Ce lundi 20 novembre, les ONG de Justice pour le Vivant ont transmis leurs arguments à la cour administrative d’appel de Paris dans leur mémoire complémentaire. Elles entendent prouver la nécessité de revoir la méthodologie de l’évaluation des risques des pesticides et obliger l’Etat à agir sur ce point afin de lutter efficacement contre l’effondrement de la biodiversité. 

Les ONG portant le recours Justice pour le Vivant, POLLINIS, Notre Affaire à Tous, Biodiversité sous nos pieds, l’ASPAS et ANPER-TOS ont déposé leur mémoire complémentaire, après avoir fait appel d’une partie de la décision. Elles souhaitent compléter la victoire partielle obtenue lors du jugement en première instance et obliger l’Etat à corriger les failles de la méthodologie d’évaluation des risques des pesticides, préalable indispensable pour enrayer l’effondrement de la biodiversité en France.

Le 29 juin dernier, le tribunal administratif avait rendu une décision historique en reconnaissant pour la première fois le préjudice écologique lié à l’effondrement de la biodiversité causé par les pesticides. Il a également condamné l’Etat à renouer avec les objectifs des plans Ecophyto d’ici le 30 juin 2024 et à respecter les obligations de protection des eaux souterraines. Cependant, et bien qu’une carence de l’Etat ait été reconnue à ce sujet, les ministères visés n’ont pas été condamnés à combler les failles des procédures d’évaluation et d’autorisation de mise sur le marché des pesticides. C’est pour obtenir une victoire sur cet élément central que les ONG ont décidé de faire appel.

« Le gouvernement peut proposer de nouveaux plans Ecophyto… S’il ne revoit pas l’évaluation des risques des pesticides, il n’arrêtera pas l’effondrement en cours de la biodiversité, et les objectifs drastiques de réduction resteront, comme depuis 2018, des promesses non tenues, déclarent les associations. Face à l’ampleur de l’effondrement de la biodiversité, il est urgent d’agir et de corriger les failles reconnues par le tribunal en première instance. »

La reconnaissance des failles de l’évaluation des risques lors du jugement en première instance n’a pour le moment pas entraîné de réaction de l’Etat, qui a également fait appel de la décision. Rejetant l’ensemble du jugement, le gouvernement se refuse à agir et persévère dans son déni de responsabilité. L’appel de la décision n’étant pas suspensif, il est cependant toujours tenu de renouer avec les objectifs définis par les plans Ecophyto d’ici le 30 juin 2024.

L’IMPORTANCE DE REVOIR L’ÉVALUATION DES RISQUES DES PESTICIDES

Il existe bel et bien un lien de causalité direct et certain entre le déclin de la biodiversité et les failles de la procédure d’évaluation et d’autorisation de mise sur le marché des pesticides. De nombreuses études scientifiques (1) permettent d’établir l’existence de toute une série d’effets des pesticides – chroniques, sublétaux, indirects, cocktails, etc. – et de voies d’exposition qui ne sont pas, ou pas suffisamment, pris en compte par l’Anses dans le cadre de l’évaluation des risques. Ces mêmes études démontrent pourtant l’ampleur que ces effets peuvent avoir sur la survie des populations d’espèces non ciblées par les pesticides. Obliger l’Etat à agir sur ce point est indispensable pour enrayer l’effondrement de la biodiversité en cours.

Une évaluation adéquate des risques permettrait nécessairement de mieux déterminer la toxicité des pesticides avant toute mise sur le marché et de mieux gérer les risques associés :

  • Une tribune publiée le 12 octobre dans le Monde par un collectif de chercheurs, dont Céline PELOSI, directrice de recherche à l’INRAE, dénonçait par exemple les effets délétères du glyphosate sur l’ADN et la reproduction des vers de terre, et l’inadéquation des tests menés pour évaluer ces risques, dans le cadre du renouvellement de l’autorisation de l’herbicide. 
  • Le cas de l’évaluation des effets des néonicotinoïdes sur les abeilles est particulièrement révélateur de l’importance de mener une évaluation adéquate des risques. C’est seulement parce qu’à titre exceptionnel, les autorités réglementaires françaises et européennes ont pris en compte des tests supplémentaires par rapport à ceux prévus par les procédures d’évaluation en vigueur, que leurs effets délétères pour les abeilles, jusqu’alors ignorés, ont pu être mis en évidence et pris en compte. Ce précédent montre comment une meilleure évaluation des risques peut conduire à l’identification et à l’interdiction de produits responsables de l’extinction de la biodiversité.   

Note

(1)  Plusieurs études et rapports institutionnels mentionnant ces effets sont consultables ici : https://justicepourlevivant.org/admin/wp-content/uploads/2023/04/bibliographie-recours-jplv.pdf

Contact presse

Notre Affaire à Tous – Justine Ripoll : justine.ripoll@notreaffaireatous.org