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CP / Face aux blocages de la commission européenne sur la révision du règlement sur les produits toxiques, 37 organisations interpellent Elisabeth Borne
Depuis plusieurs mois de nombreux.ses acteur.ices se mobilisent pour demander une révision du règlement européen (REACH) qui encadre les substances chimiques les plus dangereuses. Prévue par la Commission elle-même dans une feuille de route publiée il y a déjà un an, cette révision est sans cesse repoussée sous la pression des lobbies. Cette révision permettrait notamment de prendre en compte les dernières études et actualités concernant les PFAS, ces « polluants éternels », particulièrement présents dans la vallée du Rhône. L’exposition à ces substances est associée à de nombreuses pathologies telles que des cancers, des troubles du système immunitaire ou du métabolisme comme l’obésité. Avec une coalition d’acteurs, Notre Affaire à Tous interpelle la Première Ministre sur l’importance d’une mobilisation de la France pour permettre de lever rapidement ce blocage très inquiétant et s’alarme de la position du commissaire au marché intérieur Thierry Breton sur ce sujet. Le 18 avril 2023, Objet : 38 organisations vous interpellent pour une publication de la révision de REACH sans plus de retard Madame la Première ministre, Nos organisations s’inquiètent fortement du retard de la révision du règlement européen sur les produits chimiques, REACH, et de la position du commissaire au marché intérieur Thierry Breton sur ce sujet. Le gouvernement français a exprimé son soutien en faveur d’une révision rapide du règlement REACH par les voix de Madame la Secrétaire d’Etat Bérangère Couillard [1] et de Monsieur le Ministre délégué Gabriel Attal [2], ainsi que dans une lettre adressée à la Commission Européenne [3]. Des commissaires européens [4][5] et des eurodéputés de la gauche à la droite sont engagés en faveur d’une révision rapide [5]. Cependant, au regard d’informations récentes [6], nous sommes inquiets de voir que le commissaire Breton semble déterminé à retarder, voire à supprimer la révision. Si elle était confirmée, la position du commissaire français serait alors en rupture avec la position de votre gouvernement, ce qui nous interroge. Un tel blocage serait totalement incohérent avec d’une part l’ambition française pour l’Europe de développer une économie innovante et verte, soutenant les industries pionnières et progressives, d’autre part avec le plan industrie verte récemment initié par le Ministère de l’Economie. Il y a pourtant urgence sanitaire et environnementale : 90% des citoyens français s’inquiètent de l’impact des produits chimiques sur leur santé et l’environnement [7], à raison. La pollution du territoire français aux « polluants chimiques éternels » (PFAS) a atteint un niveau sans précédent [8]. Chaque nouveau rapport démontre la présence de substances nocives dans nos produits de consommation quotidiens [9] telles que des perturbateurs endocriniens [10], des nanoparticules [11] et autres substances toxiques pour la reproduction [12]. Vous le savez, l’exposition à ces substances est associée à de nombreuses pathologies telles que des cancers, des troubles du système immunitaire ou du métabolisme comme l’obésité [13]. Le tout engendre des coûts de santé publique considérables [14]. Ces substances contaminent nos sols, notre eau, notre air et notre nourriture [15]. Cette pollution s’est développée alors que REACH était en place. Les entreprises appellent de leurs vœux cette réforme, notamment les représentants de l’industrie chimique européenne (Cefic), afin d’assurer davantage de prédictibilité [16] et de garantir des investissements sûrs à long terme. Des marques européennes phares (IKEA, Décathlon, Adidas, etc.) [17], des mutuelles françaises [14] et 200 médecins et chercheurs en toxicologie français [18] appellent à présenter la révision sans délai. Des investisseurs [19] demandent aux entreprises chimiques d’éviter des investissements risqués, par exemple dans les polluants chimiques éternels. Cela démontre que le secteur privé aspire à une production chimique sûre et durable pour rester compétitif sur le long terme. Les entreprises ont besoin d’un cadre juridique clair : elles doivent savoir aujourd’hui dans quelle direction s’engager pour la décennie. Si la révision de REACH n’est pas présentée avant l’été, cela entraînera un retard important en raison du calendrier institutionnel européen. Chaque semaine de délai alimente des niveaux toujours plus élevés de pollution toxique et alourdit les coûts de santé et ceux liés à la contamination de notre environnement. Si vous n’agissez pas en faveur d’une révision rapide, la France portera sa part de responsabilité. C’est pourquoi nous vous demandons, Madame la Première Ministre, de faire valoir une position française claire, forte et ambitieuse auprès de la Commission européenne, et notamment auprès du commissaire Thierry Breton, afin de finaliser au plus vite cette réforme. Dans l’attente de l’intervention de votre gouvernement sur ce dossier urgent, nous sommes à votre disposition pour échanger avec vous au plus tôt et vous prions d’agréer, madame la Première Ministre, l’expression de notre très haute considération. Télécharger la lettre en PDF Références: [1] Conseil des Ministres de l’Environnement, 20 décembre 2022, intervention de la France [2] Lettre du Ministre délégué Gabriel Attal sur la révision de REACH, 27 mars 2023 [3] Lettre de huit États-membres européens y compris la France, demandant une révision rapide du règlement REACH, 4 octobre 2022 [4] Événement du groupe Renew au Parlement européen, 9 mars 2023, Séminaire sur l’innovation verte dans la chimie à travers REACH, intervention du Commissaire Sinkevičius et d’eurodéputés [5] Le Monde, 25 novembre 2022, interview avec le vice-président de la Commission Timmermans [6] Contexte, 21 octobre 2022, Qui a tiré sur Reach ? ; Mediapart, 5 avril 2023, Produits chimiques : Thierry Breton a tenté de torpiller le nouveau règlement européen ; Le Monde, 19 octobre 2022, « Les lobbys de l’industrie chimique ont gagné » : la Commission européenne enterre le plan d’interdiction des substances toxiques pour la santé et l’environnement [7] Eurostat, mars 2020, Eurobaromètre [8] Le Monde, 23 février 2023, « Polluants éternels » : explorez la carte d’Europe de la contamination par les PFAS [9] BEUC, 13 mars 2023, Worrying number of dangerous products reaching consumers highlights need for greater action by authorities [10] Endocrine Society, Common EDCs and Where They Are Found [11] AVICENN, décembre 2022, En quête de nanos dans les produits du quotidien [12] The Guardian, 28 mars 2021, Shanna Swan: ‘Most couples may have to use assisted reproduction by 2045’ [13] Agence européenne pour l’environnement, …
CP / Luttes locales : Le tribunal enterre définitivement l’extension du centre commercial Westfield Rosny 2 et donne raison aux associations.
Communiqué de presse du 14 avril 2023 Le tribunal administratif de Montreuil a annulé les 4 permis de construire de l’extension du centre commercial Westfield Rosny 2, reconnaissant leur caractère illégal et leur impact environnemental insuffisamment évalué. Cette décision est le fruit d’une mobilisation citoyenne exceptionnelle et de la détermination des associations Alternatiba Rosny et MNLE 93, épaulées par les juristes de l’association Notre Affaire à Tous, qui ont contesté ces permis, informé le grand public et protégé le cadre de vie des habitants. En Décembre 2021, après un recours porté par les associations, le tribunal administratif de Montreuil avait suspendu les 4 permis de construire de l’extension du centre commercial Westfield Rosny 2 confirmant les vices invoqués par les associations. Le juge avait donné douze mois au promoteur Unibail-Rodamco-Westfield et à la commune de Rosny-sous-Bois pour évaluer concrètement les impacts induits par l’extension du centre commercial sur la qualité de l’air et les îlots de chaleur et de prévoir des mesures adaptées pour contrebalancer ces impacts. Après un an et plusieurs annonces publiques promettant un projet différent et plus écologique, le promoteur et la commune décident de soumettre exactement le même projet d’extension sans aucune modification d’amélioration, à enquête publique en décembre 2022. La nouvelle étude d’impact est encore plus alarmante, et semble même ignorer les demandes du juge. Malgré les demandes d’Alternatiba Rosny, la mairie a souhaité s’en tenir aux obligations légales, et n’a pas souhaité promouvoir l’enquête ni proposer de réunion publique de présentation du projet. Les associations ont pris les devants et sont allées à la rencontre des habitants en organisant une réunion pour informer les habitants, et en informant lors de nombreuses séances de tractage. Accompagnée par les associations, la mobilisation citoyenne active a permis une participation record à l’enquête publique avec plus de 585 avis dont 95% en opposition au projet. Les observations des citoyens ont mis en avant les incidences du projet sur le trafic routier et la qualité de l’air, l’artificialisation des sols, le manque de végétalisation créant des phénomènes d’îlots de chaleur urbain, mais aussi les effets négatifs sur les commerces locaux. Les conclusions de l’enquête sont sans appel, et l’avis défavorable. Suite à cette enquête publique, aucune pièce modificative n’est présentée devant le tribunal administratif. Fin Mars, les promoteurs et la mairie renoncent finalement à déposer des permis de construire de régularisation. Le 6 avril, les conclusions du tribunal mettent donc fin à ce projet nuisible pour l’environnement en reconnaissant que ces permis étaient illégaux, notamment en ce qui concerne l’évaluation de leur impact environnemental. Les points soulevés par les associations et retenus par le tribunal sont les suivants: l’étude d’impact était insuffisante en ce qui concerne la présentation de la mesure des particules en suspension PM 10 et PM 2,5, la description des incidences du projet sur la qualité de l’air due notamment à l’augmentation du transport routier et le phénomène d’îlot de chaleur urbain, l’analyse insuffisante du cumul des effets du projet avec ceux d’autres opérations situées à proximité, et la description de mesures suffisantes prévues pour éviter, réduire ou compenser les incidences du projet en matière de pollution atmosphérique. Cette victoire est le fruit d’une mobilisation citoyenne exemplaire et déterminée qui a permis de faire entendre les voix de celles et ceux qui refusent de sacrifier l’environnement sur l’autel de la croissance économique. Les associations remercient chaleureusement tous les citoyens et les bénévoles pour leur soutien et leur engagement tout au long de cette bataille. Grâce à eux, les associations Alternatiba Rosny, MNLE 93, et Notre Affaire à Tous ont pu faire valoir l’intérêt général et protéger l’environnement. Nous espérons que cette décision fera date et encouragera les acteurs économiques et les autorités à repenser leurs choix d’investissement en fonction de leurs impacts socio-environnemental, et à prendre en compte l’avis des citoyens dans les projets d’aménagement futurs. Nous resterons vigilants et déterminés pour faire respecter la loi et protéger notre environnement. Pour Céline Le phat vinh, de Notre Affaire à Tous “Il est temps aujourd’hui de regarder vers “l’après” et de se reconnecter aux vrais besoins du territoire au lieu d’insister avec un projet de centre commercial non désiré par le public, dans le département champion de France des centres commerciaux. De nombreuses alternatives sont possibles ! Revitaliser les petits commerces, assurer des services publics et améliorer la qualité de vie à Rosny tout en impulsant un avenir en cohérence avec les enjeux écologiques et sociaux, voilà des projets porteurs pour les habitant.e.s.” Pour Nicolas Perguet, d’Alternatiba Rosny “Cette victoire c’est celle des habitant.e.s qui se sont mobilisé.e.s pendant 3 ans pour répondre à la dernière enquête publique ! Ce sont des milliers d’heures de lecture, d’analyse, de plaidoyer, d’interpellation, de rencontre et de discussion réalisées par des bénévoles. Nous espérons que les pouvoirs publics reconnaîtront enfin la légitimité des habitant.e.s à prendre part aux décisions d’aménagement du territoire, et garantir un cadre de vie enviable pour les générations présentes et futures. Nous sommes satisfait de la décision du tribunal mais nous déplorons l’absence d’obligation de présenter une étude d’impact socio-économique. L’argument du bénéfice économique est systématiquement avancé, y compris par le maire. Pourtant de nombreuses études ont montré l’impact désastreux de ces grands centres commerciaux pour l’emploi à moyen terme. Nous espérons que cette demande sera bien à l’étude si un nouveau projet co-construit entre le promoteur, la mairie et les habitants est proposé.” Lien vers des visuels https://drive.google.com/drive/folders/1EAPCZZgegU5YdJCzEHOp2jNvZ5Mf1iuJ?usp=sharing Contacts presse Olivier Patté, Alternatiba Rosny : 06 80 15 63 49 Yves Chaumard, MNLE 93 : 06 18 88 56 62Céline Le Phat Vinh, Notre Affaire A Tous : 06 88 58 94 73
CP / Devoir de vigilance : les eurodéputé·es conservateur·ices à contre-courant des attentes des citoyen·nes
Le 12 avril 2023 – A deux semaines d’un vote crucial au Parlement européen sur le projet de directive relatif au devoir de vigilance des multinationales, un nouveau sondage révèle que la grande majorité des Européen·nes souhaite que les entreprises opérant dans l’Union européenne soient légalement tenues de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Cette demande est soutenue par un appel de plus de 200 organisations de la société civile et militant·es écologistes, et une tribune de nombreux experts internationaux. Cet appel citoyen sans équivoque intervient au moment même où les eurodéputé·es conservateur·ices font pression dans les négociations pour affaiblir les obligations des entreprises, notamment en matière environnementale et climatique. Un nouveau sondage, réalisé dans 10 pays de l’Union européenne dont la France [1], révèle que les citoyen·nes européen·nes sont très favorables à une législation européenne ambitieuse sur le devoir de vigilance, qui, si elle était adoptée, obligerait les entreprises opérant dans l’UE à prendre des mesures réelles et effectives pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. A l’instar de la loi française adoptée en 2017, le projet de directive, actuellement débattu au Parlement européen, vise à obliger les entreprises opérant dans l’UE à prévenir les atteintes aux droits humains et à l’environnement dans leurs chaînes de valeur mondiales, et à engager leur responsabilité civile en cas de dommage. En mars dernier, la commission environnement (ENVI) du Parlement européen a voté son avis sur le texte, apportant des avancées notables sur des points clés tels que la définition des atteintes à l’environnement et les obligations des entreprises quant à l’impact de leurs activités sur le climat. Le texte est désormais examiné en commission des affaires juridiques (JURI) où les député·es conservateur·ices continuent de s’opposer à ces avancées. Ces dernier.es font également obstacle à l’inclusion de dispositions visant à faciliter l’accès à la justice des personnes affectées, telles que le renversement de la charge de la preuve. Lundi 17 avril, une dernière réunion de négociation doit permettre de trancher sur le texte qui sera soumis au vote de la commission JURI la semaine suivante. Ce vote est capital puisqu’il déterminera le texte qui sera débattu en plénière au Parlement européen. La campagne européenne « Justice is everybody’s business », dont plusieurs de nos organisations font partie, a commandité un sondage dans dix pays de l’UE. Les résultats [2] sont sans équivoque : Trois quarts (74 %) des Européen·nes sont favorables à une législation européenne qui obligerait toutes les entreprises à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre afin de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C [3]. Deux tiers (64 %) pensent que les banques doivent également être tenues légalement responsables des actions des entreprises dans lesquelles elles investissent ou auxquelles elles prêtent de l’argent [4]. Parallèlement au sondage, plus de 200 personnalités et organisations de la société civile ont signé une déclaration réclamant « une législation européenne forte, adaptée à la lutte contre la crise climatique et à la justice climatique ». Face au greenwashing et engagements purement volontaires des entreprises en matière de transition énergétique, des avocat·es, économistes et scientifiques de toute l’Europe ont également publié récemment une tribune [5] appelant à une réglementation véritablement contraignante. Dans un contexte d’urgence climatique et écologique, nos organisations considèrent que le projet de directive, dans sa forme actuelle, doit être renforcé pour que les entreprises soient contraintes de prendre en compte l’ensemble des risques qu’elles font peser sur l’environnement et le climat et de réduire effectivement leurs émissions de gaz à effet de serre. Nos organisations appellent les eurodéputé·es à écouter les citoyen·nes européen·nes plutôt que les lobbies, et à privilégier la protection des populations et du climat face aux intérêts privés des grandes entreprises. Contacts presse Amis de la Terre France : Juliette Renaud, juliette.renaud@amisdelaterre.org CCFD Terre Solidaire : Clara Alibert, c.alibert@ccfd-terresolidaire.org / Sophie Rebours, s.rebours@ccfd-terresolidaire.org Notre Affaire à Tous : Brice Laniyan, brice.laniyan@notreaffaireatous.org Sherpa : Théa Bounfour, thea.bounfour@asso-sherpa.org ActionAid France : Maelys Orellana, maelys.orellana@actionaid.org Notes [1] Le sondage a été réalisé dans les pays suivants : Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Finlande, France, Irlande, Pays-Bas, Pologne et Slovénie. [2] Tous les chiffres, sauf indication contraire, proviennent de YouGov Plc. Les chiffres relèvent d’un sondage réalisé auprès d’un échantillon national et politiquement représentatif d’adultes en Allemagne (n=2000) et en France (n=1000). L’enquête d’opinion a également été menée auprès d’un échantillon national représentatif d’adultes en Irlande (n=1000), en Belgique (n=1000), en Finlande (n=1000), en Autriche (n=1000), en Pologne (n=1000), en Slovénie (n=500), en Espagne (n=1000) et aux Pays-Bas (n=1000). Le travail sur le terrain a été entrepris entre le 3 et le 16 février 2023. L’enquête a été réalisée en ligne. Les chiffres au niveau européen sont des moyennes de la proportion de personnes ayant sélectionné chaque réponse dans l’ensemble des pays interrogés. [3] Le sondage révèle également que 65 % des répondants demandent que les entreprises réduisent leurs émissions même en cas de crise énergétique. [4] Depuis la présentation du projet de directive au Parlement européen, les lobbies de la finance ont dépensé au moins 100 millions d’euros pour faire pression sur les décideurs européens. Au Conseil de l’UE, des pays comme la France ont poussé pour que le secteur financier soit exclu du champ d’application de la nouvelle directive. [5] Cette tribune a été publiée le 3 avril dans les Echos, et est également disponible en accès libre ici, avec la liste de tous les signataires. Parmi eux, plusieurs Français·es, tels que Valérie Masson-Delmotte, Gaël Giraud, Laurence Tubiana et Arié Alimi.
CP / Un recours dans l’agglomération lyonnaise : Pour un droit à respirer, partout en France
Communiqué de presse des associations requérantes – Lyon, 07 avril 2023. A l’occasion de la Journée Mondiale de la Santé, plusieurs associations et des parents d’élèves rassemblent leurs forces pour demander au Tribunal Administratif de Lyon l’annulation du 3ème Plan de Protection de l’Atmosphère (PPA) de l’agglomération lyonnaise, insuffisant au regard des enjeux soulevés, pour en obtenir une version plus ambitieuse. Ce plan lyonnais n’est pas une exception : il est symptomatique de l’inaction systémique et persistante de l’État en matière de lutte contre la pollution de l’air, et pour laquelle il a plusieurs fois été condamné par le Conseil d’État. Le recours lyonnais est le 4e recours demandant l’annulation d’un plan local sur la pollution de l’air en moins d’un an, après Marseille, Nice et Grenoble : il montre la faiblesse des plans locaux de l’Etat sur la qualité de l’air. A Lyon et partout en France, les PPA sont insuffisants, alors qu’ils constituent l’outil principal de l’Etat pour agir : manque d’objectifs chiffrés, calendriers peu ambitieux, manque de moyens alloués aux mesures annoncées… Cette inaction est à mettre en regard des enjeux sanitaires et sociaux soulevés par la pollution de l’air. En France, la pollution de l’air est responsable de plus de 40 000 décès prématurés par an, dont plus de 4 300 dans la région Auvergne-Rhône-Alpes (Santé Publique France). En plus des décès, les études se multiplient pour montrer le lien entre la pollution de l’air et différentes maladies : asthme, maladies cardiovasculaires et pulmonaires, cancers, maladies du foie, ou d’autres maladies du type Alzheimer ou Parkinson. La pollution de l’air est ainsi avant tout une question de santé publique. Elle est également symptomatique des inégalités sociales. De fait, les personnes les plus vulnérables sont celles qui sont le plus exposées aux pollutions. Dans l’agglomération lyonnaise par exemple, les personnes vivant à proximité des grands axes routiers ou autour de la Vallée de la chimie, dont les revenus sont en moyenne plus faibles (Insee), sont aussi celles qui souffrent le plus de la pollution de l’air. Ainsi, le décalage entre ces états de fait et les mesures pour le moins insuffisantes engagées par l’État et ses services est inquiétant, et a déjà été condamné par la justice. En août 2022, le Conseil d’État condamnait à nouveau l’État pour son inaction en matière de pollution de l’air, et plus précisément pour son non-respect des normes européennes, notamment dans l’agglomération lyonnaise. L’État ne fait toujours pas assez pour protéger ses citoyen·ne·s et leur offrir un air sain, conformément à l’obligation édictée par la loi sur l’air de 1996. En septembre 2022, le Conseil d’État reconnaissait aussi le droit de tou·te·s à vivre dans un environnement sain comme liberté fondamentale. Une action inclusive contre la pollution de l’air est possible, et de nombreuses études le montrent. Une publication scientifique a par exemple étudié en 2022 les actions qui permettraient de réduire de deux tiers les émissions à l’origine de la pollution de l’air (ici, de chercheur.se.s de l’Inserm, de l’Inrae et des Universités de Grenoble et Lille). Il s’agit de faire le choix politique de mettre les moyens pour protéger le droit de chacun.e de vivre dans un environnement sain et en bonne santé. A travers ce recours lyonnais, nous souhaitons rappeler que l’État a le devoir de se donner des moyens ambitieux pour lutter, enfin, contre la pollution de l’air. Dans les prochains mois, nous serons prêt.e.s à accompagner, juridiquement s’il le faut, d’autres collectifs et collectivités pour obtenir des PPA à la hauteur des enjeux. Pour plus d’informations : voir notre dossier presse ci-dessous. Liste des organisations de la campagne “Pour un droit à respirer” : Notre Affaire à Tous, Notre Affaire à Tous – Lyon, Respire, La Rue est à Nous – Lyon, Générations Futures, FNE Rhône. Le dossier de presse Signer la pétition Contacts presse Emma Feyeux, Présidente de Notre Affaire à Tous – Lyon emma.feyeux@notreaffaireatous.org Clément Drognat, Coordinateur de La Rue est à Nous – Lyon larueestanous69@protonmail.com Pour les questions juridiques : Me Hélène Leleu leleu@chanon-leleu.fr
Tribune collective : Pour un droit à respirer, partout en France
Nous lançons à Lyon le quatrième recours demandant l’annulation d’un plan local sur la pollution de l’air en moins d’un an, et il n’est pas une exception : la faiblesse des plans locaux de l’État sur la qualité de l’air est systémique et persistante. Cette tribune nationale, publiée sur Le Monde à l’occasion de la Journée Mondiale de la Santé, unit des voix qui exigent de l’État qu’il se donne enfin les moyens de protéger la santé de ses citoyen.ne.s tout en intégrant réellement le paramètre de la justice sociale. La pollution de l’air : un danger mortel invisible… En France, la pollution de l’air est responsable de plus de 40 000 décès prématurés par an, dont plus de 4 300 dans la région Auvergne-Rhône-Alpes (Santé Publique France). En 2021, une étude coordonnée par l’université Harvard a même réévalué le nombre de décès prématurés en France à près de 100 000. Au-delà de cet état de fait, les études se multiplient pour montrer le lien entre la pollution de l’air et différentes maladies : asthme, maladies cardiovasculaires et pulmonaires, cancers, maladies du foie, ou d’autres maladies du type Alzheimer ou Parkinson. La pollution de l’air est ainsi avant tout une question de santé publique. C’est également un enjeu de justice sociale. De fait, les personnes les plus vulnérables sont celles qui sont le plus exposées aux pollutions. Dans l’agglomération lyonnaise par exemple, les personnes vivant à proximité des grands axes routiers ou autour de la Vallée de la chimie, dont les revenus sont en moyenne plus faibles (Insee), sont aussi celles qui souffrent le plus de la pollution de l’air.Ces impacts ont un coût, sanitaire et socio-économique, estimé à près de 100 milliards d’euros par an en France (Sénat). …En décalage avec l’inaction de l’Etat Ce constat est alarmant, mais le plus inquiétant est le décalage entre les enjeux soulevés par la pollution de l’air et les mesures pour le moins insuffisantes engagées par l’Etat et ses services. En octobre 2022, le Conseil d’Etat condamnait à nouveau l’Etat pour son inaction en matière de pollution de l’air, et plus précisément pour son non-respect des normes européennes, notamment dans l’agglomération lyonnaise. L’Etat ne fait toujours pas assez pour protéger ses citoyen·ne·s et leur offrir un air sain, conformément à l’obligation édictée par la loi sur l’air de 1996. En septembre 2022, le Conseil d’Etat reconnaissait aussi le droit de tou·te·s à vivre dans un environnement sain comme liberté fondamentale. Pourtant, l’Etat possède plusieurs leviers d’action pour limiter la pollution de l’air, dont les Plans de Protection de l’Atmosphère (PPA), mis en place par les préfectures pour les agglomérations de plus de 250 000 habitants. A Lyon, la deuxième version du PPA (PPA-2) avait été reconnue en 2019 comme insuffisante par le tribunal administratif. En novembre 2022, la nouvelle version du PPA (PPA-3) a été adoptée. Ce nouveau plan aurait pu être l’occasion pour l’Etat de réhausser ses ambitions contre la pollution de l’air, mais il demeure insuffisant et incohérent. En effet, peu d’objectifs sont chiffrés, les calendriers de mise en œuvre des mesures sont trop peu ambitieux et rarement précisés, et il est déjà certain que les moyens alloués par l’Etat seront insuffisants pour mettre en œuvre la totalité des mesures du PPA… Pour toutes ces raisons, et parce que protéger la santé de tou·te·s ainsi que l’environnement devrait être la priorité de l’Etat, plusieurs associations et habitant·e·s de l’agglomération lyonnaise ont décidé de demander l’annulation du PPA-3 lyonnais, afin de faire reconnaître son insuffisance et d’en obtenir une version plus ambitieuse. Cette problématique du PPA lyonnais n’est pas spécifique à l’agglomération : la faiblesse des plans locaux de qualité de l’air est systémique et persistante, et doit être dénoncée partout. Depuis plusieurs mois, d’autres PPA sont remis en question ailleurs : par les Amis de la Terre Marseille pour l’agglomération marseillaise, par le Collectif Citoyen 06 pour l’agglomération niçoise, par la Mairie de Grenoble pour l’agglomération grenobloise. Nous, scientifiques, représentant·e·s de la société civile, avocat·e·s, politiques, citoyen·ne·s, appelons à des plans locaux de lutte contre la pollution de l’air réellement protecteurs. Nous demandons à ce que la pollution de l’air soit désormais considérée comme un enjeu prioritaire de santé publique et de lutte contre les inégalités sociales et environnementales. Nous exigeons un droit à respirer ! #pourundroitarespirer Premiers signataires Clément Drognat, Coordinateur de La Rue est à Nous – Lyon Emma Feyeux, Présidente de Notre Affaire à Tous – Lyon Florian Brunet, Directeur de France Nature Environnement – Rhône Jérémie Suissa, Directeur Général de Notre Affaire à Tous Nadine Lauverjat, Directrice Générale de Générations Futures Tony Renucci, Directeur Général de Respire Soutenue par : Adrian Saint-Pol, Porte-parole de Greenpeace Lyon Airy Chrétien, Fondateur du Collectif Citoyen 06 – Nice Alicia Pillot, Fondatrice de PEPS’L Anne Souyris, Maire adjointe de Paris sur la santé publique et environnementale, la lutte contre les pollutions, et la réduction des risques Charles de Lacombe, Porte-parole d’Alternatiba ANV Rhône Claire Dulière, Coordinatrice plaidoyer de Zéro Déchet Lyon Dan Lert, Maire adjoint de Paris en charge de la transition écologique, de l’eau et de l’énergie David Belliard, Maire adjoint à Paris en charge de la transformation de l’espace public, des transports, des mobilités, du code de la rue et de la voirie Éric Piolle, Maire de Grenoble Frédérique Bienvenue, Co-présidente de La Ville à Vélo – Lyon Métropole Gabriel Amard, Député de la sixième circonscription du Rhône Hélène Leleu, Avocate au Barreau de Lyon Isabelle Michallet, Maîtresse de conférences, Université Jean Moulin Lyon 3 Louise Tschanz, Avocate au Barreau de Lyon Marie Pochon, Députée de la troisième circonscription de la Drôme Marie-Charlotte Garin, Députée de la troisième circonscription du Rhône Sandrine Berterreix, Anthony Delcambre, Marie Guirguis et Orianne Moulinier, Alliance Santé Planétaire Sylvain Delavergne, Coordinateur de Clean Cities Campaign France Thomas Bourdrel, Coordinateur de Strasbourg Respire Thomas Dossus, Sénateur du Rhône Pour soutenir la tribune, signez la pétition !
CP / Le Parlement européen plaide pour la reconnaissance du crime d’écocide dans le droit européen
Le mercredi 29 mars 2023 Le Parlement vient de rendre son rapport sur la révision de la Directive sur la criminalité environnementale. De manière unanime, il requiert des Etats membres la reconnaissance et la condamnation des crimes les plus graves commis contre l’environnement, les écocides. Il s’agit d’une première victoire pour les militant.e.s et associations qui se battent depuis plus de 50 ans pour reconnaître le crime d’écocide au niveau international. La position du Parlement européen est claire et adoptée à l’unanimité : les Etats membres doivent inscrire l’écocide dans leur système juridique. Notre Affaire à Tous, qui milite depuis sa création pour la reconnaissance du crime d’écocide à l’échelle internationale et nationale, se réjouit de cette avancée au niveau européen. Une avancée rendue possible grâce notamment à l’eurodéputée Marie Toussaint, co-fondatrice de Notre Affaire à Tous, qui coordonne l’Ecocide Alliance, une alliance internationale de parlementaires pour la reconnaissance de l’écocide. Le préambule du rapport dispose ainsi que “lorsqu’un délit environnemental cause des dommages graves et étendus ou durables ou irréversibles à la qualité de l’air, à la qualité du sol ou à la qualité de l’eau, ou à la biodiversité, aux services et fonctions des écosystèmes, aux animaux ou aux plantes, il devrait être considéré comme un crime d’une gravité particulière, et sanctionné comme tel conformément aux systèmes juridiques des États membres, couvrant l’écocide, pour lequel les Nations unies travaillent actuellement à l’élaboration d’une définition internationale officielle.” Cette définition reprend celle du panel d’experts international mis en place en 2021 sous l’égide de la fondation Stop Ecocide, qui avait proposé une définition similaire de l’écocide afin de modifier le Statut de Rome. L’écocide est ainsi entendu comme un crime environnemental “grave” et “étendu ou durable ou irréversible”. Alors que la criminalité environnementale est devenue la troisième activité la plus lucrative derrière le trafic de stupéfiants et la contrefaçon, et que des centaines de défenseurs de l’environnement sont assassinés dans le monde chaque année, les crimes les plus graves commis contre l’environnement restent impunis. On peut citer notamment les catastrophes de Bhopal et du Deepwater Horizon, ou encore le scandale sanitaire et environnemental du Chlordécone aux Antilles. “C’est un grand pas que vient de franchir le Parlement européen en vue de la reconnaissance des crimes les plus graves contre l’environnement. L’environnement est en train de devenir une nouvelle valeur fondamentale digne d’être protégée par le droit pénal .” indique Marine Yzquierdo, avocate et administratrice de Notre Affaire À Tous. “Avec l’extension de la liste des crimes environnementaux, dont la référence à l’écocide, le renforcement des peines et l’amélioration de la coopération transfrontalière, la proposition du Parlement européen permet de s’attaquer sérieusement à la “dépénalisation de fait” de la protection de l’environnement.”, ajoute Théophile Keïta, également avocat et administrateur de Notre Affaire à Tous. Il reste néanmoins à franchir une dernière étape, le “Trilogue” : cette phase de négociation entre le Parlement européen, la Commission européenne et le Conseil européen (réunissant les représentants des gouvernements) doit permettre de trouver un accord sur un texte final. L’avis du gouvernement français, qui avait refusé de reconnaître le crime d’écocide comme le préconisait la Convention Citoyenne pour le Climat (pour le réduire à un simple “délit d’écocide” vidé de sa substance), aura un poids important dans ces négociations institutionnelles. D’ailleurs, conformément à la loi climat et résilience issue des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, la France s’est engagée à mettre en place les actions nécessaires pour reconnaître le crime d’écocide au niveau international. Si la position du Parlement européen était retenue en Trilogue, cela pourrait faciliter ensuite la reconnaissance de l’écocide au niveau international, les Etats de l’Union européenne représentant 40% des Etats parties à la Cour pénale internationale. Contacts presse Marine Yzquierdo marine.yzquierdo@notreaffaireatous.org Théophile Keita theophile.keita@notreaffaireatous.org
IMPACTS HORS SÉRIE – 22 mars 2023 – Sécheresse en France en plein hiver
Lire le Hors Série en PDF En début d’année, la France métropolitaine a battu son record de nombre de jours sans pluie : 32 jours, du jamais vu depuis le début des enregistrements en 1959. Si quelques gouttes ont pu tomber ici ou là, le cumul quotidien des précipitations a été inférieur à 1 mm, et ce en plein hiver – période essentielle où les nappes phréatiques se remplissent et où la neige s’accumule en montagne. Le mois de février 2023 a été le mois le plus sec jamais enregistré avec un déficit de précipitation d’environ 50%. La situation est également préoccupante dans les territoires ultra-marins, par exemple en Guadeloupe où le déficit de précipitations est de -30% depuis décembre 2022. Les prévisions pour l’été 2023 concernant la sécheresse sont inquiétantes. Les réserves en eau qui avaient permis aux territoires français de traverser la sécheresse de 2022 ne sont pas constituées pour faire face à un été chaud et sec. Pourquoi une telle sécheresse ? Est-ce dû au réchauffement climatique ? Quelles conséquences actuelles et à venir ? Pour le 22 mars, journée mondiale de l’eau, nous vous proposons quelques éléments de réponse dans ce nouvel hors-série de notre revue IMPACT. Quelle sécheresse en France actuellement ? La sécheresse est un épisode de manque d’eau créant un déséquilibre hydrologique. La France est actuellement touchée par trois types de sécheresse : la sécheresse météorologique qui provient d’un déficit de précipitations sur une période donnée ; la sécheresse agricole lorsque le déficit de précipitations créé un déficit hydrique des sols mesuré par le taux d’humidité à 1 mètre de profondeur ; la sécheresse hydrologique qui est atteinte quand les niveaux des nappes phréatiques et des cours d’eau sont trop bas. Selon le Bureau des Recherches Géologiques et Minières (BRGM), le niveau des nappes phréatiques au 1er mars 2023 est anormalement bas, avec 80% des nappes à des niveaux modérément bas à très bas. Le saviez-vous ? Au 16 mars 2023, sept départements français (Ain, Alpes-Maritime, Ardèche, Bouches-du-Rhône, Drôme, Guadeloupe, Isère, Pyrénées-Orientales, Var) en alerte sécheresse ont déjà pris des mesures de restriction d’eau. Cette situation est due à une année 2022 et un début 2023 particulièrement chauds et secs selon MétéoFrance Près de -25% de précipitations sur l’ensemble de la France métropolitaine en 2022, l’année dernière a été la plus chaude jamais enregistrée. La sécheresse de 2022 avait déjà coûté 2 à 3 milliards d’euros aux assureurs et 76 millions d’euros à l’État au titre des indemnisations agricoles. L’année 2022 faisait elle-même suite à d’autres étés très secs successifs depuis 2018. Ces phénomènes de sécheresses à répétition et sévères sont une conséquence du changement climatique comme expliqué par le GIEC dans le résumé final de son sixième rapport en trois volets sorti ce lundi 20 mars 2023.En effet, le changement climatique entraîne un changement des saisons, une réduction de la période hivernale avec un réchauffement important des étés. Or, la chaleur renforce l’évaporation de l’eau. Des chercheurs du CNRS ont prouvé pour l’été 2022 l’impact du changement climatique d’origine humaine sur la circulation atmosphérique et sur la sécheresse. Mais d’autres facteurs aggravent la sécheresse. Avec la bétonisation, l’urbanisation et l’agriculture conventionnelle qui a fortement dégradé les sols, l’eau s’infiltre beaucoup moins dans les sols, ce qui a tendance à empêcher le rechargement des nappes phréatiques. Les conséquences de la sécheresse sont importantes. Nous en avions déjà décrit certains dans un précédent hors-série consacré au bilan de l’été 2022. L’accès à l’eau des personnes : un enjeu majeur Sans eau, l’humain meurt. Le droit à l’eau – sans être consacré par la constitution française – est reconnu par l’article L210-1 du Code de l’environnement. Or, la sécheresse a des conséquences importantes sur l’accès à l’eau des personnes. Elle impacte tant la quantité d’eau disponible que sa qualité (développement de bactéries, concentration de composés, etc). En Outre-mer, notamment en Guadeloupe, les services d’eau potable procède à des coupures face au manque de ressource. En métropole, de nombreuses communes connaissent chaque année leur “Jour Zéro”, le jour où il n’y a plus d’eau au robinet. Plus de 700 communes ont connu des difficultés d’approvisionnement en eau en 2022 et 550 ont dû ravitailler leurs concitoyens par camion-citerne. Au-delà de l’accessibilité physique de l’eau, le problème de l’accessibilité financière se pose. La sécheresse participe à faire monter le prix de l’eau. Or, en 2017, on estimait que 3% de la population française était déjà en situation de précarité hydrique (c’est-à-dire que le poids de l’eau dans leur budget est égal ou supérieur à 10% de leur budget total). L’accès à l’eau est révélateur d’importantes inégalités : inégalités territoriales, entre les territoires qui ont suffisamment d’eau et ceux qui en manquent inégalités sociales, entre les ménages aisés qui ont plus facilement accès à la ressource et les ménages les plus pauvres. (Outre le revenu, d’autres facteurs renforcent ces inégalités, notamment le manque de représentativité politique, les limites de l’accès à l’information et de la participation à la décision publique). Cet été 2022, le manque d’eau dans des villages du sud a montré les tensions et les inégalités que pouvait générer la sécheresse. La sécheresse a des conséquences pour les végétaux et les animaux L’eau est indispensable à la survie de nombreux végétaux sur le territoire français qui ne sont pas adaptés à des milieux très secs. Pour les plantes, la sécheresse entraîne un manque d’eau qui a un impact sur leur croissance et peut entraîner leur mort. La période de récupération des végétaux suite à une sécheresse peut être très longue, elle est en moyenne de 6 mois au niveau mondial. Les conséquences pour la flore sont donc durables dans le temps. Pour le monde animal, la sécheresse a également des conséquences importantes. Les animaux aquatiques sont particulièrement touchés par les bas niveaux des cours d’eau qui fragmentent leur milieu voire amènent son assèchement complet, ce qui entraîne la mort de nombreux individus. Mais toute la faune est concernée avec des difficultés pour boire et s’hydrater, mais …
CP/ Proposition de loi sur l’artificialisation des sols : Vers l’abandon de l’objectif Zéro Artificialisation Nette (ZAN)
Lire l’article au format pdf La Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) estime qu’environ 1 million d’espèces sont aujourd’hui menacées d’extinction. Dans un tel contexte, il est impératif d’assurer la sauvegarde de la richesse écosystémique de notre territoire. En moyenne 27 000 hectares sont artificialisés annuellement en France, avec comme principaux responsables la construction de logements neufs et l’industrie(1). Face à ce constat, la loi Climat et Résilience de 2021 a imposé l’atteinte d’un taux d’artificialisation nette des sols d’ici 2050(2). Concrètement, la loi impose , d’ici à 2031, une réduction de moitié du rythme d’artificialisation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) observé au cours des dix années précédant le 24 août 2021. Pour assurer une mise en œuvre adaptée et effective de cet objectif, la loi a désigné l’échelon régional comme étant au cœur de sa déclinaison. Ce sont les outils d’urbanisme infrarégionaux et locaux qui devront assurer la coordination de l’objectif ZAN au niveau régional. Les ONG environnementalistes, dont Notre Affaire À Tous, considèrent que ce dispositif est indispensable pour limiter la destruction de la biodiversité en France et de tous les services qu’elle rend, et soutiennent une mise en œuvre rationnelle . Il ne s’agit pas de s’opposer au développement territorial, mais de mettre en place un développement équilibré qui prenne également en compte la protection de l’environnement, et la nécessité de construire des territoires résilients qui permettront d’atténuer les effets de la chute de la biodiversité. Les collectivités territoriales, de leur côté, sont soumises à de nombreuses contraintes d’ordre économique et social, outre les enjeux environnementaux. L’objectif ZAN, tel que défini par la loi et précisé par deux décrets d’application du 29 avril 2022, a suscité de nombreuses inquiétudes pour les élu.e.s. Ils.elles dénoncent notamment une recentralisation rigide en matière d’aménagements, tant en faveur de la protection de l’environnement que pour la réindustrialisation du pays. Les collectivités territoriales sont au cœur de l’atteinte de l’objectif ZAN, puisque ce sont elles qui devront effectuer un compromis sociétal entre développement économique, atteinte des objectifs de logements sociaux, maintien d’espaces naturels, agricoles et forestiers. Face à la nécessité de préciser l’articulation entre l’atteinte de l’objectif ZAN et la prise en compte de ces enjeux, le Sénat a introduit une proposition de loi, le 14 décembre 2022, visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs ZAN au cœur des territoires. L’examen en séance entamé depuis le 14 mars ne présage rien de rassurant quant aux amendements du texte actuellement discutés. Une proposition de loi mettant en péril l’objectif ZAN La territorialisation nécessaire de l’objectif ZAN Les dispositifs législatifs des vingt dernières années n’ont pas abouti à mettre en œuvre une réduction de la consommation d’espaces naturels, agricoles, et forestiers. En effet, ceux-ci fixaient des objectifs qui étaient insuffisamment opposables au niveau local. Ainsi les dispositifs sont devenus des objectifs généraux qui ne se sont pas appliqués sur le terrain, et l’artificialisation des sols a pu s’intensifier. Par conséquent, il est indispensable que l’objectif ZAN soit le plus opposable possible, et soit territorialisé à petite échelle. La loi Climat et résilience prévoit ainsi d’accorder à la région, et notamment à travers le Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET), d’importantes prérogatives en matière d’orientations d’aménagement pour une gestion économe des sols. Pour en assurer l’effectivité, elle impose un rapport de compatibilité avec les autres documents de planification tels que les Schémas de cohérence territorial (SCOT) ou Plans locaux d’urbanisme (PLU) non soumis à un SCOT, vis-à-vis des objectifs fixés par le SRADDET. Désormais, ces documents locaux d’urbanisme ne pourront contredire ces objectifs. Toutefois, la proposition de loi sénatoriale prévoit de revenir sur cette évolution et d’imposer à la place un simple rapport de prise en compte, qui signifie que les documents d’urbanisme locaux ne doivent pas s’éloigner des orientations fondamentales de la norme supérieure, le SRADDET, mais pourront y déroger en justifiant de l’intérêt d’une opération particulière. Cette évolution correspondrait finalement à transformer une obligation en en simple recommandation, ce qui, en somme, reviendrait à un abandon de l’objectif ZAN. Cette dérogation s’inscrit dans une série de dérogations envisagées par le législateur afin d’alléger le poids des contraintes pesant sur les collectivités territoriales pour atteindre l’objectif ZAN. Une série de dérogations excessives conduisant à une dénaturation du dispositif Zéro Artificialisation Nette La proposition des sénateurs souhaite approfondir la prise en compte des spécificités des territoires dans la mise en œuvre de l’objectif ZAN. Cette opération est délicate puisqu’elle induit le risque de rendre inopérant cet objectif à travers des dérogations qui, cumulées, annihilerait l’effort de réduction de l’artificialisation. Plusieurs points suscitent l’inquiétude des associations environnementales : 1/ Au vu des inquiétudes soulevées par les collectivités territoriales rurales, les sénateurs ont inclu une garantie rurale offrant la possibilité aux communes et EPCI de prévoir une “surface minimale de développement communal” de 1 hectare. Ce plancher minimum de 1 hectare est trop élevé compte tenu du nombre de communes rurales concernées par cette garantie, comme l’a relevé la vice Présidente de la région Nouvelle Aquitaine l’a évoqué lors de son audition du 14 février 2023 au Sénat. Il s’agirait plutôt de mettre en place une garantie rurale évaluée, adaptée et plus restrictive afin d’encourager et de faciliter la continuité de l’effort de sobriété foncière.(3). 2/ Les sénateurs souhaitent aussi répondre aux difficultés subies par les communes et EPCI littoraux face aux recul du trait de côte rendant de nombreuses parcelles inutilisables. Le texte prévoit également que, dans les communes littorales, “les surfaces artificialisées rendues impropre à l’usage en raison de l’érosion côtière [soient] considérées comme ayant fait l’objet d’une renaturation”. De surcroît, les opérations de relocalisation ne seraient pas comptabilisées comme de l’artificialisation. Néanmoins un amendement propose que les terres délaissées fassent l’objet d’une réelle renaturation afin de garder la cohérence de stratégie de lutte contre l’artificialisation des sols, nous attendons donc beaucoup du vote à venir sur cet amendement. Il est indéniable que les collectivités territoriales subissant la réduction progressive de leur territoire …
Justice pour le vivant : l’agrochimie défend le système d’autorisation des pesticides aux côtés de l’État
Paris, le 13 mars 2023. Les associations POLLINIS, Notre Affaire à Tous, ANPER TOS, ASPAS et Biodiversité sous nos pieds ont transmis au Tribunal administratif de Paris leur mémoire en réponse aux arguments du lobby de l’agrochimie qui cherche à maintenir le système actuel d’homologation des pesticides, responsable de l’effondrement sans précédent de la biodiversité. Phyteis, le lobby représentant en France les plus grandes entreprises de l’agrochimie (Bayer, Syngenta, BASF…) a déposé le 10 février un mémoire en intervention dans le recours historique « Justice pour le Vivant ». Cette demande, soumise moins de deux heures avant la clôture programmée de l’instruction, est venue in extremis appuyer la défense de l’État, attaqué par 5 ONG environnementales pour son inaction face à l’effondrement de la biodiversité. Alors que l’on constate un déclin de 76 % à 82 % des insectes volants au cours des 27 dernières années en Europe[1], une diminution de 57 % des oiseaux communs des milieux agricoles depuis 1980[2] ainsi qu’une contamination importante de l’eau et l’air par les pesticides[3], les arguments mobilisés par le lobby de l’agrochimie ignorent le consensus scientifique sur la responsabilité des pesticides dans cet effondrement. Dans son mémoire d’une cinquantaine de pages, Phyteis tente également d’empêcher la tenue du procès Justice pour le Vivant en utilisant diverses techniques dilatoires. Le lobby consacre ainsi plus d’une dizaine de page à contester la recevabilité du recours, faisant valoir toute une série d’arguments infondés, parmi lesquels : la remise en cause de la compétence du Tribunal administratif en matière de préjudice écologique, questionnant ce faisant la décision prise par ce même tribunal dans l’Affaire du Siècle. La contestation en question de la participation au procès de 3 des associations requérantes: ANPER TOS, l’ASPAS et Biodiversité sous nos pieds. Sur le volet scientifique, le lobby ignore la majorité des centaines d’études citées par les associations qui montrent les effets néfastes des pesticides sur la biodiversité, ainsi que les lacunes avérées du schéma d’évaluation des risques mises en évidence par les ONG dans leurs précédents mémoires, et largement reconnues par la littérature scientifique et par les autorités sanitaires française et européenne elles-mêmes[4]. Il écarte ainsi des pans entiers du rapport INRAE-IFREMER (2022), pourtant le résultat d’une expertise collective de plusieurs années des instituts de recherche publics les plus reconnus en agronomie et connaissance des océans sur l’impact des produits phytopharmaceutiques sur la biodiversité et les services écosystémiques. Tandis que le représentant des firmes de l’agrochimie accuse de « biais » certaines études scientifiques citées par les 5 ONG, il essaie d’orienter le tribunal vers des études « non-biaisées » selon eux, telle que celle de Tänzler et al. 2022, qui a en réalité été commissionnée et écrite par des scientifiques employés par Bayer (soit Bayer AG, Crop Science, Allemagne, soit Bayer CropScience, Etats-Unis). Autre exemple, Phyteis affirme que l’ensemble de données disponibles dans la littérature scientifique des dix dernières années est d’ores et déjà mobilisée dans le cadre de l’évaluation des risques liés aux pesticides En réalité, la science indépendante est notoirement peu prise en compte, comme le souligne le rapport de l’INRAE-Ifremer: « Les fondements scientifiques mobilisés dans le cadre réglementaire ignorent en partie les connaissances scientifiques disponibles dans le champ académique ». Certaines des procédures d’évaluation européennes actuelles datent de 2002 et n’ont pas fait l’objet depuis des mises à jour indispensables au regard des dernières connaissances scientifiques et des exigences de la réglementation. Ainsi, depuis l’adoption du règlement européen sur les pesticides de 2009, aucun nouveau document pour l’évaluation des risques pour les insectes auxiliaires et pour les abeilles n’a vu le jour. Les risques pour les amphibiens et les reptiles ne font toujours l’objet d’aucune évaluation. « Il est inutile d’avoir l’une des règlementations les plus protectrices au monde en matière d’évaluation des pesticides si celle-ci n’est pas appliquée. C’est cette distorsion insupportable entre les objectifs législatifs et la réalité de protocoles sur la base desquels ont été autorisées les substances les plus toxiques pour l’environnement et la santé humaine (néonicotinoïdes, S-méthalochlore, etc.) qui nous a poussé à agir. L’intervention de Phyteis pour défendre l’inaction de l’Etat ne fait que renforcer nos convictions et notre détermination. », rappellent les 5 associations. Retrouver le dossier de presse pour plus d’informations Le mémoire transmis au Tribunal Administratif Contacts presse POLLINIS : Cécile Barbière, Directrice de la communication cecileb@pollinis.org Notre Affaire à Tous : Justine Ripoll, Responsable de campagnes. justine.ripoll@notreaffaireatous.org ANPER-TOS : Elisabeth Laporte, Juriste. juridique@anper-tos.fr Biodiversité Sous Nos Pieds : Dorian Guinard, membre du pôle juridique de BSNP daguinard@yahoo.fr ASPAS : Cécilia Rinaudo, Responsable Développement et Communication cecilia.rinaudo@aspas-nature.org Notes [1] Cour des comptes, Le soutien à l’agriculture biologique, Rapport public thématique, juin 2022, p. 203 [2] Birdlife International, Etat des Populations d’Oiseaux dans le Monde, 2022 [3] Cf. par ex. LeMonde, Pesticides : de l’eau potable non conforme pour 20 % des Français, 21 septembre 2022 ; Enquêtes d’actu, L’eau du robinet polluée par les herbicides, 24 novembre 2022 ; France 3 Régions, Pesticides dans l’air. Air Breizh dévoile son bilan : 26 pesticides détectés dont 8 interdits d’utilisation, 27 novembre 2022. [4] Notamment, s’agissant de l’évaluation des risques pour les abeilles : EFSA, Scientific Opinion on the science behind the development of a risk assessment of Plant Protection Products on bees (Apis mellifera, Bombus spp. And solitary bees), 2012 ; EFSA, Guidance on the risk assessment of plant protection products on bees (Apis mellifera, Bombus spp. and solitary bees), 2013 ; EFSA, Outcome of the pesticides peer review meeting on general recurring issues in ecotoxicology, 2015 ; Anses, Avis relatif à l’évolution de la méthodologie d’évaluation du risque vis-à-vis des abeilles domestiques et des insectes pollinisateurs sauvages dans le cadre des dossiers de demande d’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, Saisine n° 2019-SA-0097, 5 juillet 2019 ; Topping et al., 2020.
Le One Forest Summit c’est notre affaire à tous ! (3/3)
par Hilème KOMBILA (Avocate-Présidente de NAAT-Lyon) Le One Forest Summit : un rendez-vous crucial pour le droit des forêts tropicales Le One Forest Summit s’est achevé hier soir et le Président français Emmanuel Macron reprend l’avion pour continuer sa tournée en Afrique. Les six chefs d’États présents à cette rencontre internationale sur la conservation des forêts tropicales, la protection du climat et la biodiversité ont adopté un document baptisé “Plan de Libreville” qui contient une mesure phare: la création d’un fonds doté d’une enveloppe de 100 millions d’euros “pour les pays qui souhaitent accélérer leur stratégie de protection des réserves vitales de carbone et de biodiversité dans le cadre des partenariats” dont 50 millions seront mis sur la table par la France, a déclaré Emmanuel Macron. Le but affiché par le ministère de la Transition écologique français, était au départ de préserver les trois grands bassins forestiers tropicaux de la planète : la forêt amazonienne, le bassin du Congo et les forêts d’Asie du Sud-Est, qui jouent un rôle incontournable dans la régulation du climat et abritent une biodiversité inestimable. Selon le gouvernement, ce sommet avait pour but de concrétiser les orientations internationales relatives à l’urgence climatique et environnementale. Autrement dit, il s’agit de mettre en œuvre les grandes ambitions de la dernière COP15 sur la biodiversité qui a eu lieu à Montréal en 2022. A l’époque, un accord prévoyant la mise sous protection de 30% des terres et 30% des mers de la planète d’ici 2030 avait été entériné. Le plan de Libreville s’inspire également des principales résolutions de la COP27. Les pays présents se sont engagés à stopper la déforestation comme solution efficace dans la lutte contre le changement climatique Comme le souligne le militant écologiste gabonais Marc Ona Essangui, président de l’association Brainforest, on comprend que cette rencontre ne se distingue pas mais s’inscrit dans la droite ligne des COP. Il estime à ce titre que la question de la préservation des forêts tropicales pour le climat “est devenue un gros business et ce business climatique profite à certains lobbies”. Source : https://www.radiofrance.fr/franceinter/a-quoi-sert-ou-pas-le-one-forest-summit-qui-se-tient-mercredi-et-jeudi-au-gabon-7067195 Nous pourrions dire beaucoup de choses sur ce rendez-vous politique, mais l’idée est aujourd’hui d’apporter un éclairage sur le droit de l’environnement et la justice climatique qui résulte de cet événement. Entre marchandage du bois et des fruits de la forêt et inclusion des populations et de leurs droits, quel est le bilan du premier One Forest Summit? Photographie libre de droits. La préservation des forêts tropicales comme objet d’échanges en droit des affaires Lors de ce rendez-vous, l’objectif principal pour les États du Bassin du Congo comme le Gabon était de montrer au monde qu’ils étaient des terres fertiles à l’investissement économique et financier dit “vert”. Le développement des capacités d’investissement dont les pays forestiers du Sud ont besoin doit ainsi permettre de rétribuer, de manière juste et équitable, le « service » rendu à la planète par la préservation de la forêt. Cet objectif, dont la réalisation passe notamment par la vente de crédits carbone, est soumis à une contrainte supplémentaire sur la production locale depuis que l’Union européenne (UE) a banni l’importation de produits issus de la déforestation. En décembre dernier, les institutions européennes sont parvenues à un accord final pour interdire la vente sur le territoire de produits issus de la déforestation. Le texte s’attaque à la dégradation des forêts primaires, peu nombreuses en Europe, mais également des forêts naturelles. En revanche, le Parlement n’a pas obtenu l’extension aux terres boisées pour protéger d’autres zones naturelles. Le Cerrado brésilien attendra donc le réexamen du texte dans un an, et la les savanes africaines et autres terres humides, celui qui interviendra deux ans. Ce contexte explique le fait que deux leviers ont été discutés lors du sommet pour assurer la préservation des forêts tropicales, au moyen du droit économique: la transaction des services et la traçabilité des produits. Concernant la traçabilité des produits, l’UE a donc exclu l’importation de produits issus de la déforestation. La charge de la preuve revient à l’exportateur qui doit démontrer que des produits tels que le cacao, l’huile de palme, le soja, le café, le bois, le caoutchouc et certains produits dérivés comme le chocolat ou les meubles ne sont pas issus de la déforestation. Sans cette preuve, ils seront bannis du marché européen. La mise en place de ce mécanisme de traçabilité est louable car l’Europe est le deuxième importateur de déforestation au monde, juste derrière la Chine. Toutefois, on peut regretter que le maïs n’ait pas été inclus malgré la pression parlementaire. Il pourrait l’être dans le cadre d’une clause de révision d’ici à deux ans. La même réserve doit être émise pour le secteur financier qui est aussi exclu de l’accord. Le Parlement avait pourtant plaidé pour que la règle s’applique aussi aux banques et institutions financières européennes. Le but était d’éviter une différence de traitement entre une entreprise qui ne peut pas acheter un produit issu de la déforestation et une banque qui peut financer des projets responsables de déforestation. Malheureusement, aucun des Etats membres n’a soutenu cette proposition. Même si elle sera à nouveau examinée dans deux ans, il est dérangeant de constater que le secteur financier échappe à l’effort indispensable à la préservation des forêts tropicales. Sur le papier, l’avancée est donc notable mais mitigée face à l’urgence climatique et environnementale. Greenpeace Europe a ainsi estimé nécessaire l’élargissement du champ d’action de l’Europe « dans les années à venir, pour protéger la nature dans son ensemble, pas seulement les forêts, et empêcher les entreprises qui détruisent la nature non seulement d’accéder au marché de l’UE, mais aussi d’obtenir des prêts des banques européennes « . En pratique, les entreprises souhaitant faire entrer ces produits sur le marché vont devoir présenter un certificat au moment de franchir une frontière européenne. Ce certificat précise d’où vient la matière première qui a servi à la conception de leurs produits à l’aide des coordonnées GPS de l’exploitation incluses. Les candidats au marché européen devront par exemple …
Le One Forest Summit c’est notre affaire à tous ! (2/3)
Écrit par Hilème KOMBILA (Avocate-Présidente de NAAT-Lyon) Un rendez-vous manqué pour les droits des peuples autochtones C’est à Libreville qu’a été lancé hier le One Forest Summit, sommet de haut niveau sur la protection des forêts tropicales. A l’origine, il était prévu de réunir les représentants des trois principaux bassins forestiers de la planète, mais ce menu a été “allégé” par les organisateurs. C’est au palais présidentiel qu’a eu lieu la rencontre entre les chefs d’État pour la seconde journée du sommet. Toutefois, cette rencontre gouvernementale est marquée par trois absences de taille. Les présidents de la RDC, Félix Tshisekedi, et du Brésil, Luiz Inácio Lula da Silva ne sont pas présents alors que leurs deux pays possèdent le plus de forêts tropicales au monde. L’autre absent est évidemment le peuple qui n’est pas convié à la table des négociations, mais pourra suivre des conférences diffusées sur une chaîne nationale, s’il dispose d’une télévision. Trois axes principaux sont abordés lors des deux journées du sommet et concentrent la réflexion des décideurs politiques. D’abord le manque de connaissance scientifique sur les forêts tropicales. L’idée est de financer des programmes scientifiques qui permettront d’établir des marqueurs et des modélisations de la forêt pour voir son évolution face aux changements climatiques. Ensuite, il s’agit de réfléchir à la mise en place d’une chaîne de valeur durable pour pouvoir vendre plus cher les produits responsables issus des arbres tels que le bois ou le cacao. Enfin et surtout, la question de la rémunération de la protection des forêts tropicales est posée. Combien rapporte et coûte le fait de préserver sa forêt primaire, 3, 5 ou 50 dollars la tonne de CO2? Nous le saurons peut-être à l’issue des débats… En attendant la fin du marchandage, on peut s’interroger sur le choix de la valeur économique et financière de la forêt tropicale comme levier pour assurer sa protection. Le risque d’une préservation de la forêt équatoriale au prix de la valeur humaine La quantité de valeur matérielle générée par les produits et services rendus par la forêt doit-elle prévaloir sur la qualité de la valeur humaine? Cette question se pose, notamment quand on voit, parmi d’éminentes personnalités conviées au One Forest Summit, la présence du WWF comme organisateur de plusieurs événements. En effet, cette organisation est au cœur d’une affaire qui a conduit ses détracteurs à en faire l’exemple d’un “colonialisme vert ». Comme l’indique le journal Le Monde, en janvier 2017, l’ONG Survival International avait porté plainte auprès de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) contre le WWF pour complicité d’abus contre des Pygmées au Cameroun. En avril 2020, l’Union européenne (UE) a décidé de suspendre une partie de ses financements au Fonds mondial pour la nature (WWF), en raison de manquements au respect des droits humains dans le projet de création de l’aire protégée de Messok Dja, au Congo-Brazzaville. Comme le précise le journal : “Cette région abrite de vastes étendues de forêts quasi intactes qui se prolongent au Cameroun et au Gabon, constituant un des derniers sanctuaires pour les éléphants de forêts et les grands singes. A ce titre, elle mobilise depuis longtemps, à travers le projet Tridom, l’attention et l’argent des grands bailleurs de fonds engagés dans la protection des écosystèmes d’Afrique centrale. Une mosaïque d’aires protégées, dont certaines chevauchent les frontières, sanctuarise plusieurs dizaines de milliers de kilomètres carrés. De grandes ONG internationales, à l’instar du WWF, en assurent la gestion en appui aux gouvernements locaux, dont les moyens humains et financiers s’avèrent insuffisants pour faire face à la pression du braconnage de l’ivoire et de la viande de brousse” (source : Le Monde). Peuple de chasseurs-cueilleurs, les Pygmées vivent dans les forêts tropicales du bassin du fleuve Congo depuis les temps les plus anciens. Il sont porteurs d’un savoir inestimable relatif aux ressources forestières et à la biodiversité. Ils connaissent les secrets des plantes médicinales qu’ils partagent avec les ethnies locales, en échange de leur protection, depuis des générations. Au Gabon, par exemple, on raconte qu’ils ont ainsi transmis l’Iboga aux Grands Maîtres du Bwiti, permettant ainsi l’initiation et la guérison de milliers de personnes. Dzanga-Sangha Forest Reserve, Cental-African Republic, Africa, November, 2, 2008: The hunter-pygmy with a net, before hunting. Le rapport de l’ONG Survival International recensait plus de 200 cas de violations des droits de l’homme, dans trois pays du bassin du Congo, à l’encontre de deux tribus autochtones pygmées: les Baka et les Bayaka. Des gardes forestiers financés par le Fonds mondial pour la nature avaient été accusés de violations des droits de l’homme “systématiques et généralisées” envers les pygmées au Cameroun, en République démocratique du Congo et en Centrafrique. Selon l’ONG, à l’époque des faits, les Pygmées sont “illégalement expulsés de leurs terres ancestrales au nom de la conservation de l’environnement (…) Alors qu’ils chassent à l’intérieur et à l’extérieur de ces zones pour nourrir leurs familles, les Baka et les Bayaka sont accusés de braconnage. Avec leurs voisins, ils font face à toutes sortes de harcèlements, sont frappés, torturés et tués » (source AFP septembre 2017). En août 2019, des représentants des Baka avaient expliqué à la Commission européenne que depuis de nombreuses années, les écogardes financés par le WWF leur interdisaient de chasser pour nourrir leurs familles ou d’entrer dans la forêt. Les limites du parc auraient ainsi été instaurées sans le consentement préalable des peuples autochtones. Une plainte a également été déposée auprès du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) par six communautés Baka. Pourtant, le projet de parc tel qu’il fut pensé en 2017 impliquait “la conservation et la gestion participative de l’aire protégée de Messok Dja et de sa périphérie”. Cette gestion “participative” implique le “consentement libre, informé et préalable” des populations pygmées, comme l’indique le contrat liant l’UE et le WWF. Malheureusement, la référence formelle à une règle issue de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones n’est pas suffisante pour garantir l’effectivité de leurs droits fondamentaux. La lutte contre la spoliation de …
CP / Jugement dans l’affaire Tilenga/EACOP concernant les activités de TotalEnergies en Ouganda et Tanzanie : Notre Affaire à Tous, impliquée dans d’autres contentieux relatifs au devoir de vigilance, déplore cette décision mais demeure confiante sur les chances de succès de ses actions climatiques
Press release (english version) 1er MARS 2023, PARIS – Le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a émis un jugement ce mardi 28 février dans une affaire fondée sur la loi sur le devoir de vigilance (NB: les “référés” désignent des procédures accélérées permettant au juge de se saisir de situations d’urgence). Saisi au sujet des risques et atteintes aux droits humains et à l’environnement en Ouganda et Tanzanie liés aux projets pétroliers “Tilenga” et “EACOP” de TotalEnergies, le juge de l’“urgence » a débouté les associations françaises et ougandaises de leurs demandes. Notre Affaire à Tous (NAAT) n’est pas impliquée dans ce dossier mais regrette cette décision et affirme son soutien aux associations requérantes et aux communautés affectées en Ouganda et en Tanzanie. Les projets climaticides EACOP et Tilenga remettent dangereusement en cause la faisabilité collective d’atteindre l’objectif de l’Accord de Paris de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C, introduisent des risques écologiques significatifs de marée noire ou autre pour l’environnement local (en particulier l’aire naturelle protégée Murchison Falls, où les forages pétroliers auront lieu) et causent des expropriations des populations locales dont les conditions sont largement contestées par les associations requérantes, dont les Amis de la Terre France. Le tribunal judiciaire de Paris a estimé que le dossier est trop complexe pour être traité dans le cadre d’une procédure d’urgence. Par conséquent, il ne s’est pas prononcé sur le fond, concédant que l’affaire “doit faire l’objet d’un examen en profondeur […] excédant les pouvoirs du juge des référés.” Il faut bien comprendre que ce jugement est dénué de toute autorité de la chose jugée au principal, c’est-à-dire que le juge du fond peut toujours rendre un jugement différent, qui prévaudra auquel cas. De plus, certaines interprétations de la loi relative au devoir de vigilance semblent a priori contestables. En particulier, le tribunal a jugé les demandes des associations irrecevables pour le motif procédural suivant : les griefs et demandes formulés dans la lettre de mise en demeure (ci-après “MED”, il s’agit d’un courrier préalable obligatoire avant l’introduction d’une action en justice sur le fondement de la loi relative au devoir de vigilance) diffèrent trop de ceux soulevés dans les dernières plaidoiries écrites et orales. Les Amis de la Terre et les autres associations parties au litige contestent cette décision dans leur communiqué de presse en expliquant « qu’elles n’ont fait que préciser et consolider leur argumentaire » et renvoient pour se justifier à leur MED [1]. N’ayant pu prendre connaissance de l’ensemble des pièces du dossier, NAAT s’inquiète malgré tout de cette interprétation, qui, si elle devait être confirmée, pourrait entraver les exigences fondamentales de cette loi, à savoir les obligations continues d’identification et de prévention des risques d’atteintes graves aux droits humains et à l’environnement. Paul Mougeolle, juriste à NAAT ajoute : “une fois qu’un contentieux est lancé, il semble absurde de ne pas pouvoir actualiser les demandes en fonction de l’évolution de la situation, si l’entreprise ne remédie toujours pas aux allégations principales indiquées dans la MED. L’hypothèse contraire entraînerait une remise en cause fondamentale du rôle du juge, chargé du contrôle de l’application de la loi.” Quoi qu’il en soit, ce jugement ne préjuge en rien des autres affaires relatives au devoir de vigilance, en particulier celles ayant trait à la “vigilance climatique” lancées par NAAT. Les contentieux climatiques en France (Affaire du Siècle, Grande-Synthe, procédures dans lesquelles NAAT est partie) et à l’étranger aboutissent de plus en plus sur des victoires, tant à l’encontre des Etats (Pays-Bas, Allemagne, Irlande, Grande-Bretagne, Belgique, même aux USA dans une certaine mesure dans l’affaire Massachussetts v. EPA), que des entreprises (affaire Shell aux Pays-Bas). Au-delà de ce contexte judiciaire favorable, un rapport d’un groupe d’experts de l’ONU de 2022 expose les mesures que les entreprises doivent mettre en œuvre en matière climatique, tirant les conséquences des rapports scientifiques produits par le GIEC depuis de nombreuses années sur les risques graves associés aux énergies fossiles. Brice Laniyan, juriste chargé de contentieux et de plaidoyer pour NAAT, conclut que : “Nous restons persuadés que ces éléments renforcent le bien-fondé de notre interprétation du devoir de vigilance en matière climatique et que le jugement en référé rendu le 28 février par le Tribunal judiciaire dans l’affaire Tilenga/EACOP ne remet pas en cause nos chances de succès”. Contact presse Notre Affaire à Tous : Brice Laniyan, Juriste chargé de contentieux et de plaidoyer en charge de la responsabilité climatique des multinationales, brice.laniyan@notreaffaireatous.org. Notes [1] Les associations requérantes rappellent que “les pièces du dossier sont nombreuses et proportionnées aux enjeux, et répondent aux besoins d’actualisations liés à la longueur de la procédure, considérablement rallongée par la bataille procédurale engagée par Total en 2019”.
