Catégorie : Multinationales

  • Législation « OMNIBUS » – L’Union européenne menace de revenir sur ses engagements en faveur des droits humains, sociaux et environnementaux 

    Législation « OMNIBUS » – L’Union européenne menace de revenir sur ses engagements en faveur des droits humains, sociaux et environnementaux 

    Alors que la Commission européenne envisage une législation dite « Omnibus » pour renégocier simultanément certains points de la Directive sur le devoir de vigilance (CS3D), de la Directive sur le reporting de durabilité (CSRD), et de la Taxonomie verte, nos organisations, membres du Forum citoyen pour la justice économique, s’opposent vivement à cette tentative de revenir sur des textes déjà entrés en vigueur et notamment sur la CS3D renforçant la responsabilité des entreprises en matière de droits humains, d’environnement et de climat.

    Durant une conférence de presse le 8 novembre, la Présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen a évoqué les différentes stratégies visant à réduire la « bureaucratie » pesant supposément sur les entreprises européennes, et a ainsi annoncé son intention de réexaminer « le triangle [de la] Taxonomie, [de la directive sur le reporting extra-financier] CSRD, et [de la directive sur le devoir de vigilance] CS3D ».

    Pour rappel, les législateurs européens avaient adopté ces législations du « Pacte vert » (Green Deal) lors de la mandature précédente, permettant des avancées importantes en termes de droits sociaux et environnementaux. Ces textes, qui visent aussi à permettre à l’Europe d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, avaient été le fruit de longues négociations et sont déjà entrés en vigueur.

    «Compétitivité» contre «Pacte Vert» : la Commission à l’écoute des lobbys 

    Cette possible remise en cause des acquis de la mandature précédente s’inscrit dans un contexte où les lobbys du secteur privé tentent d’instrumentaliser la « compétitivité » et la « simplification administrative » prônées également par le rapport Draghi, publié en septembre, ou encore la Déclaration de Budapest adoptée par les 27 États membres début novembre en Europe pour défaire les avancées du Pacte Vert.

    La semaine dernière, 25 organisations patronales européennes ont ainsi appelé la Commission européenne à évaluer l’impact sur la compétitivité de la Directive sur le devoir de vigilance – adoptée en juin dernier et censée être transposée d’ici 2026 – et à en décaler l’application. Il y a quelques jours, le porte parole du MEDEF appelait même à « une refonte totale  » de cette directive.

    L’Omnibus, un cheval de Troie pour torpiller le devoir de vigilance européen

    La Commission envisage désormais l’adoption d’une législation « Omnibus », c’est-à-dire un texte global destiné à réviser plusieurs textes déjà adoptés. En théorie, cette nouvelle législation pourrait ne concerner que des éléments de forme, mais sous la pression des lobbys, il fait peu de doutes qu’elle viendrait saper certaines dispositions de fond déterminantes pour le respect des droits humains et la protection de l’environnement. L’exemple récent du Règlement déforestation en est la triste illustration : la mise en œuvre de ce règlement, qui vise à interdire sur le marché européen des produits ayant la destruction ou dégradation des forêts, a été repoussée d’un an, sous le poids des lobbys de l’agro-industrie.

    Le réexamen des textes pourrait permettre à des États membres de torpiller les dispositions relatives à la responsabilité civile permettant d’engager des poursuites judiciaires contre les entreprises fautives. Ces dispositions avaient pourtant été acceptées par une majorité d’États membres et par le Parlement européen lors de la précédente mandature. Pourtant, sans responsabilité civile associée aux potentiels manquements des multinationales, le texte perdrait de son caractère contraignant et trahirait son objectif de protéger les populations et la planète. Pour les travailleur·se·s et habitant·e·s des pays de production, l’encadrement des activités des maisons-mères et des entreprises donneuses d’ordre est une question de survie.

    Par ailleurs, la remise en cause des obligations liées au climat seraient d’autant plus choquantes que les dommages liés au réchauffement climatique se multiplient. Les entreprises ont désormais l’obligation d’adopter et mettre en place un plan de transition climatique fondé sur la science. Sans cet alignement des entreprises sur les objectifs climatiques européens, il sera impossible de respecter les engagements de l’Accord de Paris. C’est pourtant à ces nouvelles obligations que les opposants au Pacte Vert s’attaquent, dans le but de poursuivre leur « business-as-usual » irresponsable. 

    Les droits humains, sociaux et environnementaux sont actuellement remis en cause par certains lobbys et institutions européennes. Les avancées de ces dernières années, obtenues de haute lutte par les syndicats, les organisations de la société civile et leurs allié·e·s politiques, sont en danger. 

    Tandis que les agriculteur·ice·s se mobilisent notamment contre le traité de libre échange MERCOSUR en France et en Europe, le Forum citoyen pour la justice économique rappelle que ces droits ne sont pas une menace pour la compétitivité des entreprises européennes, mais au contraire une nécessité pour le développement d’une économie juste et durable, tournée vers l’avenir et le respect des populations et de la planète.

    Contacts presse

    Notre Affaire à Tous :
    Justine Ripoll, responsable de campagnes, justine.ripoll@notreaffaireatous.org

    Amis de la Terre France :
    Marion Cubizolles, Chargée de communication et presse, marion.cubizolles@amisdelaterre.org

    CCFD Terre Solidaire :
    Sophie Rebours, Responsable presse, s.rebours@ccfd-terresolidaire.org ; Clara Alibert, Chargée de plaidoyer, c.alibert@ccfd-terresolidaire.org

    CGT : 
    Mohammed Lounas, Europe – Suivi des firmes multinationales, m.lounas@cgt.fr 

    Collectif Ethique sur l’Étiquette : 
    Mathilde Pousseo, mpousseo@ethique-sur-etiquette.org

    Reclaim Finance : 
    Sarah Bakaloglou, chargée des relations presse, sarah@reclaimfinance.org ; Olivier Guérin, EU Advocacy Officer, olivier@reclaimfinance.org

  • Décision d’appel dans “l’Affaire Shell” aux Pays-Bas : Une décision décevante qui consacre malgré tout la responsabilité des entreprises en matière climatique 

    La Cour d’appel de la Haye vient de rendre sa décision dans l’affaire Milieudefensie contre Shell. Elle est revenue sur la décision historique du tribunal de la Haye rendue en première instance le 26 mai 2021 qui avait condamné l’entreprise en raison de son impact climatique.

    La société mère du groupe Shell (RDS) avait en effet été condamnée à limiter le volume annuel global de toutes les émissions de CO2 dans l’atmosphère (scopes 1, 2 et 3) dues aux activités commerciales de l’ensemble du groupe, de telle sorte que ce volume ait diminué d’au moins 45 % nets à la fin de 2030, par rapport aux niveaux de 2019. 

    Dans la décision rendue ce matin, la Cour d’appel néerlandaise ne s’estime pas en mesure de conclure que Shell doit réduire ses émissions de CO2 de 45 %, comme le lui imposait la décision initiale. En revanche, la Cour considère que Shell a effectivement l’obligation de lutter contre le changement climatique et de réduire ses émissions.

    La Cour insiste notamment sur le fait que les entreprises comme Shell ont des obligations en matière de respect des droits humains, notamment au titre des principes des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme ou des Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales et qu’elles doivent dès lors apporter une contribution adéquate à la réalisation des objectifs de l’Accord de Paris. 

    Ce faisant, la décision ouvre expressément  la porte à ce qu’une demande concernant l’arrêt de l’exploration de nouveaux gisements de pétrole et de gaz et la réduction de la production correspondante, à l’instar de la demande qui est au cœur de notre contentieux contre TotalEnergies, soit favorablement accueillie. Au regard de l’importance accordée par la Cour d’appel néerlandaise à la réalisation des objectifs de l’Accord de Paris, il pourrait également être reconnu que la demande visant à obtenir la fin des financements et investissements au soutien de l’expansion pétro-gazière est légitime, comme dans le contentieux contre BNP Paribas lancé en 2023. 

    L’audace du premier jugement dans cette affaire a permis de mettre en débat au niveau mondial la question de la responsabilité des entreprises pétro-gazières dans la catastrophe climatique qui frappe la planète. Ces entreprises l’ont bien compris et ont depuis très fortement cherché à lutter contre les régulations envisagées, notamment pendant les COP. La décision d’aujourd’hui marque un recul dans l’ambition des juges, mais reconnaît explicitement la responsabilité des entreprises pétro-gazières dans le changement climatique. C’est une confirmation très importante pour la suite. Le Tribunal évoque notamment une responsabilité particulière en matière de développement et de financement de nouveaux projets, et nous comptons continuer à faire valoir ces arguments dans nos contentieux en France.” affirme Jérémie Suissa, délégué général de Notre Affaire à Tous.

  • Commission d’enquête du Sénat sur TotalEnergies : réaction des associations écologistes

    Commission d’enquête du Sénat sur TotalEnergies : réaction des associations écologistes

    Communiqué, le 19 juin 2024 – La commission d’enquête du Sénat sur les moyens mobilisés et mobilisables par l’État pour assurer la prise en compte et le respect par le groupe TotalEnergies des obligations climatiques et des orientations de la politique de la France a rendu public son rapport final.

    Les associations saluent le diagnostic sévère et sans appel posé sur la stratégie climaticide de TotalEnergies ; elles regrettent cependant le manque d’ambition de la plupart des 33 recommandations du rapport, notamment en termes de mesures contraignantes pour obliger le groupe à respecter les objectifs fixés par l’Accord de Paris.

    Au cours des six derniers mois, les expertes et experts ainsi que les scientifiques auditionnés ont démontré que la stratégie d’expansion fossile de TotalEnergies était un accélérateur de la crise climatique et une menace pour les droits humains, en pointant du doigt sa volonté d’augmenter sa production d’hydrocarbures et de renforcer notamment ses activités dans le gaz naturel liquéfié. D’autres ont également mis en lumière le manque de transparence concernant le lobbying exercé par le groupe sur les responsables politiques, et la porosité des liens entre les dirigeants de TotalEnergies et la machine étatique, voire le soutien de la diplomatie française à sa stratégie internationale.
    A l’inverse, Patrick Pouyanné et les autres responsables de la major pétrolière auditionnés ont défendu coûte que coûte la stratégie “climatique” et les pratiques actuelles du groupe, sans aucune volonté de changement malgré leurs impacts dramatiques. L’intervention de Bruno Le Maire a témoigné d’un manque patent de volonté politique de réguler cette multinationale pour l’engager concrètement dans la sortie progressive des énergies fossiles.

    Pour nos associations, ce rapport a le mérite d’ouvrir le débat au sein d’une des instances démocratiques clefs du pays sur l’impérieuse nécessité d’une reprise en main par l’État de son rôle de régulateur des multinationales, et en particulier du secteur des énergies fossiles. Il n’était pas gagné d’avance que ce rapport soit adopté au vu des fractures au sein de la commission d’enquête, et il est donc le fruit de difficiles compromis. Dès lors, les associations soulignent l’intérêt de certaines recommandations concrètes, comme l’arrêt des importations de GNL russe aux niveaux français et européen, ainsi que des mesures affirmant le besoin de plus de transparence ou de plus de régulation par l’Etat pour permettre la sortie des énergies fossiles. Mais elles déplorent que la majorité sénatoriale de droite se soit efforcée de diminuer le niveau d’ambition des recommandations du rapport et ait choisi de faire l’impasse sur des enjeux majeurs comme la question de la taxation des superprofits de la major pétro-gazière.

    Pour Edina Ifticène, chargée de campagne Énergies fossiles à Greenpeace France :
    Deux visions opposées se dégagent des auditions et des travaux de la commission d’enquête. D’une part, l’industrie et ses soutiens politiques qui balayent d’un revers de main la responsabilité de TotalEnergies dans la crise climatique, d’autre part, celles et ceux qui alertent sur les risques de plus en plus tangibles que cette logique fait peser sur notre avenir et rappellent l’État à son devoir de protection de l’intérêt général.
    La solution ne peut pas être de se défausser sur les seuls citoyennes et citoyens, qui payent l’énergie au prix fort, en leur intimant de réduire leur consommation. L’État doit instaurer des contraintes politiques fortes obligeant l’industrie fossile à réduire son empreinte carbone et à payer pour les dommages déjà causés. En cette période d’instabilité politique, ce clivage rappelle qu’il est essentiel d’avoir une nouvelle majorité politique volontaire sur cette question.
    ” 

    Pour Justine Ripoll, responsable de campagnes pour Notre Affaire à Tous :
    L’État français faillit à ses obligations en ne régulant pas la trajectoire climatique de TotalEnergies. Dans les années 90, le lobbying et la désinformation de la major nous ont collectivement fait perdre des décennies précieuses pour prévenir l’aggravation du dérèglement climatique. Nous avons aujourd’hui un constat démocratique sans appel et des solutions sur la table pour corriger cette erreur historique et protéger enfin les générations futures.

    Pour Soraya Fettih, chargée de campagnes France pour 350.org :
    Fruit d’un long travail de mobilisation de la société civile française, la commission d’enquête sénatoriale sur TotalEnergies a conclu ses travaux mais nous laisse sur notre faim. Si elle reconnaît la nécessité pour l’État de faire preuve de plus de vigilance sur les activités de l’entreprise, elle reste bien trop timide dans ses recommandations sur le rôle régulateur de l’État pour imposer une vraie transition énergétique juste et compatible avec l’urgence climatique. Si la Commission suggère, à raison, de faire contribuer les entreprises fossiles au Fonds pertes et dommages, elle ne va pas jusqu’à proposer la taxation de leurs super profits indécents qui pourrait permettre de lutter aussi contre la précarité énergétique dont souffre un·e Français·e sur cinq. C’est une occasion manquée de prendre le gouvernement au mot, la France co-pilotant une initiative internationale sur la taxation pour générer des revenus pour le climat et le développement. Elle pourrait montrer l’exemple en s’attaquant dès maintenant aux profits de l’industrie fossile. Il est grand temps que nos dirigeants mettent fin à cette impunité.”

    Pour Gaïa Febvre, responsable des politiques internationales Réseau Action Climat France :
    “Le gouvernement français doit faire preuve de cohérence. Il ne peut pas prôner la fin des énergies fossiles lors des sommets internationaux comme les COP et, en même temps, fermer les yeux sur les actions de TotalEnergies. Lors de la COP28, la France, comme tous les autres pays, s’est engagée à sortir des énergies fossiles. Aujourd’hui, pour espérer rester crédibles, les paroles doivent être suivies d’actes. Il est urgent de contraindre TotalEnergies à respecter l’Accord de Paris. Fermons le robinet des énergies fossiles pour éviter les coûts des pertes et dommages liés au changement climatique et aux efforts d’adaptation. Nous avons pris assez de retard et nous devons agir maintenant pour garantir un avenir vivable.”

    Pour Juliette Renaud, coordinatrice des Amis de la Terre France :
    “La multiplicité des auditions tenues lors de cette commission d’enquête a permis de mettre en lumière non seulement l’étendue des conséquences néfastes des activités de Total, mais aussi la faiblesse de l’État dans sa volonté de réguler cette multinationale. Les solutions existent pourtant et, au-delà des constats, nous regrettons que les recommandations du rapport ne soient pas plus ambitieuses, notamment pour mettre fin à la diplomatie économique en soutien à Total et au lobbying débridé de cette entreprise. De même, alors que le rapport contient une recommandation sur l’arrêt des projets d’hydrocarbures en Azerbaïdjan, les preuves et témoignages sur les violations des droits humains liées au projet EACOP en Ouganda semblent avoir laissé de marbre les sénateurs conservateurs, aveuglés par leur complaisance avec la multinationale.
    Néanmoins, certaines préconisations sont plus concrètes et doivent être maintenant suivies d’actes : alors que la commission d’enquête recommande d’inclure le GNL russe aux produits énergétiques sous sanctions européennes, l’État doit sortir de son silence et prendre position pour le paquet de sanctions négocié en ce moment même à Bruxelles. Ces sanctions doivent couvrir les importations et les opérations de transbordement qui permettent à la Russie d’exporter plus de GNL à travers le monde.

    Pour Lucie Pinson, directrice de Reclaim Finance :
    Si la commission a souligné le rôle central de la finance dans les orientations du secteur énergétique, les sénateurs sont globalement passés à côté du sujet. Hormis quelques recommandations bienvenues concernant la gouvernance des entreprises, ils s’en tiennent à des formulations qui révèlent la démission du politique face à l’urgence de la réorientation des flux financiers. Ils auraient par exemple dû rebondir sur les récentes annonces de BNP Paribas et du Crédit Agricole, qui se sont engagés à ne plus soutenir les obligations conventionnelles pour le secteur pétro-gazier, en imposant cette mesure à tous les acteurs financiers français, au lieu de seulement les inciter à aller plus loin en matière de décarbonation des portefeuilles. Les autres recommandations sont du même acabit, faisant apparaître au mieux un soutien timoré à des mesures en discussion au niveau européen et international, comme la mise en place de taux différenciés. L’ensemble des mesures est très loin de l’ampleur des normes requises pour éviter un emballement du climat et une crise économique et financière majeure.” 

    contact presse

    Justine Ripoll – justine.ripoll@notreaffaireatous.org

    English version : press release

  • Victoire d’étape dans le procès climatique contre TotalEnergies

    Communiqué de presse, Paris, 18 juin – Dans le contentieux climatique engagé par 6 associations et 15 collectivités territoriales contre TotalEnergies, la cour d’appel de Paris a jugé l’action judiciaire recevable. La Cour met fin à une controverse procédurale qui risquait de priver d’effectivité la loi sur le devoir de vigilance et ouvre la voie à l’examen judiciaire du fond de l’affaire. Excepté pour la ville de Paris, la Cour juge toutefois l’action des collectivités territoriales irrecevables.

    En janvier 2020, une coalition d’associations et de collectivités territoriales (1) a assigné TotalEnergies en justice, rejointe depuis par les collectivités de Paris, New-York, Poitiers et Amnesty International France. L’objectif est de contraindre la compagnie pétrolière à prendre les mesures nécessaires pour s’aligner avec l’objectif 1,5°C de l’Accord de Paris, conformément à la loi relative au devoir de vigilance.

    Le 6 juillet 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a déclaré l’action judiciaire irrecevable selon une interprétation contestée et inquiétante de la loi sur le devoir de vigilance. La coalition s’est tournée vers la cour d’appel.

    Pour la coalition, la décision de ce jour ouvre la voie au premier procès climatique contre une multinationale en France. Après plusieurs années de procédure, la multinationale va désormais devoir justifier du respect de ses obligations en matière climatique. 

    Vers un jugement au fond sur le devoir de vigilance

    Le tribunal judiciaire avait considéré que TotalEnergies n’avait pas régulièrement été mise en demeure, au motif que les demandes formulées dans l’assignation n’étaient pas strictement identiques à celles du courrier de mise en demeure envoyé à la multinationale. 

    La cour d’appel a au contraire estimé que TotalEnergies avait été suffisamment avertie avant d’être assignée. Elle a considéré que les demandes présentées au juge devaient se rattacher par un lien suffisant avec celles figurant dans la mise en demeure, s’agissant des risques d’atteintes visés. La Cour a également reconnu qu’il revenait au juge de contrôler le respect par une entreprise de ses obligations au titre de son devoir de vigilance et de porter une appréciation sur les mesures demandées. 

    Cette décision vient mettre fin à une interprétation restrictive de la loi qui, à rebours de l’objectif poursuivi par le législateur de faciliter l’accès à la justice pour les victimes de violations de droits humains et d’atteintes à l’environnement, offrait un échappatoire aux entreprises. 

    Les décisions dans les affaires EDF/Mexique et Suez/Chili ont également été rendues par la cour d’appel. La Cour a jugé l’action recevable dans l’affaire EDF/Mexique, le juge estimant que l’assignation et la mise en demeure pouvaient viser des plans de vigilance différents. En revanche, la Cour a jugé irrecevable l’action des associations dans l’affaire Suez/Chili.

    La Cour a également jugé que les demandes au titre de la prévention du préjudice écologique étaient recevables. Contrairement à ce que soutenait le juge de la mise en état, l’action peut se fonder à la fois sur le devoir de vigilance et sur le préjudice écologique. La cour ouvre ainsi la voie à un débat sur les mesures devant être adoptées par TotalEnergies pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre impactant le climat. 

    Un accès restreint pour les collectivités 

    Si la ville de Paris s’est vue reconnaître un intérêt à intervenir (2), la Cour a cependant jugé irrecevable l’action des autres collectivités territoriales. Celles-ci n’auraient pas suffisamment démontré l’existence d’une atteinte ou d’un retentissement particulier du réchauffement climatique sur leur territoire. Ainsi, la Cour opère une restriction du droit d’agir en matière climatique même si elle ne ferme pas totalement la porte à l’action des collectivités territoriales. 

    La coalition examinera comment les collectivités territoriales jugées irrecevables pourront continuer à s’impliquer dans ce procès historique qu’elles ont participé à construire.

    Signataires : Notre Affaire à Tous, Sherpa, France Nature Environnement, ZEA, Amnesty International France et les villes de Paris, Arcueil, Bègles, Bize-Minervois, Correns, Grenoble, La Possession, Mouans-Sartoux, Nanterre, Sevran, Vitry-le-François

    Notes

    Les trois décisions concernant les affaires :  EDF/Mexique, Suez/Chili et TotalEnergies/Changement climatique seront analysées lors d’un webinaire organisé par les trois coalitions le mardi 9 juillet de 18h à 19h30. Inscriptions sur : https://bit.ly/3Xqxig4  

    (1)  Sherpa, Amnesty International France, France Nature Environnement, Notre Affaire à Tous, ZEA, les Eco Maires et les villes de Paris, New York, Arcueil, Bayonne, Bègles, Bize-Minervois, Centre Val de Loire, Correns, Est-Ensemble Grand Paris, Grenoble, La Possession, Mouans-Sartoux, Nanterre, Sevran et Vitry-le-François.

    (2) La ville de Paris a rejoint l’action en justice en septembre 2022 en tant qu’intervenante volontaire, ce qui lui permet de soutenir les prétentions des demanderesses sans formuler de demandes propres.  

    Contacts presse

    Sherpa : Théa Bounfour, chargée de contentieux et de plaidoyer, thea.bounfour@asso-sherpa.org

    Notre Affaire à Tous : Justine Ripoll, responsable de campagnes, justine.ripoll@notreaffaireatous.org

  • Actions contre BNP Paribas

    Actions contre BNP Paribas

    POURQUOI BNP ?

    Avec une empreinte carbone supérieure à celle de la France (1), la BNP contribue massivement à la crise climatique, notamment en raison de ses investissements. En octroyant des services financiers à des acteurs des secteurs pétrolier et agro-industriel qui participent à l’expansion des énergies fossiles et à la déforestation, la banque manque à sa responsabilité de respecter les droits humains, l’environnement et le climat. 

    (1) https://www.oxfamfrance.org/app/uploads/2021/10/rapportOXFAM_BanquesetClimat_vF.pdf

    NOS ACTIONS CONTRE BNP

    L’Affaire BNP Paribas

    1er financeur européen du développement des énergies fossiles et 1er financeur mondial de 9 géants du pétrole et du gaz entre 2016 et 2022, la banque française permet aux majors pétrogazières comme TotalEnergies de faire prospérer leurs projets climaticides. Les soutiens de BNP au développement de nouvelles bombes climatiques doivent être empêchés, et ces pratiques doivent être régulées voire interdites pour l’ensemble du secteur afin de conserver une chance de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C.

    Il s’agit du premier contentieux climatique au monde visant à mettre une banque commerciale face à ses obligations légales et à demander l’arrêt immédiat du soutien aux nouveaux projets pétroliers et gaziers.

    BNP déforestation

    L’industrie bovine brésilienne est responsable de 80% de la déforestation de la forêt amazonienne au Brésil. Entre 2019 et 2021, la BNP Paribas a participé à hauteur de 3 milliards de dollars au financement de Marfrig, 2ème producteur de viande bovine au monde impliqué dans de graves atteintes aux droits humains et à l’environnement. 

    Malgré ses engagements et ses communications, la BNP Paribas continue de financer la déforestation de l’Amazonie. 

    Les associations Comissao Pastoral da Terra et Notre Affaire à Tous ont envoyé une mise en demeure à la BNP le 17 octobre 2022. Elles demandent à la banque française de se conformer à son devoir de vigilance en refusant notamment de s’engager dans de nouvelles relations commerciales avec des acteurs de l’industrie du boeuf impliqués dans la déforestation, l’accaparement des terres de peuples autochtones et des pratiques s’apparentant à l’esclavage. 

    Après avoir formellement mis en demeure la BNP Paribas, la coalition a assigné en justice la banque française le 27 février 2023 pour manquement à son devoir de vigilance. 

  • AG de BNP : des engagements pour le climat qui se font toujours attendre

    Au lendemain de la parution du rapport annuel Banking On Climate Chaos, dans lequel nous apprenons que BNP poursuit ses financements à l’expansion des énergies fossiles, nous étions présent·es à l’Assemblée générale annuelle de la banque pour lui demander de rendre des comptes.

    Malgré ce qu’elle prétend, BNP n’a pas fermé la porte à l’expansion des énergies fossiles

    Cette Assemblée générale s’est tenue au lendemain de la publication du rapport annuel Banking On Climate Chaos, l’analyse mondiale la plus large et détaillée sur les financements aux énergies fossiles. Ce rapport est publié par 8 organisations dont Reclaim Finance, et soutenu par 589 organisations dont les Amis de la Terre France.

    Dans cette nouvelle édition, nous apprenons que BNP Paribas était, entre 2021 et 2023, la première banque française à avoir soutenu financièrement l’expansion des énergies fossiles, avec un total de 23,9 milliards de dollars. BNP continue d’entretenir des liaisons dangereuses avec Total, en témoignent d’importantes transactions financières – BNP était entre 2021 et 2023 le premier financeur mondial de Total –, mais aussi le siège de Jean Lemierre, président de BNP, au Conseil d’administration de la multinationale. Par ailleurs, les financements toxiques de BNP dépassent les frontières. Elle est en effet l’un des principaux financeurs de Saudi Aramco, premier producteur mondial de pétrole et de gaz. Mais le mastodonte pétrolier saoudien n’est pas le seul partner in crime de BNP. La major pétro-gazière italienne Eni, impliquée dans pas moins de 11 bombes climatiques, a aussi profité, en décembre 2023, d’un prêt de 3 milliards de dollars auquel a participé BNP. Avec au total 10,3 milliards de dollars accordés entre 2021 et 2023, BNP Paribas se hisse au rang de 3e financeur mondial des majors et des grandes entreprises publiques pétrolières et gazières.

    C’est essentiellement via les prêts et les émissions d’obligations que BNP Paribas continue de soutenir le développement des énergies fossiles. Ainsi, si la banque s’est engagée à ne plus soutenir de projets de pétrole et de gaz, elle continue de nous conduire tout droit vers un monde à + 4 °C, à travers ses financements aux entreprises actives dans des projets de production et de transport d’énergies fossiles.

    Les scientifiques et étudiant·es à l’AG de la banque d’un monde qui brûle

    Suite à leur tribune publiée fin 2023, les quelques 1240 étudiant·es qui déclaraient alors refuser de travailler pour BNP Paribas aussi longtemps que la banque financera le développement des énergies fossiles, n’avaient pas obtenu de réponse à leurs préoccupations. Pour faire entendre leurs voix, une cinquantaine d’étudiant·es ont, en amont de l’AG, soumis des questions publiques à la direction de BNP. Émilie et Hermès, étudiant·es à l’école CentraleSupélec, ont même été contraint·es de devenir actionnaires et se sont rendu·es à l’AG ce 14 mai 2024.
     
     La communauté scientifique – avec le collectif Scientifiques en Rébellion – s’est elle aussi invitée à la « fête », après avoir demandé à plusieurs reprises des comptes à BNP. 600 scientifiques et des membres du GIEC avaient en effet déjà appelé le Conseil d’administration de BNP Paribas à mettre un point final à ses soutiens à l’expansion des énergies fossiles, dans une lettre et des questions publiques. Le simple rappel par les scientifiques présents dans l’AG des conclusions claires du GIEC et de l’Agence internationale de l’énergie, selon lesquels aucun nouveau projet d’énergies fossiles ne doit être financé pour avoir une chance de limiter le réchauffement climatique bien en-dessous de 2°C, a été accueilli par des huées des actionnaires (1).

    Face à nos interpellations, des réponses insuffisantes

    Aux questions des étudiant·es, des scientifiques, comme de nos ONG, la même réponse de BNP (2).

    D’une part, la banque semble d’accord avec le consensus scientifique, puisqu’elle déclare : « notre objectif est que nos financements ne puissent en aucun cas contribuer à de nouvelles capacités pétro-gazières » (3). La banque reconnaît ainsi la nécessité de mettre fin aux financements indirects du développement des énergies fossiles, via les financements non-fléchés ou généraux aux entreprises responsables de ce développement. Mieux encore, en réponse à nos questions écrites, la banque dit « s’abstenir de participer aux émissions obligataires conventionnelles du secteur pétrolier et gazier » (4). Cependant, elle n’inscrit pas cette déclaration comme un engagement ferme dans une politique sectorielle ou dans son plan de vigilance. Elle laisse ainsi ouverte la possibilité d’émettre de futures obligations à des entreprises qui développent des nouveaux projets fossiles. Où sont les garanties que ses financements n’augmenteront pas à l’avenir ? De plus, il s’agirait de prendre un tel engagement sur l’ensemble de ses services financiers, y compris les prêts, qui représentaient 54 % des financements de BNP Paribas à l’expansion fossile entre 2021 et 2023.

    BNP a certes diminué en 2023 ses financements à l’industrie du pétrole et du gaz et, grâce à la pression citoyenne, semble enfin reconnaître la nécessité de sortir des énergies fossiles. Mais elle doit aller plus loin encore, en actant fermement et définitivement la fin de toute forme de soutien aux développeurs de projets d’énergies fossiles. BNP ferait ainsi figure de cheffe de file et inciterait l’ensemble des acteurs du secteur financier à opérer le nécessaire virage vers une finance durable. Alors, dans l’objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050 telle qu’elle s’y est engagée en rejoignant la Glasgow Financial Alliance For Net Zero (GFANZ) en 2021, et étant donné que des progrès ont été faits et que la banque semble aller vers la bonne direction, pourquoi camper sur une logique de choix au cas par cas et ne pas traduire cette tendance prometteuse dans un engagement ferme sur la fin de tout soutien à l’expansion des énergies fossiles ?

    Le directeur de BNP Paribas, Jean-Laurent Bonnafé, déclarait sous serment au Sénat début mai que sa banque « ne finance plus l’expansion des hydrocarbures » (5). Les chiffres montrent sans appel que c’est faux, BNP doit désormais s’employer en faire une réalité.

    Alors que les impacts des dérèglements climatiques sont de plus en plus prégnants et dramatiques, nous appelons BNP Paribas à poursuivre ses progrès et à aller plus loin, en s’engageant fermement et officiellement à cesser toute forme de soutien à l’expansion de l’industrie du pétrole et du gaz.

    Notes

    (1) Face aux ambiguïtés de la politique climatique de BNP Paribas, les scientifiques demandent à nouveau des comptes, communiqué de presse du 14 mai 2024, Scientifiques en Rébellion

    (2) Réponses de BNP Paribas aux questions écrites : aux scientifiques – aux étudiant·es – à L’Affaire BNP.

    (3) Laurence Pessez, directrice RSE, lors de l’AG de BNP Paribas.

    (4) Réponses de BNP Paribas aux questions écrites à L’Affaire BNP : https://invest.bnpparibas/document/ag-2024-questions-ecrites-des-amis-de-la-terre-reponses-du-conseil-dadministration, p. 2

    (5) Vidéo TotalEnergies : audition de BNP Paribas

  • Décryptage : un an après son assignation en justice, BNP Paribas appelée à mettre un point final à l’expansion des énergies fossiles

    Décryptage : un an après son assignation en justice, BNP Paribas appelée à mettre un point final à l’expansion des énergies fossiles

    Après avoir mis en demeure BNP Paribas en octobre 2022 (1), nos associations Les Amis de la Terre France, Notre Affaire à Tous et Oxfam France ont assigné la banque en justice pour non-respect de son devoir de vigilance en matière climatique en février 2023 (2). Ce procès est inédit car c’est la première fois qu’une banque est appelée à passer devant le juge pour sa contribution aux changements climatiques.

    Un peu plus d’un an après notre recours, il y a des avancées ! BNP Paribas a mis à jour sa politique climatique, mais est-ce suffisant pour crier victoire ?

    Afin que la banque se mette en conformité avec la loi sur le devoir de vigilance, nous lui demandons de cesser de toute urgence d’accorder de nouveaux soutiens financiers directs ou indirects au développement de projets pétroliers et gaziers.

    Dans le viseur : les entreprises qui ouvrent de nouveaux projets d’énergies fossiles telles que, parmi les plus agressives, Saudi Aramco, Total ou Shell. On les appelle des “développeurs”. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur le climat (GIEC), comme l’Agence internationale de l’énergie (AIE) et les Nations unies, ces groupes œuvrent dangereusement contre la limitation du réchauffement climatique à 1,5 °C et même à 2 °C, et l’atteinte de la neutralité carbone d’ici 2050 – objectifs pourtant inscrits noir sur blanc dans les politiques de BNP Paribas, et qui apparaissent si chers à la banque dans sa communication.

    Une banque peut apporter 3 principaux types de soutien financier au développement des énergies fossiles. Cela peut être directement via un financement de projet, mais cela peut également passer par un financement à un développeur, que ce dernier peut utiliser librement – le financement n’étant pas dédié à un projet spécifique. Ces financements généraux peuvent prendre la forme d’une émission d’obligations ou d’actions, ou d’un prêt – appelé aussi crédit.

    Est-ce que BNP Paribas arrête les financements dédiés aux nouveaux projets pétro-gaziers ? Oui… et non

    En mai 2023, BNP Paribas a pris l’engagement d’arrêter tous les financements de projets “de développement de nouveaux champs pétroliers et gaziers” (3).

    On décrypte :

    C’est une étape à relativiser car ces soutiens financiers directs ne représentent que 3,6 % du financement de BNP au secteur fossile – en 2022 (4). BNP peut ainsi continuer à soutenir les entreprises qui portent ces nouveaux projets pétro-gaziers. Si ces financements d’entreprises sont qualifiés d’indirects, ils représentent bien le principal levier de soutien à l’expansion – et de loin.

    Par ailleurs, BNP Paribas n’a à ce jour exclu de ses financements directs que les projets d’exploration et de production de pétrole et gaz, mais ne s’est pas engagée sur le reste de la chaîne de valeur de cette industrie. Notamment, elle peut encore accorder des financements dédiés à de nouveaux terminaux de gaz liquéfié (GNL), gazoducs ou oléoducs liés à des réserves “conventionnelles” (5). Or ces projets jouent un rôle clé dans l’expansion du secteur : c’est notamment le cas des nouveaux projets de GNL, qui n’ont pas leur place dans le scénario qui vise la neutralité carbone d’ici 2050 de l’AIE. 

    Est-ce que BNP arrête les nouvelles émissions d’obligations ou d’actions des développeurs ? Toujours pas

    BNP Paribas a affirmé n’avoir “participé à aucune nouvelle émission obligataire au secteur pétrolier et gazier depuis mi-février 2023” (6). Début février 2023 en effet, la banque avait participé à l’émission d’importantes obligations pour les géants Saudi Aramco et BP – respectivement d’un montant total de 4,5 et 2,5 milliards de dollars.

    On décrypte :

    C’est une bonne nouvelle ! Car les émissions d’obligations représentent un important levier de financement, notamment pour les grandes majors pétro-gazières. Et car BNP Paribas contribue largement à ces transactions : entre 2016 et 2022, 37 % des financements de la banque à l’industrie des énergies fossiles étaient liés à des émissions d’obligations (7).

    Malheureusement, en expliquant ne plus avoir participé à une émission obligataire au secteur récemment, BNP semble reconnaître le problème que posent ces services financiers… mais ne s’engage pas pour autant à renoncer à cette pratique nocive dans le futur. Il est donc impératif que ce constat très récent se traduise dans une mesure ferme et officielle, au sein d’une politique sectorielle. C’est d’autant plus urgent que ce type de financements représente souvent des montants élevés, et peut courir sur des années voire des décennies, engageant la responsabilité de BNP Paribas à moyen et long termes. Par ailleurs, BNP Paribas n’a fait aucune communication sur la fin des nouvelles émissions d’actions – bien que celles-ci représentent une part bien moins significative des financements de la banque aux développeurs.

    Est-ce que BNP arrête les nouveaux prêts aux développeurs ? Non plus

    La question est simple : est-ce que BNP a arrêté d’octroyer de nouveaux prêts à des entreprises qui, comme Total, prévoient de nouveaux projets de pétrole et gaz ? C’est pourtant là que la communication de BNP Paribas se complique encore. Or quand c’est flou, il y a un loup. La banque communique sur plusieurs éléments relatifs à ses activités de prêts : certains relevant de son flux de nouveaux crédits – c’est-à-dire les nouveaux prêts émis sur une année donnée –, et d’autres sur son stock de crédits existants – c’est à dire les prêts déjà en cours, mais qui peuvent dater de plusieurs années (8).

    1. En ce qui concerne son flux de crédits – c’est à dire ce qu’il faut principalement regarder quand on s’intéresse aux nouveaux soutiens de la banque aux développeurs –, BNP Paribas affirme que :

    Pour réduire la partie « fossile » de son portefeuille, BNP Paribas a considérablement réduit sa production de nouveaux crédits au secteur pétrolier et gazier en 2023.  Par exemple, à fin 2023, le rapport entre les flux de financement octroyés par BNP Paribas aux acteurs spécialisés dans l’extraction et la production pétrolière et gazière et les flux de financement liés aux projets d’énergies renouvelables s’établit à 1 sur 11.”

    On décrypte :

    Tout comme les nouvelles émissions d’obligations, BNP semble reconnaître le problème que posent les prêts aux développeurs mais ne s’engage pas pour autant à renoncer à cette pratique nocive dans le futur. Même si la banque communique sur une baisse de ses prêts en 2023, elle continue de laisser la porte ouverte à de nouveaux prêts aux entreprises qui ouvrent des nouveaux champs de pétrole et gaz. C’est pourtant une ligne rouge si la banque souhaite respecter les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat et l’atteinte de la neutralité carbone d’ici 2050 : chaque nouvel euro accordé à un développeur est un euro de trop.

    Ainsi, en décembre 2023, BNP Paribas a contribué à un prêt de 3 milliards de dollars pour la major pétro-gazière italienne Eni (9). Si ce prêt, un sustainability linked loan (SLL), est censé être lié à l’atteinte d’objectifs climatiques, notamment de développement des renouvelables, rien ne garantit qu’il sera fléché vers un projet d’énergies renouvelables d’Eni. Par ailleurs, ces dernières sont cosmétiques pour Eni : l’entreprise investit moins de 7 centimes dans les énergies renouvelables pour chaque euro dépensé dans les énergies fossiles.

    La politique actuelle de BNP prévoit qu’elle n’accordera plus de crédits – faisant ici encore l’impasse sur les activités obligataires notamment – aux entreprises privées exclusivement actives dans l’exploration et production pétrolière, appelées “indépendants pétroliers” (10). C’est dans cette définition volontairement limitée que le bât blesse : BNP met de côté une partie restreinte de l’industrie, pour se laisser la possibilité d’en soutenir encore de nombreux acteurs, qualifiés de “diversifiés” par la banque. Parmi ces acteurs, on retrouve les grandes majors et entreprises d’Etat, fers de lance de l’expansion des hydrocarbures et clients importants de la banque. BNP Paribas s’est ainsi classée 1er financeur mondial des 9 majors européennes et américaines (11) entre 2016 et 2022 (12).

    Enfin, le ratio “1 sur 11” semble impressionnant mais il gomme une part importante des activités nocives de BNP : celle-ci ne parle encore une fois que des “acteurs spécialisés”. Autrement dit, cela ne concerne pas tous les développeurs, et notamment pas les majors pétro-gazières comme Total et Eni ou les entreprises publiques comme Saudi Aramco. Or comme on l’a expliqué ci-dessus, ces entreprises sont parmi les plus problématiques au regard de leurs investissements prévus dans les énergies fossiles, et notamment dans de nouveaux projets d’exploration et de production de pétrole et de gaz.

    1. En ce qui concerne son stock – ou exposition – de crédits, BNP Paribas affirme que : 

    Entre fin septembre 2022 et fin septembre 2023, BNP Paribas a baissé de 6,4 milliards d’euros son stock de crédits aux énergies fossiles, passant de 23,7 à 17,3 milliards d’euros. Le Groupe a pour objectif que sonstock des expositions de crédit à la production d’énergies bas carbone représente 90 % du stock des expositions de crédit à sa production d’énergies, et 10 % aux énergies fossiles en 2030.

    On décrypte : 

    BNP Paribas semble avec cette cible de réduction de son stock de crédits aux énergies fossiles reconnaître la nécessité d’engager une sortie des pétrole et gaz. Mais le compte n’y est toujours pas. Si cet engagement contraindra vraisemblablement la possibilité pour BNP Paribas de multiplier les nouveaux prêts au secteur, BNP Paribas maintient dans le même temps de nouveaux soutiens aux entreprises qui développent de nouveaux projets d’énergies fossiles – en atteste son prêt de décembre 2023 à Eni. La banque pourrait ainsi décider de privilégier certains de ses clients, et ce en dépit de leurs plans d’expansion dans les pétrole et gaz. Cela pose de lourds risques climatiques : un prêt accordé aujourd’hui et participant au développement d’un nouveau projet d’énergies fossiles ne figurera pas obligatoirement dans les encours de la banque en 2030, même si cette infrastructure continuera à polluer bien au-delà de 2030. 

    Finalement, pointons du doigt que le ratio entre stock de crédits à la production d’énergies bas carbone et stock de crédits aux énergies fossiles avancé par BNP Paribas est biaisé et peu exploitable. Déjà, car les périmètres associées au bas carbone d’une part, et aux énergies fossiles d’autre part, rendent cette comparaison incohérente. La banque inclut dans le “bas carbone” – donc dans les secteurs “verts” à faire croître – des secteurs aux impacts écologiques critiquables, tels que le nucléaire ou les biocarburants. Elle exclut par contre des “énergies fossiles” des pans entiers de l’industrie, et notamment les activités de transport, d’export – dont le GNL -, ainsi que de production d’électricité – centrales à gaz et au fioul. 

    Enfin, rappelons-le, il n’est question ici que des prêts. En se focalisant sur certains services financiers et pas d’autres dans le calcul de ce ratio, BNP omet volontairement les émissions d’obligations ou d’actions, quand ces modes de financement sont prépondérants dans le secteur des énergies fossiles. 

    BNP Paribas semble évoluer dans ses pratiques et politiques sur les énergies fossiles. Mais ces avancées restent trop largement insuffisantes et incertaines, en rythme et en ampleur au regard de son devoir de vigilance climatique, dès lors qu’elles ne permettent pas de garantir l’arrêt de tout nouveau service financier aux entreprises qui développent les pétrole et gaz, et parient ainsi contre la limitation du réchauffement climatique à 1,5 °C. Continuer à soutenir de telles entreprises est un jeu à somme négative, qui engage la responsabilité de BNP Paribas. C’est pourquoi, Les Amis de la Terre France, Notre Affaire à Tous et Oxfam France poursuivent leur action en justice contre BNP Paribas.

    Notes

    (1) Les Amis de la Terre France, 2022. Climat : BNP Paribas mise en demeure de stopper ses soutiens aux nouveaux projets d’énergies fossiles.

     (2) L’Affaire BNP, 2023. L’Affaire BNP revient : nous attaquons officiellement BNP en justice.

    (3) L’Affaire BNP, 2023. Les nouveaux engagements climatiques de BNP : beaucoup de bruit pour des effets très limités.

    (4) Le Monde, 2023. « Bombes carbone » : pourquoi les banques françaises peuvent financer les énergies fossiles malgré leurs engagements climat.

    (5) BNP Paribas a adopté des restrictions sur le financement de certains projets liés aux pétrole et gaz non-conventionnels – gaz de schiste, sables bitumineux, pétrole brut extra-lourd – et issus des régions arctiques et amazoniennes. 

    (6) BNP Paribas, 2024. Financement de l’énergie : la transformation du business model de BNP Paribas s’accélère, confirmée par différents classements.

    (7) Les Amis de la Terre France, 2023. Nouveaux chiffres : BNP, meilleure amie des énergies fossiles

    (8) Par exemple, BNP a pu faire un prêt à Total en 2022 qui dure 3 ans, qui apparaît encore dans son stock fin 2023.

    (9) Reclaim Finance, 2024. Publication Twitter

    (10) BNP Paribas, 2023. Politique pétrole et gaz.

    (11) BP, Chevron, ConocoPhillips, Equinor, Eni, Exxon, Repsol, Shell et Total.

    (12) Les Amis de la Terre France, 2023. Nouveaux chiffres : BNP, meilleure amie des énergies fossiles

  • Responsabilité des multinationales en Europe : la directive sur le devoir de vigilance des entreprises est adoptée par le Parlement européen

    Communiqué de presse, 24 avril 2024 – Ce mercredi, lors de la session plénière qui se déroule actuellement à Strasbourg, les députés européens ont voté pour le texte de compromis visant à instaurer un “devoir de vigilance” pour les entreprises multinationales. Il s’agit d’un pas historique vers la régulation des acteurs privés en matière de droits humains et de vigilance climatique. 

    Cette directive impose aux entreprises multinationales d’adopter des mesures de prévention, d’atténuation et de remédiation des atteintes aux droits humains et à l’environnement qui pourraient survenir le long de leur chaîne d’activités. La directive prévoit l’instauration d’une autorité nationale de contrôle désignée par chaque État membre. La responsabilité civile des entreprises pourra également être engagée dans certaines hypothèses. En matière climatique, la directive impose aux entreprises assujetties d’adopter un plan de transition (article 15), mais sans prévoir la possibilité d’engager leur responsabilité civile sur ce fondement, suite aux pressions des lobbies. 

    7 ans après l’adoption de la loi française sur le devoir de vigilance et 11 ans jour pour jour après la catastrophe du Rana Plaza, cette directive est une avancée importante, bien qu’insuffisante, dans la régulation des multinationales par les puissances publiques. L’Europe envoie un message aux autres continents qui hésiteraient à adopter des règles du jeu plus strictes pour les acteurs économiques. 

    Une directive attaquée de toutes parts, entre les conflits inter-institutionnels et l’immixtion des acteurs privés 

    Les eurodéputé.e.s se sont prononcé.e.s en faveur de la proposition de directive sur le devoir de vigilance des entreprises (CSDDD) approuvée le mois dernier par le Conseil de l’UE. Fruit d’un accord trouvé in extremis suite à un retournement de la position de plusieurs États membres, dont la France, cette directive a été attaquée et affaiblie tout au long du processus législatif qui dure depuis plus de 2 ans.

    Alors que la position du Parlement, votée en juin 2023, avait permis de réhausser l’ambition de la directive proposée par la Commission, puis amendée par le Conseil de l’UE, les négociations institutionnelles ont conduit à de nombreux reculs, au premier rang desquels l’exclusion du secteur financier et la définition étroite des atteintes à l’environnement. 

    Les réticences des États comme l’Allemagne ou la France, en écho au lobbying économique intensif des multinationales, ont contribué à déplacer le débat vers des préoccupations de compétitivité, occultant les questions de protection de droits humains et de l’environnement. Bien que la France se soit toujours affichée publiquement comme pionnière en matière de devoir de vigilance grâce à la loi de 2017 et en soutien d’une régulation européenne, elle a en réalité toujours défendu une version largement édulcorée de la directive. Soutenant l’exclusion des services financiers (prêts, obligations…), alors même que la loi française permet d’engager la responsabilité des acteurs financiers, elle a œuvré à réduire le champ d’application de la directive jusqu’au bout. 

    À force d’affaiblissements, l’accord voté aujourd’hui au Parlement européen pourrait s’avérer moins protecteur que la loi française de 2017 relative au devoir de vigilance des entreprises. L’enjeu sera désormais d’assurer une transposition en droit français capable de maintenir un niveau élevé de protection. L’article 15 relatif aux obligations climatiques devra en particulier être transposé de sorte à instaurer des obligations renforcées pour les entreprises, notamment sur les mesures à mettre en œuvre pour assurer la compatibilité de leur stratégie et modèle économique à l’Accord de Paris et les mécanismes de contrôle du respect de ces obligations. 

    Le 15 mai, le texte devra faire l’objet d’une approbation formelle par le Coreper, avant d’être voté par le Conseil de l’UE afin que les ministres donnent leur accord final.

    Contact presse

    Justine Ripoll, responsable de campagnes de Notre Affaire à Tous :
    justine.ripoll@notreaffaireatous.org

  • Mobilisation devant une enseigne Naturalia à Paris pour dénoncer les pratiques liées à la déforestation du groupe Casino en Amérique du Sud

    Mobilisation devant une enseigne Naturalia à Paris pour dénoncer les pratiques liées à la déforestation du groupe Casino en Amérique du Sud

    Communiqué de presse, Paris, le 18 mars 2024 – Ce samedi 16 mars, une mobilisation citoyenne a eu lieu entre 11h et 12h devant un magasin Naturalia à Paris, une enseigne du groupe Casino. Les représentant·e·s de peuples autochtones brésiliens Dinamam Tuxá, avocat et coordinateur exécutif de l’APIB et Eliane Bakairi, présidente de la FEPOIMT, ont pu dénoncer la déforestation et l’accaparement des terres en Amérique du Sud. Cette action a été organisée par les associations Envol Vert, Mighty Earth et Notre Affaire à Tous.

    Le 3 mars 2021, une coalition d’organisations représentatives des peuples autochtones brésiliennes et colombiennes (COIAB, FEFIPA, FEPOIMT et OPIAC) et d’associations internationales (Canopée, CPT, Envol Vert, FNE, Mighty Earth, Notre Affaire à Tous et Sherpa) ont assigné Casino en justice pour manquement à son devoir de vigilance. Elles reprochent à la chaîne de supermarchés de n’avoir pas pris les mesures nécessaires pour exclure la viande bovine liée à la déforestation et à l’accaparement de territoires autochtones de sa chaîne d’approvisionnement au Brésil et en Colombie.

    Casino, Naturalia et la déforestation

    Le groupe Casino possède en France les magasins Naturalia, enseigne de distribution spécialisée dans les produits issus de l’agriculture biologique et du commerce équitable. Leur objectif est de séduire une clientèle sensible aux enjeux environnementaux et soucieux d’avoir une consommation responsable. Des valeurs pourtant bien éloignées des activités reprochées au groupe Casino en Amérique du Sud dans de nombreux rapports. Le dernier en date, réalisé par InfoAmazonia, estime que la chaîne d’approvisionnement du groupe français a causé des dommages matériels estimés à 54,3 millions d’euros sur le seul territoire autochtone Uru-Eu-Wau-Wau. Un résultat qui ne refléterait qu’une infime partie de l’impact du groupe Casino et de ses chaînes d’approvisionnement dans ses activités passées.

    L’APIB et FEPOIMT à Paris pour défendre leurs droits 

    Les représentant·e·s de peuples autochtones Dinamam Tuxá et Eliane Xunakalo se sont déplacé·e·s à Paris afin d’alerter sur les violations de leurs droits causées par des entreprises françaises. Parmi les nombreuses rencontres organisées avec des associations et responsables politiques au cours de ce voyage, notamment au Sénat et au ministère de l’Écologie, iels ont également souhaité s’exprimer directement aux citoyen·ne·s français·se·s lors de cette mobilisation. Ce samedi 16 mars, Eliane Xunakalo a pu décrire les effets de la déforestation sur les peuples autochtones en déclarant que « nous devons examiner et repenser le mode de production qui détruit nos vies ».

    Les prochaines étapes du procès

    Alors que le groupe Casino a été assigné en justice il y a trois ans, le procès se cantonne pour l’heure aux questions de procédure. Une prochaine audience dématérialisée est prévue le 21 mars 2024 au cours de laquelle la coalition espère obtenir une première date de plaidoirie afin de conclure cette première étape de l’assignation. Suite à cela, les questions de fond, notamment les demandes au groupe Casino et les revendications des peuples autochtones pourront enfin être entendues par la justice française.

    Contacts presse

    Envol Vert : Baptiste Vicard, chargé de plaidoyer – b.vicard@envol-vert.org

    Notre Affaire à Tous : Vincent Bezaguet, chargé de campagne – vincent.bezaguet@notreaffaireatous.org

  • Devoir de vigilance européen : les États membres adoptent un texte ressuscité grâce à la mobilisation, mais affaibli par les lobbies

    Devoir de vigilance européen : les États membres adoptent un texte ressuscité grâce à la mobilisation, mais affaibli par les lobbies

    Communiqué de presse, 15 mars 2024 – Les États membres de l’Union européenne ont finalement trouvé un accord pour établir un devoir de vigilance européen pour les entreprises. En dépit de concessions importantes aux lobbies, cet accord politique ouvre la voie à l’adoption d’une législation européenne protégeant les droits humains, l’environnement et le climat.

    En décembre 2023, les États membres et le Parlement européen avaient trouvé un accord sur le devoir de vigilance des entreprises et la directive était prête à être adoptée. Las, l’Allemagne trahissait ensuite son engagement et annonçait son abstention sur le texte, avant que l’Italie et la France, par diverses manœuvres, ne viennent davantage menacer l’adoption du texte au Conseil de l’Union européenne.

    Alors que la France s’était engagée à soutenir cette Directive, elle avait finalement demandé de remonter significativement les seuils d’application, au dernier instant et en prenant de court tous ses interlocuteurs. Loin d’explorer des « voies de compromis » entre États membres, le décalage entre les déclarations publiques du gouvernement et sa position dans les négociations mettait en danger l’adoption du texte.

    Si l’accord trouvé aujourd’hui doit être salué, plusieurs modifications opérées au dernier instant pour satisfaire les Etats-membres récalcitrants sont néanmoins à déplorer.

    Par exemple, la directive prévoyait initialement d’assujettir les entreprises de plus de 500 salariés et disposant d’un chiffre d’affaires de 150 millions d’euros au devoir de vigilance. Désormais, le champ d’application est plus restreint : seront seules concernées les entreprises de plus de 1 000 salariés et comptant un chiffre d’affaires de 450 millions d’euros, soit une réduction des deux tiers du nombre d’entreprises couvertes. 

    Un tel remaniement du texte pour satisfaire les exigences de quelques États membres (dont la France) après l’aboutissement des trilogues, est un coup dur porté aux institutions européennes, à la veille des élections de juin prochain.

    Ce vote, qui n’est qu’un premier pas dans la bonne direction, démontre que rien n’est jamais acquis en matière de protection des droits humains et de l’environnement.

    Le texte validé aujourd’hui par les États membres au Conseil doit encore être voté au Parlement européen avant son adoption finale.

    Signataires

    Contacts presse

    Sherpa : Lucie Chatelain – Responsable contentieux et plaidoyer, lucie.chatelain@asso-sherpa.org

    Amis de la Terre France : Marcellin Jehl – Chargé de contentieux et plaidoyer, marcellin.jehl@amisdelaterre.org

    Notre Affaire à Tous : Justine Ripoll – Responsable de campagnes, justine.ripoll@notreaffaireatous.org

    CCFD-Terre Solidaire : Sophie Rebours – Responsable relations médias, s.rebours@ccfd-terresolidaire.org