Chères lectrices, chers lecteurs,

Quelques mois avant le dixième anniversaire de l’association, nous sommes heureuses et heureux de vous présenter notre vingtième numéro de la newsletter des affaires climatiques et environnementales. La première newsletter, publiée en mai 2019, portait sur les victoires de la justice climatique. Ces premiers opus étaient uniquement accès autour du contentieux climatique. Puis, nous avons élargi notre champ de travail à l’ensemble des contentieux environnementaux, comme le fait Notre Affaire à Tous, tout en restant orientés vers les contentieux systémiques. Aujourd’hui, dans ce vingtième numéro, nous souhaitions revenir sur l’évolution des contentieux climatiques, durant ces cinq dernières années et sur les perspectives qu’ils ouvrent. En outre, comme à l’accoutumée, vous retrouverez un panorama des dernières décisions de contentieux climatiques et environnementaux, en France et à travers le monde.
 

Très bonne lecture et merci d’être toujours aussi nombreux et nombreuses à lire ce courrier ! Et si vous souhaitez, vous aussi, vous investir dans la rédaction des prochains numéros, c’est par ici.

Sandy Cassan-Barnel, co-référente du groupe de travail veille-international

Focus : Point sur les procès climatiques à travers le monde

Alors que la crise climatique continue de s’aggraver et que les gouvernements du monde entier peinent souvent à adopter des mesures adéquates, les tribunaux s’imposent comme des arènes clés pour contester l’inaction et exiger des actions concrètes en faveur du climat. Le dernier rapport sur les tendances mondiales en matière de contentieux climatiques, publié en juin 2023 par la London School of Economics, a répertorié 2341 cas (tous défendeurs confondus), dont les deux tiers ont été initiés depuis 2015, année de la signature de l’Accord de Paris sur le climat.

Il relève par ailleurs que seulement 24 juridictions étaient représentées dans le rapport en 2017, contre 39 en 2020 et 65 en 2023. Ce dernier rapport du PNUE et du Sabin Center met en évidence la véritable internationalisation des contentieux climatiques ; ces contentieux dont « le scope ne cesse de s’étendre » offrent ainsi « une voie possible pour s’attaquer aux réponses inadéquates des gouvernements et du le secteur privé à la crise climatique ». 

Cette augmentation notable des litiges climatiques souligne l’urgence croissante de la situation.

Affaires climatiques

Smith v Frontera New Zealand Supreme Court

La Cour suprême de Nouvelle-Zélande a rendu, le 7 février 2024, une importante décision ouvrant la voie à un procès en responsabilité civile contre les sept sociétés néo-zélandaises les plus émettrices de gaz à effet de serre en raison des dommages causés par leurs émissions de gaz à effet de serre.

Dernière décision dans l’Affaire du Siècle

Le 22 décembre 2023, le tribunal administratif s’est prononcé sur la question de savoir si le Gouvernement français avait correctement exécuté la décision du 14 octobre 2021 dans lequel le tribunal sanctionnait l’Etat français pour manquement à ses obligations en matière de lutte contre le changement climatique.

Prononcés dans les affaires de Grande Chambre concernant le changement climatique à la Cour Européenne des Droits de l’Homme

Le 9 avril 2024, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a statué sur trois affaires climatiques : Verein KlimaSeniorinnen Schweiz et autres c. Suisse [GC], Duarte Agostinho et autres c. Portugal et 32 autres, et Carême c. France. Si elle a jugé les deux dernières irrecevables, la Cour a rendu une décision de fond concernant l’affaire portée par l’association KlimaSeniorinnen. Marquant un tournant historique en matière de justice climatique, la Cour a conclu à une violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme par la Suisse. Ainsi, la Cour reconnaît le droit des individus d’être protégés par l’État contre les effets du changement climatique.

La publicité de Lufthansa interdite pour greenwashing par l’autorité britannique de régulation de la publicité

En mars 2023, Lufthansa, compagnie aérienne allemande, se fait épingler pour greenwashing par  l’Advertising Standards Authority (ci-après ASA), l’agence chargée de la régulation de l’industrie de la  publicité au Royaume-Uni. Celle-ci estime qu’une affiche publicitaire pour la compagnie a pour  conséquence de donner une image trompeuse de l’impact sur l’environnement des activités conduites  par Lufthansa. Les mesures prises par Lufthansa ne sont pas cohérentes avec l’impression que donne la publicité.

Le Tribunal international sur le droit de la mer a rendu un avis historique sur les obligations des États au regard des effets du changement climatique sur les milieux marins

Le 21 mai 2024, le Tribunal international sur le droit de la mer a rendu un avis reconnaissant et explicitant les obligations des États, individuelles et collectives, de prévenir, réduire et maîtriser les émissions de gaz à effet de serre et leur impact sur les milieux marins. Même si ce ne sont que des obligations de moyens qui obligent les États, le Tribunal insiste sur le niveau élevé de diligence requise et l’obligation des États de faire respecter les lois et règlements applicables par les entreprises. Il souligne l’obligation d’assistance, notamment financière, aux États en développement et indique que l’obligation de protection des milieux marins comprend notamment des mesures de restauration des écosystèmes.

Affaires environnementales

Le Conseil d’État ordonne l’enfouissement des déchets toxiques sur le site de Stocamine

Par une ordonnance du 16 février 2024, le Conseil d’Etat juge urgent de procéder aux travaux d’enfouissement de produits dangereux, non radioactifs, sur la commune de Wittelsheim en Alsace. Les juges du Palais-Royal annulent alors l’ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Strasbourg et rejettent la demande présentée par l’association Alsace Nature visant à la suspension de l’arrêté préfectoral autorisant l’enfouissement pour une durée illimitée.

Rapport de la Cour de cassation sur le traitement pénal du contentieux de l’environnement

A l’occasion de l’ouverture du cycle de formation sur le droit pénal de l’environnement dispensée par le parquet général, Monsieur François Molins, procureur général près de la Cour de cassation, a proposé de constituer un groupe de travail pluridisciplinaire afin de faire le point sur l’état actuel du contentieux pénal de l’environnement. 
Le rapport commence par dresser l’état du contentieux en constatant notamment un phénomène de la dépénalisation du droit de l’environnement.

Le groupe rappelle quelques évolutions récentes en matière de droit pénal de l’environnement, mais conclut que les réponses judiciaires ne sont pas satisfaisantes en raison de leur manque de réactivité et de fermeté.  

Le recours d’un groupe de 145 Camerounais contre les agissements du groupe Bolloré

Un groupe de 145 citoyens Camerounais souhaitent contraindre la société Bolloré à fournir des documents censés établir ses liens avec la Société camerounaise de palmeraies (Socapalm), qu’ils accusent d’attenter à leurs droits. En effet, ils accusent notamment ces deux sociétés, à travers leur activité de plantation de palmeraies, de détruire leur environnement, et de les priver de leurs ressources. C’est pour ces raisons qu’ils font appel de la première décision du Tribunal de Nanterre qui a jugé leurs demandes irrecevables. 

Thomas c. EPA recours contre les permis délivrés par l’Agence de protection de l’environnement guyanaise (EPA) à Esso Exploration

Le 21 mai 2020, Troy Thomas, scientifique guyanais, a saisi la Cour suprême de Guyane, d’un recours contre les permis délivrés par l’Agence de protection de l’environnement guyanaise (EPA) à Esso Exploration pour exploration pétrolière violaient les dispositions de la loi sur la protection de l’environnement (Environmental Protection Act). M. Thomas à notamment déclaré que ces permis exposaient la Guyane et le reste du monde “à des préjudices graves, voire irréparables, et aux conséquences néfastes du changement climatique”. Le 7 octobre 2020, la Cour suprême de Guyane a rendu une ordonnance de consentement acceptant un accord entre M. Thomas, l’EPA et Esso. 

Recours contre le permis de forage du champ gazier de Barossa, en Australie, pour non consultation des populations autochtones

Dennis Tipakalippa, juriste et principal propriétaire traditionnel Munupi, poursuit Santos, une entreprise pétrolière australienne, et le gouvernement fédéral australien en raison de l’approbation des plans de forage du champ gazier de Barossa. En effet, le 21 septembre 2022, M. Tipakalippa déclare que le permis environnemental de forage délivré par l’Autorité nationale de gestion de la sécurité et de l’environnement pour le pétrole offshore (NOPSEMA) à Santos était illégitime, puisque celui-ci ne l’avait pas consulté lui ou le clan Munupi. En conséquence, la Cour fédérale australienne à décidé d’annuler le permis. L’appel de Santos sera rejeté.

Décision du Conseil d’Etat relative aux soulèvements de la Terre

Suite à de violents affrontements entre des militants des Soulèvements de la Terre et des gendarmes à Sainte-Soline, le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin a décidé de dissoudre le collectif écologiste le 21 juin 2023. Il reproche notamment à ce dernier d’appeler et de participer à des violences envers les forces de l’ordre. Le 9 novembre 2023, les Soulèvements de la Terre demandent l’annulation de cette décision au Conseil d’État.