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Grande-Synthe : le rapporteur public veut tourner la page de l’affaire, en dépit des chiffres alarmants sur le climat publiés ce jour
Ce vendredi 10 octobre s’est tenue une audience au Conseil d’État dans le dossier qui oppose la commune de Grande-Synthe et les associations de l’Affaire du Siècle (Notre Affaire à Tous, Greenpeace France et Oxfam France) à l’État concernant les objectifs climatiques de la France. Après avoir condamné l’État à deux reprises en 2021 et 2023, le Conseil d’État se prononcera une nouvelle fois d’ici la fin de l’année sur l’exécution de ses décisions. Il statuera alors sur la capacité de l’État à respecter son ancien objectif de baisse d’émissions de gaz à effet de serre de -40% d’ici à 2030, par rapport aux niveaux de 1990. L’audience a été l’occasion pour le rapporteur public de présenter ses conclusions. Le rapporteur public a estimé que l’État serait en mesure de respecter cet objectif, qui est pourtant entre-temps devenu obsolète au regard des dernières obligations européennes. Les organisations de l’Affaire du Siècle déplorent cette analyse sur l’ancien objectif, qui va à l’encontre des expertises sur le sujet, y compris celle du Haut Conseil pour le Climat. Un périmètre d’analyse obsolète et incomplet Se basant sur des obligations désormais caduques, le rapporteur public recommande au Conseil d’État de ne contrôler le respect que d’une partie des engagements de la France. Il fonde ainsi son appréciation sur l’objectif désormais obsolète de réduction de -40% des émissions d’ici à 2030, alors même que le seuil a été rehaussé au niveau européen dans le cadre du Fitfor55, et s’établit désormais à -55 % en émissions nettes au niveau européen (1). Concernant ce nouvel objectif, il admet qu’il risque de ne pas être respecté, sans pour autant le prendre en compte dans ses conclusions. De même, l’analyse concerne seulement les émissions brutes de la France et non pas ses émissions nettes, alors que nous assistons à un affaiblissement conséquent des niveaux de puits de carbone (2), ce qui met en péril notre capacité à atteindre les objectifs climatiques français et européens. Des conclusions qui nient la réalité des chiffres et le manque de mesures efficaces Aussi, les organisations de l’Affaire du Siècle émettent de sérieux doutes concernant la capacité de la France à respecter cette cible de -40%, bien qu’elle soit caduque. Les derniers chiffres en témoignent : le CITEPA publie ce jour une prévision de baisses d’émissions de gaz à effet de serre pour l’année 2025 à -0,8%, bien loin des -5% nécessaires chaque année. Cela confirme le ralentissement et le potentiel décrochage de trajectoire, déjà observé en 2024 (-1,8%). De même, les réductions dont l’État se targue pour le budget carbone 2019-2023 reposent en partie sur des effets conjoncturels (crise du Covid-19, inflation, hivers doux), de l’aveu du Conseil d’État lui-même. Pourtant, la lutte contre le changement climatique nécessite des politiques programmées et de long terme. En tout état de cause, rien n’assure que l’objectif de -40% pourra être respecté. Dans un contexte de recul sur les mesures climatiques (coupes budgétaires, suspension de MaPrimeRénov, suppression de certaines lignes internationales de train, favorisation de l’élevage intensif via la LOA et la Loi Duplomb), L’Affaire du Siècle appelle le Conseil d’État à continuer son évaluation de la trajectoire de l’État sur les prochaines années et à enjoindre à l’État de mettre en place une politique climatique véritablement cohérente, notamment via la publication de la SNBC-3 et la PPE-3, attendues depuis près de deux ans déjà. Sans évolution radicale dans les politiques climatiques et si le Conseil d’État arrête son contrôle, le risque reste élevé qu’en 2028, nous réalisions que le 3ème budget carbone de la France a été largement dépassé. Notes (1) Rapporté à la France, cela représente un objectif d’environ -50% d’émissions brutes et -54% d’émissions nettes par rapport à 1990 selon le gouvernement. (2) Voir le dernier rapport du HCC, p. 79, p.89, p.95 notamment Notes aux rédactions Les étapes du recours : Novembre 2018 : La commune de Grande-Synthe, qui fait face au risque de montée des eaux, attaque l’État devant le Conseil d’État Février 2020 : Les organisation de l’Affaire du Siècle (Notre Affaire à Tous, Greenpeace France, Oxfam France) rejoignent le recours via une intervention volontaire 19 novembre 2020 : Le Conseil d’État rend une décision actant que les objectifs climatiques de la France et sa trajectoire pour les atteindre contraignants 1er juillet 2021 : Le Conseil d’État condamne l’État une première fois, et l’enjoint de prendre des mesures supplémentaires avant avril 2022. 30 juillet 2021 : Entrée en vigueur de la Loi européenne pour le climat et du Fitfor55 au niveau européen, qui fixe des nouveaux objectifs de baisse d’émissions de gaz à effet de serre (à -55% d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990). Ce nouvel objectif ne peut être intégré à l’affaire Grande-Synthe, cette dernière ayant été lancée avant l’adoption dudit objectif. 10 mai 2023 : Le Conseil d’État condamne l’État une deuxième fois, dont le bilan est insuffisant pour respecter son objectif climatique de – 40% et l’enjoint de prendre des mesures supplémentaires avant juin 2024. Il annonce qu’il surveillera le respect de cette décision. 2025 : Le Conseil d’État évalue de nouveau la trajectoire de la France dans le cadre de l’exécution de ses dernières décisions. Contacts presse Elsa Ingrand, Chargée de campagne pour Notre Affaire à Tous, elsa.ingrand@notreaffaireatous.orgMarika Bekier, Oxfam France, mbekier@oxfamfrance.org
Numéro 23 de la newsletter des affaires climatiques et environnementales – Les espoirs d’une réglementation européenne des PFAS face aux volontés de dérégulation de l’industrie chimique
S’abonner à la newsletter Affaires climatiques et environnementales Chères lectrices, chers lecteurs, Pour cette vingt-troisième newsletter des affaires climatiques et environnementales, vous trouverez en focus un article sur les espoirs d’une réglementation européenne des PFAS face aux volontés de dérégulation de l’industrie chimique. Ensuite, vous retrouverez les chroniques de deux décisions récentes. La première concerne la décision de la cour constitutionnelle colombienne ordonnant aux autorités d’agir face aux catastrophes naturelles, jugeant que leur inaction violait les droits humains d’un propriétaire dont la maison est régulièrement inondée. La seconde porte sur la décision de la Cour constitutionnelle belge de censurer le report d’une ZFE sur le fondement du droit à un environnement sain. Très bonne lecture et merci d’être toujours aussi nombreux et nombreuses à lire ce courrier ! Et si vous souhaitez, vous aussi, vous investir dans la rédaction des prochains numéros, c’est par ici. Clarisse Macé, co-référente du groupe de travail veille-international Sommaire Focus – Les espoirs d’une réglementation européenne des PFAS face aux volontés de dérégulation de l’industrie chimique Affaire climatique La cour constitutionnelle colombienne a ordonné aux autorités d’agir face aux catastrophes naturelles, jugeant que leur inaction viole des droits humains d’un propriétaire dont la maison est régulièrement inondée. Affaire environnementale La Cour constitutionnelle belge a censuré le report d’une ZFE sur le fondement du droit à un environnement sain Focus : Les espoirs d’une réglementation européenne des PFAS face aux volontés de dérégulation de l’industrie chimique Le 27 février 2025 est à marquer d’une pierre blanche pour la lutte contre « l’une des plus graves contaminations auxquelles le monde est aujourd’hui confronté » : la première loi française visant à protéger la population des risques liés aux substances PFAS a été publiée au Journal Officiel, un an après le début des discussions législatives et moins de trois ans après la révélation du scandale en France. Inédite dans son ambition, elle vient surtout combler un vide réglementaire historique, qui a permis à des industriels producteurs et utilisateurs de ces molécules ultra résistantes et persistantes, dont les impacts sur la santé sont documentés de façon croissante, de contaminer nos écosystèmes et nos corps. Comment les processus de réglementation de l’industrie chimique, en grande partie européen, ont-ils amené à cette production d’ignorance ? Est-il envisageable aujourd’hui qu’ils permettent une meilleure application du principe de précaution, et ce à l’échelle de l’Union ? Lire le focus Affaire climatique La cour constitutionnelle colombienne a ordonné aux autorités d’agir face aux catastrophes naturelles, jugeant que leur inaction viole des droits humains d’un propriétaire dont la maison est régulièrement inondée. Un homme de 80 ans a vu sa maison inondée régulièrement pendant plus de douze ans. Les autorités locales colombiennes ont, à chaque fois, agi pour protéger ce citoyen, mais, par manque de moyens, n’ont jamais fait que réparer les dégâts causés sans créer de solution à long terme ou de moyen de prévention pour aider l’administré. Les inondations se sont donc répétées, causant à chaque fois des dommages et créant une inquiétude chez l’octogénaire. Les juges de la Cour constitutionnelle colombienne ont dû déterminer si les actions mises en place par les autorités locales suffisent à protéger les droits des administrés à un logement digne, à un procès équitable et à la dignité humaine. Lire l’article Affaire environnementale La Cour constitutionnelle belge a censuré le report d’une ZFE (zone à faibles émissions) sur le fondement du droit à un environnement sain Le 21 mars 2025, la Région de Bruxelles-Capitale a, par ordonnance, décalé de deux ans l’application d’une nouvelle phase de la zone à faibles émissions (ZFE). En effet, de nouvelles restrictions de circulation pour certains types de véhicules initialement prévues pour le 1er janvier 2025 étaient décalées au 1er janvier 2027. Plusieurs associations, notamment des droits humains et de protection de la santé, ainsi que plusieurs habitants touchés par des problèmes respiratoires aggravés par la pollution de l’air, ont saisi la Cour constitutionnelle belge pour suspendre l’exécution de ladite ordonnance. La décision de décaler l’application de mesures restrictives de la circulation pour limiter la pollution de l’air constitue-t-elle une violation du droit à un environnement sain et du droit à la protection de la santé ? Lire l’article
Causalités environnementale et climatique : dépasser les incertitudes scientifiques par le droit
Article écrit par Manolo Cléarc’h-Chalony, élève-avocat. Ce travail a fait l’objet d’une relecture augmentée. Il n’engage que le point de vue de son auteur·ice. Si vous constatez une erreur ou point de précision nécessaire, n’hésitez pas à nous écrire pour nous le signaler. Télécharger l’article en format PDF : Article au format PDF “Le juge ne recherche pas une vérité absolue ; il se borne à relever les indices qui engendreront dans son esprit un sentiment de probabilité” [1] – R.PERROT. Objet. La caractérisation du lien de causalité est une étape cardinale du contentieux de la responsabilité environnementale et climatique. Elle irrigue une grande partie des contentieux portés par la société civile, bien au-delà des frontières de l’Hexagone [2]. Ce constat a poussé l’équipe de Notre Affaire à Tous à identifier les problèmes rencontrés à ce sujet dans ses contentieux en matière climatique et en matière de santé environnementale. Dans ces deux types d’affaires, les enjeux probatoires s’agissant de la causalité sont au centre des débats judiciaires, académiques et politiques. L’objectif de ce travail est, une fois les principaux obstacles identifiés, de proposer des leviers permettant de faciliter la reconnaissance du lien causal lorsqu’une incertitude scientifique ou une multiplicité de facteurs explicatifs contrarient la caractérisation juridique de la causalité. Une définition juridique de la causalité. Le lien de causalité est décrit comme “la condition la plus mystérieuse de la responsabilité civile” [3] en raison de son “caractère insoluble” [4]. La causalité, au sens commun du terme, désigne le rapport de cause à effet entre deux événements. Elle se différencie ainsi de la simple corrélation ou encore de l’association, notamment en termes statistiques, qui ne font que démontrer un lien de variation entre deux événements sans se prononcer sur la causalité de l’un avec l’autre. En termes juridiques, le lien de causalité est une des trois conditions traditionnellement requises pour engager la responsabilité civile d’une personne [5]. Il relie le fait générateur au dommage et ce, dans la plupart des régimes de responsabilité, même objectifs [6]. Pour être retenu par les juridictions, ce lien causal doit classiquement être direct et certain [7]. Si ce lien causal est omniprésent en matière de responsabilité, aucune définition n’en est donnée par le code civil. Les projets de réforme de la responsabilité civile viennent entériner la nécessaire démonstration de ce lien de causalité [8] sans en donner de définition explicite [9]. De ce fait, la doctrine et la jurisprudence ont, de concert, délimité les contours de cette notion à partir de plusieurs théories. Parmi celles-ci, la théorie de l’équivalence des conditions et celle de la causalité adéquate sont les plus mobilisées. La première pourrait être définie à partir de l’article 6.18 du code civil belge dans sa rédaction issue de la loi du 7 février 2024. Cet article dispose que le “fait générateur de responsabilité est la cause d’un dommage s’il est une condition nécessaire de ce dernier. Un fait est une condition nécessaire du dommage si, sans ce fait, le dommage ne se serait pas produit tel qu’il s’est produit dans les circonstances concrètes présentes lors de l’événement dommageable”. En suivant cette théorie, toutes les conditions sine qua non du dommage doivent être prises en compte au titre de la causalité. Il faut ainsi mener une recherche hypothético-contrefactuelle en se demandant si, en l’absence de réalisation d’une condition, le résultat aurait été le même. En d’autres termes, “si en l’absence de A, B ne se serait pas produit, alors A est une condition sine qua non de B” [10] et devra être tenu comme la cause de B. La jurisprudence française applique cette théorie, sans toutefois la nommer expressément. C’est ainsi que la causalité entre l’accident de la circulation et la contamination de la victime par l’hépatite C, lors d’une transfusion sanguine rendue nécessaire par le choc, a été reconnue [11]. La jurisprudence a également recours à la théorie de l’équivalence des conditions en matière médicale ou de défaut de produits pharmaceutiques [12]. Il est, par ailleurs, enseigné que cette théorie serait davantage appliquée par les juridictions en présence d’une faute délictuelle [13]. S’agissant de la causalité adéquate, elle se fonde sur la notion de prévisibilité. La condition d’un résultat doit être celle prévisible selon le cours normal des choses. C’est la condition qui apparaît la plus probable à une personne raisonnable. En d’autres termes, il faut rechercher, postérieurement à la survenance du dommage, la raison la plus probable de l’avoir causé. L’application de cette théorie de la causalité amène les juridictions à être plus sévères en ne reconnaissant que la cause la plus à même d’expliquer le dommage ou, pour reprendre les mots de C.KAHN “un évènement est la cause adéquate d’un dommage lorsqu’il est susceptible de le produire dans la majorité des cas” [14]. L’ensemble des autres causes, qui ont concouru au dommage sans pour autant être susceptibles de le causer dans la plupart des cas, sont donc exclues. La jurisprudence a, par exemple, retenu que la seule cause des blessures d’un policier poursuivant une personne refusant d’obtempérer n’est pas ce refus, mais bien la chute accidentelle, indépendante du comportement du fuyard [15]. Cette théorie est intéressante en ce sens qu’elle repose, en grande partie, sur le caractère probabiliste des événements [16]. Seulement, elle ne permet pas de dégager une causalité dans le cas où une incertitude entoure l’événement considéré. Sans connaissance scientifique préalable de la probabilité qu’un événement cause de manière générale un résultat, il n’est pas possible d’identifier une telle causalité adéquate. Des théories rejetées. Dans un premier Livre Blanc [17], publié au mois d’octobre 2023, l’association Notre Affaire à Tous concluait déjà à la nécessaire évolution de la conception du lien de causalité en matière d’exposition aux pollutions chimiques. En effet, en matière de santé environnementale, la mobilisation des théories rappelées ci-avant n’est pas suffisante pour retenir une causalité certaine et directe entre l’exposition aux diverses pollutions et la survenance de certaines pathologies. Ces dernières sont, bien souvent, multifactorielles et les pollutions sont diffuses. Dans cette configuration, la méthodologie déductive, …
Pesticides : « Monsieur le Premier ministre, vous n’avez plus le choix : il est temps d’agir »
Tribune disponible également sur le blog de Mediapart : https://blogs.mediapart.fr/justice-pour-le-vivant/blog/300925/pesticides-monsieur-le-premier-ministre-vous-n-avez-plus-le-choix-il-est-temps-d-agir La justice a tranché : les protocoles d’évaluation et d’autorisation des pesticides en France sont invalides, obsolètes et dangereux. Monsieur le Premier ministre, la France ne peut plus ignorer l’urgence de réformer les autorisations de mise sur le marché des pesticides. Le 3 septembre 2025, la cour administrative d’appel de Paris a rendu une décision historique : pour protéger la biodiversité et la santé publique, elle a ordonné à l’État d’actualiser, dans un délai de 24 mois, les protocoles d’évaluation et d’autorisation des pesticides. Les juges ont également exigé la réévaluation de l’ensemble des autorisations de mise sur le marché (AMM) insuffisamment protectrices du Vivant, et la présentation sous six mois d’un calendrier détaillé pour conduire cette révision. Cette décision, obtenue dans le cadre de l’action collective Justice pour le Vivant (portée depuis 2022 par Notre Affaire à Tous, POLLINIS, Biodiversité sous nos pieds, ANPER-TOS et l’ASPAS), confirme la responsabilité de l’Etat dans la « contamination généralisée, diffuse, chronique et durable des eaux et des sols par les produits phytopharmaceutiques ». Pour la première fois, la justice reconnaît ce que la science ainsi que les collectifs associatifs et citoyens dénoncent depuis longtemps : l’obsolescence des protocoles d’évaluation et d’autorisation des pesticides. Leur actualisation n’est désormais plus seulement une exigence scientifique, mais aussi une obligation légale. Monsieur le Premier ministre, vous n’avez plus le choix : il est temps d’agir. Des solutions existent. Nous vous en proposons quelques unes aujourd’hui, et nous sommes prêts à travailler avec vous pour les mettre en œuvre dans les délais stricts ordonnés par la CAA de Paris, soit le 3 mars 2026 pour le calendrier de révision des AMM, et le 3 septembre 2027 concernant la refonte complète des protocoles : Aligner les procédures d’évaluation des pesticides sur les standards scientifiques préconisé par les experts notamment les scientifiques de l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) dès 2013. Garantir l’indépendance de l’Anses en lui allouant les moyens humains et financiers nécessaires pour remplir sa mission d’intérêt général de protection des écosystèmes et de notre santé. Réévaluer immédiatement les AMM des fongicides SDHI, ainsi que des insecticides et herbicides dont les dangers pour la biodiversité et la santé humaine sont avérés. La France peut devenir un modèle de protection de la biodiversité et de la santé publique, et le leader de la transition agricole face à un modèle devenu insoutenable à court terme. Nous ne demandons pas l’impossible : nous exigeons que l’État respecte enfin le droit de l’Union européenne, la loi, la science et l’intérêt général. L’Histoire et les générations futures jugeront les choix que vous ferez aujourd’hui. Serez-vous du côté de ceux qui protègent la vie, ou de ceux qui la sacrifient au profit d’intérêts à court terme ? Signataires Nicolas Laarman, délégué général de POLLINIS Jérémie Suissa, délégué général de Notre Affaire à Tous Dorian Guinard, porte parole de Biodiversité sous nos pieds
Pesticides : POLLINIS, Notre Affaire à Tous et Générations Futures saisissent le Conseil d’Etat pour demander l’annulation du décret réduisant l’indépendance de l’ANSES
Communiqué de presse – POLLINIS, Notre Affaire à Tous et Générations Futures déposent deux recours en justice auprès du Conseil d’Etat pour demander l’annulation du décret du 8 juillet 2025 portant diverses dispositions relatives à l’autorisation des produits phytopharmaceutiques. Ce décret, qui constitue une tentative d’ingérence de la part du ministère de l’Agriculture, menace l’indépendance de l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) au profit d’intérêts économiques. Le rôle de l’ANSES est de délivrer, modifier ou retirer les autorisations de mise sur le marché des pesticides, en garantissant une expertise scientifique indépendante. Or, ce décret permet au ministre de l’Agriculture de s’immiscer dans les travaux de l’ANSES, en soumettant au directeur général une liste de demandes d’autorisation de mise sur le marché de pesticides qu’il juge prioritaires pour certaines filières agricoles. Cette immixtion affaiblit l’indépendance de l’Agence et l’objectif de ce décret est clair : introduire une logique de priorisation économique dans un processus censé être guidé uniquement par des impératifs d’intérêt général, de santé publique et de protection de l’environnement. Ce texte, entré en vigueur deux jours après l’adoption de la loi Duplomb, s’inscrit dans la continuité d’une manœuvre antidémocratique. Pour rappel, lors des discussions parlementaires dans le cadre de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, cette volonté de réduire l’indépendance de l’ANSES avait été rejetée en commission mixte paritaire. « Le Gouvernement a finalement fait passer par voie réglementaire ce qu’il n’avait pas réussi à faire passer par voie législative » réagit Arnaud Gossement, du cabinet représentant l’association POLLINIS. Pour Maître Hermine Baron du cabinet TTLA qui représente quant à elle les associations Notre Affaire à Tous et Générations Futures « c’est une atteinte à l’indépendance de l’ANSES, qui risque d’ouvrir la voie à une ingérence toujours plus forte dans les procédures d’évaluation, au mépris de la protection de la santé et de l’environnement. » Pour POLLINIS, Notre Affaire à Tous et Générations Futures, cette mesure est illégale et dangereuse: « C’est un coup de force sans précédent mené contre l’autorité sanitaire française chargée de protéger les abeilles et la biodiversité dans son ensemble, ainsi que notre santé. Désormais, le ministère de l’Agriculture peut directement faire pression sur l’ANSES pour satisfaire les exigences des lobbys de l’industrie agrochimique, au mépris des impératifs de santé publique et de protection de l’environnement ». CONTACTS PRESSE POLLINISHélène Angot, Chargée de communication : presse@pollinis.org Notre Affaire à TousEmilien Capdepon, Chargé de campagnes : emilien.capdepon@notreaffaireatous.org Générations FuturesYoann Coulmont, Chargé de plaidoyer : plaidoyer@generations-futures.fr
Publication du premier décret d’application de la “loi PFAS” : un manque d’ambition flagrant et un déni de consultation du public
Communiqué de presse de Générations Futures et Notre Affaire à Tous, 09 septembre 2025 – Ce mardi 09 septembre, la France se réveille sans gouvernement mais aussi avec la déception de voir que le premier décret appliquant une partie de la loi PFAS adoptée en février 2025, ne permet pas de la protéger contre une des plus grandes contaminations chimiques de son histoire. Le décret n° 2025-958 du 8 septembre 2025 est relatif aux modalités de mise en œuvre de la trajectoire nationale de réduction progressive des rejets aqueux de substances PFAS des installations industrielles. Si les objectifs de cette trajectoire vont dans le bon sens, visant -70 % d’ici 2028 par rapport aux émissions de 2023, jusqu’à tendre vers la fin de ces rejets en 2030, le décret ne permet pas d’espérer le respect de cette trajectoire. En effet, il ne fixe aucune modalité de contrôle de ces rejets, ne précise pas si ces objectifs doivent être atteints à l’échelle de chaque installation industrielle, et ne décline qu’une seule étape intermédiaire. La définition même de l’objectif à atteindre est sujet à interprétation : la plupart des installations concernées n’ont pas de référence définie puisqu’elles ne mesuraient pas leurs rejets de PFAS en 2023. Enfin, les installations industrielles concernées ne sont pas suffisamment identifiées en l’état. Bref, un projet de décret rédigé de manière minimaliste, adopté tel quel, et donc loin de répondre à l’ambition de la loi du 27 février 2025. Par ailleurs, si la consultation publique organisée du 07 août 2025 au 05 septembre 2025 aurait pu permettre de compléter ce projet de décret, aucune modification et aucune de nos suggestions n’ont été retenues (réponse de Générations Futures et de Notre Affaire à Tous à la consultation). Ce sont pourtant plus de 450 propositions et commentaires qui ont été déposés, malgré le timing estival et un bug informatique survenu dans les derniers jours de la consultation – et dénoncé par nos organisations -, qui n’ont pas permis une participation effective. Ce décret, ainsi adopté trois jours seulement après la fin de la consultation publique, a clairement souffert du calendrier politique accéléré par la démission du gouvernement Bayrou. C’est en effet un Conseil supérieur des risques technologiques, réuni en urgence lundi matin, qui a dû prendre connaissance des plus de 450 commentaires de la consultation avant le vote de confiance de l’après-midi, pour finalement n’en retenir aucun. “Malgré une participation importante, la consultation publique et les commentaires critiques ont été balayés d’un revers de la main. La protection de la santé des Français·es et de nos territoires ne devrait jamais pâtir des calendriers politiques”, déclare François Veillerette, porte-parole de Générations Futures. Jérémie Suissa, délégué général de Notre Affaire à Tous précise que “nos organisations vont désormais étudier les voies de recours, pour veiller à protéger l’esprit de la loi du 27 février et continuer à œuvrer pour les victimes des PFAS en France”. Par ailleurs, un autre projet de décret appliquant la loi PFAS avait été soumis à consultation sur la même période. Nous espérons que les commentaires proposant de le compléter et de le préciser connaîtront un meilleur sort. Contacts presse Notre Affaire à Tous – Emma Feyeux : emma.feyeux@notreaffaireatous.org Générations futures – Yoann Coulmont : yoann@generations-futures.fr
Justice Pour Le Vivant : Nouvelle victoire historique pour la biodiversité – L’État condamné à réformer ses protocoles d’évaluation et d’autorisation des pesticides !
Communiqué de presse, Paris, le 3 septembre 2025 – C’est une véritable révolution dans la lutte contre les pesticides : le 3 septembre 2025, la Cour administrative d’appel (CAA) de Paris a enjoint à l’État de réformer ses protocoles d’évaluation et d’autorisation des pesticides, jugés défaillants, afin de les aligner sur les connaissances scientifiques actuelles. Dans le cadre du dossier Justice pour le Vivant (JPLV), porté depuis 2022 par Notre Affaire à Tous, POLLINIS, Biodiversité sous nos pieds, ANPER-TOS et l’ASPAS, la CAA confirme la condamnation de l’État français pour sa responsabilité dans l’effondrement de la biodiversité. Dans un contexte marqué par l’adoption de la loi Duplomb, et ce malgré une mobilisation citoyenne massive, cette décision consacre une victoire majeure de la science et de toutes celles et ceux – victimes, associations et collectifs – qui alertent depuis des années sur la dangerosité des pesticides. Inédite à l’échelle européenne, elle pourrait désormais ouvrir la voie à des actions similaires dans d’autres pays membres de l’Union. Crédit photo : Philippe Besnard Deux ans après la première condamnation de l’État, le 29 juin 2023, pour sa responsabilité dans la contamination massive des écosystèmes par les pesticides, la cour administrative d’appel de Paris reconnaît à nouveau la « contamination généralisée, diffuse, chronique et durable des eaux et des sols par les produits phytopharmaceutiques ». Suivant les conclusions de la rapporteure publique, la cour ordonne à l’État d’actualiser les protocoles d’évaluation et d’autorisation des pesticides insuffisamment protecteurs du vivant, ainsi que de revoir les autorisations de mise sur le marché (AMM) actuellement en vigueur d’ici 24 mois, et pour lesquelles la méthodologie d’évaluation n’aurait pas été conforme aux exigences notamment du principe de précaution. Principe qui « impose aux États membres de procéder à « une évaluation globale fondée sur les données scientifiques disponibles les plus fiables ainsi que les résultats les plus récents de la recherche internationale ». » (§29 p.14) Elle enjoint également à l’Etat d’établir dans les six mois prochains un calendrier de révision des AMM concernées. Concrètement, la cour reconnaît des failles dans la procédure d’évaluation et d’autorisation de mise sur le marché conduite par l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) sous la responsabilité de l’État. Reconnaissant un lien de causalité direct entre les insuffisances de l’évaluation des risques et le déclin de la biodiversité, elle considère qu’il est établi qu’une actualisation des procédures à l’aune des connaissances scientifiques les plus récentes permettrait de réduire les impacts sur l’environnement des pesticides. Pour les associations requérantes, cette décision est plus qu’historique : “C’est une véritable révolution juridique et scientifique ! Dans un contexte d’attaques constantes contre l’environnement, et alors que le Parlement vient de voter la mortifère loi Duplomb, la justice réaffirme son rôle de contre-pouvoir en mettant un coup d’arrêt à la politique désastreuse de nos décideurs en la matière. C’est une décision qui va tout changer : dans les pratiques agricoles, les politiques publiques, et la façon dont l’État considère enfin la santé et l’environnement. Elle est le fruit d’un combat de longue haleine, porté par des scientifiques, des associations, des citoyens et citoyennes mobilisé·e·s partout en France — une véritable victoire collective qui s’inscrit dans un large mouvement militant. Le gouvernement doit désormais tout mettre en œuvre pour respecter cette décision de justice. Il en va de la sauvegarde de la biodiversité, de la santé publique, mais aussi du principe même d’État de droit.” Nous appelons l’État, désormais condamné à deux reprises, à ne pas se pourvoir en cassation et à respecter enfin cette décision de justice. S’il décidait malgré tout de poursuivre la procédure, ce serait malheureusement l’ultime preuve que l’État est prêt à tout pour continuer à protéger les intérêts des industriels de l’agrochimie, malgré leurs impacts désastreux sur l’ensemble du vivant. Ce choix irait une fois de plus à l’encontre de l’intérêt général et de la volonté largement exprimée par les citoyen·ne·s, qui attendent une politique réellement ambitieuse de réduction de l’usage des pesticides les plus dangereux. Nous nous tenons à la disposition du gouvernement afin de l’accompagner dans la mise en œuvre de cette décision de justice. Des premières mesures concrètes peuvent être immédiatement déployées, notamment : Actualiser les procédures d’évaluation des risques des pesticides en les mettant en conformité avec les protocoles scientifiques de l’EFSA de 2013 ; Renforcer l’indépendance de l’Anses en lui confiant davantage de moyens humains et financiers ; Réévaluer les autorisations de mise sur le marché des fongicides SDHI et des insecticides et herbicides dont les dangers pour la biodiversité et l’humain sont documentés. Contacts presse Notre Affaire à Tous – Emilien Capdepon, chargé de campagnes : emilien.capdepon@notreaffaireatous.org POLLINIS – Hélène Angot, chargée de communication :helenea@pollinis.org Biodiversité sous nos pieds – Dorian Guinard, porte parole :biodiversitesousnospieds@gmail.com
Notre Affaire à Tous. Les stratégies contentieuses d’une requérante au service de la justice environnementale
Article rédigé par :Christel Cournil* – Professeure des universités en droit public ; Membre du laboratoire LASSP, Sciences Po Toulouse, Université Toulouse Capitole ; Membre du projet ANR Proclimex.Brice Laniyan – Docteur en droit public à l’université Panthéon-Sorbonne (Paris 1) (ISJPS-UMR 8103) ; Juriste chez Notre Affaire à Tous. Note : Reproduction strictement non commerciale, exceptionnelle autorisée à titre gracieux.Christel Cournil, Brice Laniyan. « Notre Affaire à Tous. Les stratégies contentieuses d’une requérante au service de la justice environnementale », Revue du Droit Public, n°2, 30 juin 2025, page 31. Accessible ici : https://www.labase-lextenso.fr/revue/RDP/2025/2 Depuis une trentaine d’années en France, les ONG environnementales ont intégré le recours au droit dans leurs stratégies d’action, professionnalisant leurs pratiques jusqu’à faire de la justice une arène politique. L’association Notre Affaire à Tous incarne cette dynamique en développant des contentieux stratégiques pour influencer l’évolution du droit en faveur de la justice climatique. Par ses actions diverses, elle vise à contraindre l’État à respecter ses obligations écologiques, à stopper des projets « climaticides » et à lutter contre les inégalités socio-environnementales. L’arme contentieuse n’a pas toujours figuré au répertoire d’actions collectives [1] des organisations non gouvernementales de protection de l’environnement (ONGE) qui ont longtemps privilégié le plaidoyer par le truchement d’actions de terrain aussi singulières que médiatiques. Depuis une trentaine d’années, les ONGE ont affiné leurs stratégies [2] en développant de nouvelles capacités d’action [3] telles que la sensibilisation du politique à la science, mais aussi des capacités d’influence dans la construction, la mise en œuvre ou le renforcement du droit de l’environnement [4] à la fois par la protestation, la persuasion, la pression et l’expertise constructive. Leurs répertoires d’action se sont enrichis en se professionnalisant [5] toujours plus, notamment face au défi de l’urgence climatique. En France, les associations de défense de l’environnement ont bien compris la force de « l’arme du droit » [6], celle-ci devenant une énième corde à leur arc. En se diversifiant [7], leurs répertoires d’action collective se sont progressivement juridicisés et judiciarisés. Certaines ONGE ont mis en place des actions particulièrement sophistiquées en recourant au droit – moyen de contestation comme les autres. Ces associations agissent par le biais de trois fenêtres. D’abord, lors de la phase pré-normative, elles participent souvent à alerter sur un enjeu singulier et peuvent alors édifier un discours sur les besoins de droits (nouveaux droits ou modifications du droit). Ensuite, dans la phase clef de l’élaboration [8] de la norme, elles exercent une influence « discursive » en cherchant à insérer des concepts, des mots dans les textes au sein des négociations internationales [9] par la diplomatie « des couloirs » lors des COP ou lors des phases de session et débats parlementaires nationaux [10] en impactant la fabrique du droit. Enfin, en aval, les ONGE n’hésitent plus à saisir le juge pour s’assurer de l’application de la norme juridique. Aujourd’hui, « la justice comme arène » [11] est bien ancrée dans la panoplie des répertoires juridiques. Suivant le modèle popularisé par l’Affaire du Siècle et l’affaire Grande-Synthe, de nouvelles actions contentieuses « en carence structurelle » [12] sont régulièrement portées à l’appréciation des juridictions administratives sur des thématiques diverses : développement des énergies renouvelables [13], déserts médicaux [14], contrôle au faciès [15], mal-logement [16], manque de « haltes soins addictions » (ou « salles de shoot ») [17]… Et indiscutablement la construction de recours dit « stratégiques » [18] est progressivement devenue une forme de participation politique dans la cité pour certaines ONGE dont la benjamine Notre Affaire à Tous [19]. Créée en 2015, Notre Affaire à Tous est une association de protection de l’environnement qui utilise le droit comme un levier stratégique pour protéger le vivant et lutter contre la triple crise environnementale (climat-biodiversité-pollution). L’association est née d’un vide dans le paysage associatif français. Aucune association de protection de l’environnement ou de défense des droits de l’Homme ne s’était encore donnée comme raison d’être la défense de la justice climatique [20] dans sa dimension juridictionnelle. C’est pour combler ce manque, et surtout pour tenter « d’importer » en France le contentieux gagné aux Pays-Bas par la fondation Urgenda, que Marie Toussaint [21] et d’autres jeunes juristes et avocats ont créé cette structure singulière qu’est Notre Affaire à Tous. L’intention première de l’association était d’influencer la fabrique du droit en tentant d’orienter les cadres normatifs en vue d’obtenir des résultats probants pour renforcer la lutte climatique et ainsi contenir les effets délétères des changements climatiques. Et grâce à ses actions, en 10 ans d’existence, « l’activisme légal et juridictionnel » est devenu particulièrement intense en matière de justice climatique. L’association a toutefois considérablement diversifié son répertoire d’actions juridiques depuis sa création avec des activités de contentieux et de plaidoyers menées tant au niveau local, national, européen et international ; des contributions extérieures devant le Conseil constitutionnel, des amicus curiae devant la Cour européenne des droits de l’Homme, des soumissions auprès des comités onusiens, une soumission lors de l’examen périodique universel du Conseil des droits de l’Homme, un benchmark de la vigilance climatique, la mise en place d’un programme d’éducation et de sensibilisation juri- dique à travers des procès simulés… Néanmoins, l’« ADN » de Notre Affaire à Tous reste la conception de « contentieux stratégiques ». Ainsi nommés et systématisés par la doctrine anglo-saxonne, fruit d’une stratégie plurielle de plaidoyer – politique, éthique, sociale et juridique –, ce type d’actions désigne les cas dans lesquels un requérant engage une action en justice avec une ambition dépassant le cadre strict du litige. Bien que l’objet premier du contentieux soit la défense de son intérêt personnel, son objectif secondaire est de favoriser une évolution politico-juridique. Cela peut se traduire par la reconnaissance d’une illégalité, d’une réparation ou, plus largement, par l’obtention d’une nouvelle interprétation du droit, susceptible de profiter à tous [22]. Dès lors, l’avantage différentiel de l’association s’exprime, avant tout, dans l’identification et l’usage des fondements juridiques et des voies de droit qui seront les plus à même de susciter, par voie jurisprudentielle, la …
URGENT : Loi Duplomb – Une censure bienvenue mais qui ne doit pas masquer des reculs extrêmement inquiétants pour l’environnement et la démocratie
Paris, le 7 août 2025 – Saisi à l’issue des saisines initiées par plusieurs groupes politiques, concernant la proposition de loi Duplomb, le Conseil constitutionnel vient de rendre sa décision en disant non au retour des néonicotinoïdes en France pour le moment. Très attendue, cette décision intervient après une mobilisation citoyenne d’une ampleur quasi-inédite contre cette loi rétrograde. Néanmoins il serait risqué de voir dans cette censure de l’article 2 une quelconque avancée dans la protection de la santé humaine et de la biodiversité. Une censure à minima concernant les néonicotinoïdes Le Conseil constitutionnel a rendu une décision de censure à minima concernant les néonicotinoïdes, en cohérence avec sa position de 2020. Il reconnaît les effets nocifs de ces substances sur la biodiversité, les sols, l’eau et la santé humaine, et censure la dérogation prévue par la loi Duplomb uniquement parce qu’elle n’était pas suffisamment encadrée : elle visait un champ trop large de substances et d’usages, et autorisait leur pulvérisation, particulièrement risquée. Toutefois, cette décision laisse ouverte la possibilité d’une nouvelle loi qui, si elle respecte certains critères, pourrait permettre une nouvelle dérogation. La vigilance reste donc de mise pour empêcher tout retour déguisé des néonicotinoïdes. Des régressions du droit de l’environnement qui sont validées par le Conseil constitutionnel Au-delà de la censure partielle sur les néonicotinoïdes, la décision du Conseil constitutionnel valide plusieurs régressions majeures du droit de l’environnement. Elle entérine notamment la réduction de la participation du public dans les projets d’élevage intensif, en supprimant l’obligation de réunions publiques et de réponses aux avis citoyens, posant des questions de conformité au droit européen et international. Le passage d’un régime d’autorisation à un simple enregistrement pour certains élevages industriels facilite leur implantation, au détriment des modèles extensifs. Concernant les méga-bassines, le Conseil valide les présomptions d’intérêt général majeur et de raison impérative d’intérêt public majeur permettant de déroger aux règles de protection de l’eau et des espèces. S’il précise qu’il pourra être apporté la preuve contraire devant les juges, cela reste une régression importante. Si la protection des nappes inertielles constitue une avancée, elle reste insuffisante face aux enjeux. Enfin, seule une disposition technique (l’article 8) est censurée pour vice de procédure, sans remettre en cause le fond du texte ou les conditions de son vote au Parlement. Une décision qui confirme une tendance préoccupante de fragilisation du droit environnemental. Face à une décision qui entérine plusieurs reculs en matière de droit de l’environnement, le combat est loin d’être terminé. Plus que jamais, il est essentiel de se mobiliser pour défendre la biodiversité, les écosystèmes, la santé humaine et notre droit à un environnement sain. Dans cette perspective, la décision en appel à venir fin août 2025 dans l’affaire « Justice pour le Vivant » (JPLV) représente un enjeu majeur : l’État pourrait se voir contraint de réformer ses protocoles d’évaluation et d’autorisation des pesticides, reconnus défaillants par une décision du Tribunal administratif de Paris de juin 2023, afin qu’ils respectent l’état actuel des connaissances scientifiques. Contacts presse : Emilien Capdepon, chargé de campagnes : emilien.capdepon@notreaffaireatous.org Adeline Paradeise, juriste : adeline.paradeise@notreaffaireatous.org
Loi Duplomb : Générations Futures, Notre Affaire à Tous, POLLINIS, la Ligue des Droits de l’Homme, Terre de Liens, CIWF France, le CCFD-Terre Solidaire, Greenpeace France, la Fondation pour la Nature et l’Homme, la Fondation 30 Millions d’Amis, Réseau CIVAM et Biodiversité sous nos pieds déposent une contribution commune devant le Conseil constitutionnel.
Communiqué de presse – Alors que la mobilisation citoyenne contre la loi Duplomb atteint une ampleur inédite — la pétition a déjà recueilli près de deux millions de signatures en un temps record (lien ci-dessous) —, les associations décident de multiplier les efforts en déposant une contribution auprès du Conseil constitutionnel pour soutenir les saisines des parlementaires et faire censurer plus de la moitié de la loi. La pétition alerte sur le fait que la « loi Duplomb est une aberration scientifique, éthique, environnementale et sanitaire ». En effet, cette loi contient de nombreuses dispositions dangereuses : atteintes aux principes fondamentaux de protection de l’environnement, contournement des procédures démocratiques, affaiblissement du rôle des collectivités territoriales, verrouillage des voies de recours, ou encore normes impossibles à appliquer en élevage plein air. Face à ces atteintes multiples aux droits fondamentaux, à la santé publique et à la protection de l’environnement, les associations appellent le Conseil constitutionnel à faire respecter la Constitution et à censurer les dispositions inconstitutionnelles de la loi Duplomb. Par leur contribution commune, elles réaffirment l’importance d’un cadre juridique rigoureux et démocratique, indispensable pour garantir un avenir sain et durable pour tou.te.s. Les associations reviennent donc article par article sur les mesures les plus problématiques du texte, ainsi que sur les vices de procédure qui accompagnent son adoption. Concernant l’inconstitutionnalité de la procédure d’adoption : La loi Duplomb a été adoptée au mépris des principes de clarté et de sincérité du débat parlementaire, par un détournement de la motion de rejet préalable ayant empêché tout examen d’amendement dès la première lecture. Cette manœuvre, sans fondement constitutionnel, viole le droit d’amendement garanti par l’article 44 de la Constitution et justifie une censure par le Conseil constitutionnel. Article 1 : L’article premier de la loi est inconstitutionnel car il supprime l’encadrement obligatoire et indépendant du conseil sur l’utilisation des pesticides. En rendant ce conseil facultatif et possible par des vendeurs de ces produits, la loi favorise les conflits d’intérêts, affaiblit la formation des agriculteurs et augmente les risques pour la santé humaine et l’environnement. Elle viole ainsi plusieurs articles de la Charte de l’environnement – qui a valeur constitutionnelle -,notamment son article 8 relatif à l’éducation et la formation à l’environnement et l’objectif constitutionnel de protection de la santé. Article 2 : L’article 2 de la loi est inconstitutionnel car il permet des dérogations illimitées à l’interdiction des néonicotinoïdes, malgré leur forte toxicité pour la biodiversité et la santé humaine. Contrairement à une précédente décision du Conseil constitutionnel, cette dérogation n’est ni limitée dans le temps, ni restreinte à certaines cultures ou substances. Elle repose sur une définition biaisée des alternatives, axée uniquement sur les coûts pour l’agriculteur, au détriment de la santé publique et de l’environnement, violant ainsi les articles 1er, 2, 3, 5 et 6 de la Charte de l’environnement. En outre, elle ne prévoit aucune participation du public, en contradiction avec l’article 7 de cette Charte. Article 3 : L’article 3 autorise le gouvernement à relever par décret les seuils des ICPE d’élevage en affirmant que cela ne constitue pas une atteinte au principe de non-régression. L’article 3 prévoit également une dérogation pour les projets d’élevage bovin, porcin ou avicole soumis à autorisation environnementale en permettant de remplacer les réunions publiques obligatoires par de simples permanences, réduisant ainsi la transparence et la participation du public. Cet article est ainsi inconstitutionnel en ce qu’il constitue une : Atteinte à la participation du public (article 7 de la Charte) : remplacer les réunions publiques par des permanences limite le débat et rend les réponses du porteur de projet facultatives. Violation du principe d’égalité (article 6 DDHC) : la dérogation ne concerne que certains élevages sans justification objective. Méconnaissance des articles 1 et 2 de la Charte de l’environnement : la loi relève les seuils sans prévoir de mesures de compensation en cas d’atteinte grave à l’environnement. Atteinte au principe de non-régression, corollaire des principes à valeur constitutionnelle garantis par la Charte de l’Environnement Article 5 : L’article 5, en présumant d’office que les ouvrages agricoles de stockage, aussi appelés méga-bassines, et prélèvement d’eau dans les zones en déficit hydrique sont d’intérêt général majeur (IGM) et justifiés par une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM), porte une atteinte disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif et aux principes de précaution et de gestion durable de l’eau. Cette présomption empêche une appréciation au cas par cas nécessaire pour équilibrer protection de l’environnement et besoins agricoles, alors que la jurisprudence européenne impose une analyse fine et stricte avant toute dérogation. De plus, ces infrastructures, souvent de grande taille, favorisent un modèle agricole consommateur d’eau et nuisible à la biodiversité, sans garantir d’alternatives durables ni limiter les impacts, ce qui justifie leur inconstitutionnalité. Article 6 : L’article 6 impose aux inspecteurs de l’environnement de transmettre leurs procès-verbaux d’infraction au procureur de la République « par la voie hiérarchique », et non plus directement. Cette exigence permet à une autorité administrative de contrôler, modifier ou bloquer la transmission d’actes relevant de la police judiciaire. Elle porte atteinte au principe de séparation des pouvoirs, à l’indépendance de l’autorité judiciaire et à l’objectif constitutionnel de recherche des auteurs d’infractions. Pour les associations « la loi Duplomb fragilise gravement la protection de l’environnement et la santé publique au profit d’une minorité d’acteurs, dont l’agrochimie, en bafouant les principes démocratiques et constitutionnels, le tout sans répondre aux attentes d’une majorité des agriculteurs et des citoyens. Face à cette loi dangereuse qui multiplie les atteintes aux droits fondamentaux et vise sans complexe à l’industrialisation de l’agriculture et de l’élevage au mépris des humains et des animaux, nous avons déposé une contribution commune devant le Conseil constitutionnel pour faire censurer plus de la moitié du texte. Notre action vise ainsi à rétablir la vérité juridique et scientifique, et à défendre l’intérêt général. » Lien vers la pétition Contacts presse Notre Affaire à Tous Emilien Capdepon, Chargé de campagnes emilien.capdepon@notreaffaireatous.org POLLINISHélène Angot, Chargée de communicationhelenea@pollinis.org Générations Futures Yoann Coulmont, Chargé de plaidoyerplaidoyer@generations-futures.fr Terre de LiensClara …