Communiqué de presse – 15 octobre 2019
Malgré ses promesses réitérées auprès des français-es et de la communauté internationale, le gouvernement persiste et signe dans l’insuffisance en matière d’action climatique. Le projet de loi énergie-climat adopté définitivement le 26 septembre 2019 n’est pas à la hauteur des enjeux pour protéger la planète, les droits humains et respecter la Constitution de la France.
En ce mardi 15 octobre 2019, Notre Affaire à Tous, accompagnée par le cabinet Vigo (nous représentant dans l’Affaire du Siècle) et Seattle Avocats (nous représentant dans l’affaire Total), soumet au Conseil constitutionnel, dans le cadre d’un contrôle de constitutionnalité, une contribution extérieure visant à démontrer les insuffisances et manquements à la Constitution du projet de loi énergie-climat.
Ce projet de loi ne met pas en oeuvre les moyens suffisants pour assurer une lutte adéquate contre le changement climatique et ne satisfait pas aux demandes formulées dans l’Affaire du Siècle. En effet, différents objectifs inclus dans la loi, dont l’objectif de neutralité carbone, sont insuffisants à plusieurs égards. La division par 6 des émissions de GES ne permet pas de garantir l’atteinte de cette neutralité et les objectifs intermédiaires pour y parvenir ne sont pas assez ambitieux. De plus, aucune mesure de réduction des émissions des plus gros pollueurs comme Total n’est prévue dans la loi.
Notre Affaire à Tous considère que ces dispositions constituent un manquement à l’obligation constitutionnelle de vigilance qui s’impose au législateur en matière environnementale. L’association demande également au Conseil constitutionnel de reconnaître le droit de vivre dans un système climatique soutenable, au titre des droits protégés par la Constitution.
« Malgré les actions en justice contre la France pour inaction climatique par la Ville de Grande-Synthe, par les organisations de l’affaire du siècle soutenues par 2,3 millions de signataires, le gouvernement persiste dans l’immobilisme et une inaction l’intolérable insuffisance, au regard même de la loi », défend Marie Pochon, coordinatrice de Notre affaire à tous.
« Cette saisine par les parlementaires est une opportunité pour le Conseil constitutionnel de renforcer la protection des droits fondamentaux, ajoute Théophile Keïta, en charge du dossier. Nous espérons du Conseil Constitutionnel, qui a déjà reconnu une obligation de vigilance environnementale, une décision très ferme permettant de mieux contraindre l’Etat en matière de lutte contre le changement climatique”.
Notre Affaire à Tous demande au Conseil constitutionnel de censurer la loi, ou à tout le moins de relever les manquements exposés. La décision du Conseil constitutionnel est attendue pour début novembre.
L’argumentaire a été développé par différent-es membres de l’association Notre Affaire à Tous (avec l’aide des cabinets d’avocats Vigo et Seattle).
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Contacts presse
Marie Pochon, Coordinatrice Générale, Notre Affaire à Tous, 06 52 26 19 41 marie@notreaffaireatous.org
Annexe – éléments complémentaires
Qu’est-ce que le mécanisme de la contribution extérieure au Conseil constitutionnel
La contribution extérieure désigne une intervention déposée auprès Conseil constitutionnel par des acteurs de la société civile ou du monde politique lors d’un contrôle a priori de la loi, c’est à dire avant que la loi ne soit promulguée. Ce contrôle constitutionnel de la loi a lieu si 60 députés ou sénateurs ou plus saisissent le Conseil constitutionnel. Les contributions extérieures, permettent au Conseil d’éclairer voire même d’influencer ses décisions. Fortement critiquées pour leur caractère secret, le Conseil s’est engagé à publier leur contenu en mai 2019 .
Rappel de la loi énergie climat
Le projet de loi relatif à l’énergie et au climat (“le projet de loi énergie-climat”) a été présenté en Conseil des ministres le 30 avril 2019 par le ministre de la transition écologique et solidaire, et a été adopté par le Parlement le 26 septembre dernier, à la suite d’une procédure accélérée impliquant la convocation d’une commission mixte paritaire pour parvenir à un accord de compromis entre l’Assemblée Nationale et le Sénat.
Ce projet de loi vient actualiser les objectifs de la politique de l’énergie au regard du Plan climat adopté en 2017, de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) pour 2019-2033 adoptée en décembre 2018 et du nouveau projet de Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) pour 2019-2028 de janvier 2019. La SNBC et la PPE sont des instruments réglementaires de pilotage de la politique énergétique créés par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015, visant l’objectif neutralité carbone à l’horizon 2050.
Si ce projet de loi est important pour les trajectoires que se fixe la France, Notre Affaire à Tous regrette toutefois qu’il ne soit pas à la hauteur de l’urgence qu’impose le changement climatique et des ambitions pourtant prises par l’Etat français en matière climatique.
Quelles sont nos critiques de la loi ?
Notre Affaire à Tous considère que le projet de loi énergie-climat comporte différents manquements à l’obligation constitutionnelle de vigilance. Ceux-ci ne permettent pas de garantir le respect du droit fondamental de vivre dans un système climatique soutenable.
Manquements à l’obligation environnementale de vigilance
Notre affaire à tous considère que le gouvernement n’a pas suffisamment observé cette obligation au cours de l’élaboration du projet de loi en procédure accélérée à de multiples égards :
l’objectif de neutralité carbone et la division par 6 des émissions à l’horizon 2050 sont insuffisants en soi;
le projet de loi ne prend pas en compte les émissions extraterritoriales;
l’atteinte de l’objectif de neutralité carbone est incertaine faute de mesures de financement existantes;
l’objectif de neutralité carbone ne devrait pas être cantonné au seul domaine de l’énergie;
les objectifs intermédiaires sont largement insuffisants;
enfin, aucun pouvoir d’injonction à un organe indépendant chargé de garantir la mise en oeuvre de la neutralité carbone en ultime recours n’a été attribué.
Volonté de reconnaissance du droit de vivre dans un système climatique soutenable
A plusieurs égards le projet de loi énergie-climat peut constituer un manquement au droit constitutionnel de vivre dans un système climatique soutenable. Un principe général du droit portant le droit de vivre dans un système climatique soutenable a été soutenu dans le recours porté par les 4 associations requérantes de “L’affaire du siècle”. Notre affaire à tous souhaite que le Conseil constitutionnel reconnaisse que ce droit fasse partie des principes à valeur constitutionnelle, permettant de contrôler la conformité de l’action du législateur à la Constitution.