Communiqué de presse – 12 décembre 2019

La proposition de loi portant reconnaissance du crime d’écocide était présentée en séance publique ce jour devant l’Assemblée nationale.  Le texte a donné lieu à des échanges ambitieux concernant la reconnaissance des limites planétaires, du crime d’écocide et des droits de la nature. Mais les associations Nature Rights, Notre Affaire à Tous et Wild Legal regrettent malgré tout l’apparent immobilisme du gouvernement qui a intégralement rejeté les amendements déposés par les divers groupes politiques d’opposition qui soutenaient une indispensable évolution du droit. 

La proposition de loi discutée avait été déposée par le Groupe Socialistes et apparentés profitant d’une niche parlementaire pendant la COP.  Par ailleurs, les associations Nature Rights, Notre Affaire à Tous et Wild Legal travaillaient depuis plusieurs à une proposition transpartisane. Néanmoins, nous avons accepté de conseiller le rapporteur de cette proposition, Mr Christophe Bouillon, en proposant des amendements au texte initial. 

Cette collaboration a finalement abouti une amélioration considérable du texte d’origine grâce au dépôt de plusieurs amendements. “M. Bouillon a accepté d’intégrer dans la définition de l’écocide, le critère du franchissement des limites planétaires. Une avancée majeure par rapport au texte présenté au Sénat en mai dernier” rappelle Marine Calmet.

Pourtant, et malgré le fait que le gouvernement ait lui même utilisé les limites planétaires comme référentiel dans le dernier Rapport sur l’état de l’environnement publié en octobre 2019(1), et que l’assemblée ait adopté cette semaine un amendement reconnaissant le respect des limites planétaires au sein du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire(2), la ministre de la justice, Mme Belloubet, a refusé notre définition de l’écocide. Ce positionnement manque de cohérence et est à contre-courant de l’évolution du droit pourtant attendue et réclamée par la société civile.

Il n’est pas non plus acceptable d’entendre, lors des débats en séance publique, de la part de Mme la Garde des Sceaux que le principe de préjudice écologique suffit à protéger les écosystèmes. Il permet d’obtenir réparation, en effet, après une catastrophe mais non pas de prévenir celle-ci. Le principe des limites planétaires, à l’inverse, permettrait de poser des mesures conservatoires en interdisant des pratiques et projets industriels dangereux et d’appliquer le principe de précaution.

Les débats ont permis d’aborder ces sujets en profondeur et de poser une réflexion très poussée sur le changement de paradigme que représenterait la reconnaissance du crime d’écocide. Plusieurs amendements relatifs à la personnalité juridique de la nature ont été débattus comme celui déposé par Madame Ramassamy (LR) ou M.  Colombani (Libertés et Territoires) demandant au Gouvernement un rapport concernant la reconnaissance de droits intrinsèques à certains écosystèmes. Mais encore une fois, tous ont été rejetés par la majorité présidentielle.

Au final, les députés du groupe de travail transpartisan avec qui nous oeuvrons depuis plusieurs mois, notamment Paul-André Colombani, Erwan Balanant et Matthieu Orphelin, même si contrariés par cette proposition faite sans concertation préalable, ont participé au débat en déposant d’autres de nos amendements, sur le délit d’imprudence(3) et le devoir de vigilance(4).

Enfin, il faut souligner combien ce sujet devient fédérateur. Même si pendant la phase d’auditions, les représentants du MEDEF ont suggéré que la société n’était pas prête pour cela, au vu des débats et du soutien à la proposition de loi de députés et de sénateurs de la plupart des groupes politiques dans une Tribune publiée dans Libération le 10 décembre (socialiste, MoDem, libertés et territoires, France insoumise, EELV, CRCE, NI, RDSE, certaines députées LR), il est clair qu’un retour en arrière n’est plus envisageable. Les députés et la société civile sont bien prêts à avancer sur le crime d’écocide, les limites planétaires et les droits de la nature. 

Il est néanmoins décevant que le gouvernement ait rejeté les propositions faites, soutenant que la sanction du crime d’écocide était inutile en droit français mais nécessaire en droit international. “Le projet de convention pour l’écocide qui va être soutenu par le gouvernement au sein de l’ONU mettra des décennies à voir le jour alors que les états du Pacifique demandent dès à présent sa reconnaissance dans l’arsenal pénal international au sein de la Cour pénale internationale (CPI). Nous aurions aimé voir la France à leurs côtés pendant l’Assemblée générale des Etats-parties au Statut de Rome qui s’est tenue il y a quelques jours à peine”, souligne Valérie Cabanes.

Cette reconnaissance est devenu un impératif moral comme l’a exprimé M. Ahmed Saleem, représentant des Maldives le 4 décembre dernier : « Mon pays, ainsi que d’autres États vulnérables sur le plan environnemental, a attendu longtemps, espérant que des mesures concrètes seront prises au niveau international pour faire face à cette urgence climatique imminente à laquelle notre peuple est confronté […] Il est temps que la justice pour les victimes du changement climatique soit reconnue comme faisant partie intégrante du système de justice pénale internationale« .

Notes :

Contacts presse :