Par James Corne, membre de Notre Affaire à Tous

PARTIE I

Résumé

Cet article ne vise pas, à travers la notion indéterminée de « droit à un environnement sain », un champ du droit de l’Union, à savoir le droit environnemental de l’Union. Il n’étudiera donc ni l’ensemble, ni une partie du droit dérivé. Il comprend cette notion comme un possible principe, de valeur constitutionnelle, permettant de contrôler l’ensemble des actes des institutions et des États membres. Dans un premier temps, il est question de savoir si un tel principe existe. La réponse est loin d’être claire. Il est néanmoins possible de répondre positivement, bien qu’il faille aussitôt ajouter que sa force normative est extrêmement faible. Dans un second temps, il est question de savoir si la CJUE n’a pas cherché à mettre en œuvre une stratégie qui permettrait de dépasser les faiblesses de ce principe. Autrement dit, dans l’impossibilité de l’invoquer efficacement de façon directe, n’est-il pas possible de l’invoquer de façon indirecte ? Il est finalement question, dans l’ensemble de cet article, de la manière dont la Cour met en œuvre le droit à un environnement sain : en ne le reconnaissant pas directement comme un véritable principe de droit, mais en lui garantissant indirectement une certaine effectivité. Il s’agit donc de rechercher, au travers d’arrêts variés et disparates de la Cour, cette stratégie.

Pour un résumé plus précis, voir les derniers alinéas, en italique, de cette introduction

La première partie de cet article est à lire ci-dessous. Elle concerne l’absence d’un principe, doté d’une véritable force normative, en droit de l’Union garantissant un droit à un environnement sain : un droit en manque de principes. Une seconde partie paraîtra dans le prochain numéro de la newsletter des affaires climatiques de Notre Affaire à Tous, en février 2021. Elle concerne la manière dont la CJUE cherche néanmoins, de façon indirecte, à garantir l’application de ce principe sans réelle force juridique : un principe en manque de droit.

Introduction

L’un des objectifs de l’Union est de garantir « un niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement » (article 3, §3, TUE) (1). En outre, « les exigences de la protection de l’environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en œuvre des politiques et actions de l’Union, en particulier afin de promouvoir le développement durable » (article 11 TFUE) (2). La politique de protection de l’environnement de l’Union est constituée aujourd’hui d’un droit dérivé foisonnant (3).

Afin de mettre en œuvre cette politique de protection de l’environnement, l’Union dispose d’une compétence partagée (4) avec les Etats membres (article 4, §2, e) TFUE). Le législateur, statuant conformément à la procédure législative ordinaire (5), décide « des actions à entreprendre par l’Union en vue de réaliser les objectifs visés à l’article 191 » (article 192, §2, TFUE). L’Union étant une organisation internationale, elle ne peut agir que sur le fondement d’une compétence et seulement pour mettre en œuvre les objectifs qui lui sont assignés. Concernant le domaine en cause, ces objectifs sont « la préservation, la protection et l’amélioration de la qualité de l’environnement », « la protection de la santé des personnes », « l’utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles » ainsi que « la promotion, sur le plan international, de mesures destinées à faire face aux problèmes régionaux ou planétaires de l’environnement, et en particulier la lutte contre le changement climatique. » La base juridique définie par l’article 192 TFUE a permis l’adoption d’instruments variés et importants, obligeant, pour ne citer que quelques exemples, les États membres à procéder à des analyses d’impact avant l’adoption de mesures pouvant affecter l’environnement (6), ou, mettant en place le réseau « Natura 2000 » (7), ou, garantissant l’accès à l’information en matière environnementale (8), ou, établissant un label écologique (9), ou, concernant la responsabilité environnementale (10) ou la réduction des émissions polluantes (11). 

Des mesures garantissant plus indirectement la protection de l’environnement peuvent aussi être adoptées sur le fondement d’autres bases juridiques, telles que celles concernant la santé publique. Si, en principe, l’Union dispose d’une compétence d’appui (12) en matière de santé (article 6, a) TFUE), le traité prévoit certaines exceptions lui permettant d’adopter aussi dans ce domaine des actes d’harmonisation (article 4, §2, k) TFUE). Cette dérogation concerne, en particulier, les mesures dans les domaines vétérinaire et phytosanitaire ayant directement pour objectif la protection de la santé publique (article 168, §4, b) TFUE).  Sur le triple fondement des bases juridiques concernant la santé publique, l’établissement, le fonctionnement du marché intérieur (article 114 TFUE) et la politique agricole commune (article 43 TFUE), le législateur de l’UE a adopté le règlement 1107/2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. Il constitue l’instrument qui permet à des substances actives, telles que le glyphosate, d’être autorisées dans l’Union. Son prédécesseur avait permis la mise sur le marché des néonicotinoïdes et du fipronil, dont la dangerosité pour la santé des abeilles semble aujourd’hui avérée (13). 

Cependant, cette somme d’instruments ne constitue pas, en tant que telle, un droit à un environnement sain ». Elle permet de former un champ d’étude, rassemblant un ensemble de règles disparates. Elle n’en constitue pas pour autant un droit ou un principe, entendu comme une norme  dotée à la fois d’un degré suffisant de généralité et de complétude pour pouvoir emporter par elle-même des conséquences juridiques. En outre, la somme de ces instruments semble seulement manifester la constance de la volonté politique du législateur de l’Union – aussi heureuse qu’elle puisse être. Elle n’en manifeste pas pour autant le respect d’une obligation constitutionnelle qui s’imposerait à lui. La volonté politique semble dépasser le droit. Elle apparaît alors réfractaire à un réel contrôle juridique.

Certaines normes inscrites dans les traités semblent pouvoir garantir ce droit à un environnement sain. Par exemple, la Cour a accepté, ce qui n’était pas évident, que les objectifs qui définissent la politique que peut mettre en œuvre le législateur de l’Union, listés à l’article 191 TFUE, puissent aussi servir à juger de la légalité des actes qu’il adopte. Cependant, l’article 191 TFUE accorde une large marge d’appréciation au politique (14), privant cet article d’une grande part de son effectivité. Les traités auraient pu limiter cette marge d’appréciation en précisant cet article, voire en créant de nouvelles dispositions. Néanmoins, en 2007, lors de l’adoption du Traité de Lisbonne, l’article 191 TFUE est demeuré essentiellement identique à l’ex-article 174 TCE. De même, la clause transversale, imposant que les exigences de la protection de l’environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en œuvre des politiques et actions de l’Union, demeure inchangée entre l’article 6 TCE et l’article 11 TFUE. La seule nouvelle disposition est constituée par la Charte des droits fondamentaux de l’Union, qui a acquis valeur de droit primaire avec le Traité de Lisbonne (article 6, §1, TUE). Son article 37 exige qu’ un niveau élevé de protection de l’environnement et l’amélioration de sa qualité doivent être intégrés dans les politiques de l’Union et assurés conformément au principe du développement durable. » Cependant, sa valeur juridique est limitée. Enfin, la Cour n’a pas créé, de sa propre initiative, un principe suffisamment substantiel pour contraindre le politique à protéger davantage l’environnement. La faiblesse de ces règles s’illustre dans le fait que la Cour semble n’avoir encore jamais eu à constater une violation, par une institution de l’Union ou par un Etat membre, d’un des articles listés ci-dessus.

Ni les traités, ni la Cour ne semblent avoir élaboré un véritable droit à un environnement sain. Cette proposition mérite néanmoins d’être précisée. Premièrement et ainsi qu’énoncé ci-dessus, l’objet recherché concerne l’existence d’un véritable principe juridique, c’est-à-dire d’une norme dotée d’une généralité suffisante, créatrice de droits et d’obligations, justiciable devant le juge et disposant d’une certaine effectivité. Ce principe se distingue donc d’un « droit à un environnement sain », comme synonyme de « droit de l’environnement », champ du droit étudiant un ensemble de normes plus ou moins disparates. Cette conclusion ne conduit pas à nier les louables efforts accomplis par le politique pour adopter une série d’instruments protecteurs de l’environnement. Elle se contente de remarquer l’absence d’une norme, à la fois, dotée d’une force juridique suffisante et suffisamment exigeante quant au niveau de protection de l’environnement qu’elle impose, afin de pouvoir réellement contrôler la qualité du droit dérivé. Secondement, il importe de distinguer plusieurs manières dont un tel droit pourrait être conçu. S’il est assez certain qu’il n’existe pas en droit de l’Union un véritable droit substantiel à un environnement sain, cela ne suffit pas à clore la discussion. Un tel droit peut encore exister en tant que principe d’interprétation, conduisant à choisir parmi toutes les interprétations possibles la plus protectrice de l’environnement. Il peut aussi exister en tant que source de règles procédurales, conduisant la Cour à imposer aux institutions et aux États membres des obligations exclusivement procédurales.

Eu égard à l’absence d’un principe garantissant de façon claire « un droit à un environnement sain » et donc, à l’impossibilité de commenter son champ d’application et son régime, il faut se tourner vers la jurisprudence de la Cour. Celle-ci a pu développer une stratégie permettant précisément de surmonter la faiblesse apparente des articles 11 et 191 TFUE, et, de l’article 37 de la Charte. Il faut même, à titre d’hypothèse, supposer qu’une telle stratégie existe et qu’elle vise à mettre en œuvre le « droit à un environnement sain. » Le dilemme de cette stratégie semble être de réussir à mettre en œuvre ledit droit, sans pourtant en faire un principe doté d’une véritable force normative. En l’absence d’une telle nouvelle norme venant redéfinir la marge d’appréciation du politique, cette dernière apparaît quasiment inchangée. La principale difficulté à laquelle se heurte donc le juge semble être ce pouvoir discrétionnaire, qu’il ne souhaite pas directement réduire. Toute sa stratégie semble consister à répondre à ce dilemme.  Le juge doit amener le politique à protéger l’environnement, sans néanmoins diminuer sa marge d’appréciation. Les lignes de combat qui dessinent la stratégie de la Cour et la portée du droit à un environnement sain ne semblent donc pas être déterminées par les exigences environnementales elles-mêmes, mais par une notion qui est étrangère à l’environnement — à savoir le pouvoir discrétionnaire du politique.

La stratégie de la Cour, pour garantir le droit à un environnement sain, comprend un plan en cinq parties. Elles reposent toutes sur un objectif de prudence et de déférence, bien qu’à des degrés variés. Les deux premières parties manifestent la plus haute prudence et déférence. Premièrement, le juge ne souhaite pas affronter directement le politique, en condamnant une mesure parce qu’elle ne protègerait pas suffisamment l’environnement, ou en lui imposant directement de protéger davantage l’environnement. La Cour a donc choisi de ne pas développer un véritable droit à un environnement sain, doté d’une réelle force juridique (§§1-6 et 9-10). La deuxième partie de la stratégie conduit le juge à refuser que ce droit permette de déroger aux normes instituées par le législateur (§§12-16), ce qui reviendrait au même que de les déclarer partiellement illégales. Dès lors, elle préfère interpréter les textes de façon conforme au droit à un environnement sain que de relever une illégalité sur son fondement. (§§7-8). Cependant, la troisième à la cinquième partie de cette stratégie permettent de nuancer cette lecture. La Cour s’autorise à affronter de façon indirecte le pouvoir discrétionnaire du politique. Elle ne lui impose directement aucun choix, mais l’encadre par des normes procédurales qui sont censées empêcher le politique d’ignorer les exigences du droit à un environnement sain. Troisièmement, elle impose au politique de respecter une rationalité procédurale, c’est-à-dire, d’une part, de respecter pleinement les procédures qui sont censées garantir le respect du droit à un environnement sain (§17) et de prendre en compte l’ensemble des données pertinentes du cas d’espèce (§18). Quatrièmement, la Cour semble chercher à étendre le champ d’application des textes de droit de l’Union qui définissent les règles encadrant la mise sur le marché de produits dangereux. Par son interprétation, elle y soumet des produits qui n’y entrent pas nécessairement (§§25-26). Cinquièmement et dernièrement, la Cour cherche à faciliter l’accès au juge national pour les associations qui estiment que le droit environnemental de l’Union est violé (§§27-28).

Cette stratégie est-elle viable et efficace ? Au regard du seul objectif de protéger l’environnement, cette stratégie apparaît limitée. En revanche, au regard de la fragilité de la Cour, la réponse est globalement positive. Néanmoins, il peut être reproché au juge, d’une part, d’oublier parfois de son raisonnement les exigences du droit à un environnement sain (§§9 et 30) et, d’autre part, de ne pas approfondir l’approche procédurale constituée par la troisième partie du plan. La Cour pourrait se permettre de créer des normes procédurales encadrant mieux les institutions et agences qui participent à la protection du droit de l’environnement (§§21-24). La Cour n’aurait pas à enfreindre les principes directeurs de sa stratégie. Elle n’affronterait pas directement le politique, mais se limiterait à l’encadrer.

Le droit de l’Union est donc d’abord un droit en manque d’un ou d’un ensemble de véritables principes garantissant un droit à un environnement sain (I). Peu semble donc pouvoir être obtenu du côté de la définition de ce droit. Il faut donc étudier, dans un second temps, la mise en œuvre de ce droit pourtant impossible à définir. Même si la Cour a cherché à garantir la protection de ce droit de façon indirecte, celle-ci demeure fragile. Ce droit peut donc être dit « en manque de droit », en ce que son application est fuyante et indirecte, au contraire de ce qu’une véritable norme de droit doit être (II). Il dispose d’une force normative faible et la Cour doit parfois s’affranchir d’un strict respect de la légalité afin de le mettre en œuvre.

Un droit en manque de principes

Le droit de l’Union manque de principes disposant d’une force normative suffisante afin de contraindre le politique à renforcer sa politique de protection de l’environnement. Pourtant, à Lisbonne, l’article 37 de la Charte, consacrant la protection de l’environnement comme un droit fondamental, a acquis le statut de droit primaire. Cela n’a néanmoins rien changé, l’article 37 n’ayant aucune portée ni aucune autonomie propre (A). Le droit à un environnement sain, qu’il est possible de dégager du droit de l’Union, apparaît très faiblement normatif. En outre, sa fragilité est renforcée, car ses exigences doivent être pondérées avec d’autres objectifs de l’Union, tels que ceux économiques (B).

A. La faible portée de l’article 37 de la Charte

Par l’introduction de l’article 37 de la Charte en droit de l’Union, le constituant ne semblait pas chercher à développer un véritable droit invocable. La Cour s’est conformée à cette volonté et n’a accordé aucune autonomie à cet article. Il apparaît seulement comme la répétition d’autres dispositions du traité, auxquelles il convient dès lors de se référer (1). Cependant, sur le fondement de ces dispositions, la Cour n’a soumis le politique qu’à un contrôle extrêmement souple, évitant toute confrontation frontale (2). 

1. Un principe sans apport

α. Une simple répétition de l’article 191 TFUE

§1. Un principe non autonome

Afin de dénier une pleine valeur à l’article 37 de la Charte, la Cour semble s’être alignée sur la distinction établie par le constituant entre « droits » et « principes ». Les premiers disposent d’une pleine normativité. Ils sont d’effet direct et la légalité des textes adoptés par les institutions et les États membres peut être jugée à l’aune de ceux-ci. Les seconds ne disposent pas de ces qualités. L’article 52, §5, de la Charte précise que leur invocation devant le juge n’est admise que pour l’interprétation et le contrôle de la légalité des actes qui les mettent en œuvre. La Cour a interprété de façon restrictive cette condition, estimant que ces articles ne disposaient pas d’effet direct. Ils laissent un trop large pouvoir d’appréciation aux institutions et aux États membres pour servir de fondement à un contrôle de légalité. L’arrêt Glatzel souligne ainsi que « le principe consacré à cet article n’implique pas, en revanche, que le législateur de l’Union soit tenu d’adopter telle ou telle mesure particulière » (15).

Cette absence d’effectivité se retrouve également au niveau des États membres. Premièrement, un tel principe ne peut permettre d’apprécier la légalité d’une mesure étatique. Secondement, il ne permet pas non plus de contrôler la légalité du comportement de personnes privées. En se fondant sur un raisonnement a fortiori, la Cour a tiré implicitement l’inférence suivante : si les principes ne disposent pas d’un effet direct  vertical (16) (pour contrôler les actions et abstentions des institutions et des États membres), ils ne disposent pas non plus d’un effet direct horizontal (17).

Une interprétation constructive de l’article 52, §5, de la Charte aurait pu permettre de renforcer le statut des principes. Ainsi, l’Avocat général Cruz Villalón proposait que la combinaison d’un principe et d’une directive le mettant en œuvre permettait d’accorder au premier, sur le fondement des précisions apportées par le second texte, une clarté, une précision et une inconditionnalité suffisantes pour acquérir un effet direct. Dans l’espèce en cause, cette solution aurait permis de pallier l’absence d’effet direct horizontal d’une directive non correctement transposée par un État membre (18). L’Avocat général estimait ainsi que les actes de droit de l’Union qui concrétisent de façon essentielle et immédiate un « principe » ont vocation à « s’intégrer au critère de validité des autres actes qui appliquent ledit ‘‘principe’’ au sens de cette disposition » (19). Cela signifie que ces normes de droit dérivé acquièrent, à la fois, une valeur de droit primaire et le statut normatif d’une disposition du traité, ce qui leur permet premièrement de contrôler la législation de l’Union et les actes nationaux et, secondement, de disposer d’un effet direct horizontal. La Cour a expressément rejeté une telle interprétation (20). L’article 37 de la Charte n’accorde donc aucun droit directement invocable (21).

La situation de l’article 37 connaît néanmoins une situation différente de celle des autres principes. L’article 52, §2, de la Charte dispose que les droits reconnus par celle-ci et qui font l’objet de dispositions dans les traités s’exercent dans les conditions et les limites définies par ces derniers. Tel est le cas de cet article qui constitue essentiellement un renvoi à l’article 191 TFUE. Malgré un langage ambigu, la Cour semble dès lors en conclure qu’il acquiert un effet direct et une véritable force normative. Cependant, le gain ainsi acquis semble aussitôt perdu. En effet, « il s’ensuit que, dès lors que, […] l’article 3 […] n’a laissé apparaître aucun élément de nature à affecter sa validité au regard de l’article 191 TFUE, cette disposition ne laisse pas non plus apparaître d’élément de nature à affecter sa validité au regard de l’article 37 de la Charte » (22). Dès lors que les articles 191 TFUE et 37 de la Charte pourraient également fonder un contrôle de légalité et que leur contenu normatif est strictement équivalent, le juge continue à se fonder seulement sur le premier (23).

§2 Un champ d’application limité

Le champ d’application de l’article 37 de la Charte demeure des plus incertains. Premièrement, l’invocabilité de la Charte au niveau des États membres est limitée par son champ d’application. Il correspond strictement au champ d’application du droit de l’Union. Elle s’applique quand les États membres mettent en œuvre le droit de l’Union, en exécution d’obligations de droit primaire ou de droit dérivé. Il ne suffit pas que la mesure étatique puisse affecter indirectement une norme de droit de l’Union (24). L’article 37 de la Charte ne semble donc pouvoir payer de retour l’article 191 TFUE et offrir à ce dernier, en échange de la force normative qu’il lui prodigue, une extension de son champ d’application. Le champ d’application de l’article 191 TFUE continue donc à être limité au champ d’application du droit de l’Union.

Une deuxième et une troisième extension auraient pu être envisageables. L’article 191 TFUE ne semble pas s’appliquer directement à l’encontre des États membres, ni à l’encontre des personnes privées. En revanche, les droits de la Charte, dotés d’effet direct, en général le peuvent. Faut-il penser que l’article 37 de la Charte puisse devenir un vecteur permettant d’élargir le champ d’application de l’article 191 TFUE ? La Cour n’a pas encore répondu à cette question. Même si une réponse positive pourrait s’intégrer assez logiquement dans sa jurisprudence actuelle sur les droits fondamentaux, il semble qu’elle ne souhaite néanmoins pas créer un véritable droit à un environnement sain doté d’une pleine force normative.

La Cour est demeurée ambiguë sur les conséquences de l’article 191 TFUE sur les États membres. En 1994, l’arrêt Peralta apparaissait incertain sur les raisons justifiant de rejeter le moyen d’une violation de l’article 191 TFUE par un Etat membre : était-ce car cet article leur reconnaîtrait un large pouvoir d’appréciation ou bien, parce qu’il ne s’adresserait qu’aux institutions de l’Union ? (25) La solution apparaît plus claire en 2010, quand la Cour a semblé affirmer que l’ex-article 174 TCE (actuel article 191 TFUE) ne dispose pas d’un effet direct, permettant de lui reconnaître une invocabilité d’exclusion à l’encontre des normes nationales qui lui seraient contraires. L’invocabilité d’exclusion étant une des qualités intrinsèques à l’effet direct, l’absence de la première permet de supposer l’absence du second. Par une lecture a contrario, il est possible de conclure que cet article ne dispose d’aucun effet direct autonome à l’encontre des actions des Etats membres. Il peut seulement être invoqué en combinaison avec une réglementation de l’UE adoptée sur le fondement de l’ex-article 175 CE (actuel article 192 TFUE) couvrant spécifiquement l’action concernée (26). Son rôle est alors purement interprétatif. A ce jour, il semble donc qu’aucune obligation ne puisse, indépendamment du droit dérivé, être imposée aux États membres sur le fondement de l’article 191 TFUE. La doctrine a pu en conclure que cet article ne disposait pas d’un effet direct (27). A fortiori, il ne semble donc pas disposer d’un effet direct horizontal ou descendant vertical (28). La Cour a ainsi constaté que le principe du pollueur-payeur, consacré à l’article 191, § 2, « ne saurait être invoqué par les autorités compétentes en matière d’environnement pour imposer, en l’absence de fondement juridique national, des mesures de prévention et de réparation » (29).

Cette dernière conclusion doit néanmoins être pondérée et précisée, au risque d’être fausse et imprécise. Premièrement, ainsi qu’il a déjà été énoncé, l’article 191 TFUE permet de contrôler des actes de droit dérivé adoptés par les institutions de l’Union. Il est donc doté d’un « effet direct ». La Cour semble lui reconnaître, au moins pour certaines de ses dispositions, une clarté, une précision et une inconditionnalité suffisantes pour acquérir ce statut. Les limitations qui l’entravent ne sont donc pas dues à sa qualité intrinsèque, c’est-à-dire à sa conformité aux trois critères de l’effet direct, mais à son champ d’application ratione personae. Secondement, cet article dispose d’une invocabilité indirecte d’interprétation conforme dans les Etats membres. Lorsque ces derniers mettent en œuvre les normes de droit dérivé adoptées sur le fondement de l’article 192 TFUE, « ils doivent aussi veiller à ce que les objectifs de la politique de l’Union dans le domaine de l’environnement soient atteints, conformément aux exigences de l’article 191, paragraphes 1 et 2, TFUE » (30).

Cette dernière obligation d’interprétation conforme est extrêmement claire en ce qui concerne le principe de précaution, tel que consacré à l’article 191. Celui-ci permet d’adopter une mesure de protection sans avoir à attendre que la réalité et la gravité des risques soient pleinement démontrées (31). Premièrement, ce principe permet à un Etat membre de renforcer les exigences d’une directive concernant la protection de l’environnement. Par exemple, la législation concernant les déchets prévoit que la Commission établit les critères spécifiques qui permettent de déterminer quels déchets cessent d’être des déchets, lorsqu’ils ont subi une opération de valorisation ou de recyclage (32). Si aucun critère harmonisé n’a été défini, les États membres peuvent décider, au cas par cas, si certains déchets ont cessé d’être des déchets (33). Pareillement que la Commission, ces derniers doivent tenir compte de tout effet nocif possible de la substance ou de l’objet concerné sur l’environnement et la santé humaine (34). Ils doivent aussi veiller à ne pas faire obstacle à la réalisation des objectifs de la directive, tels que l’encouragement à la valorisation des déchets (35). Ainsi, si l’Italie souhaite refuser qu’une l’huile végétale recyclée soit utilisée en tant que combustible dans une installation de cogénération, elle doit justifier de l’existence d’un risque raisonnable pour l’environnement et la santé humaine (36). L’existence d’un certain degré d’incertitude scientifique relative aux risques environnementaux peut conduire un État membre, compte tenu du principe de précaution, à décider de ne pas faire figurer une substance sur la liste des combustibles autorisés (37).

Secondement, le principe de précaution peut aussi limiter la marge d’appréciation d’un Etat membre. Un exemple est offert par la directive « habitats ». Cette dernière permet aux États membres, dans des conditions strictement encadrées, d’autoriser le prélèvement d’espèces protégées. Une telle dérogation ne doit pas nuire au maintien ou au rétablissement des populations d’une espèce menacée d’extinction dans un état de conservation favorable. Si l’examen des meilleures données scientifiques disponibles laisse subsister une incertitude sur le point de savoir si tel est le cas, le principe de précaution impose à l’État membre de s’abstenir d’adopter ou de mettre en œuvre une telle mesure (38).

En l’état actuel du droit, l’article 37 de la Charte, lu à la lumière de l’article 191 TFUE, semble donc pouvoir disposer d’une faible force normative à l’encontre des États membres, limitée à l’obligation d’interprétation conforme. Il ne dispose d’aucune véritable autonomie et permet seulement à la Cour de jouer sur les marges de l’interprétation des instruments adoptés par le législateur de l’Union. L’œuvre jurisprudentielle a ainsi permis de renforcer les obligations prévues par ces instruments, en choisissant, parmi les diverses interprétations possibles, la plus protectrice de l’environnement. Elle n’a néanmoins pas encore accordé à l’article 191 TFUE, sur le fondement de l’article 37 de la Charte, une invocabilité à l’encontre des Etats membres et des personnes privées. 

β. Un choix de politique jurisprudentielle 

§3 Une stratégie non nécessaire

Si la non reconnaissance d’un effet direct à l’encontre des États membres et d’un effet direct horizontal à l’encontre des personnes privées des articles 37 de la Charte et 191 TFUE devait être confirmée, cette double limitation constituerait un choix volontaire, par nature non nécessaire. La Cour a choisi de modifier le statut originel de l’article 191 TFUE. Celui-ci semble, prima facie, définir les objectifs que la politique de l’Union doit mettre en œuvre sur le fondement de la base juridique définie par l’article 192 TFUE. Il ne devrait donc permettre qu’un contrôle de la légalité limitée aux questions de compétence. Pour le reste, eu égard à la généralité des principes qui y sont invoqués, cet article aurait seulement pu servir à interpréter le droit de l’Union. La Cour en a pourtant fait la source de principes de droit de l’environnement qui peuvent généralement être invoqués à l’encontre des institutions de l’Union. Dès lors, c’est elle-même et elle seule, qui a décidé d’accorder un effet direct à l’article 191 TFUE, mais aussi de le limiter à ces seules institutions.

L’article 191 TFUE semblait devoir, à l’origine, uniquement participer à définir les compétences de l’Union. Cette dernière est soumise au principe d’attribution, qui lui impose de n’agir que sur le fondement d’une compétence attribuée, afin d’atteindre les objectifs que les traités définissent (article 5, §2, du TUE). L’article 191, §1, énonce les objectifs de la politique environnementale de l’Union. Son paragraphe 2 précise que celle-ci « vise un niveau de protection élevé », tient « compte de la diversité des situations dans les différentes régions de l’Union » et est fondée sur divers principes, tels que le principe de précaution ou le principe du pollueur-payeur. La Cour aurait très bien pu estimer que ces deux paragraphes ne disposent que d’une justiciabilité limitée, ainsi que le supposait l’Avocat général Darmon (39) et l’un des premiers commentaires de cette disposition (40). Il aurait été possible de penser que le paragraphe 1, lu avec l’article 192 TFUE, ne concernait que les contentieux de base juridique (41). Le paragraphe 2 aurait pu être considéré trop imprécis pour disposer d’un effet direct pour imposer davantage qu’une obligation d’interprétation conforme. Il aurait alors essentiellement servi à interpréter les principes de subsidiarité et de proportionnalité, qui doivent être respectés par les institutions de l’Union quand elles exercent leurs compétences (article 5, §1 TUE). 

Bien que la Cour ait choisi d’accorder une certaine force normative à l’article 191 TFUE (§§6 et 7), son autonomie, en particulier de son paragraphe 2, apparaît loin d’être complète. Un certain nombre d’exemples illustrent qu’il se limite encore bien souvent à une simple obligation d’interprétation conforme. Par exemple, le Tribunal a pu désigner globalement l’article 191 TFUE comme une disposition fixant les objectifs de la politique de l’environnement (42). Il a aussi pu explicitement préciser que le principe de précaution n’imposait aucune action particulière et qu’il constituait un simple principe directeur, n’imposant aucune mesure déterminée (43). Ensuite, le paragraphe 2 de cet article a pu parfois être utilisé comme simple source d’interprétation du principe de proportionnalité par les moyens des États membres (44) ou par la Cour. Cette dernière a  ainsi déclaré explicitement  que « […] le principe du pollueur-payeur apparaît comme l’expression du principe de proportionnalité […] [et qu’] il en est de même en ce qui concerne la violation du principe de correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement […] » (45). L’Avocate générale Kokott a écrit que « le principe de précaution trouve surtout à s’appliquer dans le cadre de l’examen du principe de proportionnalité » (46). De même, dans le cadre du contrôle de proportionnalité et en se référant aux objectifs de l’article 191, la Cour a jugé de façon constante que l’importance des objectifs de protection de l’environnement est de nature à justifier des conséquences économiques négatives, mêmes considérables, pour certains opérateurs (47).

La Cour ne semblait pas juridiquement contrainte à limiter le champ d’application ratione personae de l’article 191 TFUE aux institutions de l’Union. Premièrement, son article §2 ne vise pas les institutions de l’Union, mais « la politique de l’Union dans le domaine de l’environnement […]. » L’entame de cette disposition pourrait très bien être interprétée comme visant, plus généralement, le champ d’application du droit de l’Union. Dès lors que le droit de l’Union s’applique, les principes mentionnés à l’article 191 pourraient s’appliquer. Cet argument est renforcé par le constat que « le fait que certaines dispositions du traité sont formellement adressées aux États membres n’exclut pas que des droits puissent être conférés en même temps à tout particulier intéressé à l’observation des obligations ainsi définies » (48). La Cour s’est implicitement fondée sur une telle interprétation pour consacrer, dans l’arrêt Van Gend en Loos, l’effet direct du droit primaire. Des normes qui semblent formellement constituer un simple engagement interétatique peuvent aussi créer des droits que les particuliers peuvent directement invoquer à l’encontre des États membres (49). L’arrêt Defrenne poursuit plus avant cette logique, en reconnaissant l’effet direct horizontal du principe de non discrimination salariale à raison du sexe. Cette norme qui semblait, elle aussi, constituer seulement un simple engagement interétatique, a  ainsi acquis un effet direct horizontal. Il faut donc en conclure qu’il importe peu qu’une norme soit formellement adressée aux institutions de l’Union afin de savoir si les Etats membres et les particuliers en sont aussi les débiteurs. 

§4. Une stratégie prudente

La Cour semble essentiellement guidée par la prudence. A la différence des libertés de circulation ou du principe d’égalité à raison de l’âge ou de la religion, l’environnement ne semble pas disposer du même soutien politique de la part des États membres et du législateur de l’Union. Alors qu’elle a pu progressivement reconnaître aux premières un véritable effet direct, puis un effet direct horizontal (50), un tel processus semble impossible concernant les principes du droit de l’environnement. La thèse de K. Lenaerts et J. A. Gutierrez-Fons, au moins dans le domaine en cause, semble trouver confirmation. L’interprétation des principes par la Cour serait limitée par l’exigence de respecter les compétences du législateur et la répartition des pouvoirs (51). Elle trouvera d’autant plus confirmation par la suite, à la lumière de la faible normativité de l’article 191 TFUE. Il apparaît donc que la notion fondamentale, autour de laquelle un possible droit à un environnement sain semble se dessiner, est la notion de pouvoir discrétionnaire.

2. L’évitement d’un contrôle frontal

§6. Un large pouvoir d’appréciation discrétionnaire. 

Le pouvoir d’appréciation discrétionnaire des institutions de l’Union est renforcé par la faiblesse des obligations qu’impose l’article 191 TFUE. Le législateur doit chercher à réaliser un niveau élevé de protection de l’environnement, non celui techniquement le plus élevé (52). La justification de cette interprétation de la Cour apparaît fragile. Elle découlerait de la possibilité accordée aux Etats membres de maintenir ou d’établir des mesures de protection renforcées (53), ainsi qu’en dispose l’article 193 TFUE. Cet article prévoit uniquement que les Etats membres ont la possibilité d’adopter des mesures de protection de l’environnement plus strictes que celles résultant des normes de l’Union. L’inférence, que la Cour cherche à établir, est difficile à saisir. En réalité, cette possibilité interdit uniquement que les normes de droit dérivé constituent des harmonisations maximales qui ne laissent aucune autonomie aux États membres. 

L’arrêt Safety Hi-Tech, qui dégage pour la première fois cette limitation de la portée de l’article 191 TFUE, illustre pourtant la situation où le niveau de protection le plus élevé possible avait été adopté. L’Union avait pris des mesures pour lutter contre l’appauvrissement de la couche d’ozone. Une interdiction de principe avait été édictée à l’encontre des hydrochlorofluorocarbures (HCFC), sans qu’une exception ne leur fût accordée pour la lutte contre les incendies. En revanche, d’autres substances, qui seraient plus néfastes pour l’environnement que les HCFC, pouvaient continuer à être utilisées pour la lutte contre les incendies. La Cour constate d’abord qu’il existait du point de vue scientifique, « des solutions de rechange à l’utilisation des HCFC par l’emploi de produits moins nocifs pour la couche d’ozone, tels que l’eau, la poudre et les gaz inertes » (54). Elle note ensuite, qu’une des substances bénéficiant d’une dérogation présente « une capacité d’extinction irremplaçable, notamment pour faire face à des incendies dans des espaces réduits, avec des effets toxiques extrêmement faibles, alors que, pour avoir le même résultat, une quantité plus importante de HCFC, avec un impact toxique plus important, serait nécessaire » (55). Compte tenu de cette situation, il ne semble pas que l’introduction de cette restriction au droit à un environnement sain était en l’espèce inutile.

Ainsi que ce qui suit doit permettre de l’illustrer, en droit de l’environnement, le pouvoir discrétionnaire emporte davantage qu’une simple modulation de l’intensité du contrôle du juge. Il peut apparaître comme une négation même de ce contrôle. L’article 191 TFUE apparaît trop programmatique et trop politique pour être facilement manié par le juge. Afin d’échapper à ces difficultés, ce dernier semble avoir cherché à procéduraliser son contrôle (§§17 et 18) ou à renforcer les normes existantes grâce à une interprétation constructive (§§ 8, 25-28). S’il ne peut être lui-même à l’origine d’une politique de l’environnement au niveau de l’Union, ni définir le cadre dans lequel celle-ci sera mise en œuvre, il peut avoir un rôle amplificateur. Si un droit à un environnement sain existe, l’effectivité de celui-ci ne se révèlerait donc pas au stade d’un contrôle frontal de la légalité.

§7. L’évitement d’un contrôle frontal par le recours à d’autres normes

Tout l’enseignement de l’arrêt Safety Hi-Tech ne ressort pas du paragraphe précédent (§6). Le plus important semble, en réalité, résider dans le raisonnement de la Cour. Il lui est posé trois fois une question similaire: est-ce que la distinction établie par le législateur entre plusieurs types de produit est légale ? Elle refuse quasiment de répondre à cette question sur le fondement du paragraphe 2 de l’article 191, TFUE, imposant un niveau de protection de l’environnement élevé. Eu égard à la marge d’appréciation dont jouissent les institutions de l’Union, il ne peut leur être reproché de ne pas avoir atteint le niveau le plus élevé possible de protection (§6). En revanche, la Cour accepte de répondre à cette même question sur le fondement du paragraphe 3, premier tiret, du même article. Il dispose que les politiques de l’Union sont fondées sur les données scientifiques et techniques disponibles. Il consacre le principe de diligence, qui appartient au principe plus général de bonne administration (§18). La Cour accepte alors d’étudier si, afin d’établir une telle distinction, le législateur disposait d’informations objectives lors de l’adoption de la mesure. 

Enfin, la Cour accepte aussi de répondre à cette même question sur le fondement du principe de proportionnalité (56). Son usage de ce principe, dans cet arrêt, n’est pas très clair. D’un côté, il semble se confondre en partie avec un test du caractère cohérent et systématique de la mesure, qui relève de l’appréciation de son aptitude. En n’adoptant pas une mesure davantage protectrice, l’Union n’a-t-elle pas adopté une mesure incohérente ? D’un autre côté, il est aussi possible que ce soit la proportionnalité au sens strict qui soit concernée. Il pourrait être pertinent, au niveau de la mise en balance entre un droit économique et la protection de l’environnement, de vérifier si le législateur n’a pas été arbitraire dans son action. Si la Cour, grâce à un système de vases communicants, a donc réussi à préserver l’effectivité de son contrôle en l’espèce, il ne semble pas que le principe de diligence et le principe de proportionnalité puissent être, dans toutes les circonstances, suffisants pour se substituer à l’article 191, §2.

De même, il importe de mentionner que l’article 191 TFUE ne semble jamais avoir permis de contrôler directement des normes réglementaires adoptées sur le fondement de normes législatives adoptées par les institutions de l’Union. La Cour semble préférer contrôler ces normes  réglementaires uniquement au regard des normes législatives qui leur servent de fondement juridique et qui sont censées être la concrétisation des objectifs fixés à l’article 191 TFUE. Le droit à un environnement sain n’a donc pas le même statut que les autres droits fondamentaux qui peuvent permettre de contrôler la légalité des normes de nature législative et de nature réglementaire.

§ 8. L’évitement d’un contrôle frontal par l’interprétation

La Cour évite de se prononcer de façon frontale sur la légalité du droit dérivé. Dès qu’il lui est possible, elle semble chercher à interpréter ces normes de façon conforme aux exigences d’une protection élevée de l’environnement. Elle assure ainsi une pleine légalité à la norme et renforce la protection de l’environnement assurée par l’instrument contrôlé. L’arrêt Associazione Italia Nostra Onlus portait sur la dérogation instituée par l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2001/42. Cette directive impose la réalisation d’une évaluation environnementale de tous les plans et programmes qui, au titre des articles 6 et 7 de la directive « habitats », devraient être soumis à une évaluation de leurs incidences sur l’environnement. Elle institue une exception à l’égard de ceux concernant de petites zones et des modifications mineures. Ces derniers sont soumis à une telle évaluation « que lorsque les États membres établissent qu’ils sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement. » La Cour rappelle d’abord que cette exception « vise ainsi à ne soustraire à l’évaluation environnementale aucun plan ou programme susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement » (57). La marge d’appréciation des Etats membres est strictement limitée. Ils doivent procéder à un examen préalable pour vérifier si des incidences notables sur l’environnement sont susceptibles de se produire. Dans le cas échéant, une évaluation doit obligatoirement être poursuivie. La Cour rappelle ainsi l’interprétation extensive qu’elle a donnée de cette directive. L’importance des intérêts protégés impose que son champ d’application soit interprété d’une manière large (58). Eu égard à ces constatations, il apparaît difficile d’estimer que la directive puisse d’une quelconque façon violer l’obligation d’un niveau élevé de protection de l’environnement. Elle conclut enfin que le seul risque est que les autorités nationales, sur le fondement de cette exception, puissent éluder l’application de la directive 2001/42, n’est pas de nature à entraîner l’invalidité de l’article 3, § 3, de cette directive (59). La Cour évite de se prononcer de façon frontale sur cette dérogation. Elle n’étudie pas l’usage réel qui en est fait par les Etats membres. Elle se limite à l’interpréter de façon à la rendre pleinement conforme à un niveau élevé de protection de l’environnement.

L’arrêt Mathieu Blaise (§23) fait suite à la prolongation de l’autorisation de la mise sur le marché du glyphosate dans l’Union. La question préjudicielle en appréciation de validité renvoyée par le juge national ne portait pas directement sur cette autorisation, mais sur le règlement fixant le cadre procédural permettant d’obtenir une telle autorisation (60). Eu égard aux défaillances qui ont pu se produire sur son fondement lors du processus décisionnel concernant le glyphosate, le règlement violait-il le principe de précaution ? La Cour relève d’abord que le législateur, lorsqu’il adopte des règles encadrant la mise sur le marché de substances ou produits dangereux, doit se conformer au principe de précaution (61). Le règlement ne doit pas seulement le mentionner, mais établir un cadre qui assure concrètement qu’il soit correctement mis en œuvre (62). En revanche, l’appréciation de la légalité du règlement ne saurait dépendre des circonstances particulières d’un cas d’espèce donné. En conséquence, le « déroulement de la procédure ayant conduit à l’approbation du glyphosate ne saurait, pris isolément, permettre d’établir l’illégalité des règles générales régissant une telle procédure » (63). Alors que l’EFSA n’a pas tenu compte des effets cumulés (§23), la Cour estime qu’ une telle évaluation ne saurait, par nature, être menée à bien de manière objective en ne tenant pas compte des effets résultant du cumul éventuel des divers composants d’un produit phytopharmaceutique » (64). Cette interprétation apparaît justifiée. L’article 2, §2 et §3, du règlement, qui fixe les conditions d’approbation d’un produit, dispose que le produit et ses résidus, compte tenu des effets cumulés et synergiques, n’ont pas d’effet nocif sur la santé humaine.

Afin de ne pas s’affronter directement aux institutions de l’Union, la Cour vise « la prémisse sur laquelle se fonde le doute de la juridiction de renvoi » (65), qui elle-même visait la manière dont avait été autorisé le glyphosate. Le règlement apparaît dès lors légal. Le juge de l’Union, encore une fois, évite d’affronter directement le règlement législatif. Il ne vérifie pas si, concrètement, le règlement ne pouvait pas être détourné ou s’il n’encadrait pas suffisamment le pouvoir réglementaire de la Commission. Au lieu de prendre en compte ces défaillances comme prémisses de son raisonnement, la Cour préfère renforcer le cadre normatif grâce à une interprétation fondée sur l’objectif d’un niveau élevé de protection de l’environnement.

Le premier axe de la stratégie de la Cour semble constitué par un principe de prudence. La Cour n’a pas cherché à développer un véritable droit à un environnement sain sur le fondement des articles 37 de la Charte ou 191 TFUE. Elle a en outre cherché à éviter de contrôler de façon frontale l’action des institutions de l’Union. En plus d’avoir une force normative faible, les exigences du droit à un environnement sain doivent être mises en pondération avec celles des autres objectifs de l’Union.

B. Un droit soumis à la conciliation d’intérêts divergents

Deux types de pondération doivent être distingués, s’exerçant à deux niveaux différents. Au niveau constitutionnel, une pondération souple s’effectue entre différentes normes ou valeurs du droit primaire (1). Le droit dérivé de l’Union ou les États membres peuvent chercher à limiter un principe en se fondant sur un autre principe ayant aussi valeur de droit primaire. En revanche, une seconde pondération est moins souple. Elle s’accomplit quand un État membre cherche à déroger,  non pas à une norme de droit primaire, mais à une norme de droit dérivé. Ces dernières prévoient les conditions, extrêmement restrictives, permettant une telle dérogation. Le droit à un environnement sain ne permet pas de les assouplir (2).

1. Une pondération souple au niveau du contrôle constitutionnel

Le droit à un environnement sain, quand il heurte un autre intérêt légitime de l’Union, ne semble pas prévaloir dans leur mise en balance. Il ne permet pas de remettre en cause l’équilibre souhaité par le détenteur du pouvoir discrétionnaire. En revanche, il permet de justifier la légalité d’un tel équilibre quand celui-ci est en faveur de la protection de l’environnement et limite des intérêts économiques.

α. Une mise en balance par les institutions de l’UE

§ 9. Un principe cédant devant le pouvoir discrétionnaire

L’arrêt Association Kokopelli (66) concernait une question en appréciation de validité de la directive législative 2002/55/CE du Conseil, concernant la commercialisation des semences de légumes, et, de la directive réglementaire 2009/145/CE de la Commission, prises en application de la première. La directive du Conseil a pour conséquence, en subordonnant la commercialisation des semences à une triple condition de distinction (67), de stabilité (68) et d’homogénéité (69), d’interdire à Kokopelli la vente des variétés de légumes « anciennes ». Les « variétés anciennes » commercialisées par cette association ont un patrimoine génétique moins uniforme que celui des variétés admises. En principe, elles auront donc plus de difficulté à remplir le critère de la distinction. Ensuite, elles peuvent évoluer différemment en fonction des conditions environnementales, ne les rendant pas stables. Enfin, les différents individus dans les populations considérées se ressemblent moins et ne sont pas aussi homogènes que les variétés admises (70). La directive de la Commission a introduit une dérogation extrêmement limitée, tant du point de vue de la nature des semences, que du cadre géographique dans lequel elle peut être mise en œuvre, que des risques qui doivent peser sur lesdites semences. Celle-ci ne concerne que les semences de races primitives et de variétés qui sont traditionnellement cultivées dans des localités et régions particulières et qui sont menacées d’érosion génétique. En outre, s’y ajoute une restriction quantitative, imposant que la production et la commercialisation annuelle de ces semences soient limitées à ce qui est nécessaire pour cultiver une surface de 10 à 40 hectares. En l’espèce, il est constant que cette dérogation est trop rigide pour permettre à Kokopelli de vendre ses semences (71). Kokopelli opposait que cette réglementation était disproportionnée et qu’elle restreignait de façon injustifiée son droit à exercer librement une activité économique. La Cour constate d’abord que la mesure est apte à atteindre son objectif et relève de ceux fixés par la politique agricole commune (PAC), à savoir permettre une productivité accrue de l’agriculture, fondée sur la fiabilité des caractéristiques desdites semences (72). Ensuite, elle est apte à assurer une réglementation harmonisée au niveau de l’Union et la libre circulation des variétés (73). Enfin, l’exception introduite par la directive de la Commission est apte à garantir la conservation des ressources génétiques des plantes (74).

   La nécessité de la mesure est ensuite appréciée au regard de l’alternative proposée par Kokopelli : une simple obligation d’étiquetage permettrait d’atteindre le même résultat, tout en étant moins restrictive. La Cour retient alors, comme seuls objectifs de la mesure, une productivité fiable et de qualité en termes de rendement (75). Le critère de la distinction permet aux agriculteurs « d’effectuer un choix leur garantissant un rendement optimal ». Les critères de la stabilité et de l’homogénéité assurent que les caractéristiques qualitatives propres d’une semence admise restent constantes au fil des années et que « les semences vendues sous un nom donné présentent toutes les mêmes caractéristiques génétiques, favorise un rendement optimal ». Sans justifier plus avant, la Cour estime que la mesure est nécessaire et qu’une obligation d’étiquetage ne constitue pas une alternative efficace, « puisqu’elle permettrait la vente et, par voie de conséquence, la mise en terre de semences potentiellement nuisibles ou ne permettant pas une production agricole optimale » (76). La Cour conclut donc que « ce faisant, le législateur de l’Union n’a pas violé le principe de proportionnalité » (77). Cette conclusion apparaît définitive.

Le test de proportionnalité ne comprend donc aucune référence au droit à un environnement sain, ou à l’une de ses possibles déclinaisons,  telles que la biodiversité. Pourtant, la restriction dont se plaint Kokopelli peut apparaître comme une mise en balance des objectifs de la PAC avec le droit à un environnement sain, au détriment de ce dernier. La faiblesse normative de ce dernier semble donc permettre, non seulement de déroger facilement à ses exigences, mais en outre que le juge n’ait pas à contrôler expressément cette dérogation. Cette absence est d’autant plus étonnante que l’article 11 TFUE et l’article 37 de la Charte imposent de façon transversale l’obligation de garantir un niveau élevé de protection de l’environnement. Le raisonnement du juge (et cette étude s’arrête à ce niveau, non aux conclusions retenues) apparaît défaillant, d’autant plus que les risques entraînés par la perte de biodiversité sont connus (78) et que l’Avocate générale les rappelait (79).

Les exigences liées à la protection de l’environnement apparaissent ensuite, mais de façon extrêmement limitée. La Cour constate que les deux directives prennent en compte les intérêts économiques des opérateurs, tels que Kokopelli, en ce qu’elles n’excluent pas totalement la commercialisation des « variétés anciennes. » Elle conclut, aux termes d’un raisonnement ramassé, que les restrictions auxquelles ces dernières sont soumises pour pouvoir bénéficier de ce régime dérogatoire « s’inscrivent dans le contexte de la conservation des ressources phytogénétiques » (80). Il semble falloir comprendre que la dérogation est apte et nécessaire, car elle permet de garantir la conservation de la biodiversité, sans remettre en cause l’interdiction jugée précédemment proportionnée. L’exception permet la stricte conservation de certaines semences. Il apparaît étrange de restreindre la prise en compte de l’exigence de biodiversité seulement à ce second temps de l’analyse, alors que l’essentiel de la conclusion est déjà obtenu. Logiquement, car il ne pouvait plus être question que d’une exception au principe, celle-ci ne pouvait être que restrictive.

La Cour se distingue ainsi clairement de l’Avocate générale qui avait conclu au caractère non proportionné et donc illégal de la mesure. Elles soulignait, en particulier, qu’il « appartient en principe aux agriculteurs de décider des variétés qu’ils cultivent » (81), qu’il n’y a pas de risque avéré à ce qu’une telle autorisation produise l’éviction des semences de haute qualité (82), et que l’interdiction en cause « réduit enfin la diversité génétique dans les champs européens, étant donné que moins de variétés sont cultivées et que les populations de ces variétés présentent des différences génétiques moins importantes entre chaque individu » (83). 

  A l’aune de la problématique de la présente recherche, ce qui apparaît insatisfaisant est le raisonnement de la Cour. En l’espèce, l’exigence d’un niveau élevé de protection de l’environnement ne peut quasiment jouer aucune fonction déterminante. Elle n’entre pas vraiment en pondération avec les intérêts économiques de la PAC, à rebours de la jurisprudence traditionnelle (84). Enfin, la Cour ne répond pas à des arguments assez convaincants étudiés par son Avocate générale. Cet arrêt confirme l’existence d’une véritable stratégie de prudence de la part de la Cour. L’Avocate générale Kokott a ainsi écrit dans un article de doctrine, cinq années plus tard : « […] and perhaps the Opinion really entered too far into a heated political debate » (85).

§ 10. Un principe renforçant le pouvoir discrétionnaire

L’arrêt Fedesa illustre la situation inverse de la précédente. Dans le cadre de la politique de la PAC, le Conseil avait interdit l’utilisation de cinq hormones par les élevages du bétail. Aux termes d’un contrôle de la proportionnalité très léger, la Cour note que la mesure est proportionnée. Premièrement, une autorisation partielle ne pourrait pas constituer une mesure viable, car elle estime qu’il serait extrêmement difficile d’opérer un contrôle de son respect. Secondement, la protection de la santé « est de nature à justifier des conséquences économiques négatives, même considérables, pour certains opérateurs » (86). Au regard du niveau de contrainte qu’est en droit d’imposer le législateur, il sera extrêmement difficile de remettre directement en cause son choix. A moins qu’il existe une réelle alternative aussi efficace et moins restrictive, celui-ci dispose d’un pouvoir discrétionnaire quasiment illimité pour mettre en œuvre les objectifs de protection de la santé et de protection de l’environnement. 

Cette interprétation n’est pas propre au droit de l’environnement (87). Il se retrouve dans le domaine de la santé publique, dont les exigences sont connexes à celles de l’environnement, mais aussi en matière de protection du consommateur (88). Bien que cette marge apparaisse parfois liée à l’importance de l’intérêt protégé, elle apparaît d’autres fois seulement comme la simple conséquence du pouvoir discrétionnaire dont jouit l’institution (89). Cette constatation renforce encore la conclusion que le droit à un environnement sain n’a qu’un faible apport, le large pouvoir d’appréciation discrétionnaire permettant de limiter des intérêts économiques n’étant pas la conséquence de l’importance accordée à celui-ci.

β.  Une mise en balance par les Etats membres  

§ 11. Une réelle mise en balance

Un procès en illégitimité a souvent été effectué à l’encontre de la Cour, consistant à affirmer que, de façon arbitraire, elle appliquerait un niveau d’intensité de contrôle moindre lorsqu’est concernée une mesure de l’Union par rapport à une mesure étatique. En réalité, cette différence, bien réelle, est liée au contexte normatif différent dans lequel s’insèrent ces deux contrôles. Au contraire des Etats membres, quand l’Union adopte une mesure, celle-ci est en principe conforme à l’objectif primordial d’assurer l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur. Au contraire, le simple fait qu’un État membre adopte une réglementation conduit à une fragmentation du marché intérieur. L’obligation de laisser librement circuler les marchandises entre les Etats membres, telle que garantie par les articles 34 à 36 TFUE, est donc infiniment plus difficile à respecter pour les États membres que pour l’Union. Il est impossible d’étudier avec précision le régime juridique qui s’attache au droit de la libre circulation (90). Il suffit de noter certains éléments du raisonnement du juge. Premièrement, les considérations environnementales peuvent permettre de restreindre une liberté fondamentale, même lorsque celle-ci est discriminatoire. Cependant, et secondement, elle ne permet pas d’anéantir le contenu essentiel du droit en cause.

Avant qu’un titre spécifique soit consacré à l’environnement dans les traités européens, la Cour avait déjà déclaré, dans le contexte de la libre circulation, que l’environnement constituait « un des objectifs essentiels de la Communauté » (91). L’Avocat général Fennelly a noté justement qu’« il est important de souligner cette affirmation vigoureuse de la Cour qui a devancé » le constituant (92). Les politiques dans le domaine des énergies renouvelables des États membres fournissent un exemple intéressant. L’arrêt PreussenElektra concernait une obligation d’achat, imposant aux entreprises d’approvisionnement en électricité d’acheter le courant produit à partir d’énergies renouvelables dans leur zone d’approvisionnement. Cette dernière était définie dans les limites du territoire national. Une telle disposition a pour effet, au moins potentiellement, de restreindre la libre circulation de l’électricité (93), en protégeant de toute concurrence intra-communautaire celle produite en Allemagne, en rendant son achat prioritaire par rapport à toute autre source d’approvisionnement. La Cour estime tout d’abord que l’objectif de la réglementation est légitime. Elle vise à protéger l’environnement, en réduisant les émissions de gaz à effet de serre (94). Elle est conforme aux engagements internationaux de l’Union, souscrits à Kyoto le 11 décembre 1997 et à la clause d’intégration de l’ex-article 130 R TCEE (actuel article 11 TFUE). Elle est en outre nécessaire. Les particularités du marché de l’électricité rendent aussi nécessaires cette mesure, car « la nature de l’électricité est telle que, une fois admise dans le réseau de transport ou de distribution, il est difficile d’en déterminer l’origine et notamment la source d’énergie à partir de laquelle elle a été produite » (95). Il aurait dès lors été plus difficile de mettre en place et de contrôler le respect d’une telle obligation d’achat. La Cour a plus tard confirmé, sur conclusions contraires de son Avocat général, aux termes d’un contrôle serré, que la promotion des sources d’énergie renouvelables dans la production d’électricité peut justifier une limitation territoriale (96). 

La Cour a véritablement pris au sérieux les exigences environnementales, ce qui l’a conduit à réviser, de façon implicite mais certaine, les traités. Alors que les entraves (limitation à la libre circulation) non discriminatoires peuvent être justifiées par une simple raison objective poursuivant un intérêt général, celles qui sont discriminatoires ne peuvent l’être que par un des motifs expressément visés par l’article 36 TFUE. La protection de l’environnement n’y est pas prévue. Les exceptions étant d’interprétation stricte, il est difficile de rattacher cette dernière à un des motifs listés, tels que la « protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux » ou la « préservation des végétaux ». Dans l’arrêt PreussenElektra, la Cour avait maintenu une certaine ambiguïté. La mesure était discriminatoire, car elle s’appliquait uniquement à l’électricité produite sur le territoire national. Dans un premier temps, la protection de l’environnement était apparue comme une justification légitime et suffisante. La Cour avait, néanmoins, ensuite ajouté, de façon cursive, qu’ « il y a lieu d’observer que cette politique vise également la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ainsi que la préservation des végétaux » (97). Elle n’avait cependant pas justifié le rapport direct entre la réduction des émissions de gaz à effet de serre et ces motifs.

En 2011, la Cour a eu à connaître une mesure autrichienne prévoyant une interdiction sectorielle de la circulation des camions de plus de 7,5 tonnes transportant certaines marchandises sur un tronçon de l’autoroute A 12 dans la vallée de l’Inn. La mesure permettait de limiter la pollution due au trafic routier, ayant déjà donné lieu à un contentieux important sur le fondement de l’article 34 TFUE (98). L’interdiction était discriminatoire, car elle comprenait une dérogation pour le trafic local et régional. La Cour déclare que « l’objectif de la protection de la santé se trouve ainsi déjà, en principe, englobé dans l’objectif de protection de l’environnement » (99). Sans dire clairement qu’elle effectue une révision jurisprudentielle des traités, en pratique elle renverse l’ordre des valeurs, en subordonnant un motif écrit permettant de justifier une discrimination, à un simple motif non écrit, qui ne permet pas de justifier une discrimination. Ainsi que l’écrit l’Avocat général Bot, « la poursuite d’un objectif environnemental peut donc avoir pour conséquence soit de neutraliser le caractère discriminatoire, pourtant avéré, d’une mesure nationale, soit de dispenser purement et simplement de rechercher si la mesure est discriminatoire ou non » (100).

§ 12. Le respect du contenu essentiel du droit à la libre circulation

La Cour a implicitement modifié les traités afin de permettre aux États membres d’exercer leur pouvoir d’appréciation discrétionnaire. Si ceux-ci souhaitent mettre en place des mesures raisonnables protégeant l’environnement, même si celles-ci sont discriminatoires, elles peuvent être justifiées. Cependant, la compréhension dont peut faire preuve la Cour pour les motifs environnementaux s’achève dès lors qu’est atteint le contenu essentiel de la liberté de circulation. La plupart des droits fondamentaux et toutes les libertés fondamentales peuvent connaître une limitation, mais ils ne peuvent jamais être complètement niés. L’exemple le plus clair est offert par un ancien arrêt, dit, bouteilles danoises. Le Danemark avait institué un système obligatoire de reprise des emballages de bières et de boissons rafraîchissantes. Afin que ce système soit viable, la commercialisation devait se faire uniquement dans des emballages susceptibles d’être réutilisés, limités à une trentaine en tout. Une agence nationale validait les contenants qui répondaient à cette condition. Elle pouvait refuser un agrément, entre autres, si un emballage d’égal volume, accessible et adapté à la même utilisation, avait déjà été agréé. Une dérogation existait pour une commercialisation de boisson limitée à 3 000 hl par producteur et par an, dont les emballages étaient néanmoins soumis à un système de consigne et reprise.

La Cour rappelle d’abord que l’environnement permet de justifier une mesure restrictive. En ce qui concerne un gros importateur, la Cour constate seulement que cette mesure « entraînerait pour lui des frais supplémentaires importants et rendrait donc très difficile l’importation de ses produits dans le pays » (101). Elle conclut donc qu’elle ne peut pas être justifiée. La dérogation n’est pas suffisante pour renverser cette appréciation. Elle supposait en effet, pour qu’un système de consigne et de reprise existât, que les emballages fussent « rendus uniquement chez le détaillant qui a vendu les boissons » (102). Celui-ci ayant un effet extrêmement restrictif sur les échanges, alors qu’il permet une protection effective de l’environnement, il n’aurait pu être proportionné que s’il n’avait pas prévu de limitation quantitative (103).

Cet arrêt a souvent été interprété comme l’une des plus claires utilisations en droit de l’Union du test de proportionnalité au sens strict (troisième niveau du test, après l’aptitude et la nécessité) (104). Cette interprétation semble erronée. Si l’Avocat général raisonne bien explicitement ainsi (105), ce ne semble pas être le cas de la Cour. Premièrement, cette dernière ne traite pas explicitement le test de la nécessité, qui précède le test de la proportionnalité au sens strict. L’extrait souvent cité (106) ne concerne pas l’existence d’une mesure moins restrictive et tout aussi efficace à l’interdiction principale, mais l’évaluation de la restriction particulièrement forte qui pèse sur les importateurs qui souhaitent bénéficier de la dérogation. Secondement, la proportionnalité au sens strict suppose la mise en balance de deux valeurs reconnues par l’Union. En l’espèce, la Cour ne met pas expressément en balance l’environnement et la libre circulation. Elle constate d’abord que l’interdiction principale rend très difficile les importations (pt. 17), puis ensuite confirme cette conclusion après avoir souligné l’insuffisance de la dérogation (pt. 21). Il semble donc possible de conclure que la mesure est disproportionnée, car elle ne respecte pas le contenu essentiel de la liberté restreinte – un critère qui précède les critères de l’aptitude, de la nécessité et de la proportionnalité stricto sensu.

La Cour semble admettre la légalité d’une restriction à la libre circulation sur le fondement de l’objectif de protection de l’environnement, pour autant que celle-ci ne soit pas tout à fait annihilée. Si les États membres souhaitent maintenir une telle mesure, ils doivent dès lors proposer des alternatives efficaces et viables aux importateurs. Le contrôle est alors extrêmement intensif, ainsi que l’illustre l’arrêt susmentionné sur l’interdiction sectorielle de circulation des camions (§11). Son cadre dogmatique demeure néanmoins flou. L’Autriche constitue la principale voie transalpine de circulation des marchandises (107). Y restreindre la circulation des camions revient à élever une barrière très difficilement franchissable pour le commerce entre des Etats comme l’Italie et l’Allemagne. Même si une dérogation permet aux produits européens d’atteindre les localités autrichiennes, pris dans son ensemble, cette mesure empêche radicalement la formation d’un marché unique sans frontière. La Cour a été extrêmement stricte dans son contrôle et a estimé que les alternatives possibles n’avaient pas été suffisamment étudiées. Elle a, en conséquence, déclaré la mesure non nécessaire. Il est difficile de ne pas être critique à la lecture de l’arrêt (108), en particulier parce que le principe de diligence sur lequel la Cour se fonde pour déclarer la mesure illégale est difficilement acceptable (109/110). Ensuite, la véritable question qui semble juridiquement se poser à ce moment de l’analyse est la mise en balance de deux valeurs, l’environnement et la libre circulation. En effet, l’alternative que propose la Commission est moins protectrice que la mesure adoptée par l’Autriche. Autrement dit, la libre circulation impose-t-elle une diminution des exigences environnementales ? (111) La Cour semble échapper à cette question en utilisant le principe de diligence. Sa nature procédurale permet de ne pas prendre position sur le fond d’un problème — au moins en apparence. Il aurait certainement été préférable de retenir que le contenu essentiel du droit de libre circulation était violé.

Ce dernier arrêt permet de confirmer que le pouvoir discrétionnaire demeure la clef de compréhension du droit à un environnement sain, en droit de l’Union. Par le développement de ce droit, la Cour a permis aux Etats membres d’exercer un pouvoir normatif important. Celui-ci est néanmoins limité par l’obligation de respecter le contenu essentiel du droit à la libre circulation. Dans le cas échéant, l’État membre doit proposer des alternatives crédibles, afin de permettre aux opérateurs économiques de continuer à exercer leur liberté de circulation. Si la question demeure trop politique, la Cour semble chercher à ne pas intervenir au fond. Si l’Autriche est une voie de transit essentielle du marché intérieur et que cela entraîne des externalités négatives pour les citoyens de l’Union qui habitent dans les zones concernées, des choix politiques s’imposent, tels que le développement du rail. La Cour a légitimement pu estimer que ces choix relevaient des institutions politiques de l’Autriche et de l’Union. Elle a donc, encore une fois, essayé d’échapper à une prise de position politique. Néanmoins, son absence de choix a pu apparaître comme un choix en faveur de la libre circulation, au détriment de la protection de l’environnement. 

2. Une pondération contrainte par le droit dérivé

Le droit dérivé restreint la marge d’appréciation des Etats membres. L’harmonisation suppose une discipline commune. Il ne peut donc y être dérogé que dans les conditions établies par le texte de droit dérivé. Celles-ci sont, le plus souvent, précises et rigoureuses. La Cour n’a pas cherché, par sa jurisprudence, à assouplir ces normes adoptées par les représentants des citoyens de l’Union et par les États membres. L’objectif d’un marché intérieur uni, ayant dépassé la fragmentation réglementaire, trouve alors souvent préséance sur les objectifs environnementaux. La réglementation sur les OGM offre un bon exemple de cette situation.

§ 13. L’article 114, §5 et §6, TFUE

L’article 114, §5, TFUE permet à un État membre, après l’adoption d’une mesure d’harmonisation, d’introduire des dispositions nationales qu’il estime nécessaires. Cette dérogation est soumise à des conditions rigoureuses. Les mesures étatiques doivent être « basées sur des preuves scientifiques nouvelles relatives à la protection de l’environnement ou du milieu de travail ». Ensuite, elles doivent concerner « un problème spécifique de cet État membre » qui a surgi « après l’adoption de la mesure d’harmonisation ». Enfin, les mesures doivent être notifiées à la Commission pour approbation. Cette dernière dispose de six mois en principe, prorogeable jusqu’à six mois à raison de la complexité d’un problème donné, pour vérifier si les conditions du paragraphe 5 sont remplies (112) et si la mesure ne crée pas une entrave injustifiée (article 114, §6, TFUE). En l’absence de réponse dans ces délais, la mesure est présumée acceptée (113).

L’Autriche a cherché à bénéficier de cette dérogation, afin d’échapper aux obligations de la directive 2001/18/CE relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement. Cet État a notifié à la Commission une mesure visant à prohiber la culture de semences et de plants composés d’OGM ou en contenant. Cette dernière a consulté l’EFSA sur le caractère probant des éléments scientifiques invoqués. L’avis rendu a conclu que ceux-ci ne contenaient aucune preuve scientifique nouvelle et ne concernaient pas un problème spécifique à une région autrichienne. La Commission a donc refusé le bénéfice de la dérogation. 

Le Tribunal commence par rappeler que la charge de la preuve pèse sur l’Autriche. Il lui incombait « de démontrer, sur la base de preuves scientifiques nouvelles, que le niveau de protection de l’environnement assuré par la directive 2001/18 n’était pas acceptable compte tenu d’un problème spécifique à cet État membre et ayant surgi après l’adoption » (114) de celle-ci. En l’espèce, la petite taille des exploitations agricoles et l’importance de l’agriculture biologique ne peuvent pas constituer des éléments spécifiques au Land Oberösterreich, étant des caractéristiques communes, présentes dans tous les États membres (115). La Commission a fait siennes les conclusions de l’EFSA, ayant estimé que rien ne permettait d’établir que cette région possédait « des écosystèmes particuliers ou exceptionnels, nécessitant une évaluation des risques distincte de celles menées pour l’Autriche dans son ensemble ou pour d’autres régions similaires d’Europe » (116). Les conditions posées par l’article 114, §5, étant cumulatives, le Tribunal a jugé qu’il y avait lieu de rejeter le recours. La Cour a confirmé cet arrêt (117).

Peu d’arrêts concernent l’application de cette clause dérogatoire. N. de Sadeleer estime que la Commission doit respecter le principe de précaution lorsqu’elle évalue le respect des conditions de cet article (118). Il se fonde, premièrement, sur le fait que le principe de précaution constitue une obligation transversale. Secondement, la Cour semble estimer que l’analyse des risques fournie par l’Etat doit être scientifiquement solide, mais non nécessairement fondée sur un consensus. Elle justifie cette position sur le fondement de « l’incertitude inhérente à l’évaluation des risques posés à la santé publique […] » (119). La Cour n’a pas pris position sur cette question dans le cadre d’un litige concernant l’application de l’article 114 TFUE. Elle a confirmé cette interprétation, tout en la précisant dans le cadre des mesures d’urgence fondées sur la réglementation OGM de l’Union.

§ 14. Les clauses de sauvegarde

Une clause de sauvegarde permet de déroger à l’application d’un texte de droit dérivé dans des conditions précises. Certaines dispositions de la directive 2001/18 auraient pu permettre de contourner les conditions de la clause de sauvegarde qu’elle contient. La Cour a néanmoins fait une interprétation rigoureuse des dispositions en cause. L’article 26 bis, §1, de la directive prévoit que les Etats membres peuvent prendre des mesures nécessaires à assurer la coexistence des cultures, afin d’éviter la présence accidentelle d’OGM dans d’autres produits. Il semble impossible d’utiliser cette disposition pour interdire de façon absolue la mise en culture d’OGM, car il ne serait alors plus question d’assurer une coexistence entre différentes cultures. De même, la Cour a jugé qu’il est impossible d’interdire toute cultivation d’OGM en attendant l’adoption des plans régionaux devant assurer la coexistence des cultures, car cette attente « pourrait se prolonger indéfiniment dans le temps et constituer un moyen de contournement des procédures prévues » par les clauses de sauvegarde pertinentes (120).

L’article 23 de la directive 2001/18, concernant la mise en culture d’OGM, prévoit une clause de sauvegarde assez proche, de par ses conditions, de l’article 114, §5, TFUE. La différence essentielle est que la Commission ne décide pas seule, mais est encadrée par une procédure comitologie (121). Cette disposition a, en outre, peu d’utilité, étant donné qu’elle cède le pas devant la procédure d’urgence prévue à l’article 34 du règlement 1829/2003 concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés. Tel est le cas si un OGM a d’abord été autorisé sur le fondement de la directive afin d’être mis en culture, puis a été notifié sur le fondement du règlement en tant que produit existant, afin de pouvoir être commercialisé en tant qu’aliment (122). La Cour, par une interprétation stricte de l’article 20, paragraphe 5, du règlement n° 1829/2003 (123), empêche les Etats membres de recourir à la clause de sauvegarde de la directive. Une telle dérogation ne peut donc plus être obtenue que sur le fondement de l’article 34 du règlement n° 1829/2003, assurant quasiment la même protection. 

En principe, l’article 34 a vocation à permettre une information rapide de la Commission et des autres États membres sur l’existence d’un risque, afin de suspendre ou de modifier d’urgence une autorisation. Elle vise donc à adopter une mesure qui s’applique au niveau de tous les États membres, au contraire de la clause de sauvegarde de la directive qui concerne uniquement le seul État membre qui l’adopte. Cependant, cet article 34 renvoie aux articles 53 et 54 du règlement 178/2002 (124) pour sa mise en œuvre. L’article 54, §1, permet à un État membre d’adopter des mesures conservatoires en attendant l’existence d’une décision commune au niveau de l’Union ou l’interdiction par la Commission de maintenir cette mesure conservatoire (125). L’article 34 du règlement n° 1829/2003 exige un niveau de preuve élevé. 

Par décision du 22 avril 1998, la Commission a autorisé la mise sur le marché du maïs MON 810. Le 11 avril 2013, le gouvernement italien a demandé à la Commission de prendre les mesures d’urgence prévues à l’article 34 visant à interdire la culture de ce maïs. Il a utilisé le bénéfice de l’article 54 du règlement 178/2002 afin d’appliquer immédiatement une mesure de sauvegarde sur son territoire. Le problème de droit concernait le niveau de preuve. Lorsque l’État membre adopte une mesure conservatoire sur le fondement de l’article 54 du règlement 178/2002, doit-il prouver que les critères établis par l’article 34 du règlement sont remplis ou peut-il se fonder seulement sur le principe de précaution, consacré à l’article 7 du règlement 178/2002 ? La Cour constate d’abord que le principe de précaution est bien applicable (126). Elle ajoute cependant immédiatement après, que « ce principe ne saurait être interprété en ce sens qu’il permet d’écarter ou de modifier, en particulier en les assouplissant, les dispositions prévues à l’article 34 du règlement n° 1829/2003 » (127). Le niveau de preuve, nettement plus élevé, de l’article 34 s’applique donc. Alors que le principe de précaution se suffit de la possibilité d’effets nocifs, l’article 34 suppose que le produit soit « de toute évidence » susceptible de présenter un risque « grave » pour la santé humaine, la santé animale ou l’environnement (128). En outre, ce risque doit être constaté sur la base d’éléments nouveaux reposant sur des données scientifiques fiables (129). Il demeure encore assez difficile d’interpréter les critères posés par la Cour. 

Comment respecter à la fois le principe de précaution, tout en soumettant les clauses de sauvegarde à la preuve qu’un produit met « en péril de façon manifeste la santé humaine, la santé animale ou l’environnement » (130) ? Le raisonnement de la Cour repose sur une présomption de légalité. Premièrement, à moins de prouver la violation du principe de précaution par une disposition de droit dérivé, ce dernier principe ne permet pas de s’affranchir du droit existant. Secondement, l’article 34 est censé intervenir seulement après qu’une procédure d’autorisation d’un OGM a été accomplie à son terme et a conduit à autoriser ce dernier. L’Union devant respecter le principe de précaution lorsqu’elle adopte les règles établissant la procédure de mise sur le marché d’un produit (§§8 et 23), dès lors qu’un tel produit à été autorisé aux termes d’une telle procédure, il doit en principe être supposé que cette autorisation a été délivrée conformément au principe de précaution (131). La Cour semble confirmer une telle lecture (132).

§§15-16

La stratégie de la Cour semble donc premièrement viser à respecter le pouvoir d’appréciation discrétionnaire des institutions de l’Union en ne contrôlant pas de façon frontale celui-ci. Elle a ainsi évité d’élaborer un droit à un environnement sain doté d’une véritable force normative. De même, elle cherche à respecter le pouvoir d’appréciation des Etats membres, bien que ceux-ci ne disposent pas de la même liberté que les institutions de l’Union, étant étroitement limités par les libertés de circulation. Le second élément de sa stratégie semble être caractérisé par la volonté de ne pas permettre de déroger aux textes applicables sur le fondement d’un principe environnemental. Il constitue une conséquence du précédent. Faire respecter le droit primaire et le droit dérivé, même aux États membres, représente la seule application du pouvoir d’appréciation qu’ils ont exercé. Cependant, si la Cour ne se permet pas d’écarter l’application du droit dérivé, elle se permet de l’amplifier, par une interprétation constructive. En outre, elle impose certaines obligations procédurales aux institutions de l’Union, afin d’assurer la protection de l’environnement. Si un activisme de la Cour devait être caractérisé dans le domaine en cause, celui-ci serait indirect. Il conduirait à imposer des obligations procédurales qui participeraient seulement indirectement à la protection de l’environnement et renforceraient seulement des obligations prévues par des actes de droit dérivé.

Article rédigé par James Corne, membre de Notre Affaire à Tous (133)

Notes

  1.  Traité sur l’Union européenne
  2.  Traité sur le fonctionnement de l’UE
  3.  Le droit dérivé, par opposition au droit primaire qui désigne les traités sur lesquels est fondée l’UE (l’équivalent du droit constitutionnel national), désigne les normes législatives et réglementaires adoptées par les institutions.
  4.  Cela signifie que les États membres sont compétents pour adopter des normes pour autant et aussi longtemps que l’UE n’est pas intervenue en adoptant des normes de droit dérivé spécifique. Les Etats membres doivent, dans ce cas, respecter ces normes et ne peuvent donc plus intervenir.
  5.  L’UE ne peut adopter une norme législative que si elle dispose d’une compétence. La base juridique définit les objectifs que doit poursuivre l’UE pour mettre en œuvre sa compétence. Elle définit aussi la procédure (procédure législative ordinaire ou spéciale) et l’instrument (directive ou règlement) que le législateur doit utiliser.
  6.   Directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement ; Directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement
  7.  Directive 92/43/CEE du Conseil concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages 
  8.  Directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement et abrogeant la directive 90/313/CEE du Conseil ; Règlement (CE) n° 1367/2006 du Parlement européen et du Conseil du 6 septembre 2006 concernant l’application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement
  9.  Règlement (CE) n° 66/2010 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 établissant le label écologique de l’UE
  10.  Directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux
  11.  Directive 2003/87/CE établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union européenne (UE) ; Directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution)  ; Directive (EU) 2016/2284 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2016 concernant la réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques ; 
  12.  En présence d’une telle nature de compétence, les actes adoptés par l’UE « ne peuvent pas comporter d’harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des États membres. » (article 2, §5, second alinéa TFUE)
  13.  Voir, par ex., S. Foucart, Et le monde devint silencieux, Seuil, 2019
  14.  Par ex. CJCE, grande chambre, 14 juillet 1998, Safety Hi-Tech Srl, aff. C-284/95, pt. 37
  15.  CJUE, 22 mai 2014, Glatzel, aff. C‑356/12, pt. 78
  16.  Une norme ne peut être invoquée devant le juge de l’Union que si elle est dotée d’une clarté, d’une précision et d’une inconditionnalité suffisante.
  17.  Désigne l’invocation, par un particulier, de l’effet direct d’une norme à l’encontre d’un autre particulier.
  18.  Un État membre qui n’a pas transposé dans les délais une directive de l’Union a violé ses obligations. S’il est débiteur des droits prévus par la directive et que ceux-ci sont suffisamment précis, des particuliers pourront exiger leur mise en œuvre immédiate. En revanche, un particulier ne peut demander à un autre particulier de respecter une directive qui n’est pas transposée, même si le délai de transposition est échu.
  19.  Conclusions sous CJUE, grande chambre, 15 janvier 2014, Association de médiation sociale, aff. C‑176/12, pt. 71
  20.  CJUE, grande chambre, 15 janvier 2014, Association de médiation sociale, aff. C‑176/12, pt. 49
  21.  Ordonnance du Tribunal, 28 septembre 2016, PAN Europe, aff. T‑600/15,  pts. 47-48
  22.  CJUE, 21 décembre 2016, Associazione Italia Nostra Onlus, aff. C‑444/15, pt. 63
  23.  CJUE, 13 mars 2019, Pologne c. Parlement européen et Conseil, aff. C-128/17, pts. 130-131
  24.  CJUE, grande chambre, 26 février 2013, Åkerberg Fransson, aff. C-617/10, pts. 16-31 ; CJUE, 6 mars 2014, Cruciano Siragusa, aff. C‑206/13, pts. 25 et 29
  25.  CJCE, 14 juillet 1994, Matteo Peralta, aff. C-379/92, pt. 57
  26.  CJUE, grande chambre, 9 mars 2010, Raffinerie Méditerranée (ERG) SpA, aff. C‑378/08, pt. 46 ; CJUE, grande chambre, 9 mars 2010, Raffinerie Méditerranée (ERG) SpA, aff. Jointes C‑379/08 et C‑380/08, pt. 39 ; CJUE, 13 juillet 2017, Túrkevei Tejtermelő Kft, aff. C-129/16, pts. 37-38
  27.  Par ex. V. Michel, « […] C-378/08, ERG SpA […] », Europe n° 5, Mai 2010, comm. 178 
  28.  C’est-à-dire, une obligation imposée par l’Etat sur un particulier.
  29.  CJUE, 4 mars 2015, Fipa Group Srl e.a., aff. C-534/13, pt. 41
  30.  Conclusions de l’Avocate générale Kokott, sous CJUE, 3 octobre 2019, Wasserleitungsverband Nördliches Burgenland e.a., aff. C-197/18, pt. 98
  31.  CJUE, grande chambre, 1er octobre 2019, Mathieu Blaise, aff. C-616/17, pt. 43
  32.  Article 6, §2, de la directive 2008/98
  33.  Article 6, §4, de la directive 2008/98
  34.  CJUE, 24 octobre 2019, Prato Nevoso Termo Energy Srl, aff. C‑212/18, pt. 34
  35.  Idem, pt. 42
  36.  La Cour précise qu’il convient, en outre, de comparer les risques que font peser la substance en cause en tant que déchet ou en tant que produit recyclé pour un autre usage. Si le bilan est positif et que les risques apparaissent raisonnables, il peut perdre son statut de déchet. En revanche, le fait que d’autres produits utilisés en tant qu’incinérateur soient plus polluants que le déchet recyclé en cause n’est pas pertinent. Idem, pts. 54-55
  37.  Idem, pts. 57-58
  38.  CJUE, 10 octobre 2019, Luonnonsuojeluyhdistys Tapiola, aff. C‑674/17, pt. 66 ; voir aussi la note 23 des conclusions de l’Avocat général Saugmandsgaard Øe sous cet arrêt.
  39.  Conclusions, au-dessus de CJCE, 31 mars 1992, Hamlin Electronics GmbH, aff. C-338/90, Rec. p. 2347, 2346, pt. 29
  40.  « Commentaire de l’Acte unique européen en matière d’environnement », Revue Juridique de l’Environnement, n°1, 1988, pp.75-90, pp. 79-80. Texte élaboré à Bonn le 19 mars 1987 par la Conseil européen du droit de l’environnement.
  41.  C’est-à-dire de compétence. 
  42.  Tribunal, 7 mars 2013, Pologne c. Commission, aff. T-370/11, pt. 109
  43.  Tribunal, 4 avril 2019, ClientEarth c. Commission, aff. T‑108/17, pt. 284 : « Or, premièrement, il y a lieu de relever que le principe de précaution, tel que prévu à l’article 191, paragraphe 2, TFUE, s’adresse à l’action de l’Union et qu’il ne peut être interprété en ce sens qu’une institution de l’Union est tenue, sur le fondement de ce principe, d’adopter une mesure précise, telle que le refus d’une autorisation envisagé par la requérante. En effet, cette disposition se borne à définir les objectifs généraux de l’Union en matière d’environnement dans la mesure où l’article 192 TFUE confie au Parlement européen et au Conseil de l’Union européenne, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, le soin de décider de l’action à entreprendre en vue de réaliser ces objectifs. De plus, s’il est vrai que ce principe peut justifier l’adoption d’une mesure restrictive par une institution, il n’en reste pas moins qu’il ne l’impose pas. » Cette expression est très proche de celle utilisée dans l’arrêt Glatzel (§1), concernant la distinction entre les « droits » et les « principes » de la Charte.
  44.  Voir implicitement l’argumentation de la Pologne, dans CJUE, 13 mars 2019, Pologne c. Parlement européen et Conseil, aff. C‑128/17, pts. 119-148, concernant le  principe de proportionnalité lu à la lumière de l’objectif d’un développement équilibré des régions de l’Union.
  45.  CJCE, 29 avril 1999, Standley e.a. et Metson e.a., aff. C-293/97, pts. 52-53. La juridiction de renvoi demander à la Cour si une directive était légale au regard du principe de proportionnalité, celui du pollueur-payeur, ainsi que le droit fondamental de propriété des agriculteurs concernés.
  46.  Conclusions, sous CJUE, 8 juillet 2010, Afton Chemical Limited, aff. C-343/09, pt. 54 ; Voir aussi les conclusions de l’Avocate générale Sharpston, sous CJUE, grande chambre, 1er octobre 2019, Mathieu Blaise, aff. C-616/17, pt. 49
  47.  Par ex. CJCE, 13 novembre 1990, Fedesa e.a., aff. C-331/88,  Rec. pp. 4057, 4064, pt. 17 ; CJCE, 15 décembre 2005, République hellénique c. Commission, aff. C-86/03, pt. 96 ; CJCE, grande chambre, 16 décembre 2008, Société Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., affaire C‑127/07, pt. 59
  48.  CJCE, grande chambre, 8 avril 1976, Defrenne, 43/75, Rec. p. 456, 475-476
  49.  CJCE, grande chambre, 5 février 1963, van Gend & Loos, 26/62, Rec p. 7, 23
  50.  Par exemple, CJCE, grande chambre, 22 novembre 2005, Mangold, aff. C-144/04 ; CJUE, grande chambre, 11 décembre 2007, Viking Line, aff. C‑438/05 ; CJUE, grande chambre, 22 janvier 2019, Cresco Investigation, aff. C-193/17
  51.  K. Lenaerts & J. A. Gutierrez-Fons, « The constitutional allocation of powers and general principles of EU law »,  Common Market Law Review, vol. 47, n° 6, 2010, pp. 1629-1669, sp. pp. 1649, 1662-1666
  52.  CJCE, grande chambre, 14 juillet 1998, Safety Hi-Tech Srl, aff. C-284/95, pt. 49 ; CJUE, 21 décembre 2016, Associazione Italia Nostra Onlus, aff. C‑444/15, pt. 44 ; CJUE, 13 mars 2019, Pologne c. Parlement européen et Conseil, aff. C-128/17, pt. 132
  53.  Ibidem
  54.  CJCE, grande chambre, 14 juillet 1998, Safety Hi-Tech Srl, aff. C-284/95, pt. 54
  55.  Idem, pt. 59
  56.  Pour rappel, ce principe est composé de trois tests : aptitude, nécessité et proportionnalité au sens strict ou stricto sensu.
  57.  CJUE, 21 décembre 2016, Associazione Italia Nostra Onlus, aff. C‑444/15, pt. 54
  58.  CJUE, 27 octobre 2016, Patrice D’Oultremont e.a., affaire C-290/15, pt. 40 ; CJUE, 7 juin 2018, Inter-Environnement Bruxelles e.a., Affaire C-671/16, pt. 34
  59.  CJUE, 21 décembre 2016, Associazione Italia Nostra Onlus, aff. C‑444/15, pt. 59
  60.  Règlement (CE) no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques
  61.  CJUE, grande chambre, 1er octobre 2019, Mathieu Blaise, aff. C-616/17, pt. 42 
  62.  Idem, sp. pt. 45
  63.  Idem, pt. 49
  64.  Idem, pt. 68 
  65.  Idem, pt. 75
  66.  Par exigence de neutralité, je me permets de renvoyer à une critique de cette association, faite par des anciens employés. Le Grimm,  Nous n’irons plus pointer chez Gaïa, Édt du Bout De La Ville, 2017
  67.  Elle se distingue nettement par un ou plusieurs caractères importants de toute autre variété connue dans l’Union.
  68.  Une variété est stable si, à la suite de ses reproductions ou multiplications successives ou à la fin de chaque cycle, lorsque l’obtenteur a défini un cycle particulier de reproductions ou de multiplications, elle reste conforme à la définition de ses caractères essentiels.
  69.  Les plantes qui composent une variété sont, compte tenu des particularités du système de reproduction des plantes, semblables ou génétiquement identiques pour l’ensemble des caractères retenus à cet effet.
  70.  Conclusions de l’Avocate générale Kokott, sous CJUE, 12 juillet 2012, Association Kokopelli, aff. C‑59/11, pt. 45
  71.  Idem, pts. 99-102
  72.  CJUE, 12 juillet 2012, Association Kokopelli, aff. C‑59/11, pt. 45
  73.  Idem, pt. 47
  74.  Idem, pt. 49
  75.  Idem, pts. 54-57
  76.  Idem, pt. 60
  77.  Idem, pt. 61
  78.  Voir par exemple, M. H. Semedo, Directrice générale adjointe de la FAO, « La perte de la biodiversité compromet la capacité de l’homme à se nourrir par lui-même », LeMonde, publié le 29 mars 2019 ; J. Bélanger & D. Pilling (eds.), The State of the World’s Biodiversity for Food and Agriculture, FAO Commission on Genetic Resources for Food and Agriculture Assessments, 2019
  79.  Conclusions, pts. 2 et 84
  80.  CJUE, idem, pt. 64
  81.  Conclusions,  pt. 92
  82.  Idem, pt. 90
  83.  Idem, pt. 84
  84.  Y. Petit écrit ainsi « On ne peut qu’être sceptique face à cette affirmation quelque peu surannée, d’autant plus que laCour a su développer une jurisprudence beaucoup plus progressiste relative aux objectifs de la P.A.C., notamment dans l’affaire des hormones et à l’occasion du contentieux lié à l’embargo sur la viande bovine britannique, à la suite de la crise de la ‘‘vache folle.’’ » Il se réfère à CJCE, 23 février 1988, Royaume-Uni c. Conseil, aff. 66/86, Rec. p. 855 et à CJCE, 5 mai 1998, Royaume-Uni c. Conseil, C-180/96, Rec. p. I-2265. Y. Petit, « Arrêt « Kokopelli« : la commercialisation des semences de légumes traditionnels et la préservation de la biodiversité », Journal de droit européen 2012, nº 194 pp. 297-298
  85.  J. Kokott et Ch. Sobotta, « The Evolution of the Principle of Proportionality in EU Law-Towards an Anticipative Understanding? », in : S. Vogenauer et S. Weatherill (dir.), General Principles of Law – European and Comparative Perspectives, Hart Publishing, 2017, pp. 167-177, p. 171
  86.  CJCE, 13 novembre 1990, Fedesa e.a., aff. C-331/88,  Rec. pp. 4057, 4064, pt. 17
  87.  CJCE, 15 décembre 2005, République hellénique c. Commission, aff. C-86/03, pt. 96
  88.  CJUE, grande chambre, 23 octobre 2012, Nelson, aff. jointes C‑581/10 et C‑629/10, pt. 81
  89.  CJCE, grande chambre, 8 juin 2010, Vodafone, aff. C‑58/08, pt. 53 ; CJUE, 4 mai 2016, République de Pologne c. Parlement et Conseil, aff. C‑358/14, pt. 57
  90.  Sur cette question voir N. de Sadeleer, Environmental Law Internal Market, OUP, 2015. Voir aussi les thèses de Cl. Vial, Protection de l’environnement et libre circulation des marchandises, Bruylant, 2006 et J. Nowag, Environmental integration in competition and free-movement laws, OUP, 2016
  91.  CJCE, grande chambre, 7 février 1985, Association de défense des brûleurs d’huiles usagées (ADBHU), aff. 240/83, Rec. p. 538, 549
  92.  Conclusions, sous CJCE, 11 juillet 1996, Royal Society for the Protection of Birds, aff. C-44/95, pt. 44
  93.  La Cour qualifie l’électricité de marchandise et non de service.
  94.  CJCE, grande chambre, 13 mars 2001, PreussenElektra AG, aff. C-379/98, pt. 73
  95.  Idem, pt. 79
  96.  CJUE, grande chambre, 1er juillet 2014, Ålands Vindkraft AB, aff. C-573/12, pt. 92
  97.  CJCE, grande chambre, 13 mars 2001, PreussenElektra AG, aff. C-379/98, pt. 75
  98.  CJCE, grande chambre, 12 juin 2003, Schmidberger, aff. C-112/00 ; CJCE, grande chambre, 15 novembre 2005  Commission c. République d’Autriche, aff. C-320/03. La question de la pollution due aux camions transitant par son territoire avait fait l’objet d’un protocole lors de l’adhésion de l’Autriche en 1995. Cet État espérait qu’en 2004 les mesures de l’Union seraient suffisantes pour assurer aux populations riveraines une protection élevée. Sur cette question, voir H.-C. Ignaz Seidl-Hohenveldern, « L’Union européenne et le transit de marchandises par rail et par route à travers l’Autriche », Revue du Marché commun et de l’Union européenne, 1995, p. 380 
  99.  CJUE, grande chambre, 21 décembre 2011, Commission c. République d’Autriche, aff. C‑28/09, pt. 122
  100.  Conclusions, sous CJUE, 11 septembre 2014, Essent Belgium, aff. jointes C-204/12 à C-208/12, pt. 91. Voir aussi les conclusions de l’Avocate générale Trstenjak, sous CJUE, grande chambre, 21 décembre 2011, Commission c. République d’Autriche, aff. C‑28/09, pts. 82-91, qui, tout en acceptant la justification d’une mesure discriminatoire par un objectif de protection de l’environnement, note néanmoins qu’« il y a lieu de considérer que le caractère discriminatoire d’une mesure restreignant la libre circulation des marchandises peut être pris en compte dans le cadre de l’examen de la proportionnalité, ces mesures pouvant faire l’objet d’un examen plus strict au regard de leur nécessité et de leur adéquation en particulier. » (pt. 91)
  101.  CJCE, grande chambre, 20 septembre 1988, Commission c. Danemark, aff. 302/86, Rec. p. 4627, 4631, pt. 17
  102.  Idem, Rec. p. 4632, pt. 20
  103.  Idem, pt. 21
  104.  Par ex. J. Snell, « True Proportionality and free Movement of goods and services », European Business Law Review, vol.11, n° 1,2000, pp. 50-57, p. 53
  105.  « Toutefois, il ne nous semble pas que le Danemark doive l’emporter dans cette affaire si la Commissionne peut pas démontrer que le même degré peut être atteint par d’autres moyens spécifiques. Il doit y avoir une pondération d’intérêts entre la libre circulation des marchandises et la protection de l’environnement, même si, pour atteindre le point d’équilibre, le degré élevé de protection recherché doit être réduit. » Conclusions de l’Avocat général Slynn, publiées au-dessus de CJCE, grande chambre, 20 septembre 1988, Commission c. Danemark, aff. 302/86, Rec. p. 4627, 4625
  106.  « A cet égard, il y a lieu d’observer que, certes, le système de reprise existant pour les emballages agréés garantit un taux maximal de réutilisation, et donc une protection très sensible de l’environnement, du fait que les emballages vides peuvent être rendus chez n’importe quel détaillant de boissons, alors que les emballages non agréés, compte tenu de l’impossibilité de mettre en place pour eux aussi une organisation aussi complète, peuvent être rendus uniquement chez le détaillant qui a vendu les boissons. » (Rec. p. 4632, pt. 20)
  107.  DG MOVE  de la Commission européenne et Office fédéral des transports de la Confédération suisse, « Observation et analyse des flux de transports de marchandises transalpins — Rapport annuel 2017 », mai 2019 En 1999 : 80 millions de tonnes pour l’Autriche,  40 millions pour la France, 20 millions pour le Suisse et  en 1999. Alors que pour ces deux derniers États, les chiffres sont restés stables, en 2017, près de 140 millions de tonnes de marchandises circulaient par l’Autriche (p. 17). Il est à noter que le rail n’a quasiment pas augmenté en tonnes de marchandises transportées, alors qu’il est moins polluant (p. i).
  108.  E. Spaventa, « Drinking Away Our Sorrows? », in : F. Amtenbrink, G. Davies, D. Kochenov, J. Lindeboom (edt.), The Internal Market and the Future of European Integration – Essays in Honour of Laurence W. Gormley, Cambridge University Press, 2019, pp. 188-199, ppt. 193-196
  109.  Plus généralement sur le principe de diligence, voir ma publication à venir « L’application du principe de diligence au législateur et aux personnes privées : principe transversal ou erreur de catégorie ? — Étude sur le principe de bonne administration en droit de l’UE. »
  110.  Premièrement, la mesure alternative était moins protectrice, ce que semble masquer la Cour en s’attachant uniquement à l’obligation de diligence. La mesure alternative qui n’a pas suffisamment été étudiée ne permettait qu’ « une réduction annuelle supplémentaire de 1,1 % des émissions de dioxyde d’azote dans la zone concernée, tandis que pour l’interdiction sectorielle de circuler une réduction de 1,5 % desdites émissions est avancée. » CJUE, grande chambre, 21 décembre 2011, Commission c. République d’Autriche, aff. C‑28/09, pt. 144 Secondement, le principe de diligence s’applique normalement antérieurement à l’examen des trois tests de la proportionnalité. Au contraire, la Cour l’utilise ici au stade de la nécessité.
  111.  Ce qui relève davantage de la nécessité au sens strict.
  112.  Elle doit examiner avec soin et impartialité l’ensemble des éléments pertinents. CJCE, grande chambre, 20 mars 2003, Royaume de Danemark c. Commission, aff. C-3/00, pt. 114 ; CJCE, 6 novembre 2008, Royaume des Pays-Bas c. Commission, aff. C‑405/07 P, pts. 55s
  113.  La décision doit être adoptée et communiquée dans ce délai : Tribunal, 9 décembre 2010, Pologne c. Commission, aff. T-69/08
  114.  Tribunal, 5 octobre 2005, Land Oberösterreich et Autriche c. Commission, aff. jointes T‑366/03 et T‑235/04, pt. 64
  115.  Idem, pt. 65 et 66
  116.  Idem, pt. 65
  117.  CJCE, 13 septembre 2007, Land Oberösterreich et Autriche c. Commission, aff. jointes C‑439/05 P et C‑454/05 P. La Cour a précisé qu’un problème spécifique ne devait pas nécessairement être « unique. » Malgré l’utilisation malencontreuse de ce terme par l’EFSA et la décision de la Commission, celles-ci l’ayant utilisé comme un synonyme de spécifique, aucune erreur de droit n’est à constater.
  118.  N. de Sadeleer, Environmental Law Internal Market, OUP, 2015, p. 368
  119.  Une telle procédure prévoit que les États membres décident. La Commission décide de la décision finale si les États membres n’ont réussi à adopter aucune décision. Voir le règlement n° 182/2011 du Parlement Européen et du Conseil du 16 février 2011 établissant les règles et principes généraux relatifs aux modalités de contrôle par les États membres de l’exercice des compétences d’exécution par la Commission
  120.  CJUE, 6 septembre 2012, Pioneer Hi Bred Italia Srl c. Ministero delle Politiche agricole alimentari e forestali, aff. C-36/11, pt. 73
  121.  Une telle procédure prévoit que les États membres décident. La Commission décide de la décision finale si les États membres n’ont réussi à adopter aucune décision. Voir le règlement n° 182/2011 du Parlement Européen et du Conseil du 16 février 2011 établissant les règles et principes généraux relatifs aux modalités de contrôle par les États membres de l’exercice des compétences d’exécution par la Commission
  122.  CJUE, 8 septembre 2011, Monsanto SAS c. Ministre de l’Agriculture et de la Pêche, aff. jointes C‑58/10 à C‑68/10, pts. 43-63
  123.  Idem, pt. 59
  124.  Règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires
  125.  CJUE, 13 septembre 2017, Fidenato, aff. C-111/16, pts. 31-42
  126.  Idem, pt. 48
  127.  Idem, pt. 50
  128.  Idem, pt. 50
  129.  Idem, pt. 51
  130.  Cette interprétation de la Cour est conforme à la volonté des Etats membres, lorsqu’ils ont adopté la réglementation communautaire en matière d’OGM. Néanmoins, une réserve peut être certainement émise à l’encontre du critère du « manifeste », pour les raisons énoncés. 
  131.  CJUE, 13 septembre 2017, Fidenato, aff. C-111/16, pt. 52 : « Il convient en outre de relever que, ainsi que l’a indiqué M. l’avocat général aux points 74 à 76 de ses conclusions, la différence entre le niveau de risque requis par l’article 34 du règlement n° 1829/2003, d’une part, et par l’article 7 du règlement n° 178/2002, d’autre part, doit être appréhendée compte tenu de la mise en œuvre procédurale de ces dispositions, à savoir l’application de l’article 34 du règlement n° 1829/2003 aux produits autorisés par celui-ci et de l’article 7 du règlement n° 178/2002 à l’ensemble du domaine de la législation alimentaire, y compris aux produits qui n’ont jamais été soumis à une procédure d’autorisation. »
  132.  CJUE, 13 septembre 2017, Fidenato, aff. C-111/16, pt. 52 : « Il convient en outre de relever que, ainsi que l’a indiqué M. l’avocat général aux points 74 à 76 de ses conclusions, la différence entre le niveau de risque requis par l’article 34 du règlement n° 1829/2003, d’une part, et par l’article 7 du règlement n° 178/2002, d’autre part, doit être appréhendée compte tenu de la mise en œuvre procédurale de ces dispositions, à savoir l’application de l’article 34 du règlement n° 1829/2003 aux produits autorisés par celui-ci et de l’article 7 du règlement n° 178/2002 à l’ensemble du domaine de la législation alimentaire, y compris aux produits qui n’ont jamais été soumis à une procédure d’autorisation. »
  133.  Pour toute remarque ou critique : jamescorne@gmail.com