Paris, 10 novembre 2023 – Dans le contentieux climatique porté par 6 associations et 15 collectivités territoriales contre TotalEnergies, une décision du tribunal judiciaire de Paris du 6 juillet 2023 a jugé l’action irrecevable. Cette décision reposant sur une interprétation contestée et inquiétante de la loi sur le devoir de vigilance et des dispositions relatives au préjudice écologique, la coalition a décidé de poursuivre les débats sur la recevabilité de l’action devant la cour d’appel de Paris.

En janvier 2020, une coalition d’associations et de collectivité territoriales* a assigné TotalEnergies devant le tribunal judiciaire de Nanterre, rejointe depuis par les collectivités de Paris, New-York, Poitiers et Amnesty International France. L’objectif est de contraindre la compagnie pétrolière à prendre les mesures nécessaires pour s’aligner avec l’objectif 1,5°C de l’Accord de Paris, conformément à la loi sur le devoir de vigilance.

Dans une ordonnance du 6 juillet 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a déclaré l’action judiciaire irrecevable. Une décision inquiétante alors que plusieurs autres actions judiciaires fondées sur la loi sur le devoir de vigilance ont également été jugées irrecevables pour  des motifs largement contestés par les milieux académiques et les organisations de la société civile.

Déterminées à contraindre la major pétro-gazière française à respecter ses obligations en matière climatique, les associations et collectivités de la coalition déposent aujourd’hui leurs conclusions auprès de la cour d’appel.

Dans la décision du 6 juillet 2023, le juge a considéré que TotalEnergies n’aurait pas régulièrement été mise en demeure au motif que les demandes formulées dans l’assignation n’étaient pas strictement identiques à celles du courrier de mise en demeure envoyé à la multinationale en juin 2019.

Bien que la loi sur le devoir de vigilance n’impose aucune phase de « discussion » ou de « conciliation » obligatoire entre les entreprises et les associations ou personnes affectées, cette ordonnance prétexte un manque de dialogue pour juger irrecevable l’action judiciaire. Alors que la coalition a interpellé, échangé et rencontré les dirigeants de l’entreprise avant la mise en demeure, ce qui n’est aucunement imposé par la loi, le juge n’a pas pris en compte ces échanges préalables.

Le juge a considéré par ailleurs que les collectivités n’auraient pas intérêt à agir, au motif que les effets du changement climatique seraient mondiaux, et pas limités à leur territoire.

Le devoir de vigilance oblige pourtant les multinationales à prévenir les risques d’atteintes aux droits humains, à la santé et à l’environnement causés par leurs activités.

La coalition entend contester la restriction de l’accès à la justice opérée par cette décision. La décision du tribunal dans cette affaire va à l’encontre de l’esprit du législateur, et des nombreux rapports soulignant l’urgence climatique. La coalition se tourne aujourd’hui vers  la cour d’appel pour faire reconnaître la recevabilité  de ses demandes afin que l’impact des activités de TotalEnergies sur le dérèglement climatique puisse enfin être jugé.

L’appel soulève également la question de l’impartialité de cette décision d’irrecevabilité, à la suite de la publication d’informations concernant de possibles liens familiaux entre le juge de la mise en état et un haut cadre de TotalEnergies.

La décision de la cour d’appel est attendue en 2024.

Pour en savoir plus : L’action des associations et collectivités jugée irrecevable, une décision inquiétante (Juillet 2023)

Les pages dédiées au dossier : Sherpa ; Notre Affaire À Tous

Notes

Associations membres de la coalition : Notre Affaire À Tous, Sherpa, Les Eco-Maires, France Nature Environnement, ZEA. 

Collectivités membres de la coalition :  Arcueil, Bayonne, Bègles, Bize-Minervois, Centre Val de Loire, Correns, Est-Ensemble Grand Paris, Grenoble, La Possession, Mouans-Sartoux, Nanterre, Sevran, Vitry-le-François ; Depuis septembre 2022 : Paris, New-York, Poitiers.

Intervenante accessoire volontaire : Amnesty International France.

Contacts presse

Sherpa : Théa Bounfour, Chargée de plaidoyer et contentieux
thea.bounfour@asso-sherpa.org

Notre Affaire À Tous : Vincent Bezaguet, Chargé de campagne
vincent.bezaguet@notreaffaireatous.org