Ce vendredi, les iraniens seront appelés à élire leurs nouveaux parlementaires. C’est la première fois que la question environnementale s’installe au cœur d’une campagne électorale.

Azadi Tower Teheran

 

Loin d’être une lubie réservée aux élites éclairées, les candidats doivent aujourd’hui répondre aux inquiétudes des populations locales face à la diminution des réserves d’eau, à la disparition des forêts et à la pollution de l’air.

Le coût environnemental des sanctions internationales

Le blocus qui a touché le pays en réponse à son programme d’armement nucléaire a eu des effets catastrophiques pour l’environnement.

Les nombreuses interdictions d’importation vers l’Iran ont entraîné un développement accéléré des infrastructures afin de faire face aux besoins nationaux en eau, en nourriture et en énergie. Par le biais de politiques urbanistes agressives, l’Iran a réussi à survivre aux sanctions dans une certaine mesure, mais pas sans conséquence pour l’environnement.

Isolé sur la scène internationale, l’Iran a également été privé de soutiens financiers. Les subventions du programme des Nations Unies pour le développement ou du Fonds pour l’environnement mondial (Global Environment Facility) ont longtemps été gelées.

La pollution de l’air, fléau national

Les échanges en hydrocarbures ont été fortement touchés par le gel des relations commerciales avec l’Union européenne et les États-Unis. Les importations en essence ont été réduites de 75%, ce à quoi l’Iran a répondu en développant sa filière de production et de raffinage. C’est aujourd’hui la principale raison d’une pollution atmosphérique dramatique.

Un rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de 2013 classait quatre villes iraniennes dans les dix premières villes les plus polluées au monde.

Les phénomènes de « tempêtes de poussières suffocantes » se répètent partout dans le pays, en particulier dans la province du Khuzestan, où les écoles et les bureaux gouvernementaux sont fréquemment fermés. En mai 2014, un mouvement de protestation « masquée » s’était propagé grâce aux réseaux sociaux pour dénoncer la pollution de l’air.

Kaveh Madani, professeur de management environnemental au Centre pour la politique environnementale de l’Imperial College (Londres) et Nazanin Soroush, analyste politique, spécialiste du Moyen-Orient, font état de la situation dans la capitale iranienne de Téhéran, où la pollution serait responsable de 25% des décès.

La disparition rapide des réserves d’eau

Ironie du sort : le pays où a été signée la Convention de Ramsar de 1974 sur la conservation des zones humides est actuellement le troisième plus grand constructeur de barrages dans le monde. La surexploitation des sources d’eau souterraine, la disparition des grands fleuves comme le Zayandeh Rud et l’assèchement des lacs comme l’Urmia, autre fois un des plus grands lacs du Moyen-Orient, forcent les habitants des régions rurales qui font face à des pénuries d’eau aiguës, à migrer vers les villes.

Bien que les sanctions ne soient pas la cause principale des problèmes environnementaux actuels de l’Iran, elles ont aggravé la situation et auront une incidence sur la qualité de vie et la santé de nombreuses générations futures d’iraniens qui n’ont eu aucune implication dans la politique nucléaire nationale.

L’environnement, une question devenue politique

Dans ce pays gouverné par un guide suprême quasiment omnipotent et où les candidats aux élections parlementaires doivent être « validés » par le Conseil des gardiens, difficile de parler de régime représentatif. Selon les mots de Shirin Ebadi, prix nobel de la paix et femme politique iranienne, « les législatives en Iran ne sont pas libres […] les membres du conseil ne sont pas des représentants du peuple ».

Dans un système électoral où la sélection des candidats permet d’anticiper et de réduire au silence les mouvements de contestation, l’écologie parlementaire pourrait bien être un moyen d’entamer un changement de gouvernance. Après les années Ahmadinejad (2005-2013) et la répression de la révolution verte en 2009, le premier ministre actuel Hassan Rohani, s’inscrit dans un discours plus modéré qui a permit la conclusion d’un accord sur le nucléaire iranien, le 14 juillet 2015 à Vienne.

Reflet de cette mutation, ces élections auront quelque chose de spécial, puisqu’une coalition de candidats écologistes a su se former autour d’un « Pacte de l’environnement » et d’un but commun, celui de protéger la nature.

Un engagement pour l’avenir

Ce « Pacte de l’environnement » comprend 15 clauses et s’appuie notamment sur l’article 50 de la Constitution iranienne de 1979. Celle-ci prévoit que  » la protection de l’environnement, dans lequel la génération actuelle et les générations futures doivent mener une vie sociale en voie de croissance, est considérée comme un devoir public. De ce fait, les activités économiques ou autres qui entraîneraient la pollution de l’environnement ou sa destruction de manière irréparable, sont interdites ».

Un article qui qualifie donc, plus de 25 ans avant l’entrée de la Charte de l’environnement dans le bloc de constitutionnalité en France, la protection des générations futures et de l’environnement de devoir citoyen.

Concrètement, le pacte engage les futurs parlementaires à agir pour l’intégrité de l’environnement et appelle à un plan national prévoyant à court terme l’arrêt des projets dommageables tout en encourageant la collaboration avec les ONG et les experts.

Selon l’accord sur le climat signé à Paris en décembre et grâce à l’assouplissement des sanctions, l’Iran devrait atteindre une réduction de 4% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et 12% si le pays bénéficie d’un appui international.

La protection de l’environnement a besoin de démocratie et de justice sociale pour prospérer. On ne manquera pas de suivre les résultats d’une élection qui pourrait bien être la première marche vers une mutation favorable de la gouvernance iranienne.