Catégorie : Communiqué de presse

  • Audience du 8 décembre : le rapporteur public refuse d’examiner la responsabilité de l’État dans les baisses d’émissions

    L’Affaire du Siècle, communiqué de presse, 8 décembre 2023

    Les associations de l’Affaire du Siècle alertent sur les conclusions du rapporteur public qui ne vont pas dans le sens d’une exécution effective de la condamnation de l’État français pour inaction climatique prononcée en 2021. Le rapporteur préconise au tribunal administratif de Paris de faire l’impasse sur l’origine des baisses récentes d’émissions, liée à des facteurs conjoncturels et extérieurs à l’action de l’État, mais également de ne pas considérer le retard climatique pris depuis la condamnation de 2021.

    Lors de l’audience du 8 décembre 2023, le rapporteur public conclut à une exécution du jugement de 2021 par l’État. S’il reconnaît la logique et la pertinence des arguments des associations, il ne conseille pas au tribunal administratif de les prendre en compte dans sa décision. Certes, reconnaît-il, les baisses d’émissions sont dues à des facteurs exogènes et conjoncturels, les rares mesures prises par l’État n’ont pas pu avoir d’effet avant le 31 décembre 2022, et dans le même temps, les puits de carbone s’effondrent, entraînant un nouveau surplus d’émissions, mais ces éléments ne font, selon le rapporteur, pas partie du jugement de 2021. 

    Le tribunal peut choisir de ne pas suivre ces conclusions. C’est ce qu’ont plaidé les avocats de l’Affaire du Siècle lors de cette audience du 8 décembre. Ils ont rappelé que deux visions et définitions du préjudice écologique se font face : celle de l’État et du rapporteur, qui définissent le préjudice écologique comme étant équivalent au surplus de 15 Mgt d’émissions, s’oppose à celle des associations, et selon elles à celle du tribunal en 2021, qui définissait clairement le préjudice comme les conséquences “liées” ou “nées” de ce surplus d’émissions. 

    Le gouvernement ne peut décemment prétendre qu’il respecte ses objectifs climatiques alors qu’il se cache derrière la baisse des émissions liée à des facteurs qui n’ont rien à voir avec son action, à savoir la crise énergétique et un hiver 2022-2023 particulièrement doux. Pendant ce temps, il multiplie les petits pas et les reculs sur le climat. Au-delà du bilan comptable, il est impératif de vérifier que l’État est volontairement à l’origine de la baisse des émissions de CO2”, déclare Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France.

    En pleine COP 28, nous sommes déçus des conclusions du rapporteur public qui ne sont pas à la hauteur des enjeux et moins ambitieuses que le jugement de 2021 qui, lui, allait dans le sens de la responsabilité de l’État. Ces conclusions dépolitisent complètement l’action étatique. Le tribunal peut encore se saisir de cette opportunité historique pour marquer le droit climatique au-delà des frontières françaises”, affirme Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France. 

    Quand 2,3 millions de personnes ont demandé à nos côtés au tribunal de regarder de plus près l’action climatique de l’État, que le gouvernement jugeait satisfaisante, la justice leur a donné raison. Après une condamnation historique en 2021, le tribunal doit être à la hauteur des attentes encore fortes des citoyen·nes et se donner les moyens de faire respecter sa décision”, ajoute Jérémie Suissa, délégué général de Notre Affaire à Tous.  

    La dernière décision du Conseil d’État de mai 2023 va également dans le sens des associations : il faut urgemment garantir un meilleur suivi et une évaluation qualitative de l’action climatique de la France.

    Le jugement est désormais attendu dans les prochaines semaines. La date n’est pas communiquée en amont aux parties.

    Contacts presse

    Les équipes de Notre Affaire à Tous, de Greenpeace France et d’Oxfam France et leurs juristes se tiennent disponibles pour les interviews. 

    Marika Bekier – Responsable presse, Oxfam France :
    mbekier@oxfamfrance.org 

    Cécile Cailliez – Responsable communication, Greenpeace France :
    cecile.cailliez@greenpeace.org

    Justine Ripoll – Responsable de campagne, Notre Affaire à Tous :
    justine.ripoll@notreaffaireatous.org

    Notes aux rédactions

    Photos de l’Affaire du Siècle libres de droits pour la presse disponibles sur ce lien (des photos prises après l’audience seront ajoutées directement sur cette plateforme).

    Rappel chronologique des grandes étapes du dossier juridique de l’Affaire du Siècle : 

    • 18 décembre 2018 : demandes préalables et lancement de la pétition Affaire du Siècle
    • 14 octobre 2021 : condamnation de l’État pour inaction climatique par le Tribunal administratif de Paris
    • 31 décembre 2022 : délais pour l’État pour se mettre en conformité avec le jugement
    • 14 juin 2023 : dépôt de la demande d’astreinte par les organisations de l’Affaire du Siècle
    • 3 novembre 2023 : versement du rapport commandé au Collectif Éclaircies au dossier juridique 
    • 8 décembre 2023 : audience
    • Fin décembre : jugement 
  • CP / La justice sourde à la soif de Mayotte : les associations font appel devant le Conseil d’État

    Communiqué de presse des associations Notre Affaire à Tous et Mayotte a soif, Mamoudzou, 28 novembre 2023 – Ce samedi 25 novembre, alors que la préfecture de Mayotte annonçait que l’île entrait « dans la période la plus critique de la crise de l’eau », le tribunal administratif de Mayotte a rejeté le référé-liberté porté par Notre Affaire à Tous, Mayotte a soif ainsi qu’une quinzaine de Mahorais.e.s. Par ce rejet, le juge refuse d’établir une responsabilité et élude complètement la réalité : les mesures actuelles sont manifestement insuffisantes et seul l’Etat peut agir pour renverser une tendance qu’il a lui-même aggravée par son inaction depuis des années. Ce n’est pas acceptable, à l’heure où persistent les atteintes aux droits fondamentaux causées par la crise de l’eau et l’insuffisance de l’action de l’État et de ses services. Les associations et requérant.e.s font appel de cette décision, afin de porter devant le Conseil d’État le sujet du manque d’action de l’État pour garantir l’accès à l’eau potable à Mayotte, carence visiblement marquée d’un prisme discriminatoire à l’encontre des citoyen.ne.s d’Outre-Mer.

    Le tribunal administratif de Mayotte concède pourtant que la « situation d’urgence n’est pas contestable ». Dans son ordonnance de rejet, il souligne également que, si la cause première de la crise de l’eau actuelle est la sécheresse particulièrement importante cette année, cette dernière révèle « un certain nombre de défaillances dans l’organisation et la gestion du service en charge de la gestion de l’eau dans ce département depuis plusieurs années ». Malgré ces constats évidents, le tribunal conclut ensuite que les demandes des associations et requérant.e.s sont insuffisamment fondées, notamment au regard des mesures déployées par l’État en réponse à la crise (voir notre dossier de presse).

    Pourtant, la situation des Mahorais.e.s s’aggrave, preuve de la faiblesse et de l’inadaptation de ces mesures. Une nouvelle fois, la préfecture a ainsi appelé la population à baisser sa consommation, alors que cette dernière est déjà bien inférieure à des besoins de base en eau. De plus, les mesures mises en œuvre renforcent des inégalités de fait. Depuis le 20 novembre, la distribution de l’équivalent d’un litre d’eau en bouteille par personne a commencé. Or, au-delà de l’insuffisance évidente de cette quantité pour les besoins d’hydratation et d’hygiène, Mayotte a soif dénonce la logistique de la distribution des bouteilles d’eau. Elle ne tient pas compte de la réalité des habitant.e.s : obligation de se déplacer, de se rendre disponible à des heures compliquées pour les personnes travaillant ou avec des enfants scolarisés, de faire la queue debout – parfois pendant des heures -,  etc.  

    C’est précisément par son échec à mettre en place des mesures suffisantes pour atteindre un accès à l’eau potable de base (équivalent à 100 L / jour / personne) que l’État se rend responsable des atteintes aux libertés fondamentales des Mahorais.e.s. Pour Jérémie Suissa, délégué général de Notre Affaire À Tous, « les mesures déployées par l’État ces dernières semaines restent insuffisantes pour apporter une réponse décente aux difficultés dramatiques auxquelles font face les habitant.e.s de l’île. Surtout, ces mesures prises dans l’urgence, par à-coups et sans vision de long terme ne constituent en aucune manière un plan global de sortie de crise ». C’est précisément à ce besoin que devrait répondre le déclenchement du plan ORSEC eau potable demandé par les requérant.e.s, et dont la plus-value est bien de constituer un document de « planification et de gestion de crise ». Pour Racha Mousdikoudine, présidente de l’association Mayotte a soif, ce plan est « un dispositif qui permet d’identifier les problématiques engendrées par la pénurie d’eau et d’apporter ainsi des mesures correctives indispensables à la gestion de la crise. Il n’est donc pas substituable aux mesures prises par l’État au compte-goutte. Ce plan est le garant d’une meilleure coordination de tous les acteurs en place », qui fait défaut depuis des années à Mayotte.

    Pour plus d’informations sur la situation mahoraise et le référé :

    Contacts presse

    Notre Affaire à Tous, Emma Feyeux : emma.feyeux@notreaffaireatous.org
    Mayotte a soif, Racha Mousdikoudine : contact@mayotteasoif.fr

  • CP / Justice pour le Vivant : en appel, les ONG demandent au juge d’obliger l’Etat à améliorer l’évaluation des risques des pesticides

    Ce lundi 20 novembre, les ONG de Justice pour le Vivant ont transmis leurs arguments à la cour administrative d’appel de Paris dans leur mémoire complémentaire. Elles entendent prouver la nécessité de revoir la méthodologie de l’évaluation des risques des pesticides et obliger l’Etat à agir sur ce point afin de lutter efficacement contre l’effondrement de la biodiversité. 

    Les ONG portant le recours Justice pour le Vivant, POLLINIS, Notre Affaire à Tous, Biodiversité sous nos pieds, l’ASPAS et ANPER-TOS ont déposé leur mémoire complémentaire, après avoir fait appel d’une partie de la décision. Elles souhaitent compléter la victoire partielle obtenue lors du jugement en première instance et obliger l’Etat à corriger les failles de la méthodologie d’évaluation des risques des pesticides, préalable indispensable pour enrayer l’effondrement de la biodiversité en France.

    Le 29 juin dernier, le tribunal administratif avait rendu une décision historique en reconnaissant pour la première fois le préjudice écologique lié à l’effondrement de la biodiversité causé par les pesticides. Il a également condamné l’Etat à renouer avec les objectifs des plans Ecophyto d’ici le 30 juin 2024 et à respecter les obligations de protection des eaux souterraines. Cependant, et bien qu’une carence de l’Etat ait été reconnue à ce sujet, les ministères visés n’ont pas été condamnés à combler les failles des procédures d’évaluation et d’autorisation de mise sur le marché des pesticides. C’est pour obtenir une victoire sur cet élément central que les ONG ont décidé de faire appel.

    « Le gouvernement peut proposer de nouveaux plans Ecophyto… S’il ne revoit pas l’évaluation des risques des pesticides, il n’arrêtera pas l’effondrement en cours de la biodiversité, et les objectifs drastiques de réduction resteront, comme depuis 2018, des promesses non tenues, déclarent les associations. Face à l’ampleur de l’effondrement de la biodiversité, il est urgent d’agir et de corriger les failles reconnues par le tribunal en première instance. »

    La reconnaissance des failles de l’évaluation des risques lors du jugement en première instance n’a pour le moment pas entraîné de réaction de l’Etat, qui a également fait appel de la décision. Rejetant l’ensemble du jugement, le gouvernement se refuse à agir et persévère dans son déni de responsabilité. L’appel de la décision n’étant pas suspensif, il est cependant toujours tenu de renouer avec les objectifs définis par les plans Ecophyto d’ici le 30 juin 2024.

    L’IMPORTANCE DE REVOIR L’ÉVALUATION DES RISQUES DES PESTICIDES

    Il existe bel et bien un lien de causalité direct et certain entre le déclin de la biodiversité et les failles de la procédure d’évaluation et d’autorisation de mise sur le marché des pesticides. De nombreuses études scientifiques (1) permettent d’établir l’existence de toute une série d’effets des pesticides – chroniques, sublétaux, indirects, cocktails, etc. – et de voies d’exposition qui ne sont pas, ou pas suffisamment, pris en compte par l’Anses dans le cadre de l’évaluation des risques. Ces mêmes études démontrent pourtant l’ampleur que ces effets peuvent avoir sur la survie des populations d’espèces non ciblées par les pesticides. Obliger l’Etat à agir sur ce point est indispensable pour enrayer l’effondrement de la biodiversité en cours.

    Une évaluation adéquate des risques permettrait nécessairement de mieux déterminer la toxicité des pesticides avant toute mise sur le marché et de mieux gérer les risques associés :

    • Une tribune publiée le 12 octobre dans le Monde par un collectif de chercheurs, dont Céline PELOSI, directrice de recherche à l’INRAE, dénonçait par exemple les effets délétères du glyphosate sur l’ADN et la reproduction des vers de terre, et l’inadéquation des tests menés pour évaluer ces risques, dans le cadre du renouvellement de l’autorisation de l’herbicide. 
    • Le cas de l’évaluation des effets des néonicotinoïdes sur les abeilles est particulièrement révélateur de l’importance de mener une évaluation adéquate des risques. C’est seulement parce qu’à titre exceptionnel, les autorités réglementaires françaises et européennes ont pris en compte des tests supplémentaires par rapport à ceux prévus par les procédures d’évaluation en vigueur, que leurs effets délétères pour les abeilles, jusqu’alors ignorés, ont pu être mis en évidence et pris en compte. Ce précédent montre comment une meilleure évaluation des risques peut conduire à l’identification et à l’interdiction de produits responsables de l’extinction de la biodiversité.   

    Note

    (1)  Plusieurs études et rapports institutionnels mentionnant ces effets sont consultables ici : https://justicepourlevivant.org/admin/wp-content/uploads/2023/04/bibliographie-recours-jplv.pdf

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    Notre Affaire à Tous – Justine Ripoll : justine.ripoll@notreaffaireatous.org

  • CP / Dangerosité des sites industriels : Notre Affaire à Tous conteste l’opacité organisée par le gouvernement 

    CP / Dangerosité des sites industriels : Notre Affaire à Tous conteste l’opacité organisée par le gouvernement 

    Paris, 23 novembre 2023 – Alors que la France est déjà épinglée par l’Union Européenne parce qu’elle ne garantit pas suffisamment l’accès à l’information environnementale, le gouvernement choisit de restreindre encore davantage ce droit. Par une instruction du 12 septembre 2023 transmise à ses services de préfecture, il élargit de manière injustifiée et illégale le champ des informations non-communicables relatives aux sites industriels potentiellement dangereux pour l’environnement et la santé (ICPE). L’association Notre Affaire à Tous dépose ce jour un recours en excès de pouvoir devant le Conseil d’État pour faire annuler cet acte restreignant encore une fois le droit à l’information des citoyen.ne.s et, par là, la protection de notre environnement et de notre santé.

    Le gouvernement considère que ces informations potentiellement sensibles peuvent faciliter la commission d’actes de malveillance dans les ICPE, sans pour autant justifier de la réalité de ce risque. Sur cette base, il laisse la liberté « aux industriels d’identifier les informations sensibles », et aux préfectures de « refuser la consultation ou la communication si cela porte atteinte notamment à la sûreté de l’État, à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes ». Les communications portant sur ces sites dangereux pourraient donc désormais être « réalisées après occultation ou disjonction des informations sensibles, ou potentiellement sensibles », sans que ces rétentions ne soient signalées. Des informations sur des éléments potentiellement dangereux pour l’environnement ou la santé, reconnus par la Commission d’accès aux documents administratifs comme devant rester communicables, pourraient donc désormais devenir secrets, comme par exemple les quantités de substances dangereuses effectivement présentes sur le site à un instant donné en situation normale. Ces informations ont pourtant maintes fois par le passé permis d’éviter des catastrophes et de contraindre les industriels à revoir leurs procédures de sécurité. 

    Cette instruction va dans le sens contraire de la réalisation d’un des principes fondamentaux du droit de l’environnement, et plus encore de la santé environnementale : le droit à l’information, et avec lui, le droit à la participation et à l’accès à la justice. Pourtant, l’accès à l’information environnementale est un droit capital consacré de longue date par le code de l’environnement. Il a même acquis une valeur constitutionnelle en étant intégré à la Charte de l’environnement. Il est aussi protégé au niveau international par la Convention d’Aarhus de 1998, ratifiée par la France et reprise au niveau européen par la directive 2003/4/CE du 28 janvier 2003. 

    Alors que l’urgence écologique ne va qu’en s’intensifiant et que les risques – particulièrement industriels – pour la santé environnementale sont de plus en plus inquiétants (on pense par exemple au scandale des “polluants éternels”), restreindre l’accès aux informations sur ces sujets constitue un signal très clair envoyé aux industriels. Le gouvernement préfère diaboliser les lanceurs d’alertes que permettre un meilleur contrôle collectif des sites dangereux. . Cela s’inscrit dans la droite ligne du détricotage du droit de l’environnement auquel le gouvernement procède depuis plusieurs années, comme avec la loi et le décret ASAP. Par ce recours, Notre Affaire à Tous réaffirme la nécessité de  garantir l’accès des citoyens et citoyennes aux informations de santé publique et de faire du droit de l’environnement un droit protecteur et non un cadre incontrôlé de laisser-faire pour les industriels.

    Contact presse

    Emma Feyeux, Notre Affaire à Tous : emma.feyeux@notreaffaireatous.org

  • CP / Recours d’urgence pour l’accès à l’eau : Mayotte a soif et l’État regarde ailleurs

    Communiqué de presse des associations Notre Affaire à Tous et Mayotte a soif
    Mamoudzou, 16 novembre 2023

    Les habitantes et habitants de Mayotte affrontent actuellement un pic dans la crise qui les prive d’eau potable depuis des mois. Via un référé liberté, les associations Notre Affaire à Tous et Mayotte a soif ainsi que 15 victimes requérantes demandent au tribunal administratif de Paris de reconnaître l’impact de la crise sur les droits fondamentaux et la réponse insuffisante de l’État. Pour elles, la situation à Mayotte est le résultat de plusieurs années d’un désengagement de l’État sur ces questions et d’une inadaptation discriminatoire des politiques publiques déployées. Les associations espèrent que ce référé permettra d’ordonner en urgence à l’Etat de prendre des mesures de sortie de crise équitables, à la hauteur du drame sanitaire et humain qui se déroule sur l’île, et durablement adaptées aux problématiques propres à ce territoire français ultramarin.

    Depuis plus de sept mois, la crise de l’eau, qui s’aggrave progressivement depuis 2016, s’est intensifiée à Mayotte. Les Mahorais·e·s vivent désormais au rythme des coupures d’eau de plus de 48h et ne reçoivent souvent qu’une eau brune et odorante, déjà signalée impropre à la consommation à certains endroits par l’ARS, lorsque les robinets coulent à nouveau. Les conséquences sanitaires sont manifestes, selon Santé Publique France : épidémie de gastro-entérite, mais aussi risques d’épidémies de choléra, d’hépatite A, de fièvre typhoïde et de poliomyélite. L’agence nationale de santé publique évoque ainsi une « menace sanitaire importante », dans un contexte où l’hôpital de Mayotte manque déjà de soignant.e.s. 

    Par ailleurs, cette crise n’est pas seulement sanitaire. Plusieurs écoles et lycées ont été fermés faute d’eau potable pour les élèves et enseignant·e·s, et les tensions sociales ont repris autour du partage de cette ressource vitale dans le département le plus pauvre de France. Pour Racha Mousdikoudine, présidente de l’association Mayotte a soif, « les Mahorais vivent en situation de crise humanitaire ignorée, loin des standards d’un département français, et il est pourtant attendu d’elles et eux de continuer à remplir leurs obligations professionnelles, citoyennes et personnelles comme si de rien n’était, avec des répercussions sur leur dignité inimaginables pour toute personne qui ne le vit pas ».

    Mayotte a soif, et l’État regarde ailleurs. Pire, il laisse la situation s’empirer depuis des années. En se retirant progressivement de la gestion de l’eau sans tenir compte des particularités mahoraises, il a transféré des responsabilités et compétences de ce service public aux collectivités territoriales, au syndicat de la Mahoraise des Eaux (SMAE) qui fait l’objet de suspicions de corruption et de favoritisme depuis des années, et à l’entreprise Vinci dont des irrégularités sur leurs activités de travaux ont entraîné la suspension du versement des fonds européens entre fin 2020 et mars 2023. Force est de constater que l’État n’assure plus son rôle de pilote du bon fonctionnement de ce service public depuis des années. Même dans la crise actuelle, vouée à s’aggraver du fait des effets du dérèglement climatique, sa réponse ne suffit pas à protéger l’intégrité physique et psychologique de la population : 34 000 000 de litres par jour vont manquer à l’appel.

    Pourtant, l’eau n’est pas qu’un service public relevant de telle ou telle compétence administrative : c’est un droit fondamental, reconnu en droit international comme en droit français. Ce droit semble rester théorique à Mayotte, comme dans d’autres territoires d’Outre-Mer, faute d’une véritable volonté politique et d’instruments adaptés pour garantir sa mise en œuvre. Cette situation est révélatrice d’une attitude discriminatoire de l’État Français envers ces territoires : jamais on ne pourrait imaginer en France hexagonale qu’un département puisse connaître une telle pénurie d’eau sans que l’État n’en fasse une priorité absolue.

    Via ce référé-liberté, Notre Affaire à Tous et Mayotte a soif demandent notamment de :

    1 – Faire reconnaître l’impact de la crise sur les droits fondamentaux des Mahorais·e·s ;

    2 – Imposer à l’État et à ses services le déclenchement du plan d’urgence normalement prévu pour répondre à la crise : le plan ORSEC eau potable ;

    3 – Rétablir au plus vite la fourniture d’eau potable pour tou·.te·.s, en qualité et quantité suffisante, en priorité au sein des établissements scolaires et de santé ;

    4 – Savoir comment l’État compte gérer la crise sanitaire imminente déclenchée par la crise de l’eau actuelle, en commençant par établir un diagnostic des impacts sanitaires de la crise.

    Contacts presse

    Notre Affaire à Tous, Emma Feyeux : emma.feyeux@notreaffaireatous.org

    Mayotte a soif, Racha Mousdikoudine : contact@mayotteasoif.fr

    Pour les questions juridiques, Me Hilème Kombila hilemekombila@blcavocats.com

  • CP / Procès climatique contre TotalEnergies : l’action judiciaire continue devant la cour d’appel 

    Paris, 10 novembre 2023 – Dans le contentieux climatique porté par 6 associations et 15 collectivités territoriales contre TotalEnergies, une décision du tribunal judiciaire de Paris du 6 juillet 2023 a jugé l’action irrecevable. Cette décision reposant sur une interprétation contestée et inquiétante de la loi sur le devoir de vigilance et des dispositions relatives au préjudice écologique, la coalition a décidé de poursuivre les débats sur la recevabilité de l’action devant la cour d’appel de Paris.

    En janvier 2020, une coalition d’associations et de collectivité territoriales* a assigné TotalEnergies devant le tribunal judiciaire de Nanterre, rejointe depuis par les collectivités de Paris, New-York, Poitiers et Amnesty International France. L’objectif est de contraindre la compagnie pétrolière à prendre les mesures nécessaires pour s’aligner avec l’objectif 1,5°C de l’Accord de Paris, conformément à la loi sur le devoir de vigilance.

    Dans une ordonnance du 6 juillet 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a déclaré l’action judiciaire irrecevable. Une décision inquiétante alors que plusieurs autres actions judiciaires fondées sur la loi sur le devoir de vigilance ont également été jugées irrecevables pour  des motifs largement contestés par les milieux académiques et les organisations de la société civile.

    Déterminées à contraindre la major pétro-gazière française à respecter ses obligations en matière climatique, les associations et collectivités de la coalition déposent aujourd’hui leurs conclusions auprès de la cour d’appel.

    Dans la décision du 6 juillet 2023, le juge a considéré que TotalEnergies n’aurait pas régulièrement été mise en demeure au motif que les demandes formulées dans l’assignation n’étaient pas strictement identiques à celles du courrier de mise en demeure envoyé à la multinationale en juin 2019.

    Bien que la loi sur le devoir de vigilance n’impose aucune phase de « discussion » ou de « conciliation » obligatoire entre les entreprises et les associations ou personnes affectées, cette ordonnance prétexte un manque de dialogue pour juger irrecevable l’action judiciaire. Alors que la coalition a interpellé, échangé et rencontré les dirigeants de l’entreprise avant la mise en demeure, ce qui n’est aucunement imposé par la loi, le juge n’a pas pris en compte ces échanges préalables.

    Le juge a considéré par ailleurs que les collectivités n’auraient pas intérêt à agir, au motif que les effets du changement climatique seraient mondiaux, et pas limités à leur territoire.

    Le devoir de vigilance oblige pourtant les multinationales à prévenir les risques d’atteintes aux droits humains, à la santé et à l’environnement causés par leurs activités.

    La coalition entend contester la restriction de l’accès à la justice opérée par cette décision. La décision du tribunal dans cette affaire va à l’encontre de l’esprit du législateur, et des nombreux rapports soulignant l’urgence climatique. La coalition se tourne aujourd’hui vers  la cour d’appel pour faire reconnaître la recevabilité  de ses demandes afin que l’impact des activités de TotalEnergies sur le dérèglement climatique puisse enfin être jugé.

    L’appel soulève également la question de l’impartialité de cette décision d’irrecevabilité, à la suite de la publication d’informations concernant de possibles liens familiaux entre le juge de la mise en état et un haut cadre de TotalEnergies.

    La décision de la cour d’appel est attendue en 2024.

    Pour en savoir plus : L’action des associations et collectivités jugée irrecevable, une décision inquiétante (Juillet 2023)

    Les pages dédiées au dossier : Sherpa ; Notre Affaire À Tous

    Notes

    Associations membres de la coalition : Notre Affaire À Tous, Sherpa, Les Eco-Maires, France Nature Environnement, ZEA. 

    Collectivités membres de la coalition :  Arcueil, Bayonne, Bègles, Bize-Minervois, Centre Val de Loire, Correns, Est-Ensemble Grand Paris, Grenoble, La Possession, Mouans-Sartoux, Nanterre, Sevran, Vitry-le-François ; Depuis septembre 2022 : Paris, New-York, Poitiers.

    Intervenante accessoire volontaire : Amnesty International France.

    Contacts presse

    Sherpa : Théa Bounfour, Chargée de plaidoyer et contentieux
    thea.bounfour@asso-sherpa.org

    Notre Affaire À Tous : Vincent Bezaguet, Chargé de campagne
    vincent.bezaguet@notreaffaireatous.org

  • CP/ Notre Affaire À Tous alerte 26 entreprises multinationales françaises sur leurs manquements en matière de vigilance climatique 

    Mercredi 8 novembre 2023 – Alors que les tribunes de dirigeants et responsables RSE de grandes entreprises se multiplient (1) en amont de la COP28, demandant une régulation plus forte et claire de leurs activités au nom de la lutte contre le changement climatique, l’association Notre Affaire à Tous interpelle 26 multinationales françaises sur leurs manquements en matière de vigilance climatique. 

    Le respect des engagements climatiques de la France, et en particulier sa juste part dans les efforts d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre mondiales, doit nécessairement passer par la régulation et la mise en conformité des multinationales françaises, actives partout dans le monde, avec les objectifs de l’Accord de Paris. Selon le Gouvernement, les entreprises ont même la responsabilité d’assurer “la moitié des efforts” nécessaires à la transition écologique. 

    Les 26 entreprises analysées dans le Benchmark 2023 de la vigilance climatique des multinationales françaises, et interpellées aujourd’hui par courrier, peuvent, à elles seules, agir sur au moins 10% des émissions mondiales. Bien loin des discours qui cherchent à démontrer que la France ne pourrait agir que sur 1% des émissions mondiales, les multinationales françaises doivent prendre leurs responsabilités et enclencher une révolution dans leurs activités, stratégies et critères de réussite, afin que les objectifs de l’Accord de Paris soient collectivement atteints. Cette obligation explicite est notamment ancrée depuis 2022 dans la directive européenne sur le reporting extra-financier (Corporate Sustainability Reporting Directive) (2). 

    Le cas des banques est notamment révélateur du poids des acteurs français dans la transition et la planification écologique mondiale. La France est le premier pays européen à soutenir des projets d’extraction de “bombes climatiques” partout sur la planète, via les 154 milliards de dollars de soutiens financiers que les banques françaises ont apportés aux entreprises planifiant ou exploitant ces projets incompatibles avec l’Accord de Paris (3). 

    Il est impératif que l’Etat français, via des réglementations contraignantes et un contrôle de l’application de ces lois, et les entreprises françaises les plus émettrices, via la mise en œuvre de mesures de vigilance adaptées, activent tous les leviers possibles pour garantir une réduction forte des émissions territoriales et extra-territoriales, et ainsi oeuvrer à une atténuation des impacts du dérèglement climatique, notamment en France qui est l’un des pays les plus impactés par la crise climatique en Europe (4). 

    Les courriers d’interpellation à la Société Générale, Crédit Agricole, Carrefour ou encore Stellantis-PSA, visent à apporter un éclairage sur les défaillances de leurs plans de vigilance et les mesures à prendre urgemment afin de se mettre en conformité avec la loi, qu’il s’agisse d’une meilleure identification des risques que leurs activités font peser sur le climat, d’une reconnaissance plus claire de leur responsabilité individuelle à agir ou encore de mesures concrètes de vigilance adaptées à la hauteur et à la temporalité des enjeux humains et environnementaux que soulèvent la crise climatique. 

    Pour retrouver les analyses de chacune des 26 entreprises.
    Pour retrouver les enseignements principaux.
    Pour retrouver l’ensemble du rapport Benchmark de la vigilance climatique 2023.
    Pour retrouver un extrait de courrier envoyé (Crédit Agricole). Et sa pièce jointe.

    Notes

    (1) https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/17/developpement-durable-nous-sommes-au-fait-des-limites-du-systeme-sur-lequel-est-ancree-la-creation-de-valeur-de-nos-entreprises_6194950_3232.html ou encore https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/cop28-plus-d-une-centaine-d-entreprises-appellent-les-gouvernements-a-s-attaquer-aux-energies-fossiles_6139953.html?mc_cid=f15b7f4db5&mc_eid=da394c3653 

    (2) La CSRD a été adoptée définitivement (déjà en 2022 – en cours de transposition). Elle demande l’élaboration d’un modèle économique compatible avec 1,5°C (scope 1 -3).

    (3) Les bombes climatiques émettraient quatre fois le budget carbone restants de l’humanité pour contenir le réchauffement climatique à 1.5°C : https://www.theguardian.com/environment/2023/oct/31/france-carbon-bomb-projects-banks-fossil-fuels-climate

    (4) L’ONG Germanwatch classe la France au 27ème rang des pays les plus touchés dans son indice des risques climatiques entre 2000 et 2019, soit l’un des pays les plus impactés d’Europe avec l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne. 

    Courriers d’interpellation par secteur

    Energie

    Financier

    Agroalimentaire

    Transport

    Construction

    Industriel

    Contact presse

    Marine Coynel – chargée de communication :
    marine.coynel@notreaffaireatous.org

  • CP / L’Affaire du Siècle : l’inaction climatique de l’État chiffrée et versée au dossier

    L’Affaire du Siècle, communiqué de presse, le 3 novembre 2023. L’Affaire du Siècle présente aujourd’hui au juge un rapport d’expertise et un mémoire juridique visant à apporter de nouvelles preuves chiffrées de l’inaction climatique de l’Etat depuis la condamnation d’octobre 2021 et à justifier la demande d’astreinte d’un milliard d’euros formulée par les associations en juin dernier.

    Le rapport, produit par le collectif d’experts éclaircies (version intégrale et résumé disponibles ici), vient apporter des preuves quant au non-respect du jugement de 2021 par l’Etat. Celui-ci entend compléter, d’une part les données quantitatives produites par le CITEPA qui permettent une analyse arithmétique de la compensation du préjudice écologique, et d’autre part les analyses du Haut Conseil pour le Climat (HCC) et de la Cour des comptes européenne qui s’interrogent tous deux sur l’origine et la durabilité des récentes baisses d’émissions. 

    Exécution du jugement de 2021 : le compte n’y est définitivement pas

    Les baisses d’émissions observées en 2022 sont dues principalement à des effets purement conjoncturels, à savoir un hiver particulièrement doux et la crise énergétique déclenchée par la guerre en Ukraine. Cette affirmation est désormais confirmée par les calculs du rapport d’expertise produit ce jour selon lequel 92% des émissions en baisse pour l’année 2022 dans le secteur de l’industrie manufacturière et de la construction et 66% dans le secteur de l’usage des bâtiments sont dues aux facteurs purement circonstanciels. En l’absence de politiques structurelles de l’Etat, hors baisses conjoncturelles sur 2022, les émissions auraient, au contraire, augmenté dans ces deux secteurs, et au global, entre 2021 et 2022.

    En s’attribuant le mérite de ces baisses d’émissions, le gouvernement et le chef de l’Etat mentent aux français.e.s et cherchent à tromper les juges. C’est irresponsable car cela entretient l’illusion d’une action suffisante alors que les conséquences de leur inaction seront catastrophiques.

    Des baisses d’émissions subies et injustes pour les plus vulnérables

    Depuis la condamnation de 2021, les seuls leviers structurants de baisses d’émissions qui ont été activés relèvent de la sobriété. Cependant, il s’agit majoritairement d’une « sobriété subie » et pas du résultat de politiques publiques. Ainsi, les baisses d’émissions découlent de la baisse du pouvoir d’achat des ménages causé par l’inflation des prix. Pour L’Affaire du Siècle, cette sobriété subie n’est pas acceptable car elle n’est pas pérenne et est socialement injuste.

    Une analyse purement arithmétique de la mise en œuvre du jugement ne peut suffire

    L’intérêt du rapport réside aussi dans le fait qu’une approche arithmétique seule ne permettrait pas de comprendre si ce sont les mesures sectorielles prises par la Première Ministre et les ministres compétents, telles qu’ordonnées par le tribunal – qu’elles soient suffisantes ou non pour compenser le préjudice d’un point de vue arithmétique – qui sont à l’origine des baisses d’émissions constatées.  

    Dans la lignée des travaux réalisés par plusieurs acteurs institutionnels (CITEPA, HCC, Cour des comptes européenne), le rapport propose une approche qualitative des récents efforts climatiques de l’Etat, qui prend en compte non seulement l’éventuelle compensation arithmétique du retard pris, mais également l’incidence de facteurs extérieurs à l’action publique sur cette compensation. 

    Loin d’avoir pris en compte la gravité de la condamnation d’octobre 2021, les gouvernements successifs persistent à mener une politique de « sobriété subie », injuste socialement et peu pérenne, une politique inefficace et néfaste pour les engagements climatiques de la France

    La clôture d’instruction est fixée à ce vendredi 3 novembre, mais pourra être rouverte par le tribunal pour permettre aux ministères de répondre.

    Contacts presse

    Les équipes de Greenpeace, Oxfam et Notre Affaire à tous, les juristes et les experts d’éclaircies se tiennent disponibles pour interviews.

    Marika Bekier – Responsable presse, Oxfam France : mbekier@oxfamfrance.org
    Justine Ripoll – Responsable de campagne, Notre Affaire à Tous : justine.ripoll@notreaffaireatous.org

    Notes aux rédactions

    Le rapport d’éclaircies (avec un résumé exécutif et une explication de la méthodologie) en téléchargement.

    Les organisations de l’Affaire du siècle ont fait appel au collectif d’expert.e.s éclaircies.

    Le nouveau mémoire juridique en téléchargement.

  • CP / France – Afrique du Sud : neuf ONG demandent au gouvernement de condamner le jeu dangereux de TotalEnergies

    Paris, le 11 octobre 2023 – Alors que dimanche 15 octobre, la coupe du monde de rugby verra s’affronter en quarts de finale la France et l’Afrique du Sud, les téléspectateurs du monde entier subiront le matraquage publicitaire du sponsor officiel TotalEnergies sans savoir que cette entreprise irresponsable accélère le déclenchement de bombes climatiques en Afrique, et notamment en Afrique du Sud.

    Aujourd’hui, neuf associations (1) dénoncent la mascarade de « consultation publique » qui vient de démarrer en Afrique du Sud à propos des projets d’exploration et de production de TotalEnergies et demandent au gouvernement français de retirer le soutien qu’il apporte à la Major française à travers les « Partenariats pour une transition énergétique juste » ainsi que de condamner publiquement tous les investissements de TotalEnergies dans de nouveaux projets fossiles.

    En totale contradiction avec les conclusions du GIEC et les recommandations de l’Agence internationale de l’énergie (2), qui appellent à ne développer aucun nouveau projet d’extraction de charbon, de pétrole ou de gaz, TotalEnergies développe une stratégie expansionniste agressive en Afrique, et notamment en Afrique du Sud, où la multinationale souhaite ouvrir de nouveaux champs gaziers en offshore profond. Les côtes occidentales et méridionales sud-africaines sont ainsi menacées par une série de projets offshore qui pourraient voir le jour à des profondeurs allant de 200 à 3200 mètres de profondeur, et qui menacent des hotspots de biodiversité, les corridors de migration des baleines, la pêche artisanale et l’économie du littoral.

    Loin de renoncer à ses investissements mortifères après un an de mobilisation de la société civile en France et en Afrique du Sud et malgré une pétition réunissant près de 100 000 signatures, TotalEnergies vient au contraire d’accélérer les procédures en engageant une « consultation publique » pour développer deux immenses champs gaziers dans les eaux d’Afrique du Sud. Le 22 septembre 2023, les citoyens sud-africains découvraient ainsi une étude d’impact environnemental de plus de 3000 pages, qu’ils sont censés lire et commenter dans un délai de trente jours, le délai de clôture de la consultation étant fixé au 25 octobre 2023. Trente maigres jours concédés aux citoyens, scientifiques, associations et élus locaux pour se prononcer sur un projet déterminant pour la biosphère, alors qu’une première lecture des documents soumis à consultation révèle qu’en plus de la demande déposée officiellement par TotalEnergies pour l’exploitation des champs gaziers de Luiperd et Brulpadda s’ajoute un projet surprise : une nouvelle campagne d’exploration offshore de grande ampleur (3), dénotant la voracité insatiable du géant pétrolier pour les projets climaticides. 

    Nos neuf associations ont écrit à la Première ministre Elisabeth Borne pour demander au gouvernement français de condamner publiquement tous les nouveaux projets fossiles menés par TotalEnergies, de dénoncer les processus antidémocratiques qui accompagnent les projets d’expansion fossiles, et de conditionner l’implication de la France dans des « Partenariats pour une transition énergétique juste » à l’abandon des investissements dans de nouveaux projets fossiles, y compris gaziers en raison de l’entêtement de l’Élysée à présenter le gaz, une énergie strictement fossile, comme une « énergie de transition » dans le cadre du Partenariat établi avec l’Afrique du Sud lors de la COP26 à Glasgow (4).

    Après un été qui a vu les phénomènes climatiques extrêmes se multiplier, alors que la planète enregistre un nouveau record de chaleur pour les mois de septembre et d’octobre, le gouvernement ne peut laisser TotalEnergies instrumentaliser la coupe du monde de rugby et greenwasher ses choix dramatiques pour un monde dont la trajectoire, à l’image du ballon de rugby, ne tourne pourtant déjà plus rond.

    Notes

    1.  BLOOM, The Green Connection, 350.org, Amis de la Terre France, Chilli, Greenpeace France, Mouvement Laudato Si, Notre affaire à Tous et Surfrider Foundation Europe
    2. GIEC (2023), Climate change 2023. Synthesis report, B.5.3 ; AIE (2021) Net Zero by 2050. A roadmap for the global energy sector, chapitre 3.2 ; AIE (2023) Net Zero Roadmap : A Global Pathway to Keep the 1.5°C Goal in Reach, chapitre 2.2.2.
    3. TEEPSA (2023) Environmental and Social Impact Assessment (ESIA) for the offshore production right and environmental autorisation applications for Block 11B/12B. Final Scoping Report. Executive Summary.
    4. Élysée (2022) Partenariats pour une transition énergétique juste en Afrique.
  • Nos propositions pour une meilleure prise en compte de la santé environnementale par la justice française

    Publication d’un livre blanc

    Une cinquantaine de personnes, avocats, étudiants, professionnels du droit ou de la santé environnementale, était réunie ce jeudi 5 octobre au tribunal judiciaire de Paris à l’occasion de la publication d’un livre blanc proposant de nouvelles pistes pour améliorer la prise en charge judiciaire des victimes de problématiques de santé environnementale.

    LE CONSTAT : SANTÉ ET ENVIRONNEMENT SONT INTERDÉPENDANTS, LA JUSTICE MANQUE DE MOYENS

    Il est aujourd’hui clair que les dégradations et pollutions environnementales ont de forts impacts sur la santé humaine. A l’heure où près d’une personne sur quatre dans le monde décède en raison de facteurs environnementaux (source : OMS), il est impératif que la justice trouve les moyens de mieux comprendre ces situations et de les prendre en charge. Les principaux responsables de ces pollutions arrivent encore trop souvent à échapper à leurs responsabilités faute d’une réponse judiciaire suffisante.

    DES VICTIMES DE POLLUTIONS CONFRONTÉES À DE MULTIPLES PROBLÈMES JURIDIQUES

    Or, il reste très compliqué de faire reconnaître ce lien de causalité auprès du juge, et donc de faire avancer la problématique de la santé environnementale devant la justice. Les victimes des pollutions diffuses et multifactorielles sont particulièrement mal prises en compte, puisqu’à cette complexité de l’établissement du lien de causalité, s’ajoutent le coût exorbitant des expertises, la rareté des sachants en matière de santé environnementale et le manque de formation des juges à ces enjeux. Pourtant, des premières avancées sur les maladies professionnelles à la récente décision prévoyant  l’indemnisation d’enfants victimes de pollution de l’air, il semble que la justice a les moyens de se saisir du sujet.

    Pour contribuer à une meilleure prise en compte de la santé environnementale, Notre Affaire à Tous – Lyon, Kaizen Avocat et le Réseau Environnement Santé publient un livre blanc à destination des professionnels du droit et de la santé environnementale, afin que ceux-ci puissent se saisir plus facilement de cette question, en comprendre les enjeux et utiliser les jurisprudences et réflexions dans leurs dossiers.

    Sept recommandations qui iraient dans le sens d’une meilleure prise en compte juridique des enjeux de santé environnementale y sont formulées, issues d’expériences contentieuses et d’entretiens réalisés auprès d’avocats, de magistrats et d’autres professionnels du droit et de la santé environnementale. 

    #1 : Appliquer les principes de précaution et d’action préventive à l’ensemble des politiques, européenne et nationale,

    #2 : Réduire l’exposition de l’ensemble des citoyens à tous les polluants,

    #3 : Améliorer la réparation des préjudices subis par les victimes de pollutions et prévoir un suivi médical sur le long-terme,

    #4 : Octroyer des provisions aux victimes de pollution pour les frais de justice,

    #5 : Rendre effectif l’accès aux informations de santé environnementale,

    #6 : Augmenter les moyens des services d’inspection et des magistrats dédiés à la justice environnementale,

    #7 : Intégrer les toxicologues en qualité d’experts judiciaires.

    A l’heure où les dégâts sanitaires dus à la crise écologique vont être de plus en plus graves et coûteux, il est urgent que l’institution judiciaire évolue dans le sens d’une meilleure prise en charge de la santé environnementale, et que les moyens de cette évolution lui soient donnés rapidement.

    Pour plus d’informations : consulter le livre blanc ou sa synthèse.

    Contacts presse : 

    Emma Feyeux, Présidente de Notre Affaire à Tous – Lyon : emma.feyeux@notreaffaireatous.org

    Pour les questions juridiques sur le livre blanc :
    Me Louise Tschanz, Kaizen avocat : louise.tschanz@kaizen.avocat.fr