Catégorie : Général

  • CP / Appel mondial pour que le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies reconnaisse d’urgence le droit à un environnement sûr, propre, sain et durable

    Communiqué de presse 


    Le 11 septembre 2020
     
    Ce vendredi 11 septembre, près de 840 organisations de la société civile, des mouvements sociaux, des communautés locales et des populations autochtones du monde entier appellent le Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies à reconnaître d’urgence le droit à un environnement sûr, propre, sain et durable. Cet appel intervient quelques jours avant la session du Conseil des droits de l’homme, qui débutera le 14 septembre 2020.
     
    Le droit à un environnement sain, déjà incorporé dans les lois et constitutions d’une majorité de pays, est pourtant encore souvent considéré comme un corollaire des droits fondamentaux. Le Conseil des droits de l’homme a par exemple déjà reconnu le droit à un environnement sain dans l’article 18 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et dans l’article 29 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. En France, ce droit a valeur constitutionnelle à travers son intégration dans la charte de l’environnement adossée à la Constitution en 2005. Néanmoins à l’échelle européenne ce droit ne peut encore être invoqué qu’au travers du droit à la vie privée et familiale (article 2 et 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme).
     
    Le droit à un environnement sain se caractérise comme le socle permettant la réalisation des droits fondamentaux. Pourtant, sa reconnaissance est encore balbutiante et ne prime pas suffisamment souvent dans sa confrontation avec d’autres droits fondamentaux tels que la liberté d’entreprendre.
     
    En effet, “un environnement sain est essentiel à la vie et à la dignité humaines. L’air que nous respirons, l’eau que nous buvons, la nourriture que nous mangeons et le climat propre au maintien de la vie dont nous jouissons dépendent tous d’écosystèmes sains, diversifiés, entiers et fonctionnels. Au vu de la crise environnementale mondiale qui actuellement met en péril et viole les droits de l’homme de milliards de personnes sur notre planète, la reconnaissance au niveau universel de ce droit est une question de la plus haute urgence. Comme nous le savons tous, il n’y a pas de droits de l’homme sur une planète morte”.
     
    Aujourd’hui, les organisations de la société civile, peuples autochtones, mouvements sociaux et communautés locales affirment qu’il est temps d’étendre cette reconnaissance pour la protection de toutes les personnes affectées par les impacts inégaux du changement climatique et prévenir les conséquences dévastatrices des dégradations environnementales sur les droits humains. De fait, la pandémie de la covid-19 nous a rappelé que le risque de propagation des maladies augmentera à mesure que les écosystèmes naturels continueront de se dégrader. Les signataires de l’appel affirment notamment que “les droits de l’homme doivent également être garantis quand nous sommes confrontés à de nouveaux défis environnementaux, comme des risques systémiques, des dégradations irréversibles, des pertes irremplaçables et des dommages irréparables, même lorsque de l’incertitude persiste. Ces défis doivent désormais être pris en compte lors de la mise en œuvre des droits de l’homme. Le droit à un environnement sain garantit l’interdépendance et l’indivisibilité des droits de l’homme et leur pertinence par rapport aux réalités environnementales.” 
     
    Pour l’association Notre Affaire à Tous : “L’intégration du droit à un environnement sain par le Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies reviendrait à le placer au sommet des normes juridiques, et donc à lui accorder la place qui lui revient. Cette reconnaissance à l’échelle internationale pourrait également pousser chaque Etat membre à intégrer ce droit dans leur propre constitution et permettrait ainsi à chacun et chacune de se voir garantir ce droit. Ces batailles normatives sont nécessaires à plusieurs échelles, tant au niveau international que national, pour faire en sorte que le droit réponde à la crise climatique que nous traversons actuellement. C’est dans cette optique qu’en France, Notre Affaire à Tous défend le projet de réforme de l’article 1er de la Constitution, visant à y inscrire la protection de l’environnement et de la biodiversité, le respect des limites planétaires ainsi que le principe de non-régression.”
     
    Contact presse :
    Cécilia Rinaudo : cecilia.rinaudo@notreaffaireatous.org – 06 86 41 71 81 

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  • Tribune : Face à la crise sanitaire : exigeons un droit à la hauteur de l’urgence climatique et environnementale

    100 spécialistes du droit s’engagent pour un droit à la hauteur de l’urgence climatique. Etudiants, juristes, avocats, ils veulent rappeler que le droit structure nos sociétés, qu’il ne peut y avoir une relance juste sans un droit juste. “Le gouvernement n’est pas au-dessus des lois” : notre constitution garantit un droit à un environnement sain, il n’est pas envisageable que la relance économique se fasse au détriment de celui ci.

    Pour cela ils préconisent ici le respect et l’amélioration de nos normes protectrices de l’environnement afin que les injections monétaires ne puissent se faire au détriment du vivant. Cette tribune annonce aussi un manifeste qui permettra d’approfondir et de concrétiser législativement ces recommandations. Ce sera une occasion d’ouvrir à toutes et tous le dialogue politique pour poser les fondations d’une société résiliente et respectueuse du vivant.

    L’épidémie du Covid-19 nous rappelle et confirme tristement l’impact des activités humaines sur l’environnement, le climat et les répercussions que celles-ci engendrent pour la santé humaine.

    Nous ne sommes aujourd’hui pas préparé·e·s pour répondre de façon solidaire, équitable et anticipée aux conséquences sanitaires découlant des prochaines catastrophes induites par le changement climatique, pas plus que nous ne l’avons été pour lutter contre celles résultant de la propagation du virus Covid-19.

    L’atténuation des émissions de gaz à effet de serre, le financement de projets d’adaptation des populations aux effets du changement climatique, la prévention des risques, la protection de la biosphère, ces thématiques ont toutes été discutées, institutionnalisées, elles ont parfois même été l’objet d’une concrétisation normative en droit international, européen ou droit interne. Pourtant, ces acquis institutionnels, politiques et juridiques fragiles et régulièrement remis en cause se trouvent dans cette période de crise sanitaire profondément affaiblis, vidés de leur substance.

    Nous le rappelons et le martelons : un retour à la normale de notre modèle économique et social n’est pas envisageable

    Le gouvernement s’apprête à mobiliser d’importants moyens financiers pour appuyer une « relance » de l’économie à la sortie du confinement. Cependant, la restructuration de l’économie n’est pas au-dessus des lois. Ce plan de sortie de crise doit être l’occasion de construire un droit en accord avec les textes internationaux et domestiques garants d’une haute protection de l’environnement.

    En effet, les dispositions prévues dans ces textes ne nous obligent pas seulement à veiller à la préservation de l’environnement. Elles nous imposent aussi, comme le prévoit l’article 1er de la Charte de l’environnement, de protéger le lien de dépendance vitale que nous avons avec lui. La protection de notre rapport collectif à l’environnement est donc au cœur de nos exigences constitutionnelles puisqu’il revient au législateur de garantir le “droit  [de chacun] de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé”. Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs récemment reconnu que la protection de l’environnement, “patrimoine commun des êtres humains”, constitue un objectif de valeur constitutionnelle qui peut justifier une « atteinte » à la liberté d’entreprendre[1].

    Des juristes force de proposition pour un droit respectueux du vivant

    Nous appuyons la nécessité de nous doter d’un droit à la hauteur de l’urgence climatique et de la lutte contre l’effondrement de la biodiversité. Juristes, avocat·e·s, universitaires et citoyen·ne·s mobilisé·e·s pour un renforcement de la protection de l’environnement, du climat et des droits humains, nous demandons :

    Que les lois qui encadreront le soutien de l’Etat aux entreprises en difficulté ne s’affranchissent pas des obligations climatiques et environnementales auxquelles l’Etat est tenu. Elles doivent être le reflet de ces principes constitutionnels garantissant notre droit à un environnement sain et à la protection du vivant.D’élaborer un plan de transformation de notre consommation énergétique définissant notre rapport aux ressources naturelles. Celui-ci devra contenir des objectifs législatifs contraignants et chiffrés, soutenus par des investissements forts dans les secteurs clefs, indispensables pour minimiser notre impact écologique : la rénovation thermique des bâtiments, le transport décarboné de personnes et de marchandises, les méthodes agricoles qui respectent le climat et la biodiversité, etc.

    D’augmenter les exigences de droit public de l’environnement encadrant la mise en oeuvre des projets d’infrastructures industrielles, commerciales ou même d’intérêt public. Les outils du droit de l’environnement voient leur mise en pratique être perpétuellement amoindrie. Les avis des commissions expertes (dans les domaines de l’eau, des espèces protégées etc.) deviennent consultatifs, les procédures sont réduites, accélérées, mutualisées, et les pouvoirs dérogatoires des préfets perpétuellement augmentés[2]. Il est urgent de cesser le détricotage du droit de l’environnement, de rétablir les limites procédurales et la légitimité des experts dans l’analyse des impacts environnementaux.

    De faire appliquer, renforcer et produire de nouvelles obligations environnementales et climatiques pour les multinationales, notamment les plus polluantes. Pour cela, la reprise rapide des travaux du gouvernement français sur la lutte contre la déforestation importée, la protection de la biodiversité et la fin de l’artificialisation des sols, ainsi que l’accélération du calendrier européen en matière de transformation agro-écologique de notre système alimentaire sont cruciales. Il est également essentiel d’établir un réel contrôle de la mise en oeuvre du devoir de vigilance opposable aux entreprises afin d’obtenir de celles-ci une mise en cohérence de leurs objectifs climatiques et environnementaux.

    De pérenniser les avancées en matière de droit de l’environnement en actant la modification de l’article 1er de la Constitution et la reconnaissance des limites planétaires. Cet article doit mentionner que la République agit pour préserver l’équilibre de l’écosystème Terre en luttant contre les dérèglements climatiques, en protégeant la biodiversité, et plus largement en respectant les limites écologiques de la planète, qui conditionnent le destin de l’humanité et de l’ensemble du monde vivant. Une telle modification imposerait à l’Etat une obligation de garantir la lutte contre le changement climatique et la préservation de la biodiversité dans le respect des limites planétaires, et éviterait tout retour en arrière de la législation environnementale grâce au principe de non-régression.

    De mettre en œuvre les mesures de lutte contre la criminalité environnementale, notamment celles liées à la lutte contre le braconnage. Plus encore, c’est l’application concrète du droit pénal de l’environnement dans son ensemble qui doit être repensée. Dès lors, nous devons inscrire le crime d’écocide dans notre droit pénal, demander sa reconnaissance au niveau européen et au niveau international dans le statut de la Cour pénale internationale, afin de mettre fin à l’impunité environnementale et de prévenir la destruction de grande ampleur des écosystèmes naturels terrestres et marins.

    De reconnaître la nature comme sujet de droit, afin de pouvoir défendre de manière préventive les droits des écosystèmes à exister, se régénérer et évoluer et d’affirmer nos liens d’interdépendance avec le reste du vivant.

    Afin d’étayer ces propositions que nous savons ambitieuses, nous publierons un manifeste dans le but de les transformer en une concrétisation législative. Pour cela, nous vous invitons toutes et tous à faire, vous aussi, vos contributions afin que les exigences constitutionnelles soient enfin respectées et transparaissent dans le droit qui structure notre société. 

    Une plateforme est disponible sous ce lien afin de recueillir vos suggestions et idées. Elles pourront être intégrées au manifeste afin de construire, ensemble, un droit à la hauteur de l’urgence climatique et environnementale.

    Notes

    [1] Décision n° 2019-823 QPC du 31 janvier 2020

    [2] L’exemple du récent décret du 8 avril 2020 est criant, celui-ci pérennise, suite à une expérimentation menée pendant près de deux années, la faculté donnée aux préfets de région et de département, en métropole et outre-mer, de déroger aux normes réglementaires notamment en matière d’urbanisme et d’environnement.

    Les signataires

    Cent juristes, avocats, étudiants et citoyen-nes engagé-es, membres de Notre Affaire à Tous, portent le droit de l’environnement comme seul cadre possible à une relance économique juste et viable.

    AMBROSELLI Etienne, Avocat au Barreau de Paris,

    BATO Clotilde, Présidente de Notre Affaire à Tous

    BAUDELIN Alexis, Avocat au Barreau de Paris

    BAUDOUIN Clothilde, Coordinatrice de la vie associative de Notre Affaire à Tous

    BELLÉE Éva, Juriste en droit public et en droit de l’environnement

    BOUAYAD Aurélien, Doctorant et enseignant en droit de l’environnement

    BRIENZA Bianca, Juriste droit public

    BUSSIERE Sophie, Avocate au barreau de Bayonne

    CABANES Valérie, Juriste internationaliste. Présidente d’honneur de Notre Affaire à Tous

    CACAUD Philippe, Juriste, consultant international, droit des pêches

    CASSAN-BARNEL Sandy, Juriste en Droit public

    CHAMBERT-LOIR Camille, Juriste en droit de l’environnement

    CLERC Antoine, Juriste

    COURLET MILON Lucile, Juriste

    COURNIL Christel, Professeure de droit public

    DAVAL Marianne, Référente du groupe local Notre Affaire à Tous Strasbourg

    de COURREGES Muriel, Juriste internationale, titulaire CAPA et LL.M. Georgetown, bénévole Notre Affaire à Tous

    DELEAU Delphine, Avocate de formation, spécialiste en éco conception

    DENIS Marine, Porte-parole de Notre Affaire à Tous, Doctorante en droit international, enseignante à Sciences Po

    DIOP Pathé, Docteur en Science politique, Chargé d’enseignement à l’Université Catholique de Lille

    DUBOIS Margaux, Juriste en Droit de l’environnement

    GERBIER Chloé, Coordinatrice groupe juristes de Notre Affaire à Tous

    GUINARD Dorian, Maître de conférences de droit public à l’IEP de Grenoble

    HAMEL Samy, Juriste en Droit public

    HEDDI Pierre, Avocat au barreau de Paris

    HELLE-NICHOLSON Julien, Juriste en Droit de l’environnement

    HILLAIREAU Léa, Juriste pour l’ONG Climate Parliament

    JARLAND Lucie, Juriste en droit de l’environnement

    JEAN-MEIRE Pierre, Avocat au barreau de Nantes

    JOUAYED Célia, Juriste en Droit public et Droit de l’environnement

    LAFOUGE Martin, Juriste titulaire du CAPA

    LAILLER Chloé, Juriste en droits de l’Homme

    LASFARGEAS Sylvia, Avocate au barreau de Paris

    LUDWIG Marie-Hélène, Avocate au Barreau de Paris

    MANCEL Thomas, Juriste

    MABILE Sébastien, Avocat au Barreau de Paris, Docteur en droit, Enseignant à Sciences Po

    MEERPOEL Matthieu, Docteur et Enseignant-Chercheur en Droit public

    MERIGUET Nina, Juriste Droit de l’environnement

    MOGUEN Céline, Juriste française titulaire du CAPA et solicitor britannique.

    MONCOND’HUY Gabrielle, Juriste titulaire du CAPA

    MOUGEOLLE Paul, Doctorant – juriste chargé du contentieux contre Total à Notre Affaire à Tous

    NOILHAC Amélie, Juriste en droit des énergies et de l’environnement

    PANISSET Camille, Référente du groupe local Notre Affaire à Tous Lyon

    PERIGOT Manuel, Avocat au Barreau de Paris

    POCHON Marie, Secrétaire Générale de Notre Affaire à Tous

    PRIOUR Edgar, Juriste territorial

    RAFFIN Edouard, Avocat au Barreau de Lyon

    RINAUDO Cécilia, Coordinatrice Générale Notre Affaire à Tous

    ROBBA Anna, Juriste en droit de l’environnement

    ROBIOU du PONT Yann, Climatologue

    ROTH Xavier, Juriste en droit public

    SALOMÉ Jeanne, Juriste, Conseillère ONG, Bénévole Traduction Notre Affaire à Tous

    SARDET Juliette, Juriste en droit international

    SPIELEWOY Pierre, Doctorant en droit international de l’environnement

    STURM Sailor, Avocat au Barreau de Grasse

    SURAN Ilona, Coordinatrice partie juridique du groupe “Technologies Sociales” de l’Université Fédérale de Sergipe (Brésil)

    TICHOUX Julie, Juriste en droit public

    TOUSSAINT Marie, Juriste, Fondatrice de Notre Affaire à Tous

    VAN VLASSELAER Marie, Juriste, vacataire tribunal administratif

    VICENTE Marie, Juriste, référente du groupe Éducation & Sensibilisation de Notre Affaire à Tous Grenoble

    VONDERSCHER Flavie, Juriste en droit de l’environnement

    YZQUIERDO Marine, Avocate au barreau de Paris, coordinatrice Plaidoyer au sein de Notre Affaire à Tous

    ZALCMAN Julie, Membre de la coordination de Notre Affaire à Tous

    ANTOINE Marisa, Étudiante en droit public

    BANULS Justine, Étudiante en droit public

    BARBÉ Laure, Élève-avocate au barreau de Paris

    BIONDO Martina, Élève-avocate au Barreau de Milan

    CHAGNAUD Alice, Étudiante en droit des collectivités territoriales

    CHAPLAIN Roxane, Responsable du groupe sensibilisation-éducation de Notre Affaire à Tous, Étudiante en droit de l’environnement

    COHEN Salomé, Élève-avocate au barreau de Paris

    CORREIA Caroline, Étudiante en droit international public

    DUVAL Claire, Étudiante en droit international public

    GUIBERT Hélène, Élève-avocate au barreau de Paris

    LABBE Pascal, Étudiante en droit

    LASSINE Margot, Étudiante en Licence de Droit

    LEMIRE Adèle, Étudiante en Droits de l’Homme

    SUILS PORTE Marine, Étudiante en droit de l’environnement

    THIEBOLD Elena, Étudiante en droit de l’environnement

    VAUCHER Maréva, Étudiante en contentieux publics

    VON MINDEN Hannah, Étudiante en droit international

    ANDERSON Antoine, Agent de collectivité locale Chargé de mission

    BARBISAN Guido, Citoyen engagé

    BOSSE Charline, Citoyenne engagée

    BOUVET César, Étudiant engagé

    CAZIN Nina, Étudiante en sciences politiques

    CORNELISSEN Adrien, Citoyen engagé

    DEHAIS Adeline, Citoyenne engagée

    DONNEGER Marc, Thermicien

    DUTHOIT Louis, membre du groupe multinationales de Notre Affaire à Tous

    GLAICHENHAUS Kevin, Monteur Vidéo

    GOURMEL Jonathan, Citoyen engagé, bénévole Notre Affaire à Tous

    LESTERQUY Pauline, Économiste chercheur – Enseignante à Sciences Po

    MOUREAUD Séverine, Enseignante d’histoire-géographie et membre du groupe sensibilisation-éducation de Notre Affaire à Tous

    NOGUES BRUNET Hélène, Citoyen engagé. Animateur formateur La Fresque du Climat

    PERRONNET Franck, Membre du groupe inégalités climatiques

    PIPITONE Béatrice, Agent de l’Etat

    RAY Marie Hélène, Citoyenne, traductrice bénévole à Notre Affaire à Tous

    ROCHER Antoine, Citoyen engagé

  • Covid-19 – Crise sanitaire et urgence climatique et environnementale

    L’un des aspects les plus visibles de la crise est le risque que fait courir l’inaction de l’Etat sur la santé et la sécurité de ses citoyen-nes. L’épidémie actuelle met aussi le doigt sur les liens qui unissent la santé et l’environnement. Il est nécessaire que nous tirions les leçons de la crise sanitaire du Covid-19 au lieu de se tourner vers une relance consumériste.

    Pourquoi ne pas saisir l’occasion d’organiser une relance verte et solidaire, compatible avec la transition écologique ?

    La sortie de crise doit aussi nous mener vers une société plus solidaire envers les plus vulnérables afin de réduire les inégalités. Une nouvelle approche à la nature et le développement de moyens pour anticiper les crises sont nécessaires. Car ce que le COVID19 a montré, c’est qu’il est plus que jamais temps d’envisager un contrat naturel, qui transforme notre contrat social actuel pour faire vivre la justice dans l’harmonie avec la nature. Nous devons tout changer ; nous ne pouvons repartir “comme avant” alors même que des millions de vies sont encore menacées par le coronavirus, ainsi que par toutes les maladies reliées à nos conditions environnementales de vie.

    La tribune de Notre Affaire à Tous

    Les tribunes se succèdent, les citoyens, ONG, fonctionnaires de l’hôpital public, tous et toutes crient un message : “Plus jamais ça”; “On n’oubliera pas”, “Nous ne voulons pas de retour à la normal”. 

    Pour ce monde d’après, ce jour d’après, cette société de l’après que les tribunes appellent de leurs souhaits, il est essentiel de rappeler et de revoir les structures et bases même de notre société. 

    Ces fondements de la société c’est l’outil du droit qui les façonne et les cadre.

    C’est pourquoi 100 spécialistes du droit s’engagent pour un système juridique à la hauteur de l’urgence climatique. Ils se mettent donc au service des revendications ayant récemment émergé, pour construire, avec toutes et tous, une société respectueuse du vivant.

    Ils rappellent que  “Le gouvernement n’est pas au dessus des lois” : notre constitution garantit un droit à un environnement sain, il n’est pas envisageable que la relance économique se fasse au détriment de celui ci. Pour cela ils préconisent ici le respect et l’amélioration de nos normes protectrices de l’environnement afin que les injections monétaires ne puissent se faire au détriment du vivant.

    Les tribunes co-signées par Notre Affaire à Tous

    Appel commun à la reconstruction

    « Appel commun à la reconstruction » : construire demain avec les recettes d’hier ? pas question !

    Avec plus de 70 organisations Notre Affaire à Tous lance un grand Appel citoyen pour interpeller les décideurs et leur demander une réelle reconstruction écologique, sociale et sanitaire.

    Pandémies, dérèglement climatique, inégalités sociales… Notre société est vulnérable, et nous en avons plus que jamais conscience. Nous ne pouvons pas rétablir le monde d’hier.  

    Face à la crise actuelle, des mesures de relance économiques vont être prises par les décideurs. Mais avons-nous vraiment envie de relancer ce système qui ne tourne pas rond ? 

    Puisque c’est ensemble que nous ferons changer les choses, citoyennes, citoyens, c’est le moment de passer à l’action !

    Plus jamais ça : Préparons le monde d’après !

    Face à « la crise du coronavirus » des organisations réclament « de profonds changements de politiques », pour « se donner l’opportunité historique d’une remise à plat du système, en France et dans le monde ».

    À la suite de la tribune « Plus jamais ça, préparons le jour d’après », seize organisations, lancent une pétition nationale pour défendre des mesures urgentes et de plus long terme, porteuses de profonds changements politiques. 

    Cette pétition appelle les citoyen·ne·s, qui partagent le constat dressé d’urgence sociale et écologique et en ont assez des discours creux, à se mobiliser pour que le « Jour d’Après » soit construit ensemble, en rupture avec les politiques menées jusque-là. Les solutions existent, agissons !

    Convention Citoyenne : la démocratie confinée, ou la nécessité de penser l’après-Covid

    Malgré la crise sanitaire que nous traversons, les 150 citoyen.ne.s de la Convention Citoyenne pour le Climat continuent à travailler, confiné.e.s chez eux. Les 3 et 4 avril dernier, réuni.e.s pour une session exceptionnelle en ligne, ils et elles ont décidé de peser sur le plan de sortie de crise du gouvernement en lui transmettant 52 de leurs mesures, accompagnées pour la première fois d’une adresse aux Français.es. Ainsi, leurs propositions pourraient bien influencer l’après-Covid. Nous sommes tou.te.s concerné.e.s.

    D’ailleurs, depuis le début, les travaux des 150 citoyen.nes concernent l’ensemble des Français.es. Ils les impliquent également : par exemple, la population sera peut-être amenée à se prononcer par référendum sur une réforme de la Constitution. Ainsi, il est essentiel que le texte fondateur de notre Vème République puisse garantir la préservation de la biodiversité et la lutte contre le dérèglement climatique. Faire de la Constitution un outil juridique efficace pour respecter les limites planétaires (les neuf grands systèmes régulant la stabilité de la vie sur Terre), et pas seulement un texte symbolique, est un défi de taille.

    C’est l’occasion pour tou.te.s de prendre connaissance de leurs travaux et de mieux comprendre leur importance.

    Les autres tribunes signées par Notre Affaire à Tous

  • La bibliothèque de Notre Affaire à Tous

    Les ouvrages de Notre Affaire à Tous et ses membres

    « Crime Climatique Stop ! »

    « Des droits pour la nature »


    Ce livre porte la voix de personnalités du monde entier, de chercheurs conscients de l’impasse actuelle, mais aussi celle d’innombrables victimes, réfugiés climatiques et collectifs en lutte contre la machine à réchauffer la planète. Tous nous rappellent la réalité du réchauffement climatique en cours, les souffrances et les inégalités qu’il produit et nous montrent les voies pour sortir de l’âge des fossiles. Les auteurs lancent ensemble un appel à la mobilisation, pour construir un vaste mouvement qui refonde nos sociétés. 

    Crime climatique stop, Le Seuil, 27/08/2015, 320 pages, collectif, avec la contribution de Valérie Cabanes

    Ce livre a été écrit dans le cadre du troisième Tribunal international des droits de la Nature qui s’est tenu à Paris en décembre 2015.

    Après la vague de conquête des droits individuels et politiques puis celle des droits sociaux, il convient d’inventer et obtenir de nouveaux droits sécurisant la Terre et ses habitants. C’est une lacune du droit international : rien aujourd’hui ne permet aux victimes d’injustices environnementales de réclamer l’application de leurs droits. 

    Des droits pour la nature, éditions Utopia, décembre 2015, avec les contributions de Valérie Cabanes, Samanta Novella et Marie Toussaint


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    « Un nouveau droit pour la Terre »

    « Homo Natura »


    Peuples et sociétés sont dépossédés de leurs moyens d’existence à travers le monde par la destruction de leur environnement. Face à cet écocide, comment repenser les droits de l’homme ? L’écocide n’est pas un crime de plus, s’ajoutant à toutes les autres atteintes aux droits humains. Il est désormais le crime premier, celui qui ruine les conditions mêmes d’habitabilité de la Terre. D’ores et déjà, les dérèglements en cours attisent injustices et tensions géopolitiques tandis que les saccageurs de la planète restent impunis.
    Aussi est-il urgent de revendiquer de nouvelles formes de responsabilité et de solidarité. Urgent de redéfinir un nouveau sens et de nouveaux cadres à l’action humaine au sein des limites planétaires. 

    Un nouveau droit pour la Terre, Pour en finir avec l’écocide, Valérie Cabanes, Le Seuil, collection l’Anthropocène, juin 2016, 368 pages

    En guise de préface : quelques lignes d’Edgar Morin, parce que les idées exprimées dans ce livre entrent en résonance avec celles qu’il défend.   Grâce à des conditions climatiques favorables et à des milieux de vie fertiles et foisonnants de biodiversité, nous avons prospéré pendant des millénaires.

     Toutefois, depuis deux siècles, nous avons aussi malmené l’écosystème qui nous abrite et nous nourrit car nous évoluons comme hors-sol, isolés du reste du vivant, oubliant que nous sommes des êtres de nature.   Nous devons réapprendre, à l’image des peuples premiers, notre rôle de gardiens. 

    Homo Natura, En harmonie avec le vivant, Valérie Cabanes, Buchet & Chastel, octobre 2017, 128 pages


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    « Les procès climatiques : Entre le national et l’international »

    Le droit international du climat a conduit les États du monde entier à adopter, depuis les années 2000, des lois portant sur la réduction et l’adaptation aux changements climatiques. Comme résultat de ce phénomène d’internalisation du droit international, des droits et obligations ont été progressivement affirmés au niveau domestique et invoqués par des acteurs très différents devant les tribunaux nationaux : soit pour contester leurs contenus (trop ou pas assez exigeants), soit pour enjoindre à l’État ou ses autorités d’aller plus ou moins loin (selon les requérants) et d’être plus ambitieux dans la planification des objectifs climatiques, ou encore afin d’engager la responsabilité des entreprises polluantes. Lire la suite >

    Les procès climatiques, collectif coordonné par Christel Cournil et Léandro Varison avec la participation de nombreux.ses membres de Notre affaire à tous, octobre 2018, Pédone, 298 pages

    Nos suggestions de lecture

    Inégalités et injustices climatiques et environnementales

    Responsabilisation des multinationales et de l’Etat

    A L’INTERNATIONALE : 

    EN FRANCE : 

    SUR L’INACTION DE L’ETAT

    SUR LES MULTINATIONALES  

    Sur les limites planétaires :

    Planetary Boundaries: Exploring the Safe Operating Space for Humanity, Ecology and Society, 2009

    Rapport Planète Vivante, WWF, 2018

    Etude Planetoscope-ConsoGlobe


    Voir notre bibliographie sélective complète

  • Appel à bénévoles – Traduction

    Vous souhaitez vous engager dans le combat pour la justice climatique et le droit de l’environnement ? Vous avez des compétences juridiques et en traduction et voulez les mettre à profit pour faire avancer cette cause ? Cet appel est fait pour vous !

    Notre Affaire à Tous est à la recherche de personnes motivées pour former un groupe de bénévoles pouvant traduire nos contenus en différentes langues : qu’importe votre langue de spécialité, nous sommes ravi-es de vous compter parmi nous ! L’objectif est que nos documents et supports soient accessibles pour un public non francophone. Ces traductions seront souvent techniques et nécessitent un minimum de compétences juridiques.

    En quoi cela consiste ?

    – Traduction de documents juridiques (mise en demeure, interpellation, recours administratif, etc.), décisions de justice et fiches d’arrêts

    Traduction de communiqués et dossiers de presse 

    Traduction de rapports de recherche produits par les membres de l’association

    – Traduction de la newsletter des affaires climatiques

    Combien de temps ça prend

    Chacun-e peut s’investir selon ses disponibilités !

    Vous êtes intéressé-es ? Devenez adhérent-e et envoyez un mail à clothilde.baudouin@notreaffaireatous.org, avec comme objet “Appel à bénévoles : traduction”

    Vous souhaitez nous rejoindre d’une autre manière ? Retrouvez tous nos groupes de travail ici ou envoyez un mail à contact@notreaffaireatous.org.

  • CP / Justice climatique : des jeunes sud-coréens déposent un recours constitutionnel contre l’inaction de leur gouvernement face à la crise climatique

    Communiqué de presse – 13 mars 2020

    C’est une nouvelle étape pour la justice climatique mondiale : ce vendredi 13 mars, un groupe de jeunes sud-coréens dépose un recours constitutionnel contre l’inaction du gouvernement face à la crise climatique. Il s’agit de la première action en justice de ce type intentée par des jeunes en Asie.  

    Pour les plaignant-es de Youth 4 Climate Action, l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre adopté par leur gouvernement est inadéquat, et en tant que tel, viole la protection de leurs droits fondamentaux, pourtant garantis par la Constitution. Les conséquences négatives des changements climatiques impactent déjà le quotidien des jeunes sud-coréen-nes qui ne supportent plus l’inaction climatique et le manque d’ambition de leur représentant-es. Pour les plaignant-es, la passivité des pouvoirs publics témoigne de leur incapacité à protéger la population des risques catastrophiques de la crise climatique :

    « Les adultes disent que l’avenir est prometteur et que l’on peut faire beaucoup de choses, mais à ce rythme, la température mondiale atteindra 1,5 °C de plus que les niveaux préindustriels dans sept ans seulement. J’ai peur, parce que d’ici là, je n’aurai que 23 ans et je serai confrontée à une vie d’incertitude en raison du potentiel d’impacts climatiques catastrophiques. En entreprenant ce procès, je veux exiger que le gouvernement prenne la responsabilité de protéger sa population contre le changement climatique » pour Do-hyun Kim, l’une des plaignante de l’affaire. 

    « C’est mon droit de rêver de mon avenir à l’abri de la menace de la crise climatique. J’espère que nos demandes pourront être entendues par les décideurs afin que ma génération puisse vivre notre vie et profiter des choses que les générations précédentes ont considérées comme acquises” pour Hae-young Yoon, plaignant de l’affaire.

    Les plaignant-es attaquent notamment l’article 25 du décret d’application de la loi cadre sur la croissance verte et bas carbone, dont l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre est encore largement inadéquate par rapport à l’ampleur de la crise et incompatible avec l’Accord de Paris. Le choix de porter l’affaire devant la Cour Constitutionnelle est également révélateur : les plaignant-es critiquent le manque de démocratie et de transparence de l’adoption de cet outil législatif, qui reviendrait à laisser au seul gouvernement le pouvoir de fixer unilatéralement les objectifs climatiques, sans permettre aux citoyen-nes de participer à la décision. Pourtant en Corée du Sud, c’est à l’Assemblée nationale de légiférer en matière de protection des droits fondamentaux et non pas au gouvernement. 

    Pour Byung-Joo Lee, avocat et représentant des plaignant-es : « La Cour constitutionnelle de Corée est bien connue pour être en première ligne dans la défense des droits fondamentaux des citoyens ordinaires. S’ils défendent le droit à la vie de la génération future tout en veillant au destin de l’humanité, ce sera le jugement du siècle ».

    Pour Cécilia Rinaudo de Notre Affaire à Tous : “Une fois de plus, les citoyen-nes se saisissent du droit pour dénoncer l’inaction coupable des Etats face à l’urgence climatique. La détermination des jeunes sud-coréen-nes pour la protection de leur avenir et de leurs droits témoigne de la volonté sur tous les continents de s’approprier les instruments juridiques pour contraindre les dirigeant-es à l’action. L’Affaire du Siècle et ses deux millions de soutiens en sont l’exemple”. 

    Pour aller plus loin, vous trouverez le communiqué de presse officiel ainsi que le résumé du recours et le Facebook live du lancement.

    CONTACTS PRESSE : 

    • Notre Affaire à Tous : Cécilia Rinaudo – 06 86 41 71 81 – cecilia@notreaffaireatous.org
    • European Climate Foundation : Charlotte Daviau – 06 28 78 77 74 
  • CP / La décision du Conseil Constitutionnel crée un tournant historique pour la protection de l’environnement et la justice climatique !

    Communiqué de presse – 31 janvier 2020

    Ce vendredi 31 janvier, le Conseil Constitutionnel a rendu une décision historique qui marque une réelle rupture dans l’arbitrage habituel entre liberté d’entreprendre et protection de l’environnement. Le Conseil d’Etat avait adressé au Conseil une question prioritaire de constitutionnalité déposée par l’Union de l’industrie de la protection des plantes (regroupant les entreprises de production de produits phytosanitaires en France). Par cette décision, il reconnaît la protection de l’environnement comme objectif à valeur constitutionnelle et rappelle que la protection de la santé est revêtue de cette même valeur.

    L’Union de l’Industrie de la Protection des Plantes (UIPP) contestait la conformité à la Constitution d’un article de la loi Egalim du 30 octobre 2018 interdisant la production, le stockage et la circulation de certains produits phytosanitaires en France mais aussi à destination de pays tiers. La question prioritaire de constitutionnalité interroge plus spécifiquement la constitutionnalité de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.

    Cette disposition interdit la production, le stockage et la circulation en France des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non-approuvées par l’Union européenne, en raison de leurs effets sur la santé humaine, la santé animale ou l’environnement. Elles font ainsi obstacle non seulement à la vente de tels produits en France mais aussi à leur exportation. 

    L’UIPP considère que cette interdiction prévue par le législateur porte atteinte à la liberté d’entreprendre tirée de l’article l’article 4 de la Déclaration de 1789. Le Conseil constitutionnel était donc appelé à concilier cette liberté et la protection de l’environnement.

    Il reconnaît un nouvel objectif à valeur constitutionnelle à partir du préambule de la Charte de l’environnement. Si le caractère contraignant des objectifs à valeur constitutionnelle est relatif, la décision du 31 janvier 2020 vient à tout le moins placer la protection de l’environnement à un niveau équivalent à la liberté d’entreprendre et à d’autres objectifs à valeur constitutionnelle. Cet objectif sera à prendre en compte dans la conciliation avec d’autres valeurs protégées par la Constitution. De plus, il qualifie l’environnement de “patrimoine commun des être humains”. Une telle formulation n’est pas neutre : elle permet de prendre en compte les effets de la pollution tant en France qu’à l’étranger, mais pourrait également constituer une avancée pour la reconnaissance des droits de la nature.

    Une avancée majeure pour le droit de l’environnement mais aussi pour le législateur 

    Dans cette décision, le Conseil constitutionnel confirme le caractère constitutionnel de la protection de l’environnement et considère que cet objectif, ensemble avec celui de protection de la santé, peut justifier une atteinte à la liberté d’entreprendre lorsqu’elle est motivée par des objectifs de protection de la santé et de l’environnement peut être conforme à la Constitution. Cette décision est courageuse et témoigne de la prise en compte par les juges du caractère prioritaire de la protection de l’environnement après avoir passé des décennies à privilégier la liberté d’entreprendre dans la conciliation des principes constitutionnels.

    Le Conseil Constitutionnel énonce : “En faisant ainsi obstacle à ce que des entreprises établies en France participent à la vente de tels produits partout dans le monde et donc, indirectement, aux atteintes qui peuvent en résulter pour la santé humaine et l’environnement et quand bien même, en dehors de l’Union européenne, la production et la commercialisation de tels produits seraient susceptibles d’être autorisées, le législateur a porté à la liberté d’entreprendre une atteinte qui est bien en lien avec les objectifs de valeur constitutionnelle de protection de la santé et de l’environnement poursuivis

    “Cette décision historique envoie un signal fort sur les plans juridiques et politiques”, commente Marine Denis, porte-parole de l’association Notre Affaire à Tous. “La protection de l’environnement et de la santé sont affirmés et confirmés par le Conseil constitutionnel ; ces objectifs à valeur constitutionnelle pourront être invoqués dans de futurs contentieux environnementaux et climatiques. De plus, cette décision peut donner du courage au législateur : à l’argument du pragmatisme économique souvent défendu par les Ministres et la crainte de voir un amendement “retoqué” par le Conseil Constitutionnel pour violation de la liberté constitutionnelle d’entreprendre, les député.e.s pourront désormais opposer cette décision.”

    Contact presse : 

    Notre Affaire à Tous, Cécilia Rinaudo, coordinatrice générale : 06 86 41 71 81 

  • CP / Insuffisance de la loi climat énergie : Notre Affaire à Tous et plusieurs avocats devant le Conseil Constitutionnel

    Communiqué de presse – 15 octobre 2019

    Malgré ses promesses réitérées auprès des français-es et de la communauté internationale, le gouvernement persiste et signe dans l’insuffisance en matière d’action climatique. Le projet de loi énergie-climat adopté définitivement le 26 septembre 2019 n’est pas à la hauteur des enjeux pour protéger la planète, les droits humains et respecter la Constitution de la France.

    En ce mardi 15 octobre 2019, Notre Affaire à Tous, accompagnée par le cabinet Vigo (nous représentant dans l’Affaire du Siècle) et Seattle Avocats (nous représentant dans l’affaire Total), soumet au Conseil constitutionnel, dans le cadre d’un contrôle de constitutionnalité, une contribution extérieure visant à démontrer les insuffisances et manquements à la Constitution du projet de loi énergie-climat. 

    Ce projet de loi ne met pas en oeuvre les moyens suffisants pour assurer une lutte adéquate contre le changement climatique et ne satisfait pas aux demandes formulées dans l’Affaire du Siècle. En effet, différents objectifs inclus dans la loi, dont l’objectif de neutralité carbone, sont insuffisants à plusieurs égards. La division par 6 des émissions de GES ne permet pas de garantir l’atteinte de cette neutralité et les objectifs intermédiaires pour y parvenir ne sont pas assez ambitieux. De plus, aucune mesure de réduction des émissions des plus gros pollueurs comme Total n’est prévue dans la loi. 

    Notre Affaire à Tous considère que ces dispositions constituent un manquement à l’obligation constitutionnelle de vigilance qui s’impose au législateur en matière environnementale. L’association demande également au Conseil constitutionnel de reconnaître le droit de vivre dans un système climatique soutenable, au titre des droits protégés par la Constitution.

    « Malgré les actions en justice contre la France pour inaction climatique par la Ville de Grande-Synthe, par les organisations de l’affaire du siècle soutenues par 2,3 millions de signataires, le gouvernement persiste dans l’immobilisme et une inaction l’intolérable insuffisance, au regard même de la loi », défend Marie Pochon, coordinatrice de Notre affaire à tous.

    « Cette saisine par les parlementaires est une opportunité pour le Conseil constitutionnel de renforcer la protection des droits fondamentaux, ajoute Théophile Keïta, en charge du dossier. Nous espérons du Conseil Constitutionnel, qui a déjà reconnu une obligation de vigilance environnementale, une décision très ferme permettant de mieux contraindre l’Etat en matière de lutte contre le changement climatique”.

    Notre Affaire à Tous demande au Conseil constitutionnel de censurer la loi, ou à tout le moins de relever les manquements exposés. La décision du Conseil constitutionnel est attendue pour début novembre. 

    L’argumentaire a été développé par différent-es membres de l’association Notre Affaire à Tous (avec l’aide des cabinets d’avocats Vigo et Seattle).

    Télécharger l’argumentaire de Notre Affaire à Tous

    Télécharger le communiqué de presse au format PDF

    Contacts presse 

    Marie Pochon, Coordinatrice Générale, Notre Affaire à Tous, 06 52 26 19 41 marie@notreaffaireatous.org 

    Annexe – éléments complémentaires 

     

    • Qu’est-ce que le mécanisme de la contribution extérieure au Conseil constitutionnel 

    La contribution extérieure  désigne une intervention déposée auprès Conseil constitutionnel par des acteurs de la société civile ou du monde politique lors d’un contrôle a priori de la loi, c’est à dire avant que la loi ne soit promulguée. Ce contrôle constitutionnel de la loi a lieu si 60 députés ou sénateurs ou plus saisissent le Conseil constitutionnel. Les contributions extérieures, permettent au Conseil d’éclairer voire même d’influencer ses décisions. Fortement critiquées pour leur caractère secret, le Conseil s’est engagé à publier leur contenu en mai 2019 . 

     

    • Rappel de la loi énergie climat

    Le projet de loi relatif à l’énergie et au climat (“le projet de loi énergie-climat”) a été présenté en Conseil des ministres le 30 avril 2019 par le ministre de la transition écologique et solidaire, et a été adopté par le Parlement le 26 septembre dernier, à la suite d’une procédure accélérée impliquant la convocation d’une commission mixte paritaire pour parvenir à un accord de compromis entre l’Assemblée Nationale et le Sénat.

    Ce projet de loi vient actualiser les objectifs de la politique de l’énergie au regard du Plan climat adopté en 2017, de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) pour 2019-2033 adoptée en décembre 2018 et du nouveau projet de Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) pour 2019-2028 de janvier 2019. La SNBC et la PPE sont des instruments réglementaires de pilotage de la politique énergétique créés par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015, visant l’objectif  neutralité carbone à l’horizon 2050. 

    Si ce projet de loi est important pour les trajectoires que se fixe la France, Notre Affaire à Tous regrette toutefois qu’il ne soit pas à la hauteur de l’urgence qu’impose le changement climatique et des ambitions pourtant prises par l’Etat français en matière climatique. 

    • Quelles sont nos critiques de la loi ? 

    Notre Affaire à Tous considère que le projet de loi énergie-climat comporte différents manquements à l’obligation constitutionnelle de vigilance. Ceux-ci ne permettent pas de garantir le respect du droit fondamental de vivre dans un système climatique soutenable. 

     

      • Manquements à l’obligation environnementale de vigilance

    Notre affaire à tous considère que le gouvernement n’a pas suffisamment observé cette obligation au cours de l’élaboration du projet de loi en procédure accélérée à de multiples égards :

    • l’objectif de neutralité carbone et la division par 6 des émissions à l’horizon 2050 sont insuffisants en soi;

    • le projet de loi ne prend pas en compte les émissions extraterritoriales; 

    • l’atteinte de l’objectif de neutralité carbone est incertaine faute de mesures de financement existantes;

    • l’objectif de neutralité carbone ne devrait pas être cantonné au seul domaine de l’énergie;

    • les objectifs intermédiaires sont largement insuffisants; 

    • enfin, aucun pouvoir d’injonction à un organe indépendant chargé de garantir la mise en oeuvre de la neutralité carbone en ultime recours n’a été attribué.

      • Volonté de reconnaissance du droit de vivre dans un système climatique soutenable

    A plusieurs égards le projet de loi énergie-climat peut constituer un manquement au droit constitutionnel de vivre dans un système climatique soutenable. Un principe général du droit portant le droit de vivre dans un système climatique soutenable a été soutenu dans le recours porté par les 4 associations requérantes de “L’affaire du siècle”. Notre affaire à tous souhaite que le Conseil constitutionnel reconnaisse que ce droit fasse partie des principes à valeur constitutionnelle, permettant de contrôler la conformité de l’action du législateur à la Constitution. 

  • Lutter contre le changement climatique par la désobéissance civile, un état de nécessité devant le juge pénal ?

    Par Paul Mougeolle et Antoine Le Dylio de Notre Affaire à Tous, dans La Revue des Droits de l’Homme, Octobre 2019

    Face à la crise climatique, assistons-nous aux prémices d’une légitimation par les tribunaux de certains actes de désobéissance civile non violents ? Le tribunal de grande instance de Lyon semble s’engager dans cette voie, puisqu’il a prononcé la relaxe de deux militants prévenus du chef de vol en réunion à la suite du décrochage d’un portrait du président de la République dans la mairie du deuxième arrondissement de Lyon. En réaction aux débats suscités par ce jugement, ce commentaire interroge la possibilité de voir l’état de nécessité prospérer dans le contexte d’urgence environnementale.

    À la suite du décrochage du portrait du président de la République par des militants écologistes, largement relayé par les réseaux sociaux, la mairie du deuxième arrondissement de Lyon déposait plainte pour vol en réunion le 21 février dernier. Le portrait enlevé en présence de la presse n’a pas été restitué et serait conservé dans un lieu tenu secret afin d’être brandi lors de futures manifestations en faveur de la protection du climat.

    Les prévenus soutenaient qu’au regard des connaissances scientifiques actuelles, les accords internationaux et les voies légales empruntées demeurent insuffisants puisqu’ils ne permettent pas d’instaurer une politique efficace de lutte contre le changement climatique. En conséquence, des actions non violentes de désobéissance civile seraient selon eux nécessaires. Devant la catastrophe climatique annoncée, leur avocat plaidait donc la relaxe au nom de « l’état de nécessité ». Cette interprétation a été rejetée en bloc par le ministère public qui requérait leur condamnation à une amende de cinq cents euros.

    Au terme d’une argumentation singulière, le juge a prononcé la relaxe des prévenus. Certains titres de presse se sont alors fait l’écho de la reconnaissance d’un état de nécessité1, mais cette affirmation doit être nuancée. La motivation du jugement s’inscrit certes dans l’esprit de cette notion – et les critères exigés apparaissent en filigrane – mais le juge n’y fait pas explicitement référence, sauf lorsqu’il expose la défense des prévenus.

    L’état de nécessité est admis pour la première fois comme cause exonératoire de responsabilité en 1898, par le « bon juge » du tribunal de Château Thierry2, dans une affaire impliquant une mère de famille qui avait volé du pain « sous l’irrésistible impulsion de la faim ». Il faudra attendre la réforme de 1994 pour que le législateur introduise cette notion dans le Code pénal. L’article 122-7 prévoit désormais que « n’est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace. »

    En l’espèce, pour retenir l’état de nécessité, le juge devait déterminer, d’une part, si les conséquences du changement climatique constituent pour les prévenus un danger actuel ou imminent (I/) et, d’autre part, si le décrochage de portraits du président de la République constitue une réponse nécessaire et non disproportionnée (II/).

    I/ – Un danger actuel ou imminent à identifier : le changement climatique ou l’insuffisance des politiques publiques ?

    La reconnaissance de l’état de nécessité suppose en premier lieu qu’un danger actuel ou imminent menace la personne qui accomplit un acte nécessaire à sa propre sauvegarde, à celle d’autrui ou celle d’un bien.

    Le juge n’hésite pas à qualifier le dérèglement climatique de danger grave, actuel et imminent3, et la communauté scientifique s’accorde sur ce fait. En particulier, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a publié en décembre 2018 un rapport spécial4 relatif aux effets d’un réchauffement climatique de 1,5 °C, dont les conclusions sont sans appel : les dangers encourus au-delà d’un tel réchauffement planétaire moyen sont non seulement « imminents », puisque cette situation surviendrait entre 2030 et 2050, mais surtout excessivement graves, tant pour les personnes que pour leurs biens. De surcroît, les effets du dérèglement sont déjà sérieusement perceptibles, y compris en France où canicules, sécheresses et incendies se multiplient en période estivale alors que le réchauffement moyen n’est que d’un degré.

    Le juge relève que ce dérèglement « affecte gravement l’avenir de l’humanité » mais également « l’avenir de la faune et de la flore ». Cette motivation s’inscrit pleinement dans la thèse, soutenue par la doctrine5 et de nombreux recours6, selon laquelle les États sont tenus à une obligation de lutter contre le changement climatique en raison d’atteintes sur l’environnement, mais aussi des atteintes aux droits fondamentaux des personnes, desquels se déduirait le droit de vivre dans un système climatique soutenable. Le droit à la vie est même convoqué à demi-mot par le magistrat lorsqu’il affirme que l’État ne respecte pas ses objectifs « pouvant être perçus comme minimaux dans un domaine vital ».

    Le changement climatique représenterait donc selon le juge un danger grave, qui est actuel ou imminent. Mais dans le contexte de la présente affaire, admettre l’état de nécessité suppose en toute rigueur que ce soit la carence de l’État en matière climatique qui constitue un danger actuel ou imminent, ou au moins qu’elle y participe, dans la mesure où c’est au regard de cette carence que sera analysée l’adéquation des actes des prévenus.

    Le juge s’attache alors à caractériser la carence de l’État en relevant trois manquements corroborés par des données institutionnelles (Eurostat, SNBC, Commissariat général au développement durable). D’abord le dépassement de la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixée par la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) ; ensuite les manquements en matière de déploiement des énergies renouvelables ; et enfin l’échec de l’amélioration de la performance énergétique. Les personnes interrogées en qualité de témoin lors de l’audience avaient souligné cette carence : Wolfgang Cramer, scientifique en écologie globale, avait affirmé la nécessité d’un changement rapide de notre modèle de société pour limiter la hausse des températures. Quant à Cécile Duflot, militante écologiste, directrice d’Oxfam et ancienne ministre du Logement, elle a rappelé que des recours ont été engagés pour mettre fin à l’inaction de l’État, à savoir le recours en responsabilité dit « l’affaire du siècle »7 porté devant le tribunal administratif de Paris, ainsi que le recours en excès de pouvoir engagé par la commune de Grande-Synthe devant le Conseil d’État.

    La difficulté tient à l’exigence d’une proximité certaine, aussi bien temporelle que spatiale, entre le danger et la personne ou le bien menacé. La Cour de cassation exige en effet que « le danger [soit] actuel, c’est-à-dire que les prévenus [soient] au contact même de l’événement menaçant »8.

    Mais à la lecture du jugement commenté, il ne ressort nullement des faits que les prévenus seraient physiquement plus susceptibles d’être affectés par le changement climatique que le reste de la population. Rappelons que le tribunal de l’Union européenne s’est appuyé sur cet argument pour déclarer irrecevable le recours People’s Climate Case9, sur le fondement d’une jurisprudence classique10, même s’il a par ailleurs admis que chaque individu risque d’être affecté d’une manière ou d’une autre par le réchauffement de l’atmosphère11. À n’en pas douter, il sera décisif que les individus parviennent à démontrer que l’évolution du climat porte à leur personne une atteinte qui leur est spécifique.

    Relevons en revanche que le juge témoigne d’une certaine compréhension de la crainte des prévenus et semble conciliant lorsqu’il évoque des « citoyens profondément investis dans une cause particulière servant l’intérêt général ». Certains pourraient y voir l’amorce d’une reconnaissance de l’état d’éco-anxiété, qui commence à faire l’objet d’études de la part des spécialistes en psychologie12.

    Il pourrait enfin être soutenu que le caractère actuel ou imminent du danger doit s’évaluer à l’aune de la durée nécessaire pour accomplir un acte de sauvegarde ; auquel cas, force est de rappeler que le GIEC estime qu’il faut une action constante pour réduire les gaz à effet de serre d’ici 2050 de 93 % par rapport à 2010, afin d’atteindre la neutralité carbone à l’échelle globale. Il s’agit donc pour les militants d’exercer une pression constante destinée à s’assurer de l’efficacité des politiques publiques.

    En définitive, au regard des décisions antérieures, le caractère global et diffus du changement climatique pourrait constituer un obstacle à sa caractérisation comme danger actuel ou imminent au sens de l’article 122-7 du Code pénal. A fortiori, il en serait de même pour la carence de l’État.

    II/ – Le décrochage de portraits du président de la République, une réponse nécessaire et proportionnée à la carence étatique ?

    À supposer que le dérèglement climatique ainsi que la carence de l’État caractérisent un danger grave et imminent, il convient de s’interroger sur les caractères nécessaire, adapté et proportionné de la réponse apportée par les militants, à savoir le décrochage de portraits du président de la République. Selon la Cour de cassation, pour retenir l’état de nécessité les juges du fond doivent démontrer que l’infraction commise par le prévenu pouvait seule permettre d’éviter l’événement qu’il redoutait13.

    En somme, la question est de savoir si le vol de ces portraits est la seule action que les militants pouvaient entreprendre pour obtenir de la part du président de la République une inflexion des politiques climatiques, à supposer qu’une politique climatique nationale exemplaire permette d’éviter ou même d’atténuer le danger redouté.

    Or le juge suggère lui-même l’impuissance relative du président de la République, à raison puisque le changement climatique est un problème d’ampleur mondiale qui suppose une coopération diplomatique dont le succès échappe à la seule volonté d’un État, quelles que soient ses ambitions14.

    La politique climatique française est certes insuffisante, mais les émissions directes du territoire français ne représentent que 1 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre15. Ce constat obère la reconnaissance du caractère adapté puisque, même à supposer que la France cesse toute émission de gaz à effet de serre, les conséquences du changement climatique pour les citoyens français resteraient tout aussi dramatiques. De ce point de vue, il semble impossible que la solution du juge prospère, a fortiori si les critères de l’état de nécessité doivent être interprétés strictement.

    Cela étant, la responsabilité de la France dépasse la seule question de ses propres émissions. Les militants en attendent également une action diplomatique forte et cohérente afin d’inciter des pays fortement émetteurs comme les États-Unis à combattre le réchauffement et l’insuffisance des politiques nationales en matière climatique rend la France peu crédible pour mener ces négociations.


    Pour justifier la nécessité du décrochage de portraits, le juge estime que l’acte des prévenus « doit être interprété comme le substitut nécessaire d’un dialogue impraticable entre le président de la République et le peuple ». La motivation du jugement se détache ainsi des critères de l’état de nécessité pour glisser vers une justification fondée sur un « devoir de vigilance critique »16. Cette notion convoquée par le juge fait écho au concept de démocratie environnementale participative, ainsi qu’à l’obligation de vigilance environnementale à laquelle chacun est tenue17. Le jugement s’inscrit ainsi dans l’argumentation des prévenus qui avançaient que les moyens légaux dont ils disposent ne suffisent plus18 et que le contexte actuel de l’urgence climatique justifie l’exercice d’une désobéissance civile non violente.

    Ce devoir de vigilance critique paraît séduisant, mais les marches et les grèves en faveur du climat ne suffisent-elles pas à l’exercer pleinement ? Est-il nécessaire de les parer de portraits volés du président de la République ? Ce devoir doit-il légitimer l’invention par les citoyens « d’autres modes de participation » illégaux, au motif que l’exercice du droit de vote serait insuffisant dans le cadre d’un État démocratique ?

    Dans les affaires de fauchage d’organismes génétiquement modifiés (OGM), la Cour de cassation avait confirmé en 2002 l’arrêt de la cour d’appel qui avait écarté l’état de nécessité, considérant notamment que « les prévenus disposaient de nombreux moyens d’expression dans une société démocratique autres que la destruction […] de milliers de plants de riz pour faire entendre leur voix auprès des pouvoirs publics »19. Le contexte était néanmoins différent puisqu’il était alors fait application du principe de précaution, les risques des OGM sur la santé humaine n’étant pas établis, tandis que les conséquences délétères du changement climatique sont avérées. En outre, contrairement à la destruction de champs d’expérimentation d’OGM, le vol commis par les décrocheurs n’a entraîné qu’un faible trouble à l’ordre public : selon le juge, la réunion des militants, « même non déclarée préalablement en préfecture », « revêt[ait] un caractère manifestement pacifique de nature à constituer un trouble à l’ordre public très modéré ». Ce constat est confirmé par le coût négligeable du bien volé et l’absence de constitution de partie civile par la mairie de Lyon.

    Les actions menées par les militants ont le mérite de susciter le débat sur le rôle des États dans la lutte contre le changement climatique ; elles pourraient renforcer la pression sur le gouvernement et l’inciter à des réformes ambitieuses pour adapter sa politique aux dangers du dérèglement climatique. Mais considérer que le vol de portraits du président de la République permettrait de résoudre les difficultés de mise en œuvre de cette politique revient à adopter une approche assez extensive de l’état de nécessité. Le juge disposait d’alternatives plus pragmatiques : il aurait pu par exemple prononcer une dispense de peine, les critères requis20 pouvant raisonnablement être considérés comme vérifiés. En effet, le reclassement des prévenus est acquis, le dommage causé est réparé21 et le trouble résultant de l’infraction a cessé.

    Les douze futurs jugements de militants ainsi que le prochain arrêt de la cour d’appel de Lyon éclaireront sans doute la question de savoir si, au regard du principe d’application stricte de la loi pénale, les conditions de l’état de nécessité sont bel et bien réunies.

    TGI de Lyon, 7ème chambre correctionnelle, 16 septembre 2019, no 19168000015

    Notes

    • 1) O. P.-V., 17 septembre 2019, « Décrocheurs du portrait de Macron : « l’état de nécessité », une notion au cœur de la relaxe », L’Express.
    • 2) T. corr. de Château-Thierry, 4 mai 1898 ; le juge prononça la relaxe, estimant « regrettable que, dans une société bien organisée, un des membres de cette société […] puisse manquer de pain autrement que par sa faute ».
    • 3) Jugement commenté, p. 7.
    • 4) Cette synthèse du rapport, signée et acceptée par les gouvernements du monde entier, intègre les connaissances scientifiques les plus avancées et les plus sûres en la matière : https://www.ipcc.ch/sr15/chapter/summary-for-policy-makers/.
    • 5) Christel Cournil, Antoine Le Dylio, Paul Mougeolle, « « L’affaire du siècle » : entre continuité et innovations juridiques », AJDA, 2019, p. 1864 ; Expert Group on Global Climate Obligations, Oslo Principles on Global Climate Obligations, Eleven International Publishing, 2015.
    • 6) V. le recours contre l’État dans « l’affaire du siècle » porté par les organisations non gouvernementales Notre Affaire à Tous, la Fondation pour la Nature et l’Homme, Greenpeace France et Oxfam France : https://laffairedusiecle.net/wp-content/uploads/2019/05/Argumentaire-du-Mémoire-complémentaire.pdf
    • 7) Id.
    • 8) Cass., Crim., 7 février 2007, no 06-80.108.
    • 9) Recours formé par dix de plaignants contre le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne concernant l’insuffisance des législations en matière climatique.
    • 10) CJCE, 15 juillet 1963, Plaumann & Co. contre Commission de la Communauté économique européenne, Aff. 25-62.
    • 11) TUE, Ordonnance du Tribunal (deuxième chambre), 8 mai 2019, Armando Carvalho e.a. contre Parlement européen et Conseil de l’Union européenne, T-330/18, cons. 49 et suiv.
    • 12) Coralie Lemke, 15 mars 2019, « L’éco-anxiété ou le trouble mental causé par la peur du changement climatique », Sciences et Avenir.
    • 13) Crim. 25 juin 1958 : D. 1958. 693, note M.R.M.P. ; JCP 1959. II. 10941, note Larguier ; RSC 1959. 111, obs. Légal.
    • 14) « attendu que la conservation de ce portrait, qui achève de caractériser sa soustraction volontaire, n’était certes pas une suite nécessaire au marquage d’une forme d’appel adressé au président de la République, face au danger grave, actuel et imminent à prendre des mesures financières et réglementaires adaptées ou à défaut rendre compte de son impuissance […] », p. 7.
    • 15) Haut conseil pour le climat, « Agir en cohérence avec les ambitions », 1er rapport annuel, 2019, en ligne [https://www.hautconseilclimat.fr/rapport-2019/] : les émissions de la France s’élèvent à 460 Mt CO2e et son empreinte carbone à 731 Mt CO2e.
    • 16) Jugement commenté, p. 7.
    • 17) CC, Décision no 2011-116 QPC, 8 avril 2011, M. Michel Z. et autre [Troubles du voisinage et environnement].
    • 18) Relevons par ailleurs que les actes liés à la conduite des relations extérieures de la France sont des actes de gouvernement : ils ne peuvent donc pas être déférés devant un juge national, ce qui renforce l’argument selon lequel les voies légales empruntées demeurent insuffisantes.
    • 19) CA Montpellier, 3e ch., 20 décembre 2001, no 01/00715 ; confirmé par Cass. Crim., 19 novembre 2002, no 02-80.788.
    • 20) V. article 132-59 du Code pénal
    • 21) Compte tenu de la faible valeur du bien et de l’absence de constitution de la partie civile ; voir, en ce sens un jugement estimant le dommage est réparé en raison de la modification de leurs demandes par les parties civiles (réduction à 1 franc de dommages et intérêts) : Trib. corr. Paris, 21 mai 1996 : Dr. pénal 1996. 240, obs. Véron.

    Référence électronique

    Paul Mougeolle et Antoine Le Dylio, « Lutter contre le changement climatique par la désobéissance civile, un état de nécessité devant le juge pénal ? », La Revue des droits de l’homme [En ligne], Actualités Droits-Libertés, mis en ligne le 02 octobre 2019, consulté le 07 octobre 2019. URL : http://journals.openedition.org/revdh/7437

  • Le 2e numéro du Journal de l’Année Climat de Place To B est sorti !

    Notre Affaire à Tous est fière d’avoir contribué au deuxième numéro du Journal de l’Année Climat de Place To B !

    Co-écrit par 5 ONGs, CliMates, Nature Rights, le REFEDD, Humans & Climate Change et Notre Affaire à Tous, ce numéro se concentre sur la justice climatique, la protection des droits fondamentaux face à la crise climatique et sur la question des déplacés environnementaux, enjeux cruciaux pour l’avenir de notre planète et la stabilité de nos sociétés.

    Le Journal de l’Année Climat, c’est quoi ? Ce journal est engagé et collaboratif. Il est dédié à l’information sur la lutte contre le changement climatique. Le premier numéro, sorti en mai 2019, se concentrait sur les négociations climatiques mondiales.