Les cas de justice climatique dans le monde
L’Affaire du Siècle est loin d’être unique ! Le recours contre l’Etat français en matière de lutte contre le changement climatique s’inscrit dans une forte dynamique mondiale. Les citoyens issus de toutes générations confondues et en provenance de tous les continents se tournent vers la justice pour faire respecter leurs droits et ceux de la nature.
Le nombre de contentieux climatiques se multiplie. En 2020, le Sabin Center for Climate Change Law, de l’Université de Columbia, organisme qui recense ces actions, dénombre plus de 1500 affaires dans le monde. De nombreuses constitutions et textes législatifs reconnaissent le droit de vivre dans un environnement sain ou encore le droit des générations futures mais leur application est contestable. Ces affaires portées par des associations et citoyens pointent aussi le manque d’ambition des gouvernements mais également le non respect de leurs engagements dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Ces combats ne sont pas vains ! La Fondation Urgenda a remporté un procès historique aux Pays-Bas, confirmé en décembre 2019 par la Cour Suprême de La Haye. Le gouvernement néerlandais a été contraint par la justice de relever ses ambitions en terme de diminution des émissions de gaz à effet de serre.
En parallèle de l’Affaire du Siècle, Friends of the Irish Environment (FIE) attaque le gouvernement irlandais pour sa « lutte faible et sans ambition contre le réchauffement climatique ». En Belgique, l’Affaire Climat rassemble plus de 55 000 co-demandeurs contre les quatre autorités belges (la Région flamande, la Région wallonne, la Région de Bruxelles-Capitale et l’Etat fédéral). La justice colombienne reconnaît un droit à la forêt amazonienne suite à sa lourde déforestation. La liste est longue !
Un réseau mondial de juristes, citoyens et d’ONG émerge et s’associe pour contraindre nos Etats à agir face à l’urgence climatique. Le réchauffement climatique n’a pas de frontières. Notre Affaire à tous, Oxfam, FNH, Greenpeace et les deux millions de signataires de la pétition le représente en France à travers l’Affaire du Siècle. A nous d’agir pour la justice sociale et climatique !
Trois exemples de contentieux climatiques
Urgenda Foundation v The State of the Netherlands
En 2013, la Fondation Urgenda, organisation de protection de l’environnement, et 886 citoyens néerlandais ont demandé aux juges de reconnaître un devoir de diligence qui s’imposerait aux Pays-Bas. Si les Pays-Bas ne peuvent résoudre la crise climatique seuls, ils doivent prendre leur part de responsabilité. Historiquement, le pays recense le niveau d’émissions de GES le plus élevé par personne.
Le juge enjoint l’État néerlandais à réhausser ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 17 à 25% à horizon 2020 par rapport à l’année 1990. Par ailleurs, le juge demande également l’instauration d’une obligation de protéger les citoyens et la nature du réchauffement climatique et des activités polluantes, au nom de la solidarité entre les citoyens néerlandais, avec les citoyens du monde, et avec l’ensemble du vivant. Le 24 juillet 2015, le tribunal de La Haye a donné raison aux requérants. Il a souligné la « gravité des conséquences du changement climatique et du risque majeur qu’un changement climatique se produise. »
Dans la foulée de cette décision, de très nombreux partis politiques se sont réunis pour proposer la loi climatique la plus ambitieuse des pays industrialisés : en visant 95% de réduction d’émissions de gaz à effet de serre à horizon 2050. Le 9 octobre 2018, la Cour d’Appel de la Haye a confirmé cette décision historique : en se fondant sur la Convention européenne des droits de l’homme, elle a conclu que les droits humains devaient être protégés et que juges et citoyens avaient bel et bien leur mot à dire pour préserver ce droit essentiel.
Alors que le gouvernement néerlandais a de nouveau fait appel de cette décision, le 13 septembre 2019, le procureur général a conseillé à la Cour suprême de confirmer le jugement.
La Cour suprême a rendu son verdict le 20 décembre 2019 et a confirmé son jugement. C’est une victoire historique pour la justice climatique !
Leghari v Federation of Pakistan
Le 4 avril 2015, M. Asghar Leghari, agriculteur pakistanais, a reproché devant les cours de son pays l’échec du gouvernement national d’appliquer la Politique nationale relative au changement climatique (2014-2030). Il a demandé aux juges de la Fédération du Pakistan de défendre le droit de ses parents à la vie, à la dignité humaine, à l’information et à la propriété face au réchauffement climatique.
Le 4 septembre 2015, les juges ont considéré que le “retard et la léthargie” de l’Etat dans la mise en place de la Politique national heurtait le droit des citoyens pakistanais. La cour a donc enjoint à certains ministres de nommer des responsables devant s’assurer de la transposition de la Politique nationale, et de présenter une liste de points d’action. Ils ont également créé une Commission sur le Changement Climatique composée de ministres, d’ONGs, d’experts pour surveiller les progrès réalisés en la matière. Le 14 septembre, la Cour a également rendu une décision supplémentaire nommant les 21 individus à la Commission et lui confèrent certains pouvoirs.
Saul Ananis Luciano Lliuya v. RWE AG
En mars 2015, un agriculteur péruvien, Saul Luciano Liuya, a envoyé une lettre de plainte contre RWE, une compagnie énergétique allemande lui reprochant l’impact de ses activités sur le changement climatique. L’affaire est pendante devant la Haute Cour Régionale de Hamm.
M. Lliuya reproche à RWE sa responsabilité dans les émissions mondiales de gaz à effet de serre. Si les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas interdites par la loi, celles-ci menacent sa propriété. En effet, l’habitation de M. Lliuya est menacée par la fonte du glacier au-dessus du Lac Palacacocha, au Pérou. Il demande donc au juge de considérer RWE comme comme un perturbateur de sa propriété sur le fondement du §1004 du Code civil allemand. Il demande également au juge de décider que RWE couvrira ses dépenses pour protéger sa propriété de la fonte du glacier, à proportion de la responsabilité de la compagnie dans les émissions mondiale de gaz à effet de serre