Paris, le 11 mai 2023. En amont de son Assemblée générale le 16 mai, BNP Paribas annonce de nouveaux engagements climatiques (1). La banque mise sous pression par la société civile et la communauté scientifique, semble reconnaître que les nouveaux projets pétroliers et gaziers n’ont plus lieu d’être, mais se contente encore une fois de mesures trop faibles pour véritablement répondre à une exigence scientifique claire : renoncer à tout soutien, direct et indirect, à l’expansion de toutes les énergies fossiles. Les ONG de « L’Affaire BNP » appellent la banque à prendre la mesure de l’urgence climatique et seront pour cela présentes, aux côtés des scientifiques, à son Assemblée générale la semaine prochaine.

BNP Paribas a communiqué ce matin sur l’arrêt “de financements dédiés au développement de nouveaux champs pétroliers ou gaziers”. Elle précise aussi “l’arrêt programmé des financements consentis aux acteurs non diversifiés de l’exploration-production pétrolière (les indépendants pétroliers) et destinés à soutenir la production pétrolière”. Traduction : BNP Paribas esquisse un pas dans la bonne direction en ce qui concerne ses financements de projets mais elle échoue malheureusement à répondre à une demande élémentaire et urgente de la communauté scientifique, reprise par l’Agence internationale de l’énergie et le Groupe d’experts de haut niveau des Nations Unies (6) : ne plus soutenir le développement du moindre nouveau champ pétrolier et gazier. Car derrière ces mesures multiples et détails techniques, BNP Paribas pourra continuer à accorder de nouveaux services financiers aux entreprises les plus agressives dans le développement des énergies fossiles. 

Dans le rapport Banking On Climate Chaos publié en avril 2023 (7), BNP Paribas apparaît en effet comme le 4ème financeur mondial du développement des énergies fossiles entre 2016 et 2022. Elle est notamment le 1er financeur mondial des 9 majors européennes et américaines (8), leur ayant accordé 45,4 milliards de dollars depuis 2016. 

Lorette Philippot, chargée de campagne aux Amis de la Terre France, réagit : « BNP fait mine de s’atteler au pressant enjeu de l’expansion des pétrole et gaz, mais elle pose seulement le pied sur la première marche d’un long escalier. Derrière l’arbre de la fin de ses financements de projets au développement de nouveaux champs pétroliers ou gaziers, la forêt de ses financements d’entreprises reste dense. L’engagement d’aujourd’hui n’aurait pas empêché BNP Paribas de participer à ses financements récents et de plusieurs milliards pour les géants BP et Saudi Aramco (9). Ça ne l’empêchera pas de participer à de nouvelles transactions toxiques dans un futur proche, comme elle n’a cessé de le faire par le passé. »

Derrière les effets d’annonce, la politique de BNP Paribas reste lacunaire sur plusieurs points principaux :

  • Une exclusion des projets mais pas des entreprises qui portent ces projets : les mesures prises sur les projets ne couvrent que les financements “directs” ou “dédiés”, qui ne représentent qu’un outil dans la palette des instruments financiers dont disposent les banques pour financer les entreprises. Ainsi, BNP Paribas pourrait continuer à faire des prêts ou émissions de nouvelles obligations à des entreprises comme Total, qui développent de nouveaux champs d’énergies fossiles.  
  • Lorsque BNP annonce l’arrêt programmé des “financements consentis aux acteurs non diversifiés de l’exploration-production pétrolière”, non seulement ce n’est pas une exclusion immédiate, mais ce n’est pas une exclusion ferme (d’un groupe d’entreprises qui devra d’ailleurs être précisé). Les mesures prises sur les entreprises évitent donc soigneusement une exclusion ferme des majors pétro-gazières diversifiées, comme Total. 
  • Une politique qui épargne largement le gaz : BNP Paribas ne revoit pas ses engagements concernant ses soutiens aux entreprises actives dans le gaz. Comme déjà souligné lors de ses annonces de janvier (voir note 3), en créant une politique à deux vitesses entre pétrole et gaz, et en explicitant sa volonté de soutenir de nouveaux projets gaziers de transport (GNL) et de production d’électricité notamment “aux centrales thermiques de nouvelle génération à bas taux d’émission ainsi qu’à la sécurité d’approvisionnement, terminaux gaziers et flotte de transport de gaz”, BNP affiche ne pas en avoir fini avec le développement de cette énergie fossile, aux impacts climatiques mainte fois pointés du doigt par la science.
  • Des activités financières non-couvertes : des services financiers clés comme les émissions obligataires échappent totalement à la politique de BNP Paribas. Entre 2016 et 2022, 37 % des financements de la banque à l’industrie des énergies fossiles étaient liés à des émissions d’obligations, et non à des prêts (10). C’est notamment un levier de financement massif pour les majors du secteur, clientes importantes de BNP Paribas. 

Pour Alexandre Poidatz, responsable plaidoyer chez Oxfam France : “C’est un grand pas selon la BNP, mais un petit pas pour l’humanité. Il suffisait que la banque renonce à prêter aux entreprises qui ouvrent de nouveaux projets de pétrole et gaz, comme l’a déjà fait la Banque Postale, mais elle s’y refuse encore une fois”. 

Pour Justine Ripoll, responsable de campagnes pour Notre Affaire à Tous : “Les annonces de BNP illustrent les limites des engagements volontaires pris par les banques pour respecter l’Accord de Paris. Elles peuvent ignorer les standards internationaux en matière de vigilance et ne consentir qu’à de maigres avancées de façade. Notre action en justice apparaît indispensable : le tribunal judiciaire doit contraindre la BNP à aligner ses engagements avec le consensus scientifique.”

Plusieurs questions ont été soumises à l’écrit hier à l’Assemblée générale de BNP Paribas, au nom des 600 scientifiques ayant signé la lettre ouverte adressée en février 2023 au Conseil d’administration de la banque (4), dont dix co-auteurs de rapports du GIEC — parmi lesquels Jean Jouzel, Christophe Cassou ou Céline Guivarch (11). Des représentants de la communauté scientifique et des ONG seront également présents à l’Assemblée générale de BNP Paribas ce mardi 16 mai pour lui rappeler ses obligations climatiques.

Contacts presse

  • Lorette Philippot : Les Amis de la Terre France, lorette.philippot@amisdelaterre.org
  • Justine Ripoll : Notre Affaire à Tous, justine.ripoll@notreaffaireatous.org
  • Alexandre Poidatz : Oxfam France, apoidatz@oxfamfrance.org

Notes

  1. https://group.bnpparibas/communique-de-presse/bnp-paribas-precise-et-renforce-ses-ambitions-en-matiere-de-transition-energetique 
  2. https://affaire-bnp.fr/laffaire-bnp-revient-nous-attaquons-officiellement-bnp-en-justice/ 
  3. https://affaire-bnp.fr/laffaire-bnp-menacee-dune-action-en-justice-bnp-paribas-communique-mais-ne-repond-pas-aux-demandes-des-ong/ 
  4. https://www.nouvelobs.com/opinions/20230224.OBS69984/la-lettre-ouverte-de-600-scientifiques-au-conseil-d-administration-de-bnp-paribas-vous-devez-cesser-de-soutenir-de-nouveaux-projets-petroliers-et-gaziers.html 
  5. https://reporterre.net/Desobeissance-civile-des-scientifiques-s-attaquent-a-la-BNP 
  6. Dans son World Energy Outlook 2021, l’AIE a conclu qu’“aucun nouveau gisement de pétrole et de gaz n’est nécessaire en dehors de ceux dont l’exploitation a déjà été approuvée” pour limiter le réchauffement global à 1,5 °C. Son World Energy Outlook 2022 continue de mettre en avant ce constat. Au contraire, l’AIE souligne que « personne ne devrait imaginer que l’invasion de la Russie peut justifier une vague de nouvelles infrastructures pétrolières et gazières dans un monde qui veut atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 ». De même, le groupe d’experts de haut niveau des Nations Unies (HLEG) a souligné dans son rapport de novembre 2022 qu’“il n’y a pas de place pour de nouveaux investissements dans l’approvisionnement en énergies fossiles
  7. https://www.bankingonclimatechaos.org/ 
  8. BP, Chevron, ConocoPhillips, Equinor, Eni, Exxon, Repsol, Shell et Total.
  9. L’ONG Reclaim Finance a identifié ces deux transactions. BNP Paribas a aidé BP à émettre une obligation d’une valeur de 2,5 milliards de dollars le 9 février. Cette transaction a eu lieu alors la major a récemment revu à la baisse ses objectifs de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre et de sa production de pétrole et gaz. BNP a également participé à l’émission d’un ensemble d’obligations d’une valeur totale de 4,5 milliards de dollars le 23 février pour Saudi Aramco, l’entreprise développant le plus de nouveaux projets pétro-gaziers au monde.
  10. https://www.amisdelaterre.org/nouveaux-chiffres-bnp-meilleure-amie-energies-fossiles/ 
  11. https://blogs.mediapart.fr/scientifiques-en-rebellion/blog/090523/bnp-et-energies-fossiles-lag-les-scientifiques-posent-les-questions-qui-fachent