
Mesdames et Messieurs les Députés,
La proposition de loi initiée par le Sénateur Duplomb, que vous allez examiner à partir d’aujourd’hui à l’Assemblée nationale, porte atteinte à toutes les avancées en matière de protection de la santé humaine obtenues depuis plus de 10 ans.
Intervenant dans un contexte où les normes environnementales et sanitaires sont constamment remises en cause, sous l’impulsion de certains syndicats agricoles, ce texte démontre encore une fois la détermination des promoteurs d’une agriculture intensive désirant toujours produire plus, « quoi qu’il en coûte » pour notre santé et notre environnement. La défense de la Ferme France qui prétend « s’attaquer à des totems » entraine de profonds reculs, y compris les plus dangereux pour les citoyens que vous représentez.
La loi pour la reconquête de la biodiversité de 2016, qui a fixé un cap d’interdiction de l’usage des pesticides de type néonicotinoïdes, tueurs d’abeilles ? Purement jetée aux oubliettes, au mépris des effets avérés de cette famille de pesticides sur la santé humaine et sur les insectes
pollinisateurs.
L’ANSES, qui ne fait que son travail en délivrant ou non, en toute indépendance, des autorisations de mise sur le marché de produits phytosanitaires ? Volonté de mise sous tutelle avec une reprise en main par le pouvoir politique sur ses décisions, sans considération aucune
pour les enseignements des derniers scandales sanitaires.
L’Office Français de la Biodiversité, qui ne peut contrôler chaque année qu’à peine 1 % des exploitations agricoles (soit en moyenne un contrôle tous les 136 ans) parmi de nombreuses autres missions ? Son action deviendrait restreinte par la loi notamment pour faire preuve de plus de souplesse en cas d’atteintes environnementales.
L’élevage industriel, dont les effets sur l’environnement et le bien-être animal ne sont plus à démontrer ? Appelé à s’agrandir massivement en augmentant les seuils autorisés d’animaux en bâtiment d’élevage, le tout sans autorisations d’urbanisme ni enquête publique préalable.
L’usage de l’eau, dont l’agriculture intensive est la première consommatrice et responsable de sa pollution aux nitrates et aux pesticides, qui devient de plus en plus rare ? Circulez, l’eau doit être privilégiée en priorité pour « nourrir la Nation » et les mégabassines ne sont même pas un
débat.
La protection des zones humides – ô combien nécessaire au maintien de la biodiversité et de la qualité de l’eau ? Discrètement minorée dans les documents d’urbanisme.
La gouvernance de l’eau, indispensable pour avoir des débats constructifs et démocratiques sur les usages de l’eau ? Dans le texte initial, les comités de bassin, instances de concertation, voyaient discrètement leur composition changer au détriment des ONG qui appellent justement
à un usage raisonné de l’eau en matière agricole.
Enfin, l’interdiction de promotions et rabais sur la vente de pesticides en France en vigueur depuis 2018 ? Supprimée au nom de la compétitivité du secteur. C’est l’abandon pur et simple d’une mesure phare du Grenelle de l’environnement visant à diviser par deux l’usage des pesticides.
Les promoteurs de ce texte, en service commandé pour le compte de l’agriculture industrielle, envoient un signal clair : désormais, les intérêts de l’agriculture intensive (et non ceux des agriculteurs) doivent primer sur toute autres considérations et notamment l’intérêt général. Le vocabulaire employé est connu : surtranspositions, excès de normes, freins à la compétitivité, Nourrir la Nation.
Autant d’expressions qui démontrent une inadmissible fuite en avant politique qui ne va ni dans le sens de l’Histoire, ni surtout dans celui de la protection de la santé des Françaises et Français et de leur environnement.
Ce projet ne va pas davantage dans l’intérêt des agriculteurs alors qu’ils sont aussi victimes du réchauffement climatique et de l’usage intensif des pesticides. Dans un récent sondage BVA, seuls 15% des agriculteurs déclarent que la transition écologique du secteur agricole est une erreur et qu’il faut la combattre. La grande majorité des agriculteurs est consciente que leurs pratiques doivent évoluer et tendre vers un autre modèle.
Alors que nos concitoyens demandent légitimement des comptes sur la qualité de l’air qu’ils respirent, de l’eau qu’ils boivent et de la nourriture qu’ils consomment, de l’environnement qui les entoure et que la société, et plus particulièrement les consommateurs, paient les conséquences d’une pollution massive des sols et de l’eau, nous vous demandons de refuser la vision politique que ce texte incarne.
Mesdames et Messieurs les Députés, nous vous appelons à refuser ce texte qui, sous couvert de compétitivité, pose les bases d’un démantèlement progressif d’une législation sanitaire et environnementale durement obtenue.