFUE, puissent aussi servir à juger de la légalité des actes qu’il adopte. Cependant, l’article 191 TFUE accorde …
