Communiqué de presse – Vendredi 19 mars 2021
La commission spéciale de l’Assemblée nationale a étudié hier soir le Titre VI du projet de loi Climat et Résilience, dédié à la protection judiciaire de l’environnement. Notre Affaire à Tous, qui se bat depuis sa création pour la reconnaissance de l’écocide et le renforcement du droit répressif environnemental français, regrette que les députés n’aient pas répondu à l’appel de la société civile. Ils nient ainsi, une fois de plus, l’urgence écologique et l’urgence de la justice.
Les crimes que l’on ne nomme pas sont oubliés. Certains ne mettent pas seulement en danger les populations, mais aussi les écosystèmes, à un niveau tel qu’ils mettent en danger la sûreté de la planète pour la vie humaine. C’est le cas des écocides, ces graves crimes contre le vivant, qui auraient dû être reconnus au travers du projet de loi “Climat et Résilience” suite à la Convention Citoyenne pour le Climat. La reconnaissance du crime d’écocide y avait en effet été plébiscitée avec plus de 90% des voix.
Si Garde des Sceaux et Ministre de l’écologie avaient promis de mettre en place un “délit de pollution généralisée”, et un mal-nommé délit d’“écocide”, leur proposition avait été affaiblie par Bercy, le Medef et les lobbies, en amont de sa présentation à l’Assemblée nationale.
Le projet qui a été présenté au vote des députés ne proposait donc ni crime d’écocide, ni véritables délits de mise en danger de l’environnement et d’atteinte au vivant. Ainsi que nous l’avons déjà souligné, le projet de loi ne présentait ainsi pas d’amélioration du régime répressif français actuel, dont l’inefficacité est dénoncée depuis longtemps par les associations et les experts. C’est pourtant possible, et nécessaire : l’Italie a condamné les atteintes à l’environnement dès 2015, lors de la transposition de la Directive européenne de 2008 sur la protection de l’environnement par le droit pénal ; une directive très insuffisamment transposée par la France.
Plutôt que de répondre à la demande émanant de la société civile et d’adapter enfin notre droit à l’urgence écologique, en reconnaissant et en condamnant les atteintes au vivant pour ce qu’elles sont, les députés réunis en commission spéciale n’ont pas corrigé cette erreur de trajectoire.
L’examen du Titre VI s’est opéré de manière expéditive, dans une cacophonie d’arguments d’une qualité juridique variable. Le grand gagnant du débat d’hier est un libéralisme qui nie que les droits humains sont conditionnés par les droits du vivant. La majorité, soutenue par les Républicains, a avec constance défendu les intérêts des entreprises, notamment celle des grands groupes. D’une main, elle s’est enorgueillie d’innovations juridiques en droit de l’environnement ; de l’autre, elle a rejeté nombre d’amendements au prétexte qu’ils seraient trop innovants, comme le crime d’écocide ou le détachement des régimes pénaux et administratifs. De concert, majorité et Républicains ont repoussé les amendements rejoignant les inquiétudes des professionnels et des associations, et la nécessité de créer un véritable droit pénal général de l’environnement, pour se contenter d’un texte moins-disant et bancal.
La Ministre de l’écologie, quant à elle, après avoir fourché en parlant de “crime d’écocide”, a tenté de défendre l’idée selon laquelle il y aurait de “petits écocides”, tel que la destruction d’une petite mare, et de “grands écocides”, comme la déforestation de l’Amazonie. Des propos qui ne peuvent être que source de confusion, car l’écocide est une notion recouvrant les crimes mettant en danger la sûreté de la planète. Non seulement le terme d’écocide est ainsi galvaudé, mais le gouvernement et la majorité parlementaire l’utilisent comme l’arbre cachant la forêt : en utilisant à mauvais escient le terme d’écocide, le gouvernement brandit l’arbre cachant la forêt de l’indigence du régime répressif environnemental qu’il propose à travers ce projet de loi.
Notre Affaire à Tous le rappelle : nous avons besoin de condamner la mise en danger et les atteintes à l’environnement et au vivant, de manière autonome. La majorité s’évertue à maintenir des conditions juridiques inefficaces, à l’image de la condition de durée de 10 ans pour caractériser les infractions qu’elle propose.
Au-delà, nous devons d’urgence débarrasser le régime répressif environnemental de son carcan administratif. Le cas du chlordécone est à cet égard parlant : bien qu’ayant été autorisé par les autorités françaises, le caractère toxique et cancérigène de ce pesticide était connu de tous. Ni le droit actuel, ni la réforme proposée par le gouvernement, ne permettent encore aux populations de Guadeloupe et de Martinique d’obtenir justice. Et il ne s’agit malheureusement que d’un exemple parmi d’autres.
Malgré le plaidoyer de certains députés pour faire de l’écocide un crime, le terme d’écocide reste donc réduit à une circonstance aggravante d’un délit restreint et à de nombreux égards ineffectif, tandis que le crime d’écocide n’est toujours pas reconnu.
Ce faisant, la France affaiblit la discussion internationale en cours sur la reconnaissance du crime d’écocide. En prétendant attendre l’inscription de l’écocide dans le droit international, la France oublie d’ailleurs que le droit international se construit grâce et par les propositions des Etats, à travers des traités ou parce que des lois prennent force de coutume international. Les arguments du gouvernement ne sauraient ici être entendus.
Nous veillerons à ce que des amendements soient déposés d’ici l’examen du texte en séance plénière. La France n’a en effet plus de temps à perdre pour reconnaître et condamner l’écocide. Malgré les mots du Président Macron dès août 2018 dénonçant la politique menée par Jair Bolsonaro en Amazonie brésilienne comme un écocide, malgré les promesses données à la Convention Citoyenne, la France n’a toujours fait aucun pas vers sa reconnaissance dans son droit interne, ni au niveau international. Après les Républiques des Vanuatu et des Maldives, la Belgique s’est pourtant exprimée officiellement en décembre 2020 auprès de l’Assemblée générale de la Cour Pénale Internationale tandis que nombre d’Etats-membres de l’Union ainsi que le Parlement européen travaillent à sa reconnaissance. La France, au fond, reste aux abonnés absents.
La Convention Citoyenne a également formulé le souhait d’inscrire dans la loi les limites planétaires, une proposition que nous partageons : les limites planétaires doivent devenir un outil central de gouvernance des secteurs public comme privé.
Nous resterons mobilisés pour que la France condamne enfin les atteintes au vivant et mette fin à l’impunité de ceux qui détruisent notre planète.
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