Chères lectrices, chers lecteurs, 

La newsletter des affaires climatiques revient pour son 10e numéro ! Dans ce nouveau numéro, nous vous proposons de lire un article sur la récente décision de l’Affaire du Siècle. Puis, vous pourrez découvrir la seconde partie d’une étude qui porte sur le droit à un environnement sain dans la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne. La première partie de l’étude avait été dévoilée dans le dernier numéro de la newsletter, vous pouvez la découvrir ici

Dans la partie “affaires climatiques”, vous trouverez des fiches d’arrêt sur trois récentes affaires : une première fiche porte sur la décision de la Cour Suprême du Royaume-Uni sur l’expansion de l’aéroport d’Heathrow ; une seconde se concentre sur le premier recours climatique brésilien porté par quatre partis politiques de l’opposition ; enfin, la décision du Conseil d’Etat dans l’affaire de la commune de Grande-Synthe fait l’objet d’une troisième fiche d’arrêt.  

Dans la partie “affaires environnementales”, six cas sont étudiés : la censure par le Conseil d’Etat des arrêtés anti-pesticides ;  la décision du Conseil constitutionnel sur la loi relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières ; le rejet par le Conseil d’Etat du recours contre la décision autorisant l’aménagement de l’Ecovallée dans le sud de la France ; la décision du Conseil d’Etat sur l’affaire “Commune de Piana c. préfet de la Corse-du-Sud” ; la décision du Conseil constitutionnel sur l’autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité ; et enfin, la reconnaissance par la Cour de cassation que le capitaine d’un navire est garant de la protection de l’environnement. 

Nous vous souhaitons une très bonne lecture !

Focus : Retour sur la décision de l’Affaire du Siècle

Dans les années 2010, un mouvement mondial pour la justice climatique s’est développé. Ce mouvement, pris sous l’angle juridique du contentieux climatique, vise à faire sanctionner par la justice, les comportements, des personnes publiques ou privées, qui favorisent la crise climatique ou aggravent ses conséquences. 

Rapidement, des ONG françaises se sont inscrites dans ce mouvement et se sont regroupées pour déposer le premier recours en responsabilité pour carence fautive en matière climatique contre l’Etat français. En décembre 2018, les associations Notre Affaire à Tous, Oxfam France, Greenpeace France et la Fondation Nicolas Hulot saisissent le tribunal administratif de Paris : l’Affaire du Siècle commence.  

Les associations demandaient d’enjoindre au gouvernement de faire cesser les manquements de l’Etat à ses obligations en matière de lutte contre le changement climatique ou d’en pallier les effets, et de faire cesser le préjudice écologique. 

Le 3 février 2021, le tribunal était amené à se prononcer sur l’existence d’une obligation de lutte contre le changement climatique incombant à l’Etat, d’un dommage et d’un lien de causalité avant de se prononcer sur la réparation du préjudice et sur les mesures d’injonctions.

Focus : Le droit à un environnement sain en droit de l’UE

La première partie de l’article sur le droit à un environnement sain en droit de l’Union européenne est parue dans le précédent numéro de la newsletter des affaires climatiques. Elle concernait l’absence d’un principe, doté d’une véritable force normative, en droit de l’Union garantissant un droit à un environnement sain : un droit en manque d’un principe. 

Dans ce nouveau numéro, nous vous proposons désormais de découvrir la seconde partie de l’article qui concerne la manière dont la CJUE cherche néanmoins, de façon indirecte, à garantir l’application de ce principe sans réelle force juridique : un principe en manque de droit. 

Dans l’ensemble de cet article, il est question de la manière dont la Cour met en œuvre le droit à un environnement sain : en ne le reconnaissant pas directement comme un véritable principe de droit, mais en lui garantissant indirectement une certaine effectivité.

Affaires climatiques

Expansion de l’aéroport d’Heathrow devant la Cour suprême

Dans cette affaire concernant l’extension de l’aéroport d’Heathrow, des organisations non-gouvernementales (Plan B, Friends of the Earth), le maire de Londres ainsi que cinq collectivités territoriales ont introduit un recours dans lequel ils contestent le manque d’évaluation climatique préalable lors de la décision de construction d’une troisième piste, notamment au regard de l’Accord de Paris. 

L’Accord de Paris a été ratifié sans qu’aucune mesure de transposition n’ait été faite en droit britannique. Il n’est donc pas incorporé dans l’ordre juridique interne, alors qu’il prévoit des limitations de températures plus ambitieuses que celles de la loi nationale britannique de protection du climat de 2008.

Affaire PSB et al. contre Brésil

Pour la première fois au Brésil s’est tenu un procès climatique devant la plus haute juridiction du pays, le Tribunal suprême fédéral. Porté par quatre partis politiques d’opposition, ce recours cherche à obtenir du Tribunal une injonction qui obligerait le gouvernement à réactiver le Fonds climatique du pays, instrument de politique climatique prévu afin de mettre en œuvre des projets et financer des activités qui luttent contre le changement climatique et ses effets. 

Une affaire similaire a d’ailleurs été engagée par les mêmes partis politiques, questionnant cette fois la gestion du gouvernement d’un autre Fonds, celui de l’Amazone.

Conseil d’Etat, Commune de Grande-Synthe, 18 novembre 2020

En octobre 2018, la commune de Grande-Synthe, représentée par Damien Carême, le maire agissant tant en sa qualité de maire que de citoyen, a prié le Gouvernement de prendre des mesures supplémentaires pour « infléchir la courbe des émissions produites et respecter, au minimum, les engagements pris par la France » suite à la signature de l’Accord de Paris, dans un délai de 6 mois maximum. La demande vise également « à ce que soient adoptées […] toutes dispositions législatives afin de “rendre obligatoire la priorité climatique” et pour interdire toute mesure susceptible d’augmenter les émissions de gaz à effet de serre, et enfin, de mettre en œuvre des mesures immédiates d’adaptation au changement climatique de la France ». 

Par une décision du 18 novembre 2020, le Conseil d’Etat s’est pour la première fois prononcé sur le respect des engagements climatiques de l’Etat français. Il a accordé un délai de trois mois au Gouvernement pour justifier du fait de la compatibilité de son refus de prendre des mesures supplémentaires avec l’objectif de réduction des émissions de GES qu’il s’est fixé.

Affaires environnementales

Conseil d’État, “Commune de Gennevilliers c. Préfet des Hauts-de-Seine”, 31/12/2020

Le 13 juin 2019, la mairie de Gennevilliers a rejoint un mouvement plus large de prise d’arrêtés municipaux anti-pesticides initié par la mairie de Langouët le 18 mai 2019. L’adoption de cet acte visait à interdire l’utilisation de pesticides et d‘autres produits phytopharmaceutiques sur le territoire de la commune. Les dangers sanitaires liés au glyphosate étaient alors au centre du débat public, avec notamment des annonces politiques de la Présidence de la République se refusant d’interdire le glyphosate avant une éventuelle décision européenne en 2022. 

Le 31 décembre 2020, le Conseil d’État a confirmé l’ordonnance de suspension d’exécution d’un arrêté anti-pesticides adopté par le maire de Gennevilliers décidé par le juge des référés de la Cour administrative d’appel de Versailles.

Conseil constitutionnel, mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques

Le 10 novembre 2020, le Conseil Constitutionnel a été saisi par soixante députés et sénateurs afin de contrôler la conformité de la loi relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières à la Constitution, et notamment de la Charte de l’environnement. 

Le Conseil Constitutionnel, dans une décision du 10 décembre 2020, a reconnu la conformité à la Constitution de la loi relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières, en ce qu’elle permet de déroger à l’interdiction d’utiliser des produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes.

Collectif associatif 06 pour des réalisations écologiques c. Écovallée

Par une délibération du 9 juillet 2015, le conseil d’administration de l’établissement public d’aménagement Écovallée – Plaine du Var a approuvé son PSO relatif au projet Écovallée. Le collectif CAPRE 06 reproche à cette opération l’absence d’étude d’impact et l’absence d’évaluation des incidences du projet sur le site Natura 2000 situé dans la zone géographique couverte par le PSO. 

Par une décision du 3 juin 2020, le Conseil d’État a jugé que la délibération d’un établissement public d’aménagement approuvant le projet stratégique et opérationnel de l’opération d’aménagement Écovallée n’est pas un acte faisant grief et ne peut faire l’objet d’un recours.

Conseil d’État, “Commune de Piana c. préfet de la Corse-du-Sud”

Sur la base d’un rapport d’expertise réalisé à sa demande par le cabinet d’études Biotope, la commune de Piana considère que treize hectares de la ZNIEFF dite « Capo Rosso, côte rocheuse et îlots » ne présentent pas de caractéristiques écologiques justifiant son inventaire au titre du patrimoine naturel remarquable. 

Par une décision du 3 juin 2020, le Conseil d’État a jugé que la constitution d’un inventaire en une zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) et la décision de refus de modification d’une ZNIEFF ne sont pas des actes faisant grief, c’est-à-dire ne peuvent faire l’objet d’un recours.

Conseil Constitutionnel, "Autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité"

Deux associations (l’Association Force 5 et France Nature Environnement) contestaient devant le Conseil d’État la décision de l’administration d’autoriser l’exploitation d’une centrale à gaz de Total Direct Énergie à Landivisiau (Finistère). 

Le 28 mai 2020, le Conseil Constitutionnel rend une décision constatant qu’un acte administratif autorisant l’exploitation d’une installation de production d’électricité constitue une décision publique ayant une influence sur l’environnement au sens de l’article 7 de la Charte de l’environnement, qui requiert par conséquent une participation du public. 

Chambre criminelle, Cour de cassation, 24 novembre 2020, N°2259

M. X est capitaine d’un navire de croisière appartenant à la société britannique Carnival PLC. Le 29 mars 2018, le centre de sécurité des navires de Marseille (CSN) effectue un contrôle sur ce navire ayant notamment pour objet de vérifier la teneur en soufre du combustible utilisé comme carburant du bateau. Le capitaine du navire britannique a été déclaré coupable de pollution de l’air en raison de l’utilisation de combustible dont la teneur en soufre est supérieure aux normes autorisées.

Découvrez également le podcast de Lexradio sur l’affaire Urgenda aux Pays-Bas, avec Sandy Cassan-Barnel ! Un autre podcast sera publié prochainement sur l’Affaire du Siècle.

L’ambition de cette newsletter ? Donner les moyens à toutes et tous de comprendre les enjeux de telles actions en justice face à l’urgence climatique ! Abonnez-vous pour recevoir, chaque mois, les actualités et informations sur ces affaires qui font avancer, partout dans le monde, nos droits et ceux de la nature face aux dégradations environnementales et climatiques : le combat qui se joue dans les tribunaux est bien celui de la défense des pollués face aux pollueurs, nouvel enjeu du XXIe siècle.