Le 31 mars dernier, des documents révélés par franceinfo montrent que, dès 2005, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) avait alerté EDF ainsi que Areva sur de nombreux écarts et problèmes de qualité sur les produits de l’usine Creusot Forge. Or, c’est là qu’a été fabriquée la cuve de l’EPR de Flamanville.
Alertée il y a 12 ans de probables défauts de fabrication, Areva n’a effectué des tests qualitatifs qu’en 2014, lors de l’installation de la cuve dans le bâtiment du réacteur. La société en référait alors à l’ASN qui publia laconiquement sur son site internet : “L’ASN a été informée par AREVA d’une anomalie de la composition de l’acier dans certaines zones du couvercle et du fond de la cuve du réacteur de l’EPR de Flamanville”.
Jusque-là, et malgré des suspicions avancées, le projet du réacteur EPR avait donc pu poursuivre sa progression sans jamais être inquiété ni devoir donner de gage sur sa sécurité.
C’est toute la chaîne de contrôle du nucléaire francais qui est aujourd’hui mise en cause.
Un processus de contrôle aberrant
Il y a un an, l’association Notre Affaire à tous et le Comité de Réflexion d’Information et de Lutte Anti Nucléaire (CRILAN) attaquaient l’arrêté du 30 décembre 2015, qui autorise les fabricants d’appareils sous pression nucléaire à déroger à leurs obligations essentielles de sécurité.
En effet, le texte en question permet à un fabricant, dont le produit n’est pas conforme aux normes essentielles de sécurité, de déposer une demande de validation auprès de l’ASN, accompagnée d’une analyse assurant que les “risques sont suffisamment prévenus ou limités”.
C’est également le schéma de contrôle mis en place concernant les anomalies présentes sur la cuve de l’EPR de Flamanville. Ces dernières pourraient ainsi être purement et simplement validées par l’ASN en septembre. Impensable, surtout lorsque l’on imagine la catastrophe que représenterait la rupture de la cuve en cas d’accident nucléaire.
Pour l’association Notre Affaire à Tous, autoriser une cuve potentiellement fragilisée, c’est faire courir des risques insensés à la population. Nous demandons aux juges d’annuler ce chèque en blanc que le gouvernement semble avoir signé aux acteurs du nucléaire sur le dos de la sécurité des Français.es.
Nous allons obliger l’Etat à nous donner une réponse !
Pour l’instant, le gouvernement n’a pas souhaité répondre aux arguments que nous avons soulevés devant le Conseil d’Etat. Nous sommes donc contraints de sommer l’administration de conclure.
Pour l’association Notre affaire à tous, le système mis en place est à l’origine des scandales à répétition qui frappent l’industrie du nucléaire. La loi laisse aux industriels le soin de déclarer leur défaillance, au lieu de garantir le respect effectif des normes essentielles de sécurité.
L’ASN est ensuite placée devant le fait accompli. Or, on peut légitimement douter de la possibilité pour l’autorité de sûreté nucléaire française de prendre une décision qui s’impose pourtant, mais qui aurait pour conséquence de condamner financièrement le projet de l’EPR francais.
Alors qu’AREVA et EDF sont menacés financièrement, la politique de l’atome, incapable de reconnaître ses erreurs, entraîne le contribuable et le citoyen dans sa chute.
Ce rapport de forces économique et politique constitue un réel danger pour la sécurité dans les centrales nucléaires françaises, mais aussi pour la protection des populations vivant en France, pour nos voisins européens et pour les générations futures.
Marine Calmet