Catégorie : Multinationales

  • Action en justice contre Total : le Sénat met en danger la loi pionnière sur le devoir de vigilance

    Alors que TotalEnergies a été entendue le 29 septembre devant la Cour d’appel de Versailles, le Sénat a amendé le projet de loi Confiance dans l’institution judiciaire (PJL Justice) pour attribuer la compétence au tribunal de commerce de Paris. Un changement de position porté par les sénateurs Les Républicains qui risque de mettre en péril la loi pionnière sur le devoir de vigilance des multinationales, inquiète les organisations de la société civile et interroge quant au lobbying qui s’est joué en coulisse.

    Le 28 janvier 2020, quatorze collectivités territoriales et 5 associations (Notre Affaire à Tous, Sherpa, Eco Maires, France Nature Environnement et ZEA) assignaient Total en justice en raison de l’insuffisance de ses engagements climatiques et de leur inadéquation avec les objectifs de l’Accord de Paris. Alors que Total porte une responsabilité particulière au regard de son empreinte carbone considérable, son plan de vigilance ne permet pas de prévenir les risques graves découlant du réchauffement climatique. Les associations et collectivités demandent au juge d’enjoindre à la multinationale de prendre les mesures propres à prévenir les risques découlant de ses activités en réduisant drastiquement ses émissions de gaz à effet de serre.

    Sans répondre sur le fond, TotalEnergies a soulevé l’incompétence du Tribunal judiciaire de Nanterre et demandé à ce que le litige soit porté devant le Tribunal de commerce, juridiction d’exception composée de dirigeants d’entreprises. En février 2021, le Tribunal judiciaire de Nanterre nous a donné raison et a rappelé que le devoir de vigilance “relève de la responsabilité sociale de Total” et que “la lettre” des dispositions du code de commerce relatives au devoir de vigilance “commande un contrôle judiciaire”. TotalEnergies, qui a fait appel de cette décision, et les parties ont de nouveau été entendus devant la Cour d’appel de Versailles le 29 septembre.

    Le Parlement doit trancher la question au sein du PJL Justice

    Durant les débats de la loi Climat et résilience, la disposition donnant compétence pour juger de la mise en œuvre du devoir de vigilance par les multinationales aux tribunaux judiciaires avait été adoptée par les deux chambres, mais la CMP l’avait malheureusement supprimée, renvoyant son adoption dans le PJL Justice.

    Alors que l’Assemblée nationale a adopté la compétence des tribunaux judiciaires en première lecture du PJL Justice, et que la commission des lois du Sénat avait voté le 10 septembre en faveur de la compétence du tribunal judiciaire, des sénateurs LR ont décidé de rouvrir le débat … après consultations avec les entreprises soumises au devoir de vigilance. L’amendement donnant compétence au tribunal de commerce de Paris a finalement été approuvé par la majorité du Sénat tard dans la nuit du 30 septembre. La position définitive du Parlement sera finalement tranchée en Commission Mixte Paritaire dans les prochaines semaines.

    Une décision lourde de conséquences pour l’action en justice contre Total

    Ce changement de positionnement (in)attendu interroge et inquiète les organisations de la société civile. Tout d’abord, parce que les amendements LR à l’origine du revirement du Sénat reprennent l’argumentaire des avocats de TotalEnergies et qu’une des sénatrices qui l’a soumis au vote est actionnaire de la multinationale. Enfin, parce que si le Parlement tranche en faveur du tribunal de commerce, les multinationales ne respectant pas les droits humains et détruisant la planète, comme TotalEnergies, qui sont et seront attaqués en justice sur la base de la loi sur le devoir de vigilance, seront « jugées » devant un tribunal composé de dirigeants d’entreprises.

    Un situation inacceptable qui viderait le devoir de vigilance de sa substance, en l’assimilant à une simple problématique de gestion de l’entreprise laissée à l’appréciation des juges consulaires.

    Notre Affaire à Tous continuera à se mobiliser pour que le texte issu de la CMP reflète réellement l’ambition initiale de la loi et que TotalEnergies puisse être jugé par un tribunal soucieux de prendre sérieusement en compte l’impact climatique colossal de la multinationale.

  • CP / Contre-AG de Total : plusieurs organisations dénoncent l’impact du groupe sur l’environnement et les droits humains partout dans le monde

    Communiqué de presse – Vendredi 28 mai 2021

    Plusieurs organisations dont les Amis de la Terre France, Attac France, Extinction Rebellion, Notre Affaire à Tous, 350.org et Info Birmanie se réunissent ce vendredi 28 mai 2021 à 14h place de la République à Paris pour dénoncer les impacts du groupe Total sur les populations locales des pays où la multinationale est implantée, mais également interpeller ses actionnaires sur la responsabilité du groupe pétrolier dans la crise climatique et dans l’atteinte des objectifs de l’Accord de Paris.

    Aujourd’hui Total tient son assemblée générale, l’occasion pour le groupe pétrolier et gazier d’acter auprès de ses actionnaires la stratégie « climat » et le nouveau nom Total Energies – tous deux sensés refléter les objectifs climatiques et la diversification des activités de Total, notamment au profit des énergies renouvelables. 

    Pourtant il n’en est rien. Pour respecter les objectifs de l’Accord de Paris et limiter le réchauffement climatique à 1,5°C d’ici 2050, les États et les entreprises doivent immédiatement cesser de procéder au développement (exploration, extraction et transport) de nouveaux gisements d’énergies fossiles, comme le rappelle dans son récent rapport l’Agence International de l’Energie (1).

    Or dans son « plan climat », Total prévoit encore de dédier en 2030 80% de ses dépenses d’investissement aux énergies fossiles, retardant encore sine die les investissements nécessaires pour une transition urgente environnementalement et juste socialement de ses activités (2). Plus grave encore, Total cherche à étendre son empire pétrolier et gazier en développant de nouveaux projet d’hydrocarbures en Arctique et en Afrique, au mépris de ces obligations de vigilance et au détriment des populations locales et des écosystèmes.

    De plus, l’incohérence entre la communication du géant pétrolier en matière climatique et les risques financiers liés à la dépendance de son modèle économique aux hydrocarbures, tout autant que les risques d’une possible dépréciation très forte de ses actifs sont susceptibles d’induire en erreur les actionnaires (3). 

    Quand les drames humains s’ajoutent aux catastrophes environnementales

    Les projets de Total ont non seulement des impacts climatiques et environnementaux inacceptables, mais ils sont aussi liés à de graves violations des droits humains. Pour ne citer que les exemples les plus actuels :

    • Ouganda et Tanzanie : plus de 100 000 personnes sont privées de leurs terres pour faire place aux projets Tilenga et EACOP, en vue d’une production de 200 000 barils de pétrole par jour (4);
    • Mozambique :  les projets gaziers participent à la déstabilisation et à la militarisation du Cabo Delgado, 550 familles ont été déplacées et privées de leurs moyens de subsistance (5);
    • Myanmar : Total reste l’un des plus gros contributeurs financiers de la junte militaire, responsable d’une répression sanglante (800 morts depuis le coup d’Etat) (6) ;
    • Arctique : Total prévoit de multiples projets d’énergies fossiles au cœur d’une région qu’il faudrait pourtant, et en toute logique, sanctuariser (7). A lui seul, le projet Arctic LNG 2 produirait l’équivalent de 535 000 barils de pétrole par jour.
    • Grandpuits : 700 emplois sont menacés par le projet de reconversion de la raffinerie en « plateforme zéro pétrole », une stratégie de communication bien huilée de Total pour cacher la casse sociale (8).

      Pour toutes ces raisons, nos associations – les Amis de la Terre France, Attac France, Extinction Rébellion, Notre Affaire à Tous, 350.org et Info Birmanie souhaitent marquer notre opposition à Total, sa stratégie de développement court-termiste et ses projets climaticides. Nous souhaitons également interpeller les actionnaires sur leur complicité tacite dans le désastre humain et environnemental qui découle des activités du groupe. Ils ne doivent plus rester dans un statuquo et un silence tout aussi lourds de responsabilités !

      Cette action s’inscrit dans le cadre d’une coalition internationale de mouvements et d’ONG « Shale Must Fall » qui regroupe des pays de tous les continents dont de nombreux du Sud et qui lutte contre les énergies fossiles et ceux qui les financent.

    Contacts presse :

    Extinction Rébellion : Kuentin, 0611767206, presse@extinctionrebellion.fr
    Amis de la Terre France : Juliette Renaud, 06 37 65 56 40, juliette.renaud@amisdelaterre.org
    Notre Affaire à Tous : Cécilia Rinaudo, 06 86 41 71 81 cecilia@notreaffaireatous.org

    Notes :

    (1) https://www.iea.org/reports/global-energy-review-2021   
    (2) En 2020, quatorze collectivités territoriales et 5 associations (Notre Affaire à Tous, Sherpa, Eco Maires, France Nature Environnement et ZEA) ont assigné la multinationale en justice sur la base de la loi sur le devoir de vigilance pour l’enjoindre à prendre les mesures propres à prévenir les risques découlant de ses activités en réduisant drastiquement ses émissions de gaz à effet de serre : https://notreaffaireatous.org/cp-contentieux-climatique-contre-total-premiere-victoire/    Voir également la tribune de Reclaim Finance, interpellant les actionnaires de Total en vue du vote sur le « plan climat » : https://twitter.com/Lucie_Pinson_/status/1397447108014362628   
    (3) Voir le signalement de Total par Sherpa et Notre Affaire à Tous auprès de l’Autorité des Marchés Financiers : https://notreaffaireatous.org/cp-notre-affaire-a-tous-et-sherpa-demandent-a-lautorite-des-marches-financiers-de-verifier-la-sincerite-des-informations-financieres-de-total-en-matiere-de-risques-climatiques/    
    (4) Pour ces projets en Ouganda et en Tanzanie, Total est poursuivi en justice en France par les Amis de la Terre France, Survie et 4 associations ougandaises. Pour en savoir plus : https://www.amisdelaterre.org/campagne/total-rendez-vous-au-tribunal/   Maxwell Atuhura, membre d’une des associations ougandaises, fait l’objet de menaces croissantes, il a été arrêté mardi 25 mai et est toujours détenu par la police ougandaise. Pour plus d’informations : https://www.amisdelaterre.org/communique-presse/ouganda-arrestation-et-detention-dun-defenseur-des-droits-mobilise-contre-les-projets-de-total/  
    (5) Voir la déclaration des Amis de la Terre France et Mozambique suite à la déclaration de « force majeure » par Total : https://www.amisdelaterre.org/total-abandonne-ses-responsabilites-avec-son-annonce-de-force-majeure-sur-le-gaz-du-mozambique/  
    (6) La suspension des versements de dividendes par la Moattama Gas Transportation Company Limited (MGTL) annoncée le 26 mai par Total ne concerne qu’une petite partie des paiements effectués à la junte. Dans un entretien récent, Alain Deneault revient sur le rôle de Total en Birmanie : http://www.info-birmanie.org/total-et-la-junte-birmane-8-questions-a-alain-deneault%ef%bb%bf/  
    (7) La semaine dernière, 350.org, les Amis de la Terre France et SumOfUs se sont mobilisés pour dénoncer les 700 millions d’euros d’argent public qui pourraient être alloués au projet Arctic LNG 2 de Total en Arctique russe : https://www.amisdelaterre.org/communique-presse/fonte-des-glaces-a-bercy-pour-denoncer-le-soutien-de-la-france-aux-projets-de-total-en-arctique/   
    (8) Plusieurs associations et syndicats, réunis dans le collectif « Plus Jamais ça », sont mobilisés aux côtés des travailleurs de Grandpuits : https://www.amisdelaterre.org/communique-presse/raffinerie-de-grandpuits-nouvelle-mobilisation-a-la-defense-pour-denoncer-le-greenwashing-et-la-casse-sociale-de-total/

  • CP / Condamnation de Shell aux Pays-Bas : un tournant majeur vers la responsabilité des multinationales en matière climatique

    Communiqué de presse – Mercredi 26 mai 2021

    Aujourd’hui, 6 ans après avoir condamné l’Etat néerlandais pour inaction climatique dans Urgenda, la Cour de district de la Haye applique sa jurisprudence climatique à Shell, une des plus grandes multinationales pétrolières au monde. Shell doit réduire ses gaz à effet de serre, a minima de 45% en 2030 par rapport à 2019 afin de limiter le réchauffement à 1.5°C. Ce jugement historique est une étape déterminante dans la reconnaissance de la responsabilité climatique des entreprises, qui inspirera le juge français lorsqu’il devra se prononcer sur le fond de l’affaire qui oppose de nombreuses ONG (Notre Affaire à Tous, Sherpa, ZEA, FNE, les EcoMaires) et 15 collectivités territoriales à Total.

    Après avoir démontré que les activités du groupe pétrolier sont émettrices de CO2 et ont donc un impact sur les droits humains, le juge néerlandais a ordonné à Shell de cesser ses activités les plus polluantes et de respecter une trajectoire de décarbonation !

    Plus précisément, le juge impose à Shell de réduire ses émissions de gaz à effet de serre directs et indirects (scopes 1, 2 et 3), ce qui comprend les émissions liées aux produits pétroliers et gaziers) de 45% pour 2030 par rapport à 2019, en lien avec la trajectoire 1.5°C. Ce jugement s’applique à l’ensemble du groupe Shell, c’est-à-dire à toutes les filiales du groupe, y compris celles situées à l’étranger. Les juges néerlandais préparent ainsi la voie de la neutralité carbone pour 2050, signifiant l’élimination des gaz à effet de serre à cette date. 

    Le retentissement de cette décision est immense et pourrait influencer le droit privé et des entreprises dans de nombreux pays, en particulier en France, où un litige similaire est en cours contre Total pour qu’il lui soit également ordonné de prendre les mesures nécessaires afin de réduire drastiquement ses émissions de gaz à effet de serre en conformité avec l’objectif de l’Accord de Paris de limiter le réchauffement climatique nettement en deçà de 1,5°c. 

    Pour Paul Mougeolle, de Notre Affaire à Tous :“Ce jugement historique sonne officiellement le glas des hydrocarbures pour Shell, et probablement pour toutes les grandes entreprises des énergies fossiles, dont Total. Les entreprises ne doivent plus attendre, elles doivent impérativement agir maintenant pour limiter le réchauffement à 1.5°C ! Si les entreprises n’en prennent pas acte, nous multiplierons les moyens judiciaires pour faire reconnaître cette décision en France.”

    Pour Sébastien Mabile et François de Cambiaire, de Seattle Avocats, en charge du contentieux Villes et ONG c. Total : “A l’instar de la précédente décision Urgenda ayant inspiré la condamnation de l’Etat français dans l’Affaire du Siècle, le juge néerlandais ouvre de nouveaux la voie sur le terrain de la responsabilité climatique des multinationales pétrolières. Cette décision est une victoire majeure en ce qu’elle impose à Shell une obligation de résultat pour réduire immédiatement ses émissions de GES et s’aligner avec une trajectoire de réduction des émissions conforme à l’Accord de Paris. Un tel jugement aura des répercussions sur notre affaire devant les tribunaux français, puisqu’elle repose sur le fondement juridique comparable au devoir de vigilance et valide les demandes similaires formées à l’encontre de Total, notamment l’intégration dans les objectifs de réduction des “émissions indirectes” dites du scope 3 relatives à l’utilisation de ses produits par ses clients.”

    Contacts presse

    • Paul Mougeolle, Notre Affaire à Tous : +49 1575 7056166
    • Sébastien Mabile, Seattle avocats : +33 6 62 65 35 19

    Rappel de l’affaire Shell aux Pays-Bas

    En 2018, l’ONG Milieudefensie (Les Amis de la Terre Pays-Bas) a envoyé une lettre à Shell lui rappelant sa responsabilité en matière climatique. L’association y démontrait que le comportement de Shell est illégal depuis 2007, année où le groupe abandonna le développement et le déploiement des énergies renouvelables pour motifs économiques. Les connaissances scientifiques étaient suffisamment précises selon l’association pour reconnaître la nécessité de poursuivre la transition énergétique. A la suite du rejet de sa mise en demeure, l’association a assigné Shell en justice en 2019.

    Rappel de l’affaire Total en France

    En octobre 2018, un collectif d’associations et de collectivités a interpellé le géant pétrolier français Total, en s’appuyant sur la loi relative au devoir de vigilance, un concept juridique très proche du fondement juridique néerlandais (duty of care). Le collectif s’appuie également sur les résultats du nouveau rapport du GIEC, qui démontre la nécessité de limiter le réchauffement à 1,5°C. Suite à cette interpellation, le collectif a assigné Total en justice en janvier 2020, et en 2021, le groupe pétrolier a subi sa première défaite en justice lorsque le juge civil a déclaré que celui-ci est bien compétent pour trancher ce litige. Total a fait appel de la décision. Une décision sur le fond de l’affaire pourrait être rendue l’année prochaine (2022).

  • CP / Birmanie : Total doit cesser de financer la junte

    Communiqué de presse – Vendredi 19 mars 2021

    Depuis le coup d’état en Birmanie du 1er février dernier, Total est redevenu l’un des plus importants contributeurs financiers de la junte militaire, qui a repris les pleins pouvoirs par la force et réprime le mouvement de protestation de la population dans le sang. Plus de 200 morts, des centaines de blessés et plus de 2 000 personnes interpellées. Meurtres, torture, persécutions, exécutions extra-judiciaires, arrestations arbitraires… : le Rapporteur spécial de l’Onu sur la Birmanie évoque de probables crimes contre l’Humanité.   

    Aujourd’hui, nous – Greenpeace, Les Amis de la Terre, la Ligue des droits de l’Homme, Info Birmanie, Notre Affaire à Tous, Sherpa et 350 – exhortons Total à suspendre tout paiement à la junte en plaçant les millions d’euros en jeu sur un compte bloqué (1)

    Selon Justice for Myanmar, Total a notamment versé plus de 229 millions de dollars à l’Etat birman en 2019 en taxes et en parts du gouvernement dans la production de gaz (2). Le Monde rapporte qu’en août 2020, sa filiale Moattama Gas Transportation Co, enregistrée aux Bermudes, a reçu le « prix du plus gros contribuable » dans la catégorie « entreprises étrangères » pour l’année fiscale 2018-2019. Cet argent transite principalement par l’entreprise publique Myanmar Oil and Gas Enterprise (MOGE), dont les liens avec les milieux d’affaires militaires sont pointés du doigt par la société civile (3). Mise en cause pour son opacité (4), cette entreprise représente la source de revenus la plus importante de l’Etat birman et se trouve désormais placée sous le contrôle direct de la junte. Le Rapporteur spécial de l’Onu sur la Birmanie demande d’ailleurs que des sanctions internationales soient prises à l’encontre de la MOGE

    Pendant que la junte tue, Total “évalue la situation”, se dit “préoccupée” (5), mais maintient le statu quo. Pourtant, d’autres entreprises ont réagi à la situation sur place :  l’entreprise singapourienne Puma Energy a suspendu ses activités et l’australienne Woodside annonce qu’elle va démobiliser ses opérations offshore. 

    Interpellée par des citoyens birmans, Total met en avant la fourniture d’électricité qu’elle apporte à une partie de la population, des arguments repris par l’Ambassade de France. Mais la multinationale n’apporte pas de réponse face à l’enjeu central des paiements versés à la junte, et s’en remet aux sanctions décidées par les Etats (6). Cette posture revient à financer un régime militaire brutal et illégitime. 

    Pourtant, des Birmans ont manifesté à Kanbauk le 12 février 2021 pour demander à Total et aux autres compagnies gazières de ne pas financer la junte (7). Des employés de Total en Birmanie ont également rejoint le mouvement de désobéissance civile (8). Et MATA (Myanmar Alliance for Transparency and Accountability), qui regroupe 445 organisations de la société civile birmane, appelle les compagnies pétrolières et gazières à cesser immédiatement tout paiement à la junte, seule mesure à même de garantir le respect des Principes directeurs de l’Onu sur les entreprises et les droits humains, ainsi que de la loi française sur le devoir de vigilance de mars 2017. Nous rappelons d’ailleurs que le plan de vigilance de Total est largement insuffisant, tant dans son contenu que sa mise en oeuvre, et que l’entreprise fait l’objet de deux actions en justice en France sur le fondement de cette loi (9).

    Le message de la société civile birmane est clair : “Si vous continuez le “business as usual”, nous vous tiendrons pour responsables de la violence infligée par la junte au peuple birman.” A son tour, le Ministre de la planification, des finances et de l’industrie nommé par le CRPH (Committee Representing Pyidaungsu Hluttaw) – le parlement en résistance – demande à Total de ne plus collaborer avec le régime de la junte.

    Le gouvernement français doit quant à lui agir pour que des sanctions soient adoptées contre les dirigeants de la junte et contre les entreprises, notamment la MOGE, dont les revenus financent la répression. Ne pas agir en ce sens revient à renforcer la junte dans sa volonté de se maintenir au pouvoir par la force des armes et au prix d’une répression sanglante.

    Signataires

    • Greenpeace France
    • Les Amis de la Terre France
    • Ligue des droits de l’Homme
    • 350.org
    • Notre Affaire à Tous 
    • Info Birmanie
    • Sherpa

    Notes

    (1) Total doit utiliser ses participations et son rôle d’opérateur dans des coentreprises pour suspendre les paiements effectués à la MOGE

    (2)  PWYP affirme que Total  a versé, dans le cadre du bloc Yadana (M5/M6),  768 millions USD en 10 paiements aux entités gouvernementales depuis 2015 : https://static1.squarespace.com/static/5dfc4510ad88600d53f93358/t/603dadae66cb1e4dc2cea3c4/1614654897372/Final+Brief_PWYP_Offshore+Gas.pdf; voir aussi document d’enregistrement universel 2019, publié en mars 2020, p. 422, dans lequel figure le chiffre de 229 597 000 dollars, dont 51 millions d’impôts et taxes, et 178,597 millions de droits a la production, https://www.total.com/sites/g/files/nytnzq111/files/atoms/files/total_document_enregistrement_universel_2019.pdf. 

    (3) https://www.justiceformyanmar.org/stories/how-oil-and-gas-majors-bankroll-the-myanmar-military-regime et https://static1.squarespace.com/static/5dfc4510ad88600d53f93358/t/603dadae66cb1e4dc2cea3c4/1614654897372/Final+Brief_PWYP_Offshore+Gas.pdf

    (4)  Rapport de la Mission d’établissement des faits de l’Onu, “The economic interest of the Myanmar military”page 27 : https://www.ohchr.org/EN/HRBodies/HRC/MyanmarFFM/Pages/EconomicInterestsMyanmarMilitary.aspx

    (5)  Voir notamment https://www.myanmar-responsiblebusiness.org/news/statement-concerned-businesses.html

    (6)  reportage France Info TV :  https://twitter.com/JulienPain/status/1371447008578396165 et réponse de Total : https://twitter.com/TotalPress/status/1371469500260945933

    (7) https://www.facebook.com/DaweiWatch/posts/3428861180575369

    (8) https://www.facebook.com/Myanmar-Alliance-for-Transparency-and-Accountability-MATA-672103292860036/photos/pcb.5056835061053482/5057177711019217

    (9)  Les Amis de la Terre France, Survie et al. contre Total SE (Total Ouganda), https://www.amisdelaterre.org/campagne/total-rendez-vous-au-tribunal /; Notre Affaire à tous, Sherpa et al. contre Total SE (Total Climat), https://notreaffaireatous.org/actions/les-territoires-qui-se-defendent-et-si-nous-mettions-enfin-les-entreprises-face-a-leurs-responsabilites  / ; sur le plan de vigilance de Total SE voir aussi le radar du devoir de vigilance, https://plan-vigilance.org/company/total-sa   /

  • CP / Devoir de vigilance européen : un vote décisif du Parlement contre l’impunité des multinationales

    11 mars 2021 – Le Parlement européen vient de se prononcer à une importante majorité en faveur d’une législation européenne sur le devoir de vigilance. Plusieurs dispositions de ce rapport d’initiative législative sont à saluer, mais certaines doivent être renforcées. C’est désormais à la Commission européenne, qui doit publier son projet de législation avant l’été, qu’il revient de se saisir des recommandations du rapport parlementaire et de la société civile pour élaborer une directive ambitieuse, à laquelle s’opposent déjà les lobbies économiques.

    Ce rapport d’initiative législative sur le devoir de vigilance vise à s’assurer du respect des droits humains et de l’environnement dans les chaînes de valeur des grandes entreprises européennes – c’est-à-dire, dans toutes leurs activités, y compris celles de leurs sous-traitants à l’étranger -, et ce en établissant leur responsabilité juridique en droit européen. 

    Nos organisations, syndicats et ONG, qui ont défendu la loi française sur le devoir de vigilance, se félicitent du message que le Parlement européen envoie ainsi aux institutions européennes et à ses Etats membres. Avec 504 voix favorables contre 79 votes négatifs et 112 abstentions, c’est une large alliance qui a soutenu ce texte d’intérêt général. 

    Parmi les éléments encourageants de ce rapport figure le fait que le texte vise à tenir les entreprises européennes responsables des violations qu’elles causent ou contribuent à causer à travers leurs relations d’affaires. Les entreprises doivent ainsi cartographier l’ensemble de leurs activités ainsi que celles de leurs filiales et sous-traitants et adopter toutes les politiques et mesures proportionnées en vue de faire cesser, de prévenir ou d’atténuer les atteintes qu’elles auraient identifiées. Le texte incite les États membres à garantir qu’ils disposent d’un régime de responsabilité civile en vertu duquel les entreprises peuvent être tenues légalement responsables et appelées à verser des compensations pour réparer les préjudices causés dans leur chaîne de valeur. 

    En dépit de ces avancées, des éléments clés doivent être ajoutés par la Commission européenne lorsqu’elle présentera son projet de directive, pour s’assurer de son efficacité. Nos organisations regrettent en particulier la vision des eurodéputés qui tend à réduire le devoir de vigilance à l’adoption de processus alors qu’il doit avant tout s’agir de mettre en œuvre de façon effective des mesures de prévention efficaces et adaptées. Nous regrettons également l’absence de régime de responsabilité pénale, et insistons sur la nécessité d’améliorer l’accès à la justice et aux voies de recours pour les personnes et les communautés affectées pour garantir le succès de la future législation, avec notamment un renversement de la charge de la preuve et un accès facilité aux informations et aux preuves. Nous demandons ainsi à la Commission d’établir un régime de responsabilité civile clair, précis et qui corresponde à la réalité des chaînes de valeurs complexes des multinationales.

    Ce n’est qu’à ces conditions que des violations suspectées telles que le travail forcé des Ouïghours en Chine, le financement du terrorisme par Lafarge en Syrie ou l’accaparemment des terres par Total en Ouganda ne resteront pas impunies. Les citoyen-ne-s n’acceptent plus que de telles pratiques perdurent et l’expriment de plus en plus largement. 

    Nous qui œuvrons depuis des années pour contraindre les entreprises au respect des droits humains et de l’environnement, appelons donc le gouvernement français à défendre des mesures ambitieuses pour la future directive, en s’inspirant des forces et en palliant les défaillances de la loi française. Cela permettra que les entreprises actives au sein de l’Union européenne soient tenues légalement responsables des violations aux droits humains et des dégradations à l’environnement causées par leurs activités à l’étranger.

    Par ailleurs, alors que des négociations ont lieu sur le même sujet au niveau des Nations unies pour réguler les entreprises de l’ensemble des pays, nos organisations appellent les décideurs européens à s’engager de manière résolue dans ces discussions onusiennes concernant un traité sur les multinationales et les droits humains. L’Union européenne et ses Etats membres ne doivent pas utiliser le débat autour de cette législation européenne pour ralentir les négociations internationales ou en affaiblir le contenu.

    Notes aux rédactions

    Actuellement, plusieurs mises en demeure ont été adressées à des entreprises françaises par des ONG ou syndicats et de premières actions judiciaires ont été initiées sur le fondement de la loi sur le devoir de vigilance en France. Pour citer la dernière action en date, le 3 mars, des ONG et des communautés autochtones du Brésil et de Colombie ont assigné en justice le groupe Casino.

    Contacts presse :

  • Fiches entreprises de 27 multinationales françaises

    Ces fiches entreprises sont issues de notre benchmark 2021 de la vigilance climatique des multinationales. Elles sont classées par ordre de la moins bonne note à la meilleure note de notre classement. Le podium des mauvais élèves est composé de Total, Natixis et Casino.

    Total

    Le groupe Total a un chiffre d’affaires de 200,3 milliards de dollars en 2019, est présent dans plus de 130 pays et compte plus de 107 776 collaborateurs.

    Entre 2018 et 2019, les émissions de Total ont augmenté. Malgré l’impact considérable de ses activités sur le changement climatique, Total ne propose toujours pas de mesures concrètes permettant de prévenir les risques liés au changement climatique.

    Total est le plus mauvais élève de notre classement sur la vigilance climatique des multinationales.

    Natixis

    Natixis est l’un des principaux acteurs du marché bancaire français. En 2019, l’entreprise compte près de 16 000 collaborateurs dans le monde et a un produit net bancaire de 9,2 milliards d’euros.

    Natixis ne reporte que ses émissions françaises, alors que le groupe est présent dans 38 pays. L’entreprise n’identifie pas correctement ses émissions et n’indique pas de stratégie globale au niveau du groupe. Les mesures annoncées sont imprécises et leur impact ne peut être vérifié.

    Natixis est la deuxième plus mauvaise élève du classement de notre benchmark sur la vigilance climatique des multinationales.

    Casino

    Casino est un acteur majeur de la distribution alimentaire en France et en Amérique latine. Le groupe gère 11 172 magasins. En 2019, Casino enregistrait un chiffre d’affaires de 34,6 milliards d’euros.

    Casino prend en compte du changement climatique dans la stratégie d’entreprise, mais ne reconnaît pas y contribuer pleinement. Une note plus élevée aurait pu être obtenue en s’alignant sur une trajectoire 1,5°C, permettant de respecter l’Accord de Paris.

    Casino complète le podium des plus mauvais élèves de notre rapport sur la vigilance climatique.

    Auchan

    Auchan Holding appartient à un groupe dont le chiffre d’affaires s’élève à 46,4 milliards d’euros et qui réunit 331 099 collaborateurs.

    Auchan ne mesure toujours pas son empreinte carbone. Si Auchan reconnaît sa contribution au changement climatique, le groupe n’a aucune stratégie climatique. Les mesures de réduction des émissions sont parcellaires et ne s’inscrivent pas dans une trajectoire précise et chiffrée.

    Auchan Holding est la quatrième entreprise la moins bien notée dans notre benchmark de la vigilance climatique des multinationales.

    Bouygues

    Bouygues est structuré autour de trois activités :

    • Construction
    • Immobilier
    • Télécoms/médias

    Son chiffre d’affaires s’élève à 34,7 milliards d’euros en 2020. Le groupe emplois plus de 129 000 collaborateurs.

    Bouygues et dans le classement des cinq plus mauvais élèves de notre benchmark de la vigilance climatique des multinationales et obtient une note de 32,5/100.

    Airbus

    Airbus est spécialisé dans l’aéronautique. En 2019, son chiffre d’affaires était de 70,5 milliards d’euros. Elle emploie environ 130 000 salariés.

    L’empreinte carbone indirecte du groupe n’est pas chiffrée alors qu’elle représente 97% de son empreinte totale. Airbus dispose d’une stratégie climatique ambitieuse qui demeure incertaine en raison de l’indisponibilité de technologies aéronautiques électriques permettant de très faibles émissions.

    Airbus se classe à la sixième place de notre classement sur la vigilance climatique des multinationales françaises.

    Groupe ADP

    ADP est une entreprise française qui gère 24 aéroports dans le monde. L’Etat français détient 50,6% de la capitalisation boursière d’ADP. Son chiffre d’affaires 2019 est de 4,7 milliards d’euros.

    Le groupe n’a pas adopté de stratégie prenant en compte son empreinte carbone indirecte. La croissance envisagée par ADP contribue à faire augmenter le trafic aérien, qui est incompatible avec les objectifs climatiques. ADP semble miser sur une révolution technologique incertaine.

    ADP se classe à la septième place de notre classement sur la vigilance climatique des multinationales françaises.

    Eiffage

    Eiffage est spécialisé dans le BTP et les concessions. Le chiffre d’affaires du groupe est de 18,1 milliards d’euros en 2019. Eiffage emploie plus de 72 500 collaborateurs.

    Aucun suivi des mesures de lutte contre le changement climatique n’est fait par Eiffage. Si Eiffage retrace correctement son empreinte climatique, la stratégie générale doit être plus ambitieuse et les mesures mises en œuvre doivent se fonder sur des objectifs clairs.

    Eiffage se classe à la huitième place de notre classement sur la vigilance climatique des multinationales françaises.

    Bolloré

    Le groupe emploie près de 84 000 collaborateurs et a réalisé 25 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2019.

    La stratégie climatique de Bolloré ne prend pas en compte son empreinte carbone indirecte. La croissance des activités pétrolières contribue à faire augmenter ses émissions de GES, malgré des efforts effectués en matière d’émissions directes.

    Bolloré se classe à la neuvième place de notre classement sur la vigilance climatique des multinationales françaises.

    ArcelorMittal

    ArcelorMittal emploie environ 191 000 personnes dont 5000 en France. Elle réalise un chiffre d’affaires avoisinant les 68 milliards d’euros

    ArcelorMittal ne reconnait pas explicitement sa contribution au changement climatique. Le rapport de vigilance du groupe retrace correctement ses émissions par scope. Mais, malgré la bonne connaissance du risque climatique, l’entreprise n’admet pas explicitement sa contribution.

    ArcelorMittal se classe à la dixième place de notre classement sur la vigilance climatique des multinationales françaises.

    Air Liquide

    Air Liquide est présent dans 80 pays et compte environ 67 000 collaborateurs.

    Le groupe n’a pas d’objectif de neutralité carbone pour toutes ses émissions. Les émissions d’Air Liquide ne sont pas entièrement communiquées, la stratégie est peu claire et il est difficile d’évaluer l’adéquation des mesures adoptées avec l’Accord de Paris.

    Air Liquide se classe à la onzième place de notre classement sur la vigilance climatique des multinationales françaises.

    Veolia

    Veolia emploie environ 178 000 collaborateurs. Elle réalise en 2019 un chiffre d’affaires avoisinant les 27,2 milliards d’euros.

    Son plan de vigilance ne mentionne pas explicitement le changement climatique. Veolia identifie correctement ses différents postes d’émissions de GES et certains objectifs intermédiaires de réduction de GES ont été fixés, mais le groupe ne s’engage pas sur l’ensemble de ses scopes.

    Veolia se classe à la douzième place de notre classement sur la vigilance climatique des multinationales françaises.

    Société Générale

    La Société Générale est la troisième banque française en termes d’actifs gérés. Elle compte 138 000 collaborateurs dans 62 pays et son produit net bancaire est de 24,7 milliards d’euros.

    Si la Société Générale reconnaît les risques que comportent ses activités sur le climat, son choix de stratégie climatique n’est pas clair et le groupe ne propose que peu de mesures vérifiables et précises.

    La Société Générale se classe à la treizième place de notre classement sur la vigilance climatique des multinationales françaises.

    Carrefour

    En 2019, Carrefour emploi 321 000 collaborateurs et réalise un chiffres d’affaires de 80,7 milliards d’euros.

    Carrefour ne chiffre toujours pas son empreinte carbone. Si Carrefour a conscience des conséquences du changement climatique, le groupe n’identifie pas correctement ses émissions de gaz à effet de serre, ne dispose pas d’une stratégie ambitieuse et ne prend pas de mesures adéquates.

    Carrefour se classe à la quatorzième place de notre classement sur la vigilance climatique des multinationales françaises.

    Air France – KLM

    Air France – KLM détient 6 compagnies aériennes filiales. Le groupe dessert 116 pays, génère un chiffre d’affaires de 27,2 milliards d’euros et emploie 83 000 collaborateurs.

    La politique climatique d’Air France – KLM doit être améliorée sur plusieurs points : les risques liés au changement climatique doivent être mieux détaillés, la stratégie doit être davantage ambitieuse et les mesures doivent correspondre aux ambitions affichées par le groupe.

    Air France – KLM se classe à la quinzième place de notre classement sur la vigilance climatique des multinationales françaises.

    Suez

    Suez a réalisé un chiffre d’affaires de 18,015 milliards d’euros dont 61% en Europe en 2019. Le groupe emploie 89 000 collaborateurs répartis sur cinq continents.

    Le plan de vigilance de Suez n’intègre toujours pas le changement climatique. Si Suez a une stratégie ambitieuse, le groupe ne communique pas un son bilan carbone complet, les mesures ne sont pas chiffrées et leur impact n’est pas démontré.

    Suez se classe à la seizième place de notre classement sur la vigilance climatique des multinationales françaises.

    Engie

    Engie a un effectif de 171 103 employés et dispose d’un chiffre d’affaires de 60 milliards d’euros. L’Etat français est actionnaire à hauteur de 23,64%.

    Engie identifie correctement ses postes d’émissions carbone et reconnaît sa contribution au changement climatique. Cependant,
    le groupe doit encore analyser correctement les risques liés au changement climatique, préciser ses objectifs de neutralité carbone sur l’ensemble des scopes ainsi que les mesures mises en œuvre.

    Engie se classe à la dix-septième place de notre classement sur la vigilance climatique des multinationales françaises.

    BNP Paribas

    BNP Paribas compte près de 199 000 collaborateurs et son produit net bancaire est de 44,6 milliards d’euros.

    BNP Paribas n’indique toujours pas le poids des émissions issues de ses activités d’investissement et de financement. Sa stratégie est peu ambitieuse et ne prévoit toujours aucune mesure dans le secteur des hydrocarbures conventionnels.

    BNP Paribas se classe à la dix-huitième place de notre classement sur la vigilance climatique des multinationales françaises.

    Vinci

    Vinci emploie plus de 222 000 salariés dans plus de 100 pays. Le chiffre d’affaires de Vinci est de 48,1 milliards d’euros en 2019.

    Vinci a amélioré sa vigilance climatique. L’entreprise reconnaît désormais sa contribution importante au changement climatique et s’est dotée d’une stratégie qui se rapproche de l’Accord de Paris. Elle ne prend cependant pas de mesures chiffrées et son empreinte carbone n’est pas totalement rapportée.

    Vinci se classe à la dix-neuvième place de notre classement sur la vigilance climatique des multinationales françaises.

    Renault

    Renault compte 179 565 collaborateurs dans 39 pays. L’entreprise a réalisé un chiffre d’affaires de 55 milliards d’euros en 2019.

    Renault identifie correctement ses émissions et propose plusieurs mesures chiffrées de réduction des émissions de GES. Cependant, l’entreprise doit encore préciser ses objectifs 2030 et 2050. Les mesures prises doivent s’inscrire dans une perspective à long terme.

    Renault se classe à la vingtième place de notre classement sur la vigilance climatique des multinationales françaises.

    Axa

    Axa est un groupe d’assurance et de gestion d’actifs qui compte 99 843 collaborateurs dans le monde et dispose d’un chiffre d’affaires de 103,5 milliards de dollars.

    Axa ne communique pas la totalité de son empreinte carbone. Malgré un changement de stratégie globale et un alignement sur une trajectoire 1,5°C, Axa ne propose pas de mesures vérifiables et cohérentes avec la stratégie affichée.

    Axa se classe à la vingt-et-unième place de notre classement sur la vigilance climatique des multinationales françaises.

    PSA

    PSA emploie environ 208 000 employés. L’entreprise a réalisé un chiffre d’affaires de 74,7 milliards d’euros en 2019.

    PSA chiffre la totalité de ses émissions de GES et analyse correctement les conséquences du changement climatique. Il faut toutefois qu’il reconnaisse explicitement sa responsabilité, adopte une stratégie plus ambitieuse et détaille davantage l’impact des mesures mises en œuvre.

    PSA se classe à la vingt-deuxième place de notre classement sur la vigilance climatique des multinationales françaises.

    Crédit Agricole

    Le Crédit agricole est la dixième banque mondiale. Le groupe compte environ 142 000 collaborateurs dans le monde et dispose d’un produit net bancaire de 20,1 milliards d’euros.

    Si le Crédit Agricole communique désormais ses émissions brutes de scopes 1 à 3, les objectifs intermédiaires de sa stratégie ne sont pas précisés et les mesures mises en œuvre ne sont pas cohérentes avec l’Accord de Paris.

    Crédit Agricole se classe à la vingt-troisième place de notre classement sur la vigilance climatique des multinationales françaises.

    Michelin

    Michelin est un constructeur de pneumatiques employant environ 127 000 employés dans 170 pays. L’entreprise a réalisé un chiffre d’affaires de 24 milliards d’euros.

    Michelin fait des efforts certains sur l’appareil industriel, les activités logistiques, ainsi que la réduction de la consommation des véhicules. Ces efforts permettent à Michelin de s’inscrire avec crédibilité dans une trajectoire 2°C.

    Michelin se classe à la vingt-quatrième place de notre classement sur la vigilance climatique des multinationales françaises.

    Danone

    Danone est une multinationale spécialisée dans l’agro-alimentaire dont le chiffre d’affaires s’élève à près de 25,3 milliards d’euros et qui compte 102 449 salariés.

    Danone chiffre correctement ses émissions de GES et a adopté une stratégie climatique ambitieuse. Le groupe doit toutefois être plus transparent sur la mise en œuvre des mesures de lutte contre le changement climatique.

    Danone se classe à la vingt-cinquième place de notre classement sur la vigilance climatique des multinationales françaises.

    EDF

    EDF compte 165 000 employés et présente un chiffre d’affaires de 71,3 milliards d’euros en 2019. EDF est détenue à 83,68 % par l’Etat.

    Le modèle d’EDF reste peu carbonée du fait de ses activités dans le nucléaire et le groupe affiche une stratégie climatique ambitieuse. Cependant, la plupart des mesures annoncées restent non chiffrées et ne permettent pas de vérifier leur compatibilité avec la trajectoire 1,5°C annoncée par le groupe.

    EDF se classe à la vingt-sixième place de notre classement sur la vigilance climatique des multinationales françaises.

    Schneider Electric

    Schneider Electric compte plus de 137 000 collaborateurs dans le monde.

    Le groupe a une stratégie ambitieuse. Il manque toutefois d’inclure tout le plan climat dans le plan de vigilance, de compléter les 10% restants des émissions du scope 3, d’inclure les représentants des salariés dans la préparation du plan de vigilance et de reconnaître explicitement la responsabilité du groupe dans le changement climatique.

    Schneider Electric se classe à la vingt-septième place de notre classement sur la vigilance climatique des multinationales françaises.

  • Rapport « Vigilance climatique » 2021

    Analyse du plan de vigilance climatique de 27 multinationales françaises

    Lundi 8 mars 2021, Notre Affaire à Tous publie son nouveau rapport de la vigilance climatique qui passe au crible la conformité de 27 multinationales françaises à leurs obligations légales. L’objet de cette étude est d’évaluer la mise en œuvre de la loi sur le devoir de vigilance en matière climatique. Pour ce faire, des critères de notation ont été développés afin d’évaluer le comportement des multinationales. Ceux-ci s’appuient sur :

    • La loi sur le devoir de vigilance des sociétés mères
    • Les objectifs internationaux de l’Accord de Paris

    • Les données scientifiques du GIEC et de l’Agence Internationale de l’Energie

    Ces critères constituent une première tentative de contribution à un modèle d’évaluation de la conformité du devoir de vigilance en matière climatique.

    Cette nouvelle étude juridique comparative identifie les nombreuses et persistantes défaillances de 27 multinationales françaises en matière climatique. L’étude passe au peigne fin les stratégies marketing et la communication des entreprises parmi les plus polluantes.

    Résultats

    Le constat est alarmant : quatre ans après l’adoption de la loi, les entreprises n’adaptent toujours pas leur comportement face à la crise climatique et aucune entreprise étudiée ne se conforme pleinement aux exigences de la loi sur le devoir de vigilance.

    • Aucune entreprise n’obtient la totalité des points, alors qu’il s’agit de la seule note permettant de se prémunir de toute responsabilité.
    • 18 entreprises sur 27 n’ont pas obtenu une note supérieure à la moyenne.
    • 7 entreprises sur 27 n’intègrent toujours pas formellement le climat à leurs plans de vigilance
    • Seulement 5 entreprises sur 27 sont alignées sur une trajectoire compatible avec l’Accord de Paris.

    Total, Natixis, Casino, Auchan et Bouygues se situent tout en bas de notre classement en raison de politiques climatiques particulièrement insuffisantes.

    Toutes les entreprises du benchmark s’exposent par conséquent à un risque juridique : la loi permet à toute personne ayant un intérêt à agir de demander au juge d’enjoindre l’entreprise à publier et mettre en œuvre un plan de vigilance conforme aux obligations légales.

    Les raisons de l’action

    Si les pouvoirs publics doivent jouer un rôle fondamental dans la lutte contre le réchauffement climatique, les entreprises partagent aussi cette responsabilité. Très fortement contributrices au réchauffement, les multinationales françaises doivent répondre de leurs actes et accélérer leur transition énergétique. Ainsi, Notre Affaire à Tous cherche à remédier au vide juridique concernant la non-application de l’Accord de Paris aux entreprises en s’appuyant notamment sur la loi relative au devoir de vigilance.

    L’objectif final de ce benchmark est de renforcer l’application de la loi vigilance et de montrer son utilité en matière de lutte contre le dérèglement climatique. Des courriers d’interpellation ont été envoyés en sus aux entreprises afin de leur demander :

    • d’être parfaitement transparentes, en particulier lorsqu’elles divulguent leur empreinte carbone ;
    • de réduire drastiquement leurs émissions de manière à contenir le réchauffement climatique en deçà de 1,5 degrés. 

    Les enseignements clés du rapport

    1- Manque d’intégration du climat au plan de vigilance

    7 entreprises sur 27 n’intègrent toujours pas le climat à leur plan de vigilance : Engie, Suez, Eiffage, Bouygues, Danone, Veolia et la Société Générale. Pourtant, l’analyse du risque climat au sein du plan de vigilance devrait être faite de manière systématique, en particulier pour les entreprises fortement contributrices au réchauffement climatique. En effet, la science climatique est extrêmement claire : les différents rapports du GIEC démontrent que l’aggravation du changement climatique comporte des risques d’atteintes graves aux droits humains et à l’environnement, en particulier au-delà de 1,5°C. Le risque climatique doit donc être intégré dans le plan de vigilance de chaque entreprise. Si 20 entreprises intègrent désormais le climat dans leur plan de vigilance, près de la moitié d’entre elles ne le font que très partiellement et surtout aucune ne se conforme entièrement à toutes les exigences de cette  loi.

    2- Empreinte carbone en hausse et communication incomplète

    Les entreprises analysées dès le premier benchmark, ainsi que les deux nouvelles entreprises étudiées dans cette seconde étude (Bolloré et Casino), ont toutes un lourd impact climatique : selon leurs propres communications, l’empreinte carbone cumulée des vingt-sept multinationales analysées s’élève à 1854,82 Mt  CO2e, soit plus de quatre fois les émissions territoriales de la France. Plus inquiétant, l’empreinte carbone est en progression par rapport à l’année dernière. Si cette hausse peut s’expliquer, en partie, par un calcul plus complet effectué par les entreprises, elle indique en tout cas que les émissions ne baissent pas ! 

    L’impact climatique des entreprises reste encore très insuffisamment retracé. Douze entreprises sur 27 ne publient pas ou de manière très incomplète leur empreinte carbone : Axa, Société Générale, Natixis, Air Liquide, Suez, Airbus, Auchan, Casino, Carrefour, Bouygues, ADP, BNP Paribas.

    Mais, des études indiquent que ces estimations sont largement sous-estimées. Dans le secteur bancaire, les entreprises retracent moins de 5% de leurs émissions.  Si l’ensemble des émissions du secteur bancaire étaient divulguées, l’empreinte carbone des entreprises de cette étude dépasserait 4 889 Mt CO2e et représenterait plus d’onze fois les émissions territoriales françaises !

    3- Une reconnaissance limitée du risque climatique

    La loi sur le devoir de vigilance exigeant une identification des risques pesant sur les droits humains et sur l’environnement, chaque entreprise doit explicitement reconnaître les conséquences de ses émissions de GES et de sa contribution au changement climatique.

    Pourtant, seul le Crédit Agricole reconnaît explicitement sa contribution au changement climatique et analyse correctement les conséquences de ce dérèglement sur les droits humains et l’environnement. Une réelle prise de conscience demeure donc nécessaire afin de saisir l’ampleur de leur responsabilité et de mettre en œuvre les mesures adéquates pour lutter contre le changement climatique.

    4- Des engagements peu précis et rarement ambitieux

    Pour prévenir les risques graves d’atteinte aux droits humains et à l’environnement, les entreprises doivent adopter une stratégie efficace et cohérente avec l’Accord de Paris. Pour ce faire, les engagements pris doivent être chiffrés et détaillés en plusieurs étapes avec des objectifs intermédiaires précisés à l’horizon 2030, 2050 et au-delà.

    La trajectoire 1,5°C (visant la neutralité carbone en 2050) est la seule trajectoire permettant de réaliser les objectifs de l’Accord de Paris avec une probabilité raisonnable (voir infra – méthodologie). Seules 5 entreprises sur 27 se sont engagées sur la trajectoire 1,5°C : Danone, Schneider, Suez, Axa et EDF. Et encore, Axa et EDF n’ont pas d’engagement sur tous les scopes, et Axa n’a pas non plus d’objectifs intermédiaires précis.

    Par ailleurs, la grande majorité des entreprises analysées ne communique pas d’engagements précis concernant la totalité de leurs émissions (directes et indirectes) et échelonnés dans le temps.

    5- L’absence mise en oeuvre de mesures cohérentes

    La loi sur le devoir de vigilance oblige les entreprises à rendre compte publiquement de la mise en œuvre effective des mesures adaptées de prévention contre les risques d’atteintes graves aux droits humains et à l’environnement. Autrement dit, les entreprises doivent communiquer les mesures adoptées pour limiter le réchauffement planétaire en-deçà des 2°C, limite au-delà de laquelle le dérèglement climatique est extrêmement dangereux pour nos écosystèmes.

    Les mesures présentées concernent rarement l’ensemble des activités émettrices des groupes et nombre d’entre elles sont basées sur des technologies indisponibles à l’heure actuelle, telles que les technologies de capture et de séquestration du carbone. Par ailleurs, le maintien de certaines activités (par ex. hydrocarbures non conventionnels) ou l’absence de plan de transition pour certains produits (par ex. voitures thermiques) remettent fréquemment en question la cohérence de la stratégie communiquée par l’entreprise. Enfin, aucune entreprise ne publie des informations suffisamment précises pour qu’un observateur extérieur puisse évaluer la mise en œuvre des mesures annoncées.

    En somme, toutes les entreprises font face à un risque de non-conformité avec la loi sur le devoir de vigilance. Si elles ne se conforment pas à ces demandes, les multinationales pourront être attaquées en justice, tout comme Total.

    6- Des stratégies ne répondant pas aux priorités du plan de relance

    Un plan massif d’aides publiques aux entreprises a été établi en réponse à la crise sanitaire. Ces aides prennent de nombreuses formes : plan de relance sectoriel, baisse des impôts dit de production, opérations de refinancement de la BCE, augmentation des achats d’obligations d’entreprises par la BCE, prêt garanti par l’État, chômage partiel, etc.

    Face à l’ampleur des montants mobilisés, plusieurs associations ont demandé l’application d’un principe d’éco-conditionnalité afin de lier performance climatique et obtention de l’aide publique. Finalement, seules les aides sous forme de prise de participation par l’intermédiaire de l’Agence des participations de l’État sont conditionnées aux engagements de réduction des émissions de GES pris par les entreprises.

    Le benchmark indique pourtant que la quasi-totalité des entreprises ayant bénéficié d’aides publiques dans le cadre de la crise sanitaire ne respectent pas leurs obligations climatiques.

    Nos ressources

  • CP / Devoir de vigilance climatique : Notre Affaire à Tous interpelle plusieurs multinationales françaises potentiellement hors-la-loi

    Communiqué de presse – 8 mars 2021

    Lundi 8 mars 2021

    Notre Affaire à Tous publie son édition 2021 du “benchmark de la vigilance climatique” (1) qui passe au crible le comportement de 27 multinationales (2). Quatre ans après son adoption, aucune entreprise étudiée ne se conforme pleinement aux exigences de la loi sur le devoir de vigilance, malgré l’urgence climatique (3). Alors que le juge a récemment rappelé la nécessité d’un contrôle social du devoir de vigilance, l’association, qui a déjà assigné la pétrolière Total et le groupe Casino en justice, interpelle de nouveau ces entreprises particulièrement polluantes. 

    Malgré sa condamnation récente dans l’Affaire du Siècle (4), l’action climatique de l’ État, notamment en matière de régulation des entreprises, est très insuffisante. Loin de combler ces lacunes, le dernier projet de loi sur le climat n’impose pas de trajectoire précise de décarbonation aux entreprises (5).

    Afin de surmonter cet immobilisme, Notre Affaire à Tous s’appuie sur la loi relative au devoir de vigilance pour contraindre les plus gros pollueurs français à se conformer aux exigences légales et donc lutter contre le dérèglement climatique. Cette loi pionnière oblige les multinationales à publier et à mettre en œuvre un plan de vigilance afin de prévenir les atteintes graves aux droits humains et à l’environnement. Le 11 février dernier, dans l’action en justice contre Total, le tribunal judiciaire de Nanterre a reconnu sa compétence en matière de vigilance climatique démontrant la volonté de la justice française d’agir pour la lutte contre le changement climatique. 

    Si le second volet du benchmark s’inscrit dans un contexte judiciaire favorable, il ne peut que constater à l’inverse l’inertie générale des entreprises. De nouveau, aucune entreprise n’obtient la totalité des points, alors qu’il s’agit de la seule note permettant de se prémunir de toute responsabilité. Les notes décernées sont du reste très faibles : 18 entreprises sur 27 n’ont pas obtenu une note supérieure à la moyenne. 7 entreprises sur 27 n’intègrent toujours pas formellement le climat à leurs plans de vigilance (6). S’agissant plus concrètement des trajectoires de réduction de GES, seules 5 entreprises sur 27 (7) sont alignées sur une trajectoire compatible avec l’Accord de Paris. 

    Les entreprises ne dévoilent également pas correctement leurs émissions directes et indirectes, malgré les différentes règles en vigueur. Selon les informations publiées par les entreprises elles-mêmes, l’empreinte carbone cumulée des 27 multinationales évaluées s’élève à 1 854,82 millions de tonnes (Mt) de CO2e.Mais, des études indiquent que ces estimations sont largement sous-estimées. Dans le secteur bancaire, les entreprises retracent moins de 5% de leurs émissions (8). 

    Si l’ensemble des émissions du secteur bancaire étaient divulguées, l’empreinte carbone des entreprises de cette étude dépasserait 4 889 Mt CO2e et représenterait plus d’onze fois les émissions territoriales françaises ! De manière générale, les entreprises étudiées ne mettent pas toutes les mesures en œuvre afin de faire baisser les émissions directes et indirectes de leurs filiales et de leurs chaînes de sous-traitance. Il s’agit pourtant du cœur de la loi vigilance. 

    Notons enfin que Total, Natixis, Casino, Auchan, Bouygues se situent tout en bas de notre classement en raison de politiques climatiques particulièrement insuffisantes. 

    En somme, si les entreprises ne mettent pas toutes les mesures en œuvre pour se conformer à la loi vigilance, les lettres d’interpellation pourraient se transformer en assignation. 

    Pour Laure Barbé, de Notre Affaire à Tous,“Le contrôle du respect par les entreprises de leurs obligations climatiques est indispensable, qui plus est dans le contexte de crise sanitaire actuel où celles-ci bénéficient d’aides publiques importantes dans le cadre du plan de relance. Afin qu’un modèle économique résilient et respectueux de l’environnement et des droits humains puisse émerger, ces aides doivent être dirigées vers des entreprises disposant d’une réelle stratégie de décarbonation de leurs activités.”

    Pour Avril Julienne, de Notre Affaire à Tous, “l’empreinte carbone de ces entreprises ne baisse toujours pas, pire elle est en nette progression par rapport à l’année dernière. Les mesures annoncées ne sont ni suffisamment précises ni chiffrées, ce qui ne permet pas de constater leur impact concret sur le bilan carbone des entreprises. Les entreprises doivent entièrement revoir leurs stratégies et la mise en œuvre de celles-ci afin d’être à la hauteur de l’enjeu.”

    Lien vers le rapport complet

    CONTACT PRESSE :

    • Cécilia Rinaudo, Coordinatrice Générale : cecilia@notreaffaireatous.org – 06 86 41 71 81
  • CP / Déforestation et atteintes aux droits humains en Amazonie : des représentants des peuples autochtones et ONG internationales assignent Casino en justice

    Ce mercredi 3 mars 2021, des représentants des peuples autochtones d’Amazonie brésilienne et colombienne, ainsi que des organisations non gouvernementales (ONG) françaises et américaines, assignent en justice le groupe Casino devant le tribunal judiciaire de Saint-Etienne, en raison de ses ventes en Amérique du Sud de produits à base de viande bovine, liée à la déforestation et à l’accaparement de terres des peuples autochtones. 

    C’est la première fois qu’une chaîne d’hypermarchés est assignée en justice pour des faits de déforestation et de violation de droits humains dans sa chaîne d’approvisionnement, sur le fondement de la loi sur le devoir de vigilance adoptée en mars 2017. Les organisations autochtones demandent à être dédommagées en raison des dommages causés à leurs terres ancestrales et de l’impact sur leurs moyens de subsistance. 

    • Atteintes à l’environnement et violations des droits humains

     L’assignation conclut à des atteintes systémiques à l’environnement et aux droits humains ont eu lieu, tout au long de la chaîne d’approvisionnement du groupe Casino au Brésil et en Colombie, sur une période significative. Selon les preuves rassemblées par le Centre d’Analyse de la Criminalité Climatique, le groupe Casino aurait acheté régulièrement de la viande bovine à trois abattoirs qui s’approvisionnent en bétail auprès de 592 fournisseurs responsables d’au moins 50 000 hectares de déforestation entre 2008 et 2020 (1). Il s’agit d’une surface équivalente à cinq fois la taille de Paris. Les preuves présentées dans cette affaire démontrent également des atteintes aux droits des peuples autochtones. Il a notamment été rapporté que les terres ancestrales détenues et gérées par la communauté Uru Eu Wau Wau dans l’État de Rondônia, au Brésil, ont été envahies pour permettre l’exploitation des élevages de bétail qui fournissent de la viande bovine au Grupo Pão de Açúcar de Casino. 

    • La responsabilité du groupe Casino

     Malgré les nombreux rapports liant les produits du groupe Casino à la déforestation et à l’accaparement de terres des peuples autochtones, la multinationale n’a pas veillé à la révision de ses mesures de vigilance, afin d’assurer l’absence d’atteintes aux droits humains et à l’environnement tout au long de sa chaîne d’approvisionnement. La multinationale s’est même aventurée à justifier qu’en raison du “faible nombre de rapports mettant en avant l’élevage bovin comme la cause de la déforestation en Colombie”, Casino n’a pas jugé pertinent d’inclure le pays dans son plan de vigilance. Pourtant, la Colombie a l’un des taux de déforestation les plus élevés au monde, le bétail en étant la source principale selon un grand nombre de rapports officiels (2).

     Malgré les preuves de plus en plus nombreuses reliant la plus grande entreprise de viande bovine du monde, JBS, à la déforestation ainsi qu’à l’esclavage (3), le groupe Casino continue de s’approvisionner auprès de celle-ci. En outre, le groupe Casino ne s’est toujours pas engagé à exclure la viande ou des produits transformés issus de la déforestation dans ses magasins Grupo Pão de Açúcar, Casino ou Grupo Éxito. Le groupe Casino est la plus grande chaîne de supermarchés au Brésil et en Colombie, avec leurs marques respectives Grupo Pão de Açúcar et Grupo Éxito. Les activités de Casino en Amérique du Sud représentent près de la moitié (47 %) du chiffre d’affaires du groupe. 

    La loi française sur le devoir de vigilance impose aux entreprises basées en France et employant plus de 5 000 salariés de prendre des mesures adaptées et effectives pour prévenir les atteintes graves aux droits humains et à l’environnement tout au long de leur chaîne d’approvisionnement, faute de quoi elles engagent leur responsabilité et peuvent être condamnées à payer des dommages et intérêts. 

    • Le point de non-retour de l’Amazonie

     L’élevage bovin est la principale source de déforestation en Amérique du Sud, en particulier au Brésil. Selon l’agence spatiale brésilienne (INPE), la déforestation de la forêt amazonienne a atteint son plus haut niveau en douze ans. L’Amazonie risque d’atteindre un point de non-retour, en passant d’une forêt tropicale humide à une savane. En décembre dernier, le gouvernement brésilien a supprimé toutes les mesures visant à lutter contre la déforestation dans son plan national d’action pour le climat (connu sous le nom de NDC, pris dans le cadre de l’accord de Paris), bien que la disparition des forêts demeure la principale source d’émissions de gaz à effet de serre dans le pays. 

    Commentaires des requérants : 

    L’ampleur et la diversité de la coalition témoignent de l’empreinte écologique mondiale et de la diversité des impacts causés par la production industrielle de viande bovine, ainsi que de la nécessité d’une défense collective. 

    Luis Eloy Terena, du peuple Terena du Brésil, conseiller juridique à la COIAB et à l’APIB :« Il est important pour la COIAB de participer à ce procès car le sort de l’Amazonie brésilienne relève de l’action en défense des droits et garanties constitutionnels des peuples autochtones qui y vivent. Nous sommes également chargés de défendre les peuples isolés ou récemment contactés. Comme nous l’indiquons clairement dans la plainte, l’achat de viande bovine par Casino et Grupo Pão de Açúcar entraîne la déforestation et l’accaparement des terres, ainsi que la violence et l’assassinat des chefs autochtones lorsqu’ils choisissent de résister. Avec cette poursuite, nous cherchons à tenir l’entreprise responsable des conséquences de ces actes et à apporter une reconnaissance aux peuples autochtones par rapport à la réalité à laquelle ils sont confrontés.”

    Fany Kuiru Castro du peuple Uitoto de Colombie, directrice et coordinatrice des femmes et de la famille à l’OPIAC :« L’élevage de bétail, les monocultures et les autres industries extractives mettent nos vies en danger et exterminent les peuples autochtones. C’est pourquoi notre organisation soutient pleinement cette action en justice, mettant en cause le manquement aux exigences sur la chaîne d’approvisionnement en viande, qui provient de l’élevage de bétail ».

    Boris Patentreger, co-fondateur d’Envol Vert :« En 2021, dans un monde où nous pouvons techniquement tout tracer et tout contrôler, un groupe international appelé Casino, qui a connu une formidable croissance en Amérique du Sud ces dernières années, est incapable d’éliminer la déforestation de toute sa chaîne d’approvisionnement. C’est inacceptable ! »

    Lucie Chatelain, juriste chez Sherpa : « Le nombre de cas de déforestation et d’atteintes aux droits humains qui ont été documentés dans la chaîne d’approvisionnement de Casino au Brésil montre que ses prétendues mesures de vigilance ne sont ni adaptées, ni effectives. Sherpa a plaidé pendant des années – et avec succès – pour l’adoption d’une loi sur le devoir de vigilance, et ce cas est emblématique des violations que cette loi vise précisément à prévenir ».

    Sébastien Mabile, avocat du cabinet Seattle Avocats :« Ce procès va permettre de démontrer toutes les potentialités de la loi française sur le devoir de vigilance, qui s’applique à l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement tant en France qu’à l’étranger. La loi impose aux multinationales françaises des actions visant à prévenir des atteintes, proportionnelles aux risques identifiés, ainsi que des contrôles sociaux et judiciaires stricts. La gravité des violations constatées dans cette affaire nous conduit à engager la première action en responsabilité sur la base de ce texte ».

    Nico Muzi, directeur européen de Mighty Earth :« JBS n’est pas seulement la plus grande entreprise de viande au monde, mais c’est aussi l’un des pires destructeurs de forêts au Brésil. C’est la raison pour laquelle le Groupe Casino doit abandonner complètement JBS. Mais nous appelons également les autres grands supermarchés européens tels que Carrefour, Tesco, Albert Heijn et Lidl à rompre leurs liens avec la déforestation et à laisser tomber JBS, le massacre de l’Amazonie ».

    Cecilia Rinaudo, coordinatrice générale de Notre Affaire à Tous : « Cette affaire est un exemple tragique de l’interdépendance entre l’environnement et les droits humains, tous deux protégés par la loi sur le devoir de vigilance. Casino identifie le travail forcé comme un risque associé dans sa chaîne d’approvisionnement, sans prendre aucune mesure pour y mettre fin. De plus, l’entreprise n’a pas identifié l’accaparement de terres comme une menace pour les droits de l’homme, malgré de nombreux rapports sur cette question bien connue. Casino ne peut pas rester passif et doit adopter des mesures concrètes pour prévenir ces risques majeurs ».

    Adeline Favrel, coordinatrice de la campagne forestière de France Nature Environnement :« La France a adopté la loi sur le devoir de vigilance en 2017 et la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée en 2018. Ces politiques publiques doivent être traduites en actions concrètes par des entreprises comme Casino pour mettre enfin un terme à la déforestation ».

    Klervi Le Guenic, responsable de campagne de Canopée : « Casino n’est pas le seul responsable, ils ont tous le pouvoir de changer les choses. Carrefour est l’un des plus grands vendeurs au détail du Brésil et son activité est également particulièrement exposée au risque d’être liée à la déforestation. Ils doivent se débarrasser des entreprises de viande liées à la destruction de l’Amazonie ».

    Contacts presse :

    • Canopée : Klervi Le Guenic / klervi.leguenic@canopee-asso.org / +33 6 52 64 08 54 5 (FR/ UK)
    • Envol Vert : Audrey Benard / communication@envol-vert.org / +33 6 81 25 48 64 (FR/ UK)
    • France Nature Environnement : Adeline Favrel / adeline.favrel@fne.asso.fr / +33 6 70 53 00 49 (FR/UK)
    • Global Alliance of Territorial Communities : Lucas Tolentino / lucas.tolentino@alianzaglobal.me / +55 61 9254-0990 (UK/BR/ ESP)
    • Mighty Earth : Nico Muzi / nico@mightyearth.org / +32 484 27 87 91 (UK/ ESP/FR)
    • Notre Affaire à Tous : Cécilia Rinaudo / cecilia.rinaudo@notreaffaireatous.org (FR/ UK)
    • Pastoral Commission of the Earth : Xavier Plassat / xplassat@gmail.com / +55 63 99221-9957 (FR/ UK/ BR)
    • Seattle Avocats : Sébastien Mabile / smabile@seattle-avocats.fr / + 33 6 62 65 35 19 (FR/UK)
    • Sherpa : Lucie Chatelain / lucie.chatelain@asso-sherpa.org / +33 6 51 82 62 11 (FR/UK)

    Notes :

    1. La semaine dernière, le groupe de journalisme d’investigation Reporter Brasil a publié un nouveau rapport montrant que les trois plus grandes chaînes de supermarchés du Brésil – Pão de Açúcar, Carrefour et Grupo Big – ont vendu du bœuf provenant de méga-fermes qui ont illégalement défriché des milliers d’hectares de forêts.
    2. Report on deforestation fronts, 2021
    3. Historiquement, l’activité commerciale dans les zones rurales du Brésil est source d’esclavage et de travail forcé. Le secteur qui connaît le plus grand nombre de cas d’esclavage est celui de l’élevage. Selon les données de la Comissao Pastoral da Terra et du gouvernement fédéral brésilien, près de la moitié (47 %) des cas identifiés entre 2003 et 2020 sont liés au secteur de l’élevage bovin. La dernière enquête du Reporter Brasil a établi que la plupart des cas d’esclavage sont liés aux abattoirs JBS, fournisseur principal du Pão de Açúcar de Casino.

    Les membres de la coalition sont :

    • Canopée Forêts Vivantes est une organisation récente, fondée en 2018, qui est née d’un besoin crucial de construire un contre-pouvoir citoyen pour mieux protéger les forêts en France et dans le monde. Il s’agit d’une association de “sonneurs de cloches” qui signale les menaces qui pèsent sur les forêts. Loin de se contenter de signaler ces menaces, elle souhaite agir à la source des problèmes en produisant une contre-expertise de qualité et en la portant dans l’espace public. Canopée est membre des Amis de la Terre et du groupe SOS Forêt.
    • COIAB (Coordination des organisations autochtones de l’Amazonie brésilienne) fondée le 19 avril 1989, est la plus grande organisation autochtone régionale du Brésil, qui a émergé à l’initiative des dirigeants des organisations autochtones. La mission du COIAB est de défendre les droits des peuples autochtones à la terre, à la santé, à l’éducation, à la culture et à la durabilité, en tenant compte de la diversité des peuples et en recherchant leur autonomie à travers l’articulation politique et le renforcement des organisation autochtones.
    • La Commission Pastorale de la Terre (CPT), créée en 1975, est rattachée à la Conférence nationale des évêques du Brésil (CNBB). Elle est engagée sur l’enjeu crucial du partage de la terre et contre la destruction de l’environnement. Ses équipes locales sont présentes dans chacun des Etats du Brésil, accompagnant à la base communautés et groupes en lutte, joignant sa voix aux leurs, dénonçant injustices, violences, discrimination, travail esclave.
    • Envol vert agit pour la préservation de la forêt et de la biodiversité en Amérique Latine (principalement Colombie et Pérou) et en France. Depuis 2011, nous développons des projets de terrain concrets et efficaces qui incluent la reforestation d’aires dégradées, le développement de l’agroforesterie et d’alternatives à la coupe illégale comme l’écotourisme, le développement de réserves naturelles, la sauvegarde ou la réintroduction d’espèces. Envol Vert mène également des campagnes de communication et des actions de sensibilisation afin d’inciter les entreprises et les citoyens à changer leurs modes de production et/ou de consommation.
    • FEPIPA (Fédération des Peuples Autochtones du Pará) fondée en avril 2016, est une organisation autochtone, créée pour promouvoir le bien-être social, politique, économique et culturel et les droits de l’homme des peuples autochtones. Elle vise à défendre et à discuter des intérêts collectifs des peuples et communautés autochtones de l’État de Pará, en promouvant leur organisation sociale, culturelle, économique et politique, en renforçant leur autonomie.
    • FEPOIMT (Fédération des Peuples Autochtones du Mato Grosso) créée en juin 2016 est née de la nécessité de s’unir pour l’action et l’articulation politiques, visant à l’organisation sociale, culturelle, économique et au développement durable et politique des peuples et organisations autochtones du Mato Grosso. Ses principaux défis sont la garantie et la régularisation des terres, la gestion de l’environnement, la protection du territoire et la lutte pour les droits des autochtones.
    • France Nature Environnement est la fédération française des associations de protection de la nature et de l’environnement. Elle regroupe 3 500 associations françaises, réparties dans 53 organisations en France métropolitaine et dans les territoires d’outre-mer. Depuis 1968, la fédération se bat pour la transition écologique en menant une mobilisation citoyenne. Elle sensibilise le public par l’éducation à l’environnement, s’efforce en permanence de contribuer à l’amélioration du droit de l’environnement et contribue régulièrement aux politiques publiques françaises et européennes pour une meilleure
    • Mighty Earth est une organisation globale de plaidoyer qui œuvre pour la protection des forêts tropicales, des océans et du climat. Nos campagnes et notre équipe ont joué un rôle de premier plan en persuadant les plus grandes entreprises mondiales du secteur de l’alimentation et de l’agriculture d’adopter des politiques visant à éliminer la déforestation et les atteintes aux droits de l’homme de leurs chaînes d’approvisionnement, et ont conduit à l’adoption de transferts de plusieurs milliards de dollars vers l’énergie propre.
    • Notre Affaire à Tous est une association qui œuvre pour protéger le vivant, les communs naturels et le climat via l’utilisation du droit. Issu-es du mouvement pour la reconnaissance du crime d’écocide dans le droit international afin de sanctionner les crimes les plus graves contre l’environnement et à l’origine de l’Affaire du Siècle, les membres de Notre Affaire à Tous se positionnent comme « avocat-es de la planète », en cherchant à établir par la jurisprudence, le plaidoyer juridique et la mobilisation citoyenne une responsabilité effective et objective de l’humain vis-à-vis de l’environnement.
    • OPIAC (Organisation Nationale des Peuples Autochtones de l’Amazonie Colombienne) est une institution autochtone colombienne, une organisation à but non lucratif qui exerce une représentation politique des peuples autochtones de l’Amazonie colombienne devant les institutions nationales et internationales. Son objectif principal est de faire en sorte que tous les droits collectifs et individuels de ses membres soient respectés et reconnus par tous les acteurs situés dans la région amazonienne colombienne.
    • Seattle Avocats est un cabinet d’avocat spécialisé sur les questions de responsabilité des entreprises du fait d’atteintes à l’environnement et aux droits humains. Monsieur Sébastien Mabile et Monsieur François de Cambiaire représentent des ONGs et des collectivités dans le cadre des premières actions introduites sur le fondement de la loi devoir de vigilance des entreprises, notamment contre Total et contre le groupe de transport XPO Logistics, et s’intéressent en particulier aux débats en cours au niveau international et européen sur la responsabilité sociale et pénale des multinationales. S’agissant de dommages particulièrement graves à l’environnement ayant des conséquences tout aussi graves sur les droits des populations autochtones, le cabinet Seattle Avocats apporte son soutien et ses compétences à la coalition internationale d’associations qui mettent en demeure le groupe Casino de se conformer à la loi sur le devoir de vigilance.
    • Sherpa est une association créée en 2001 qui a pour mission de combattre les nouvelles formes d’impunité liées à la mondialisation et de défendre les communautés victimes de crimes économiques. Sherpa œuvre pour mettre le droit au service d’une mondialisation plus juste. L’action de l’association repose sur quatre outils interdépendants que sont le contentieux stratégique, le plaidoyer, le laboratoire de droit et le renforcement de capacités. Ces actions sont menées par une équipe de juristes et d’avocats. Les activités de Sherpa ont contribué à l’indemnisation de communautés affectées par des crimes économiques, à des décisions judiciaires historiques à l’égard de multinationales et de leurs dirigeants et à des politiques législatives inédites.
  • CP / Contentieux climatique contre Total : une première victoire des associations et des collectivités

    Jeudi 11 février 2021, dans le contentieux climatique engagé contre la société Total, le Tribunal judiciaire de Nanterre a donné raison aux 5 associations et 14 collectivités territoriales demanderesses, en rejetant l’exception d’incompétence soulevée par la multinationale pétrolière qui souhaitait porter ce litige devant le tribunal de commerce.

    Le 28 janvier 2020, quatorze collectivités territoriales et 5 associations (Notre Affaire à Tous, Sherpa, Eco Maires, France Nature Environnement et ZEA) assignaient Total en justice en raison de l’insuffisance de ses engagements climatiques et de leur inadéquation avec les objectifs de l’Accord de Paris. Alors que Total porte une responsabilité particulière au regard de son empreinte carbone considérable, son plan de vigilance ne permet pas de prévenir les risques graves découlant du réchauffement climatique. Les associations et collectivités demandent au juge d’enjoindre à la multinationale de prendre les mesures propres à prévenir les risques découlant de ses activités en réduisant drastiquement ses émissions de gaz à effet de serre.

    Sans répondre sur le fond, Total a soulevé l’incompétence du Tribunal judiciaire de Nanterre et demandé à ce que le litige soit porté devant le Tribunal de commerce, juridiction d’exception composée de dirigeants d’entreprises. 

    Dans une ordonnance rendue ce jour, le juge de la mise en état rejette l’exception d’incompétence de Total et donne raison aux associations et collectivités en confirmant la compétence du tribunal judiciaire pour statuer sur leurs demandes. Le juge considère qu’elles disposent, en tant que  “non commerçants”, “d’un droit d’option, qu’elles exercent à leur convenance, entre le tribunal judiciaire, qu’elles ont valablement saisi, et le tribunal de commerce.” 

    Loin de trancher un point strictement procédural, l’ordonnance rappelle que le devoir de vigilance “relève de la responsabilité sociale de Total” et que “la lettre” des dispositions du code de commerce relatives au devoir de vigilance “commande un contrôle judiciaire”. Cette décision constitue une première victoire dans ce procès historique contre Total et contredit les  précédentes décisions rendues en référé par le Tribunal de Nanterre et la Cour d’appel de Versailles dans l’affaire concernant ses projets en Ouganda. 

    Les associations et collectivités espèrent désormais, qu’au regard de l’accélération du réchauffement climatique et de l’urgence de sortir de l’ère des fossiles, une décision du litige au fond interviendra dans les meilleurs délais.  

    Pour Me Sébastien Mabile et François de Cambiaire, avocats des associations et des collectivités, “il s’agit d’une première victoire déterminante, le juge ayant reconnu la spécificité du devoir de vigilance et son nécessaire contrôle judiciaire”.  

    Pour Paul Mougeolle de Notre Affaire à Tous, alors que le juge vient de reconnaître la part de responsabilité de l’Etat français dans la crise climatique dans “l’Affaire du Siècle”, cette décision confirme que la justice française est entièrement compétente pour contrôler cette fois-ci le comportement des entreprises les plus polluantes, telles que Total”. 

    Pour Sherpa, “Le juge reconnaît que si le devoir de vigilance a vocation à avoir un impact sur les décisions et les activités de l’entreprise, de par sa nature cette obligation touche la “Société dans son ensemble”. Alors que Total cherchait à réduire le devoir de vigilance à une question de gestion commerciale, le juge rappelle clairement l’intention du législateur.”

    Contacts presse