Communiqué de presse – 31 janvier 2020

Ce vendredi 31 janvier, le Conseil Constitutionnel a rendu une décision historique qui marque une réelle rupture dans l’arbitrage habituel entre liberté d’entreprendre et protection de l’environnement. Le Conseil d’Etat avait adressé au Conseil une question prioritaire de constitutionnalité déposée par l’Union de l’industrie de la protection des plantes (regroupant les entreprises de production de produits phytosanitaires en France). Par cette décision, il reconnaît la protection de l’environnement comme objectif à valeur constitutionnelle et rappelle que la protection de la santé est revêtue de cette même valeur.

L’Union de l’Industrie de la Protection des Plantes (UIPP) contestait la conformité à la Constitution d’un article de la loi Egalim du 30 octobre 2018 interdisant la production, le stockage et la circulation de certains produits phytosanitaires en France mais aussi à destination de pays tiers. La question prioritaire de constitutionnalité interroge plus spécifiquement la constitutionnalité de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.

Cette disposition interdit la production, le stockage et la circulation en France des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non-approuvées par l’Union européenne, en raison de leurs effets sur la santé humaine, la santé animale ou l’environnement. Elles font ainsi obstacle non seulement à la vente de tels produits en France mais aussi à leur exportation. 

L’UIPP considère que cette interdiction prévue par le législateur porte atteinte à la liberté d’entreprendre tirée de l’article l’article 4 de la Déclaration de 1789. Le Conseil constitutionnel était donc appelé à concilier cette liberté et la protection de l’environnement.

Il reconnaît un nouvel objectif à valeur constitutionnelle à partir du préambule de la Charte de l’environnement. Si le caractère contraignant des objectifs à valeur constitutionnelle est relatif, la décision du 31 janvier 2020 vient à tout le moins placer la protection de l’environnement à un niveau équivalent à la liberté d’entreprendre et à d’autres objectifs à valeur constitutionnelle. Cet objectif sera à prendre en compte dans la conciliation avec d’autres valeurs protégées par la Constitution. De plus, il qualifie l’environnement de “patrimoine commun des être humains”. Une telle formulation n’est pas neutre : elle permet de prendre en compte les effets de la pollution tant en France qu’à l’étranger, mais pourrait également constituer une avancée pour la reconnaissance des droits de la nature.

Une avancée majeure pour le droit de l’environnement mais aussi pour le législateur 

Dans cette décision, le Conseil constitutionnel confirme le caractère constitutionnel de la protection de l’environnement et considère que cet objectif, ensemble avec celui de protection de la santé, peut justifier une atteinte à la liberté d’entreprendre lorsqu’elle est motivée par des objectifs de protection de la santé et de l’environnement peut être conforme à la Constitution. Cette décision est courageuse et témoigne de la prise en compte par les juges du caractère prioritaire de la protection de l’environnement après avoir passé des décennies à privilégier la liberté d’entreprendre dans la conciliation des principes constitutionnels.

Le Conseil Constitutionnel énonce : “En faisant ainsi obstacle à ce que des entreprises établies en France participent à la vente de tels produits partout dans le monde et donc, indirectement, aux atteintes qui peuvent en résulter pour la santé humaine et l’environnement et quand bien même, en dehors de l’Union européenne, la production et la commercialisation de tels produits seraient susceptibles d’être autorisées, le législateur a porté à la liberté d’entreprendre une atteinte qui est bien en lien avec les objectifs de valeur constitutionnelle de protection de la santé et de l’environnement poursuivis

“Cette décision historique envoie un signal fort sur les plans juridiques et politiques”, commente Marine Denis, porte-parole de l’association Notre Affaire à Tous. “La protection de l’environnement et de la santé sont affirmés et confirmés par le Conseil constitutionnel ; ces objectifs à valeur constitutionnelle pourront être invoqués dans de futurs contentieux environnementaux et climatiques. De plus, cette décision peut donner du courage au législateur : à l’argument du pragmatisme économique souvent défendu par les Ministres et la crainte de voir un amendement “retoqué” par le Conseil Constitutionnel pour violation de la liberté constitutionnelle d’entreprendre, les député.e.s pourront désormais opposer cette décision.”

Contact presse : 

Notre Affaire à Tous, Cécilia Rinaudo, coordinatrice générale : 06 86 41 71 81