
Chères lectrices, chers lecteurs,
Pour cette vingt-deuxième newsletter des affaires climatiques et environnementales, vous trouverez en focus un article sur la potentielle reconnaissance implicite des droits de la nature par les juridictions françaises.
Ensuite, vous retrouverez les chroniques de trois décisions récentes en matière de contentieux environnemental : la condamnation de l’État à dépolluer une large zone littorale polluée aux métaux, une décision de la Cour de justice de l’Association européenne de libre-échange sur les stockages de déchets et une décision du Conseil constitutionnel sur l’encadrement des atteintes aux espèces protégées.
Très bonne lecture et merci d’être toujours aussi nombreux et nombreuses à lire ce courrier ! Et si vous souhaitez, vous aussi, vous investir dans la rédaction des prochains numéros, c’est par ici.
Clarisse Macé, co-référente du groupe de travail veille-international
Sommaire
Focus – Vers une reconnaissance implicite des droits de la nature par les juridictions françaises ?
Affaire environnementale
- Décembre 2024 : le tribunal administratif de Marseille a condamné l’État français à dépolluer une large zone littorale polluée aux métaux avant le 30 juin 2028
- Mars 2025 : Décision fondamentale de la Cour de justice de l’AELE : les considérations purement économiques ne sont pas suffisantes pour justifier une autorisation de stockage de déchets dans une masse d’eau.
- Mars 2025 : La décision du Conseil constitutionnel du 5 mars 2025 a validé la possibilité de reconnaître par décret la raison impérative d’intérêt public majeur d’un projet.
Focus : Vers une reconnaissance implicite des droits de la nature par les juridictions françaises ?
Alors que les scientifiques annoncent l’arrivée de la sixième extinction de masse du fait des activités humaines, les normes juridiques et les juridictions doivent plus que jamais protéger le vivant. En France, la protection de la biodiversité passe notamment par la reconnaissance d’espaces et d’espèces à protéger des destructions humaines. Une protection est accordée en fonction de la vulnérabilité et de l’importance de chaque espèce ou espace, sans les considérer comme des entités dotées de droit comme le sont les humains.
Petit à petit, la frontière entre droits fondamentaux et protection du vivant s’amenuise au fil des décisions des juridictions administratives (I) et certaines décisions peuvent s’analyser comme reconnaissant implicitement des droits à la nature (II).
Affaires environnementales
Le tribunal administratif de Marseille a condamné l’État français à dépolluer une large zone littorale polluée aux métaux avant le 30 juin 2028.
Le 16 décembre 2024, le tribunal administratif de Marseille a rendu une décision importante pour la santé des habitants du littoral sud de Marseille et la protection de l’environnement remarquable que constituent les calanques. Les juges phocéens posent par cette décision la première pierre du processus de dépollution d’une large zone de friches industrielles au cœur des calanques résultant de deux siècles de pollution par des dépôts et des exploitations industrielles. Si le préjudice moral des associations requérantes est reconnu et donne lieu à des injonctions de dépollution, le préjudice écologique ne l’est pas.
Décision fondamentale de la Cour de justice de l’AELE : Les considérations purement économiques ne sont pas suffisantes pour justifier une autorisation de stockage de déchets dans une masse d’eau.
Le 5 mars 2025, la Cour de justice de l’Association européenne de libre-échange (AELE) rend un avis consultatif relatif à l’interprétation de la directive-cadre de l’Union européenne sur l’eau du 23 octobre 2000. Cette demande d’avis intervient dans le cadre d’une affaire devant une cour norvégienne, opposant les ONG Friends of the Earth Norway et Young Friends of the Earth Norway au gouvernement norvégien. La décision est importante à plusieurs égards : d’une part, c’est la première fois que la Cour de justice de l’AELE se prononce sur une question liée à la protection de l’environnement et, d’autre part, elle rappelle l’absolue nécessité d’assurer la préservation des sources d’eau.
La décision du Conseil constitutionnel du 5 mars 2025 a validé la possibilité de reconnaître par décret la raison impérative d’intérêt public majeur d’un projet.
Cette décision facilite ainsi l’octroi postérieur d’une dérogation à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées, puisque ces projets ne devront ainsi remplir que les deux autres conditions légales au stade de l’octroi de la dérogation : absence de solution alternative satisfaisante et maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.