Catégorie : Actualités

  • CP / Insuffisance de la loi climat énergie : Notre Affaire à Tous et plusieurs avocats devant le Conseil Constitutionnel

    Communiqué de presse – 15 octobre 2019

    Malgré ses promesses réitérées auprès des français-es et de la communauté internationale, le gouvernement persiste et signe dans l’insuffisance en matière d’action climatique. Le projet de loi énergie-climat adopté définitivement le 26 septembre 2019 n’est pas à la hauteur des enjeux pour protéger la planète, les droits humains et respecter la Constitution de la France.

    En ce mardi 15 octobre 2019, Notre Affaire à Tous, accompagnée par le cabinet Vigo (nous représentant dans l’Affaire du Siècle) et Seattle Avocats (nous représentant dans l’affaire Total), soumet au Conseil constitutionnel, dans le cadre d’un contrôle de constitutionnalité, une contribution extérieure visant à démontrer les insuffisances et manquements à la Constitution du projet de loi énergie-climat. 

    Ce projet de loi ne met pas en oeuvre les moyens suffisants pour assurer une lutte adéquate contre le changement climatique et ne satisfait pas aux demandes formulées dans l’Affaire du Siècle. En effet, différents objectifs inclus dans la loi, dont l’objectif de neutralité carbone, sont insuffisants à plusieurs égards. La division par 6 des émissions de GES ne permet pas de garantir l’atteinte de cette neutralité et les objectifs intermédiaires pour y parvenir ne sont pas assez ambitieux. De plus, aucune mesure de réduction des émissions des plus gros pollueurs comme Total n’est prévue dans la loi. 

    Notre Affaire à Tous considère que ces dispositions constituent un manquement à l’obligation constitutionnelle de vigilance qui s’impose au législateur en matière environnementale. L’association demande également au Conseil constitutionnel de reconnaître le droit de vivre dans un système climatique soutenable, au titre des droits protégés par la Constitution.

    « Malgré les actions en justice contre la France pour inaction climatique par la Ville de Grande-Synthe, par les organisations de l’affaire du siècle soutenues par 2,3 millions de signataires, le gouvernement persiste dans l’immobilisme et une inaction l’intolérable insuffisance, au regard même de la loi », défend Marie Pochon, coordinatrice de Notre affaire à tous.

    « Cette saisine par les parlementaires est une opportunité pour le Conseil constitutionnel de renforcer la protection des droits fondamentaux, ajoute Théophile Keïta, en charge du dossier. Nous espérons du Conseil Constitutionnel, qui a déjà reconnu une obligation de vigilance environnementale, une décision très ferme permettant de mieux contraindre l’Etat en matière de lutte contre le changement climatique”.

    Notre Affaire à Tous demande au Conseil constitutionnel de censurer la loi, ou à tout le moins de relever les manquements exposés. La décision du Conseil constitutionnel est attendue pour début novembre. 

    L’argumentaire a été développé par différent-es membres de l’association Notre Affaire à Tous (avec l’aide des cabinets d’avocats Vigo et Seattle).

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    Contacts presse 

    Marie Pochon, Coordinatrice Générale, Notre Affaire à Tous, 06 52 26 19 41 marie@notreaffaireatous.org 

    Annexe – éléments complémentaires 

     

    • Qu’est-ce que le mécanisme de la contribution extérieure au Conseil constitutionnel 

    La contribution extérieure  désigne une intervention déposée auprès Conseil constitutionnel par des acteurs de la société civile ou du monde politique lors d’un contrôle a priori de la loi, c’est à dire avant que la loi ne soit promulguée. Ce contrôle constitutionnel de la loi a lieu si 60 députés ou sénateurs ou plus saisissent le Conseil constitutionnel. Les contributions extérieures, permettent au Conseil d’éclairer voire même d’influencer ses décisions. Fortement critiquées pour leur caractère secret, le Conseil s’est engagé à publier leur contenu en mai 2019 . 

     

    • Rappel de la loi énergie climat

    Le projet de loi relatif à l’énergie et au climat (“le projet de loi énergie-climat”) a été présenté en Conseil des ministres le 30 avril 2019 par le ministre de la transition écologique et solidaire, et a été adopté par le Parlement le 26 septembre dernier, à la suite d’une procédure accélérée impliquant la convocation d’une commission mixte paritaire pour parvenir à un accord de compromis entre l’Assemblée Nationale et le Sénat.

    Ce projet de loi vient actualiser les objectifs de la politique de l’énergie au regard du Plan climat adopté en 2017, de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) pour 2019-2033 adoptée en décembre 2018 et du nouveau projet de Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) pour 2019-2028 de janvier 2019. La SNBC et la PPE sont des instruments réglementaires de pilotage de la politique énergétique créés par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015, visant l’objectif  neutralité carbone à l’horizon 2050. 

    Si ce projet de loi est important pour les trajectoires que se fixe la France, Notre Affaire à Tous regrette toutefois qu’il ne soit pas à la hauteur de l’urgence qu’impose le changement climatique et des ambitions pourtant prises par l’Etat français en matière climatique. 

    • Quelles sont nos critiques de la loi ? 

    Notre Affaire à Tous considère que le projet de loi énergie-climat comporte différents manquements à l’obligation constitutionnelle de vigilance. Ceux-ci ne permettent pas de garantir le respect du droit fondamental de vivre dans un système climatique soutenable. 

     

      • Manquements à l’obligation environnementale de vigilance

    Notre affaire à tous considère que le gouvernement n’a pas suffisamment observé cette obligation au cours de l’élaboration du projet de loi en procédure accélérée à de multiples égards :

    • l’objectif de neutralité carbone et la division par 6 des émissions à l’horizon 2050 sont insuffisants en soi;

    • le projet de loi ne prend pas en compte les émissions extraterritoriales; 

    • l’atteinte de l’objectif de neutralité carbone est incertaine faute de mesures de financement existantes;

    • l’objectif de neutralité carbone ne devrait pas être cantonné au seul domaine de l’énergie;

    • les objectifs intermédiaires sont largement insuffisants; 

    • enfin, aucun pouvoir d’injonction à un organe indépendant chargé de garantir la mise en oeuvre de la neutralité carbone en ultime recours n’a été attribué.

      • Volonté de reconnaissance du droit de vivre dans un système climatique soutenable

    A plusieurs égards le projet de loi énergie-climat peut constituer un manquement au droit constitutionnel de vivre dans un système climatique soutenable. Un principe général du droit portant le droit de vivre dans un système climatique soutenable a été soutenu dans le recours porté par les 4 associations requérantes de “L’affaire du siècle”. Notre affaire à tous souhaite que le Conseil constitutionnel reconnaisse que ce droit fasse partie des principes à valeur constitutionnelle, permettant de contrôler la conformité de l’action du législateur à la Constitution. 

  • Lutter contre le changement climatique par la désobéissance civile, un état de nécessité devant le juge pénal ?

    Par Paul Mougeolle et Antoine Le Dylio de Notre Affaire à Tous, dans La Revue des Droits de l’Homme, Octobre 2019

    Face à la crise climatique, assistons-nous aux prémices d’une légitimation par les tribunaux de certains actes de désobéissance civile non violents ? Le tribunal de grande instance de Lyon semble s’engager dans cette voie, puisqu’il a prononcé la relaxe de deux militants prévenus du chef de vol en réunion à la suite du décrochage d’un portrait du président de la République dans la mairie du deuxième arrondissement de Lyon. En réaction aux débats suscités par ce jugement, ce commentaire interroge la possibilité de voir l’état de nécessité prospérer dans le contexte d’urgence environnementale.

    À la suite du décrochage du portrait du président de la République par des militants écologistes, largement relayé par les réseaux sociaux, la mairie du deuxième arrondissement de Lyon déposait plainte pour vol en réunion le 21 février dernier. Le portrait enlevé en présence de la presse n’a pas été restitué et serait conservé dans un lieu tenu secret afin d’être brandi lors de futures manifestations en faveur de la protection du climat.

    Les prévenus soutenaient qu’au regard des connaissances scientifiques actuelles, les accords internationaux et les voies légales empruntées demeurent insuffisants puisqu’ils ne permettent pas d’instaurer une politique efficace de lutte contre le changement climatique. En conséquence, des actions non violentes de désobéissance civile seraient selon eux nécessaires. Devant la catastrophe climatique annoncée, leur avocat plaidait donc la relaxe au nom de « l’état de nécessité ». Cette interprétation a été rejetée en bloc par le ministère public qui requérait leur condamnation à une amende de cinq cents euros.

    Au terme d’une argumentation singulière, le juge a prononcé la relaxe des prévenus. Certains titres de presse se sont alors fait l’écho de la reconnaissance d’un état de nécessité1, mais cette affirmation doit être nuancée. La motivation du jugement s’inscrit certes dans l’esprit de cette notion – et les critères exigés apparaissent en filigrane – mais le juge n’y fait pas explicitement référence, sauf lorsqu’il expose la défense des prévenus.

    L’état de nécessité est admis pour la première fois comme cause exonératoire de responsabilité en 1898, par le « bon juge » du tribunal de Château Thierry2, dans une affaire impliquant une mère de famille qui avait volé du pain « sous l’irrésistible impulsion de la faim ». Il faudra attendre la réforme de 1994 pour que le législateur introduise cette notion dans le Code pénal. L’article 122-7 prévoit désormais que « n’est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace. »

    En l’espèce, pour retenir l’état de nécessité, le juge devait déterminer, d’une part, si les conséquences du changement climatique constituent pour les prévenus un danger actuel ou imminent (I/) et, d’autre part, si le décrochage de portraits du président de la République constitue une réponse nécessaire et non disproportionnée (II/).

    I/ – Un danger actuel ou imminent à identifier : le changement climatique ou l’insuffisance des politiques publiques ?

    La reconnaissance de l’état de nécessité suppose en premier lieu qu’un danger actuel ou imminent menace la personne qui accomplit un acte nécessaire à sa propre sauvegarde, à celle d’autrui ou celle d’un bien.

    Le juge n’hésite pas à qualifier le dérèglement climatique de danger grave, actuel et imminent3, et la communauté scientifique s’accorde sur ce fait. En particulier, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a publié en décembre 2018 un rapport spécial4 relatif aux effets d’un réchauffement climatique de 1,5 °C, dont les conclusions sont sans appel : les dangers encourus au-delà d’un tel réchauffement planétaire moyen sont non seulement « imminents », puisque cette situation surviendrait entre 2030 et 2050, mais surtout excessivement graves, tant pour les personnes que pour leurs biens. De surcroît, les effets du dérèglement sont déjà sérieusement perceptibles, y compris en France où canicules, sécheresses et incendies se multiplient en période estivale alors que le réchauffement moyen n’est que d’un degré.

    Le juge relève que ce dérèglement « affecte gravement l’avenir de l’humanité » mais également « l’avenir de la faune et de la flore ». Cette motivation s’inscrit pleinement dans la thèse, soutenue par la doctrine5 et de nombreux recours6, selon laquelle les États sont tenus à une obligation de lutter contre le changement climatique en raison d’atteintes sur l’environnement, mais aussi des atteintes aux droits fondamentaux des personnes, desquels se déduirait le droit de vivre dans un système climatique soutenable. Le droit à la vie est même convoqué à demi-mot par le magistrat lorsqu’il affirme que l’État ne respecte pas ses objectifs « pouvant être perçus comme minimaux dans un domaine vital ».

    Le changement climatique représenterait donc selon le juge un danger grave, qui est actuel ou imminent. Mais dans le contexte de la présente affaire, admettre l’état de nécessité suppose en toute rigueur que ce soit la carence de l’État en matière climatique qui constitue un danger actuel ou imminent, ou au moins qu’elle y participe, dans la mesure où c’est au regard de cette carence que sera analysée l’adéquation des actes des prévenus.

    Le juge s’attache alors à caractériser la carence de l’État en relevant trois manquements corroborés par des données institutionnelles (Eurostat, SNBC, Commissariat général au développement durable). D’abord le dépassement de la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixée par la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) ; ensuite les manquements en matière de déploiement des énergies renouvelables ; et enfin l’échec de l’amélioration de la performance énergétique. Les personnes interrogées en qualité de témoin lors de l’audience avaient souligné cette carence : Wolfgang Cramer, scientifique en écologie globale, avait affirmé la nécessité d’un changement rapide de notre modèle de société pour limiter la hausse des températures. Quant à Cécile Duflot, militante écologiste, directrice d’Oxfam et ancienne ministre du Logement, elle a rappelé que des recours ont été engagés pour mettre fin à l’inaction de l’État, à savoir le recours en responsabilité dit « l’affaire du siècle »7 porté devant le tribunal administratif de Paris, ainsi que le recours en excès de pouvoir engagé par la commune de Grande-Synthe devant le Conseil d’État.

    La difficulté tient à l’exigence d’une proximité certaine, aussi bien temporelle que spatiale, entre le danger et la personne ou le bien menacé. La Cour de cassation exige en effet que « le danger [soit] actuel, c’est-à-dire que les prévenus [soient] au contact même de l’événement menaçant »8.

    Mais à la lecture du jugement commenté, il ne ressort nullement des faits que les prévenus seraient physiquement plus susceptibles d’être affectés par le changement climatique que le reste de la population. Rappelons que le tribunal de l’Union européenne s’est appuyé sur cet argument pour déclarer irrecevable le recours People’s Climate Case9, sur le fondement d’une jurisprudence classique10, même s’il a par ailleurs admis que chaque individu risque d’être affecté d’une manière ou d’une autre par le réchauffement de l’atmosphère11. À n’en pas douter, il sera décisif que les individus parviennent à démontrer que l’évolution du climat porte à leur personne une atteinte qui leur est spécifique.

    Relevons en revanche que le juge témoigne d’une certaine compréhension de la crainte des prévenus et semble conciliant lorsqu’il évoque des « citoyens profondément investis dans une cause particulière servant l’intérêt général ». Certains pourraient y voir l’amorce d’une reconnaissance de l’état d’éco-anxiété, qui commence à faire l’objet d’études de la part des spécialistes en psychologie12.

    Il pourrait enfin être soutenu que le caractère actuel ou imminent du danger doit s’évaluer à l’aune de la durée nécessaire pour accomplir un acte de sauvegarde ; auquel cas, force est de rappeler que le GIEC estime qu’il faut une action constante pour réduire les gaz à effet de serre d’ici 2050 de 93 % par rapport à 2010, afin d’atteindre la neutralité carbone à l’échelle globale. Il s’agit donc pour les militants d’exercer une pression constante destinée à s’assurer de l’efficacité des politiques publiques.

    En définitive, au regard des décisions antérieures, le caractère global et diffus du changement climatique pourrait constituer un obstacle à sa caractérisation comme danger actuel ou imminent au sens de l’article 122-7 du Code pénal. A fortiori, il en serait de même pour la carence de l’État.

    II/ – Le décrochage de portraits du président de la République, une réponse nécessaire et proportionnée à la carence étatique ?

    À supposer que le dérèglement climatique ainsi que la carence de l’État caractérisent un danger grave et imminent, il convient de s’interroger sur les caractères nécessaire, adapté et proportionné de la réponse apportée par les militants, à savoir le décrochage de portraits du président de la République. Selon la Cour de cassation, pour retenir l’état de nécessité les juges du fond doivent démontrer que l’infraction commise par le prévenu pouvait seule permettre d’éviter l’événement qu’il redoutait13.

    En somme, la question est de savoir si le vol de ces portraits est la seule action que les militants pouvaient entreprendre pour obtenir de la part du président de la République une inflexion des politiques climatiques, à supposer qu’une politique climatique nationale exemplaire permette d’éviter ou même d’atténuer le danger redouté.

    Or le juge suggère lui-même l’impuissance relative du président de la République, à raison puisque le changement climatique est un problème d’ampleur mondiale qui suppose une coopération diplomatique dont le succès échappe à la seule volonté d’un État, quelles que soient ses ambitions14.

    La politique climatique française est certes insuffisante, mais les émissions directes du territoire français ne représentent que 1 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre15. Ce constat obère la reconnaissance du caractère adapté puisque, même à supposer que la France cesse toute émission de gaz à effet de serre, les conséquences du changement climatique pour les citoyens français resteraient tout aussi dramatiques. De ce point de vue, il semble impossible que la solution du juge prospère, a fortiori si les critères de l’état de nécessité doivent être interprétés strictement.

    Cela étant, la responsabilité de la France dépasse la seule question de ses propres émissions. Les militants en attendent également une action diplomatique forte et cohérente afin d’inciter des pays fortement émetteurs comme les États-Unis à combattre le réchauffement et l’insuffisance des politiques nationales en matière climatique rend la France peu crédible pour mener ces négociations.


    Pour justifier la nécessité du décrochage de portraits, le juge estime que l’acte des prévenus « doit être interprété comme le substitut nécessaire d’un dialogue impraticable entre le président de la République et le peuple ». La motivation du jugement se détache ainsi des critères de l’état de nécessité pour glisser vers une justification fondée sur un « devoir de vigilance critique »16. Cette notion convoquée par le juge fait écho au concept de démocratie environnementale participative, ainsi qu’à l’obligation de vigilance environnementale à laquelle chacun est tenue17. Le jugement s’inscrit ainsi dans l’argumentation des prévenus qui avançaient que les moyens légaux dont ils disposent ne suffisent plus18 et que le contexte actuel de l’urgence climatique justifie l’exercice d’une désobéissance civile non violente.

    Ce devoir de vigilance critique paraît séduisant, mais les marches et les grèves en faveur du climat ne suffisent-elles pas à l’exercer pleinement ? Est-il nécessaire de les parer de portraits volés du président de la République ? Ce devoir doit-il légitimer l’invention par les citoyens « d’autres modes de participation » illégaux, au motif que l’exercice du droit de vote serait insuffisant dans le cadre d’un État démocratique ?

    Dans les affaires de fauchage d’organismes génétiquement modifiés (OGM), la Cour de cassation avait confirmé en 2002 l’arrêt de la cour d’appel qui avait écarté l’état de nécessité, considérant notamment que « les prévenus disposaient de nombreux moyens d’expression dans une société démocratique autres que la destruction […] de milliers de plants de riz pour faire entendre leur voix auprès des pouvoirs publics »19. Le contexte était néanmoins différent puisqu’il était alors fait application du principe de précaution, les risques des OGM sur la santé humaine n’étant pas établis, tandis que les conséquences délétères du changement climatique sont avérées. En outre, contrairement à la destruction de champs d’expérimentation d’OGM, le vol commis par les décrocheurs n’a entraîné qu’un faible trouble à l’ordre public : selon le juge, la réunion des militants, « même non déclarée préalablement en préfecture », « revêt[ait] un caractère manifestement pacifique de nature à constituer un trouble à l’ordre public très modéré ». Ce constat est confirmé par le coût négligeable du bien volé et l’absence de constitution de partie civile par la mairie de Lyon.

    Les actions menées par les militants ont le mérite de susciter le débat sur le rôle des États dans la lutte contre le changement climatique ; elles pourraient renforcer la pression sur le gouvernement et l’inciter à des réformes ambitieuses pour adapter sa politique aux dangers du dérèglement climatique. Mais considérer que le vol de portraits du président de la République permettrait de résoudre les difficultés de mise en œuvre de cette politique revient à adopter une approche assez extensive de l’état de nécessité. Le juge disposait d’alternatives plus pragmatiques : il aurait pu par exemple prononcer une dispense de peine, les critères requis20 pouvant raisonnablement être considérés comme vérifiés. En effet, le reclassement des prévenus est acquis, le dommage causé est réparé21 et le trouble résultant de l’infraction a cessé.

    Les douze futurs jugements de militants ainsi que le prochain arrêt de la cour d’appel de Lyon éclaireront sans doute la question de savoir si, au regard du principe d’application stricte de la loi pénale, les conditions de l’état de nécessité sont bel et bien réunies.

    TGI de Lyon, 7ème chambre correctionnelle, 16 septembre 2019, no 19168000015

    Notes

    • 1) O. P.-V., 17 septembre 2019, « Décrocheurs du portrait de Macron : « l’état de nécessité », une notion au cœur de la relaxe », L’Express.
    • 2) T. corr. de Château-Thierry, 4 mai 1898 ; le juge prononça la relaxe, estimant « regrettable que, dans une société bien organisée, un des membres de cette société […] puisse manquer de pain autrement que par sa faute ».
    • 3) Jugement commenté, p. 7.
    • 4) Cette synthèse du rapport, signée et acceptée par les gouvernements du monde entier, intègre les connaissances scientifiques les plus avancées et les plus sûres en la matière : https://www.ipcc.ch/sr15/chapter/summary-for-policy-makers/.
    • 5) Christel Cournil, Antoine Le Dylio, Paul Mougeolle, « « L’affaire du siècle » : entre continuité et innovations juridiques », AJDA, 2019, p. 1864 ; Expert Group on Global Climate Obligations, Oslo Principles on Global Climate Obligations, Eleven International Publishing, 2015.
    • 6) V. le recours contre l’État dans « l’affaire du siècle » porté par les organisations non gouvernementales Notre Affaire à Tous, la Fondation pour la Nature et l’Homme, Greenpeace France et Oxfam France : https://laffairedusiecle.net/wp-content/uploads/2019/05/Argumentaire-du-Mémoire-complémentaire.pdf
    • 7) Id.
    • 8) Cass., Crim., 7 février 2007, no 06-80.108.
    • 9) Recours formé par dix de plaignants contre le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne concernant l’insuffisance des législations en matière climatique.
    • 10) CJCE, 15 juillet 1963, Plaumann & Co. contre Commission de la Communauté économique européenne, Aff. 25-62.
    • 11) TUE, Ordonnance du Tribunal (deuxième chambre), 8 mai 2019, Armando Carvalho e.a. contre Parlement européen et Conseil de l’Union européenne, T-330/18, cons. 49 et suiv.
    • 12) Coralie Lemke, 15 mars 2019, « L’éco-anxiété ou le trouble mental causé par la peur du changement climatique », Sciences et Avenir.
    • 13) Crim. 25 juin 1958 : D. 1958. 693, note M.R.M.P. ; JCP 1959. II. 10941, note Larguier ; RSC 1959. 111, obs. Légal.
    • 14) « attendu que la conservation de ce portrait, qui achève de caractériser sa soustraction volontaire, n’était certes pas une suite nécessaire au marquage d’une forme d’appel adressé au président de la République, face au danger grave, actuel et imminent à prendre des mesures financières et réglementaires adaptées ou à défaut rendre compte de son impuissance […] », p. 7.
    • 15) Haut conseil pour le climat, « Agir en cohérence avec les ambitions », 1er rapport annuel, 2019, en ligne [https://www.hautconseilclimat.fr/rapport-2019/] : les émissions de la France s’élèvent à 460 Mt CO2e et son empreinte carbone à 731 Mt CO2e.
    • 16) Jugement commenté, p. 7.
    • 17) CC, Décision no 2011-116 QPC, 8 avril 2011, M. Michel Z. et autre [Troubles du voisinage et environnement].
    • 18) Relevons par ailleurs que les actes liés à la conduite des relations extérieures de la France sont des actes de gouvernement : ils ne peuvent donc pas être déférés devant un juge national, ce qui renforce l’argument selon lequel les voies légales empruntées demeurent insuffisantes.
    • 19) CA Montpellier, 3e ch., 20 décembre 2001, no 01/00715 ; confirmé par Cass. Crim., 19 novembre 2002, no 02-80.788.
    • 20) V. article 132-59 du Code pénal
    • 21) Compte tenu de la faible valeur du bien et de l’absence de constitution de la partie civile ; voir, en ce sens un jugement estimant le dommage est réparé en raison de la modification de leurs demandes par les parties civiles (réduction à 1 franc de dommages et intérêts) : Trib. corr. Paris, 21 mai 1996 : Dr. pénal 1996. 240, obs. Véron.

    Référence électronique

    Paul Mougeolle et Antoine Le Dylio, « Lutter contre le changement climatique par la désobéissance civile, un état de nécessité devant le juge pénal ? », La Revue des droits de l’homme [En ligne], Actualités Droits-Libertés, mis en ligne le 02 octobre 2019, consulté le 07 octobre 2019. URL : http://journals.openedition.org/revdh/7437

  • Le 2e numéro du Journal de l’Année Climat de Place To B est sorti !

    Notre Affaire à Tous est fière d’avoir contribué au deuxième numéro du Journal de l’Année Climat de Place To B !

    Co-écrit par 5 ONGs, CliMates, Nature Rights, le REFEDD, Humans & Climate Change et Notre Affaire à Tous, ce numéro se concentre sur la justice climatique, la protection des droits fondamentaux face à la crise climatique et sur la question des déplacés environnementaux, enjeux cruciaux pour l’avenir de notre planète et la stabilité de nos sociétés.

    Le Journal de l’Année Climat, c’est quoi ? Ce journal est engagé et collaboratif. Il est dédié à l’information sur la lutte contre le changement climatique. Le premier numéro, sorti en mai 2019, se concentrait sur les négociations climatiques mondiales.

  • CP / La France et quatre autres pays attaqués pour leur inaction climatique : la jeunesse du monde défend son avenir en justice

    Communiqué de presse – 23 septembre 2019

    Notre Affaire à Tous salue l’action en justice de 16 jeunes du monde entier, dénonçant l’inaction de la France, l’Allemagne, l’Argentine, le Brésil et la Turquie contre le réchauffement climatique comme une atteinte à la convention de l’ONU sur les droits de l’enfant, ce jour. 

    En France, le recours initié par Notre Affaire à Tous en décembre dernier “l’Affaire du Siècle”, et lancé avec Oxfam, Greenpeace et la FNH, a recueilli plus de deux millions de soutiens citoyens, mettant en avant l’inadéquation entre le retard français en matière climatique et les obligations de protection de l’Etat Français.

    Avec cette plainte inédite au niveau mondial (voir complément d’informations ci-dessous), la jeunesse montre sa détermination à se mobiliser non seulement dans les rues, mais aussi au travers des tribunaux, pour faire reconnaître ses droits et contraindre les Etats à agir pour leur protection.

    Des cinq pays visés par la plainte, aucun ne respecte l’Accord de Paris, alors même que les conséquences de l’inaction impactent, dès aujourd’hui, les droits humains, notamment des plus vulnérables, partout sur la planète. Notre Affaire à tous dénonce l’inaction de ces dirigeant-es, qui, en toute connaissance de cause et malgré les alertes répétées des scientifiques et de celles et ceux qui s’en font les porte-voix, la jeunesse du monde entier, ferment les yeux devant ces atteintes au vivant et aux droits. 

    Pour Marie Pochon, coordinatrice de l’association, “ces jeunes nous montrent que les cadres juridiques sont un outil pour protéger les droits de toutes et tous face à l’impunité de ceux qui détruisent la planète. Au niveau local, national et Européen, les citoyen-nes montrent, à tous les échelons, au travers de procédures en justice, que le climat est une affaire de droit(s). Ils et elles nous montrent aussi que nous avons le pouvoir d’agir, et même la capacité de gagner, en agissant ensemble. Après des grèves et des marches exceptionnelles ce vendredi 20 septembre qui ont réuni plus de 4 millions de personnes à travers la planète pour la justice climatique, il est nécessaire de mettre en place les cadres légaux et les contraintes juridiques adéquates qui protègent nos droits, et ceux des plus jeunes face à un avenir qu’on leur retire.

    Contact Presse 

    Marie Pochon, Coordinatrice Générale 06 52 26 19 41 ; marie@notreaffaireatous.org 

    Le lien vers le site de l’action en justice : https://childrenvsclimatecrisis.org/

    Contexte : 

    Les actions en justice sont complémentaires des mobilisations citoyen-nes et de la jeunesse partout dans le monde, exigeant la justice climatique. Les citoyen-nes et souvent les plus jeunes se saisissent des tribunaux pour faire respecter leurs droits. En 2015 aux Etats Unis, ce sont 21 jeunes qui ont saisi la cour de justice de l’Etat de l’Oregon au nom de la violation de leurs droits constitutionnels à la vie et à la propriété aux côtés d’Our Children Trust. En Colombie, 25 jeunes accompagnés de l’association colombienne DeJusticia ont intenté une action en justice contre l’Etat colombien pour manque de protection de leurs droits fondamentaux à la vie et à l’environnement, tandis que 10 familles ont initié un recours contre l’UE en mai 2018, le Peoples Climate Case, que Notre Affaire à Tous accompagne, faisant valoir l’atteinte à leurs droits fondamentaux que représente le manque d’ambition de la politique climatique européenne. 

    Analyse juridique de Notre Affaire à Tous

    Les 16 demandeurs ont formé une communication au Comité des droits de l’enfant le 23 septembre 2019 sur le fondement de l’article 5 du 3e Protocole Optionnel à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant. Le 3e Protocole a été adopté en novembre 2011, et signé par la France en novembre 2014. Celui-ci permet aux individus, dont les enfants, d’adresser une communication reprochant aux Etats parties la violation de la Convention ou de ses Protocoles additionnels. 

    Les demandeurs reprochent aux Etats la violation de droits protégés par la Convention relative aux droits de l’enfant (CIDE)(1). D’abord, ils reprochent la violation du droit à la vie (article 6 CIDE). Le Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies avait déjà déclaré que le changement climatique était l’une des menaces les plus pressantes sur le droit à la vie tant des générations futures que des générations présentes. L’atteinte est caractérisée en l’espèce par les risques à leur vie auxquels ont été exposés les demandeurs durant leur enfance. 

    Ensuite, ils reprochent une atteinte au droit à la santé (article 24 CIDE)(2). Celui-ci se définit comme un état de bien-être physique, mental et social complet, au-delà de la simple absence de maladie ou d’infirmité. Après avoir détaillé les différentes pollutions et vagues de chaleurs qu’ils et elles ont subi, les demandeurs considèrent que les défendeurs n’ont pas mis en oeuvre les mesures préventives nécessaires pour garantir leur droit à la santé. 

    De plus, les demandeurs estiment que c’est une violation du droit à la culture reconnu aux peuples indigènes (article 30 CIDE). Ce droit est reconnu comme étant étroitement associé aux territoires traditionnels des peuples indigènes et à leurs ressources. Or, la perpétuation du changement climatique par les défendeurs compromet les pratiques de subsistance millénaire des peuples indigènes, violant ainsi la Convention. 

    Enfin, les demandeurs estiment que chaque défendeur a échoué à prendre comme considération première l’intérêt supérieur de l’enfant dans leur lutte contre le changement climatique. L’intérêt supérieur de l’enfant est un droit substantiel qui doit gouverner à chaque décision prise par les Etats (article 3 CIDE). Les demandeurs dénoncent en particulier le retard pris dans les mesure de lutte contre le changement climatique, donnant la priorité aux intérêts économiques de court terme. 

    Agir devant le Comité des droits de l’enfant, c’est venir renforcer un mouvement déjà présent au niveau local, national et supranational. En effet, les recours sont portés au niveau local contre des projets soit produisant des émissions de GES, soit détruisant la biodiversité. Ils sont portés contre des Etats pour les forcer à respecter leurs obligations légales en matière de lutte contre le changement climatique, comme en 2014 avec l’affaire Leghari au Pakistan, mais aussi aux Pays-Bas avec l’affaire Urgenda et l’Affaire du Siècle en France. Ces recours sont aussi portés au niveau européen, à l’image du People’s Climate Case contre la Commission Européenne et le Conseil. 

    Cette procédure traduit, aussi, le péril grave pour les droits fondamentaux que représente le changement climatique, à commencer par les droits des plus vulnérables.

    • (1) Communication to the Committee on the Rights of the Child, Sacchi and o. v. Argentina and o., 23 September 2019, §§260-275.
    • (2) Communication to the Committee on the Rights of the Child, Sacchi and o. v. Argentina and o., 23 September 2019, §§276-285. 
    Télécharger le communiqué de presse au format PDFTélécharger
  • Notre Affaire à Tous au Sommet des peuples pour le climat, les droits et la survie de l’humanité

    Il ne reste plus que quelques jours avant l’ouverture du Sommet des peuples pour le climat, les droits et la survie de l’humanité. Environ 200 personnes à la tête de mouvements associatifs, citoyens et politiques pour la protection de l’environnement, la justice sociale et les droits humains se réuniront cette semaine à New York City (New York, Etats Unis) pour libérer de nouvelles énergies et ressources face à la crise climatique, en plaçant les peuples et les droits humains au cœur de l’action en faveur du climat.

    Notre Affaire à Tous est fière de participer à ces discussions internationales, avec l’ensemble de nos partenaires. Filippo Fantozzi, membre de Notre Affaire à Tous, nous y représentera durant ces deux jours.

    Suivez en direct les sessions plénières du Sommet des peuples pour le climat, les droits et la survie de l’humanité, sous ce lien !

    Le calendrier (heure de New York)

    18 septembre

    9h30 – 11h00 Session d’ouverture

    Intervenant·es : Bertha Zuñiga Cáceres du Conseil civique d’organisations indigènes et populaires du Honduras (COPINH) ; l’ambassadeur Luis Alfonso de Alba, envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU ; Philip Alston, président du Centre pour les droits humains et la justice mondiale de l’Université de New York ; Eriel Tchekwie Deranger d’Indigenous Climate Action ; Augustine Njamnshi de l’Alliance panafricaine pour la justice climatique (PACJA).

    17h45 – 18h00 Clôture de la journée

    19 septembre

    9h00 – 9h40 Ambition, droits humains et justice climatique. Débats entre deux responsables étatiques et deux représentantes de la société civile sur l’urgence d’une action climatique plus ambitieuse et sur la manière dont les droits humains  peuvent y contribuer.

    16h00 – 17h15 Mobilisation de masse pour une action climatique audacieuse. Session avec des spécialistes de la mobilisation pour conduire les participant·es à trouver comment être les catalyseurs d’un mouvement divers et puissant capable de mener sur toute la planète une action climatique audacieuse centrée sur les personnes. 

    17h30 – 18h15 Événement de clôture

    Intervenant·es : Marcelle Partouche Gutierrez, de Yes For Humanity ; Lagi Seru de Alliance For Future Generation et Alexandria Villaseñor de Earth Uprising.

    Ces sessions seront disponibles dans les langues de travail du Sommet des peuples : anglais, espagnol et français.

    Pour accéder au canal anglais, veuillez cliquer sur ce lien.

    Pour accéder au canal sous-titré en français, veuillez cliquer sur ce lien.

    Pour accéder au canal sous-titré en espagnol, veuillez cliquer sur ce lien.

    Toutes les sessions seront également enregistrées.

  • Décryptage de la loi énergie-climat : de bonnes intentions malgré des zones d’ombre et un manque d’ambition

    L’appel du Haut conseil pour le climat, dans son rapport de juin dernier « Agir en cohérence avec les ambitions », est sans équivoque : une transformation en profondeur de notre économie et de notre société doit être actionnée afin d’atteindre l’objectif ultime de la neutralité carbone à l’horizon 2050. Or, la cadence poursuivie est bien trop lente…

    Le projet de loi relatif à l’énergie et au climat, en ce qu’il vient actualiser les objectifs de la politique énergétique de la France, au regard du Plan Climat de 2017 et de deux instruments réglementaires : la Stratégie nationale bas-carbone(SNBC2) pour 2019-2033¹ , et la Programmation pluriannuelle de l’énergie(PPE) pour 2019-2028² , échappe-t-il à ce constat ? Autrement dit, ledit projet de loi permet-il vraiment de façonner une loi pour le climat et la transition énergétique ?

    Il est désormais inscrit que la politique énergétique française vise clairement à répondre à l’urgence écologique et climatique. Mesure qui reste toutefois très symbolique.

    A l’initiative des parlementaires, a été prévue l’élaboration d’une loi quinquennale déterminant les objectifs et fixant les priorités d’action de la politique énergétique nationale pour répondre à l’urgence écologique et climatique. Par cette disposition, le Parlement souhaite replacer son rôle au cœur de l’action : il ne vient plus seulement entériner les évolutions de la politique énergétique prédéterminées par décret, mais devient compétent pour fixer lui-même les objectifs de celle-ci :

    👉 La neutralité carbone à l’horizon 2050 en divisant les émissions de gaz à effet de serre par un facteur supérieur à six.

    Alors que la SNBC2 cherche à atteindre la neutralité carbone sans recourir à la compensation carbone via des crédits carbone³ , une telle précision n’a pas été faite dans ledit projet de loi, pourtant préconisée par le Haut conseil pour le climat, soulevant dès lors des questions quant à la faisabilité et à la mise en pratique de cet objectif.

    👉 La réduction de la consommation énergétique primaire des énergies fossiles de 40% d’ici 2030, en spécifiant qu’il est mis fin en priorité aux énergies fossiles les plus émettrices de gaz à effet de serre.

    La Commission européenne recommandait le 18 juin 2019 que doivent être énumérées les subventions à l’énergie, notamment en ce qui concerne les combustibles fossiles, ainsi que les actions entreprises et les projets en vue de les supprimer progressivement. Car comme le relève le Haut conseil pour le climat : « en 2017, les investissements fossiles défavorables au climat représentaient environ 75 milliards d’euros, soit près de deux fois le montant des investissements favorables au climat ». Or, aucune mention n’est faite à propos de ces financements ni même des moyens mis en œuvre afin de réduire les énergies fossiles dans le projet de loi énergie-climat…

    👉 L’augmentation de la part des énergies renouvelables à 33% au moins de la consommation finale brute en 2030. Cette loi vise à développer la production de l’énergie hydraulique notamment la petite hydroélectricité et la production d’électricité issue d’installations utilisant l’énergie mécanique du vent implantées en mer dans le but d’atteindre au moins 1 giga-watt par an d’ici 2024.  Il s’agit également de développer l’hydrogène bas carbone voire renouvelable ainsi que ses usages industriel, énergétique et pour la mobilité, afin d’atteindre entre 20 et 40% des consommations totales d’hydrogène et d’hydrogène industriel d’ici 2030.

    Le Parlement rehausse cet objectif à 33% au lieu de 32%, comme le suggérait la Commission européenne, et « favorise » la promotion de certains types d’énergies renouvelables.

    👉 Le report de réduire la part du nucléaire à 50% dans la production d’électricité à 2035 au lieu de 2025.

    Fortement décrié par les ONG Réseau Action Climatet Réseau Sortir du nucléaire, l’âge moyen du parc nucléaire français aura alors atteint à cette date 49 ans, ce qui soulève de sérieuses interrogations quant à la sécurité et à la sûreté.

    Quels autres changements ? 

    Du fait de la fermeture des centrales à charbon d’ici 2022:

    Le gouvernement est habilité à prendre, par voie d’ordonnance, des mesures visant à favoriser le reclassement des salariés sur un emploi durable, en priorité dans le bassin d’emploi concerné, en tenant compte de leur statut, lesquelles doivent prévoir également des dispositifs adéquats de formation permettant de faciliter la mise en œuvre des projets professionnels des salariés concernés.

    Du fait de la fermeture des 14 réacteurs nucléaires concernés en vue de réduire à 50% la part du nucléaire dans le mix énergétique d’ici 2035:

    Tout comme pour la fermeture des centrales à charbon, il est prévu d’inclure dans le plan stratégique élaboré par les exploitants produisant plus du tiers de la production nationale d’électricité des dispositifs d’accompagnement mis en place pour les salariés dont l’emploi serait supprimé ; les exploitants étant soumis à une obligation de rendre compte de la mise en œuvre des dits dispositifs d’accompagnement chaque année, devant les commissions permanentes compétentes du Parlement.

    Reste que la question relative au financement des rénovations énergétiques, de taille, comme en témoigne en 2017 le déficit d’investissements d’environ 5 à 8 milliards d’euros par an ⁴, demeure en suspens, renvoyée au projet de loi de finances.

    En définitive, si le projet de loi énergie-climat a été amélioré, celui-ci comporte encore de nombreuses zones d’ombre, ainsi qu’une ambition relativement faible, loin d’être tolérables en temps d’urgence écologique et climatique. 

    _________________

    ¹ La SNBC définit des plafonds nationaux d’émissions de gaz à effet de serre à court et moyen termes, dits « budgets carbone ».

    ² La PPE fixe les priorités d’action du gouvernement en matière d’énergie pour la métropole continentale et les zones non-interconnectées, sur une échelle de dix ans, divisée en deux périodes de cinq ans.

    ³ « Un émetteur de gaz à effet de serre peut compenser ses émissions en acquérant des « crédits carbone » générés par des projets permettant d’éviter les émissions ou de séquestrer du carbone » : définition issue du rapport du Haut conseil pour le climat, Agir en cohérence avec les ambitions, p. 25. 

    ⁴ I4CE, Panorama des financements climat, Edition 2018, p. 10.

  • CP / Réforme constitutionnelle : Derrière les grands mots, des phrases creuses et inefficaces pour le climat

    La nouvelle proposition de réforme constitutionnelle présentée par le gouvernement et Emmanuel Macron marque un nouveau recul pour le climat et la planète : les termes retenus et présentés lors du Conseil des Ministres de ce mercredi 28 août signalent une simple incitation à préserver notre environnement, alors même que les forêts du monde brûlent.

    Ce  mercredi 28 août, l’exécutif a dévoilé son nouveau projet pour l’article premier de la réforme constitutionnelle, désormais rédigé ainsi : « la République favorise toutes les actions en faveur du climat et de la biodiversité ». En choisissant le terme “favorise” à “agir”, le Président de la République fait en toute conscience et connaissance de cause le choix de phrases creuses, et non contraignantes. Le Conseil d’Etat venait en effet de l’alerter dans un avis sur le projet de texte que « L’affirmation d’un principe d’action imposerait une obligation d’agir à l’Etat, au niveau national ou international, comme aux pouvoirs publics territoriaux. Il serait susceptible d’avoir des conséquences très lourdes et en partie imprévisibles sur leur responsabilité, notamment en cas d’inaction »¹.

    Une forme d’aveu, sous couvert de communication-greenwashing, de l’absence de volonté du gouvernement d’agir réellement pour tenir ses obligations climatiques et environnementales ? A l’heure où l’Amazonie se consume, Notre affaire à tous aimerait ne pas avoir à se poser la question.

    Pour Marie Pochon, coordinatrice de Notre affaire à tous : “Le Président Macron a entendu l’appel des citoyen-nes pour faire vivre la justice climatique, les droits de la nature, pénaliser les écocides… Mais il ne semble nous proposer que de grands mots, en reculant sur les actes. Nous sommes pourtant plus de 100 000 à avoir signé l’Appel pour une Constitution écologique initié par Notre affaire à tous, et 2,2 millions à soutenir l’Affaire du siècle. Le gouvernement doit entendre cet appel des citoyen-nes et respecter ses obligations pour protéger nos droits!”

    Contacts Presse : 

    Marine Denis, chargée de plaidoyer, 06 09 40 64 01

    Marie Pochon, Coordinatrice Générale, 06 52 26 19 41

    __________________

    ¹ Préférer un terme souple et creux, dépourvu de tout effet juridique, n’est pas une première en matière de réécriture constitutionnelle. Ainsi, l’article 1er de la Constitution use dores et déjà du verbe “favorise” dans la mention “la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives”, une formulation pourtant critiquée par le Haut Conseil à l’Egalité entre les Hommes et les Femmes qui préconise l’usage du terme “garantir” afin d’“empêcher d’éventuels reculs et permettre de nouvelles avancées dans la réalité”

  • Mobilisons-nous pour la rentrée climatique et sociale les 20 et 21 septembre !


    Parce que l’Amazonie est en flammes.
    Parce que le permafrost fond avec 70 ans d’avance sur les pires prévisions.
    Parce que les sécheresses et les pénuries d’eau se multiplient partout.
    Parce que des millions de personnes en paient déjà le prix fort.
    ·
    Parce que les entreprises du pétrole, du charbon et du gaz continuent leur business comme si de rien n’était.
    Parce que nous serons deux jours avant un sommet de l’ONU sur le climat.
    Parce que pendant qu’ils et elles parlent, la situation s’aggrave.
    Parce que le temps des discours est révolu.

    Parce que nous n’avons tout simplement pas le droit d’échouer. 

    Les 20 et 21 septembre prochains marqueront une rentrée cruciale pour le climat un an jour pour jour après le début d’une massification inédite pour le mouvement.

    Le 20 septembre, à l’appel de Greta Thunberg, les jeunes grévistes pour le climat qui se mobilisent depuis des mois, appellent tous les adultes à les rejoindre partout dans le monde. Cette grève mondiale pour le climat est déjà soutenue par de nombreux syndicats, depuis l’Afrique du Sud jusqu’aux Etats-Unis.

    Le 21 septembre, de nouvelles marches pour le climat auront lieu partout sur le territoire à l’initiative de citoyen-nes, d’organisations et de collectifs. Ces marches s’accompagnent pour certaines de nouvelles actions de désobéissance, qui viendront témoigner de toute la détermination du mouvement.

    RDV le mercredi 18 septembre à La Base (31 rue Bichat à Paris) pour fabriquer les pancartes de la marche ! Vous voulez fabriquer des pancartes ou autres à un autre moment : remplissez ce framadate ! 

    En France, plus de 70 organisations et syndicats soutiennent d’ores et déjà la mobilisation ! Retrouvez tous les événements prévus par ici !

    Guirlande Manifeste

    En savoir plus sur la grève mondiale du 20 Septembre 

    Matinée: Appel à bloquer les établissements scolaires et rassemblements dans les universités.

    12H30 : Rendez-vous à Nation pour une marche qui démarrera à 13H, en direction de Bercy

    14H30-19H : Rassemblement au Parc de Bercy avec ateliers, conférences, village associatif et assemblées citoyennes.

    19H-21H : Début d’une soirée festive et engagée avec concerts et performances artistiques.


    L’événement Facebook


    La carte des grèves

    En savoir plus sur la grande marche du 21 septembre à Paris

    13h30 : Rassemblement à Saint Michel derrière la grande banderole « L’Affaire du Siècle »
    14h00 : Départ de la marche
    Arrivée à Bercy

    ☞ Vous êtes la personne que nous recherchons
    Que ce soit en communication, en logistique, en soin ou en encadrement, il y a forcément une place pour vous dans cette journée du 21.
    ▶︎ Rejoignez l’équipe d’organisation bénévole 

    Rejoindre le cortège Notre Affaire à Tous : appellez 


    L’événement Facebook

    Et… après la marche? 

    Nos ami-es d’Alternatiba et ANV COP21 (Action Non Violente COP21) organisent une grande action de désobéissance civile après la grande marche du 21 septembre. Vous aussi, rejoignez les ! 


    Rejoindre l’action

    Guirlande Manifeste

    SOUTENIR LA COMMUNICATION & LA MOBILISATION

    1. Partagez l’événement Facebook national 20-21

    2. Partagez l’événement Facebook du 21 à Paris

    3. Diffusez les visuels sur les réseaux sociaux

    4. Inscrivez vos actions sur la cartographie 

    Ces organisations et collectifs soutiennent la mobilisation :

    350.org ; ActionAid France ; Adéquations ; Agir pour l’environnement ; Alternatiba /ANV-COP21 ; Amis de la Terre France ; Association l’ ge de faire ; ATD Quart Monde ; Attac France ; Bizi ; Boycott Citoyen ; Collectif des Associations Citoyennes ; Cap ou pas cap ; Carre Geo&Environnement ; CCFD-Terre Solidaire ; Chrétiens Unis pour la Terre ; Citoyens Pour le Climat ; CliMates ; Colibris ; Collectif Gilets Jaunes Argenteuil ; Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT) ; Confédération paysanne ; Coordination EAU Île-de-France ; CRID ; CSP75/CISPM ; Earth Strike France ; E-Graine ; Enseignant.e.s. pour la planète ; Étudiants et Développement ; FAIR[e] un monde équitable; Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives (FTCR) ; FIDL, le syndicat lycéen ; Fondation Danielle Mitterrand ; Fondation ELYX ; Fondation pour la Nature et pour l’Homme ; France Nature Environnement ; Fondation de l’écologie politique ; Gilet jaunes Rungis IDF; Gilets Jaunes Argenteuil ; Gilets Verts ; Grands-parents pour le climat France; Greenpeace France ; Il est encore temps ; Immigration Développement Démocratie ; Ingénieurs sans frontières ; La Mine ; Le Début des Haricots ; Ligue des droits de l’Homme ; Le Mouvement ; L214 ; Mouvement de la Paix ; Mouvement Utopia ; MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’Amitié entre les Peuples) ; Mouvement National Lycéen 75 ; Mouvement pour une alternative non-violente; Notre Affaire À Tous ; Nous voulons des coquelicots ; ODASS ; On est prêt ; One Voice ; Oxfam ; Parents For Future France ; Parvis ; RADSI Nouvelle-Aquitaine ; REFEDD ; Réseau Action Climat ; Réseau Foi et Justice Afrique Europe ; ResiWay ; Réseau Sortir du Nucléaire ; Secours Catholique Caritas France ; Sciences Citoyennes ; Sherpa ; SOL ; Un Climat de Changement ; Union des Tunisiens pour l’Action Citoyenne (Utac) ; Union syndicale Solidaires ; Unis Pour Le Climat ; Urbamonde ; Vegan Impact ; Workers For Future France ; Webassoc; WWF France ; YFC France ; Yes We Green ; ZEA.

  • Lettre au Premier Ministre sur l’exclusion de l’huile de palme des biocarburants

    Dans une lettre signée par 24 ONGs dont Notre Affaire À Tous, nous appelons le Premier Ministre à maintenir la décision d’exclure les produits à base d’huile de palme de la liste des biocarburants. Nous refusons que cette exclusion cède face à la pression de la multinationale TOTAL qui voit son projet de bioraffinerie de La Mède remis en cause.


    Lire la lettre au format .pdf

    Objet : maintien de l’exclusion des produits à base d’huile de palme de la liste des biocarburants au 1er janvier 2020

    Monsieur le Premier ministre,

    Le 18 décembre 2018, dans le cadre l’examen du projet de loi de finances (PLF), l’Assemblée Nationale a voté l’exclusion des produits à base d’huile de palme de la liste des « biocarburants » à partir du 1er janvier 2020.

    Comme vous le savez, l’extension des plantations de palmiers à huile en Asie du Sud-Est est une cause majeure de déforestation et donc d’émissions de gaz à effet de serre. Depuis une dizaine d’années, une quantité croissante d’huile de palme est utilisée dans les carburants.

    L’autorisation de fonctionnement que vous avez délivrée à Total pour sa bioraffinerie de La Mède a suscité une forte controverse et une opposition de multiples acteurs. Elle est devenue un symbole car à elle seule, cette bioraffinerie pourrait importer jusqu’à 550 000 tonnes de produits à base d’huile de palme alors que le gouvernement s’était engagé lors de la présentation du Plan Climat, en juillet 2017, à fermer une fenêtre d’opportunité permettant l’incorporation d’huile de palme dans les carburants.

    Alors que les députés ont accordé un délai d’un an à Total pour revoir son projet et éviter ainsi une fermeture brutale du site, le PDG, M. Patrick Pouyanné, a fait le choix de l’entêtement et a déclaré publiquement qu’il mettrait tout en œuvre pour modifier cette loi en prétendant avoir l’appui du gouvernement. A ce jour, cette affirmation n’a pas été démentie par le gouvernement. 

    Contrairement à ce qu’affirme Total, l’exclusion des produits à base d’huile de palme de la liste des biocarburants n’est pas discriminatoire mais s’appuie sur la prise en compte de critères environnementaux établis : les études les plus récentes montrent que l’huile de palme est le biocarburant présentant le plus mauvais bilan carbone aujourd’hui sur le marché. Le Conseil constitutionnel, saisi à l’issu de l’adoption du projet de loi de finances 2019, n’a pas jugé utile de remettre en cause la décision des députés.

    Enfin, cette décision respecte le droit européen puisque la Commission européenne a reconnu dans un acte délégué que les carburants produits à partir de cultures oléagineuses, au premier rang desquelles l’huile de palme, présentaient un risque élevé de changements d’affectation des sols indirects leur utilisation n’étant à ce titre pas soutenable. De plus, la directive européenne REDII permet aux États membres de fixer un plafond d’incorporation plus bas pour les agrocarburants de première génération, et différencié selon les matières premières, en prenant en compte les changements d’affectation des sols indirects.

    Vous avez réaffirmé, dans votre discours de politique générale, votre souhait d’accélérer la transition écologique. Nos associations, et les citoyens, attendent désormais des actes. Nous serons vigilants, et mobilisés dans les prochains mois, pour faire en sorte qu’il n’y ait pas de recul vis à vis d’une loi déjà adoptée et qui a supprimé une niche fiscale néfaste pour le climat. 

    Au contraire, nous vous invitons à être plus ambitieux et à engager une sortie accélérée de l’ensemble des agrocarburants cultivés sur des terres dédiées, alors que la programmation actuelle (PPE, NECP) prolonge l’atteinte du plafond maximal de 7% fixé par la Commission européenne jusqu’en 2028. L’huile de soja constitue ainsi, après l’huile de palme, la matière première présentant le risque le plus élevé d’induire des changements d’affectation des sols indirects. 

    Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions, Monsieur le Premier ministre, de bien vouloir recevoir nos salutations les plus respectueuses.

    SIGNATAIRES :

    • Pour Action Aid, Antoine Bouhey, Directeur
    • Pour Agir pour l’Environnement, Mathias Chaplain, Coordinateur des campagnes
    • Pour Alofa Tuvalu, Gilliane Le Gallic, Présidente
    • Pour All4Trees, Jonathan Guyot, Coordinateur
    • Pour Alternatiba, Lea Vavasseur, Porte-parole
    • Pour ANV COP21, Fanny Delahalle, Porte-parole
    • Pour les Amis de la Terre, Khaled Gaiji, Président
    • Pour Bloom, Sabine Rosset, Directrice
    • Pour Canopée, Sylvain Angerand, Coordinateur des campagnes
    • Pour le CCFD – Terre Solidaire, Sylvie Bukhari de Pontual, Présidente
    • Pour le CLER, Jean-Baptiste Lebrun, Directeur
    • Pour Cœur de Forêt, Margaux Sabourin, Présidente
    • Pour Envol Vert, Daisy Tarrier, Directrice
    • Pour Fern, Hannah Mowat, Coordinatrice des campagnes
    • Pour France Nature Environnement, Michel Dubromel, Président
    • Pour Greenpeace, Jean-François Julliard, Directeur
    • Pour la LPO, Allain Bougrain Dubourg, Président
    • Pour Nature Rights, Samanta Novella, Présidente
    • Pour Notre Affaire à Tous, Marie Pochon, Coordinatrice Générale
    • Pour le Secours Catholique-Caritas France, Bernard Thibaud, Secrétaire Général
    • Pour le Réseau Action Climat, Morgane Créach, Directrice
    • Pour One Voice, Muriel Arnal, Présidente
    • Pour Oxfam France, Cécile Duflot, Directrice Générale
  • CP / Les familles du People’s Climate Case font appel de la décision du Tribunal de l’Union Européenne, qui avait jugé l’affaire irrecevable

    Par sa décision du 8 mai 2019, la Cour de Justice de l’Union Européenne reconnaissait que les familles et associations requérantes dans le cas du People’s Climate Case étaient affectées par le réchauffement climatique. Cependant, elle jugeait l’affaire irrecevable car n’étant pas les seules touchées par le réchauffement climatique, le critère de l’effet direct et personnel ne leur permettait pas de saisir les juridictions européennes.

    Ce jeudi 11 juillet, l’ensemble des plaignant-es ont décidé de faire appel de la décision de la Cour qui va à l’encontre de la protection de chaque individu et de l’accès à la justice pour les citoyen-nes et associations de l’Union Européenne.

    Aujourd’hui, 10 familles, aux côtés de l’association suédoise de la jeunesse Saami Saminuorra font appel de la décision du Tribunal de l’Union Européenne dans le cadre du People’s Climate Case. Ce recours inédit avait été lancé face aux législateurs Européens  contre l’insuffisance des objectifs climatiques de l’UE à l’horizon 2030 et ses manquements à protéger des droits fondamentaux de ces citoyen-nes. L’appel conteste l’interprétation restreinte du tribunal de première instance de “l’effet direct et personnel”. 

    Le Tribunal de première instance – Tribunal de l’Union Européenne – a reconnu que les familles et l’association de jeunesse saami sont impactées par le changement climatique, mais a rejeté l’affaire affirmant que les plaignant-es ne pouvaient pas être protégé-es par la loi européenne car ils ne pouvaient se prémunir du critère d’un effet direct et personnel pour agir.

    Roda Verheyen, avocate coordinatrice de l’affaire, a déclaré : “Le Tribunal de l’Union Européenne a refusé d’assurer l’accès à la justice pour les familles et les jeunes frappé-es par les impacts dévastateurs du changement climatique, essentiellement sur le fait que de nombreuses autres personnes sont également affectées par la crise climatique. Cette affirmation ne respecte pas la logique même des droits fondamentaux, qui prévoit d’accorder une protection à tout individu. Nous espérons que la Cour de justice de l’Union Européenne créera un précédent et fera évoluer son interprétation des traités européens dans le contexte du changement climatique, afin de protéger les citoyen-nes de cette crise”. 

    Dans deux mois, le Parlement européen et le Conseil européen devraient fournir une réponse écrite à l’appel, qui sera ensuite suivie de la décision de la Cour de justice de l’Union Européenne. Si le cas est rejeté une seconde fois, cela prouverait que les cours européennes sont incapables de fournir une protection légale aux citoyen-nes dans le contexte du changement climatique.

    Maurice Feschet, représentant la famille plaignante française, lavandiculteur qui a vu ses récoltes subir les conséquences de sécheresses et vagues de chaleur à répétition dit : 

    Les dirigeants européens restent aveugles face à la crise climatique, alors que les citoyen-nes souffrent de plus en plus des vagues de chaleur, sécheresses et incendies. Les tribunaux, chargés d’assurer la protection des citoyens, et ce même lorsque les décideurs publics ne jouent pas leur rôle, ne doivent pas sous estimer les impacts du réchauffement climatique sur les droits humains. Ils doivent prendre en compte avec beaucoup de sérieux nos requêtes et réparer les manquements des gouvernements européens”.

    Alors que les plaignant-es européen-nes font face à une porte pour l’instant fermée, les recours climatiques se multiplient. En Italie, et suite à l’Affaire du Siècle, initiée en France par Notre Affaire à Tous, un groupe de citoyen-nes, d’associations, de chercheurs et de médias indépendants ont décidé de porter une affaire climatique visant le gouvernement. Les Etats membres de l’Union Européenne ont défini une trajectoire peu ambitieuse en matière climatique, mettant notre futur en danger, même s’ils la respectaient. Ils doivent maintenant être tenus responsables pour leur inaction face au réchauffement climatique. 

    Le mois dernier, les dirigeants européens ont échoué à s’accorder sur l’objectif d’atteindre zéro émissions nettes de gaz à effet de serre en 2050, ainsi que sur le renforcement de la politique climatique européenne à l’horizon 2030.

    Pour Marie Pochon, coordinatrice de Notre Affaire à Tous :L’accès à la justice doit être garanti pour toutes et tous. Nous faisons face aujourd’hui à un droit qui n’est pas adapté à la crise climatique qui menace nos droits les plus fondamentaux et menace la vie et la dignité des plus vulnérables. Partout dans le monde, les citoyen-nes réussissent à obtenir des condamnations à l’encontre de leurs gouvernements alors que les traités internationaux semblent impuissants à imposer des sanctions, cela en tendant la main aux juges. Nous irons jusqu’au bout en soutien à ces plaignant-es et aux nombreux-ses autres victimes des impacts de l’inaction climatique.

    A ce jour, plus de 210 000 personnes de tous les pays d’Europe ont apporté leur soutien aux familles plaignantes du People’s Climate Case, que tou-tes les citoyen-nes peuvent continuer à soutenir sous ce lien.

    Rappel du contexte :

    10 familles et l’association de jeunesse Saami Saminuorra ont décidé de faire appel de la décision rendue par la Cour de Justice de l’Union Européenne de rejeter le recours du People’s Climate Case (ECLI:EU:T:2019:324). Cet appel a été déposé le 11 juillet 2019. 

    Le People’s Climate Case, a saisi en mai 2018 la Cour de Justice de l’Union Européenne contre le parlement européen, le conseil européen ainsi que les législateurs de l’Union avec pour argument le fait que la trajectoire visant la réduction de 40% des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990  est insuffisante pour protéger des vies et les droits fondamentaux des populations victimes du réchauffement climatique.

    Dans sa décision du 8 mai 2019, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a rejeté le recours pour des raisons de procédure. En utilisant une interprétation stricte “de l’effet direct et personnel” selon le Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE, Article 263), la cour a fermé sa porte aux plaignant-es. Selon les interprétations de la cour depuis les années 1960, lorsqu’un-e citoyen-ne est considéré-e comme “directement concerné-e“ par le droit communautaire, de manière particulière, il ou elle peut saisir la CJUE.

    Les plaignant-es (qui incluent des grands parents, parents et enfants) ont mis en avant les effets du réchauffement climatique perçus individuellement, au regard des impacts sur leur quotidien, leurs revenus et leur santé. Mais le fait que tout le monde soit affecté par le réchauffement climatique d’une façon différenciée au vu de leur situation (âge, empoi, état de santé, etc) ne permet pas à la cour de considérer que les plaignant-es ont été touché-es individuellement. 

    Les plaignant-es ont donc décidé de faire appel en défendant le fait que “l’effet direct et personnel” doit être appliqué au regard de la réalité du réchauffement climatique. En cas d’atteinte aux droits humains, l’accès à la justice  au niveau européen doit être permise, et ce, dans la mesure où il n’y a pas de recours possible au niveau national.

    Les moyens de l’appel :

    (1)  La Cour de Justice de l’Union Européenne a commis une erreur dans l’interprétation de la condition d’effet direct et personnel dans le sens où plus le nombre de personnes affectées par la législation européenne est important, moins celles-ci peuvent accéder à la justice devant les tribunaux européens. Ceci contredit la visée des droits fondamentaux qui est de garantir la protection au plus grand nombre d’individus.

    (2)   La Cour a commis une erreur de droit en négligeant que l’accès à la justice doit refléter la gravité du préjudice. En l’occurrence, il s’agit des impacts du changement climatique sur les plaignant-es.

    (3)   La CJUE a négligé la convention d’Aarhus. En 2017, l’ Aarhus Convention Compliance Committee a reconnu que les tribunaux européens violent les dispositions de la Convention d’Aarhus concernant l’accès à la justice en restreignant celui des personnes physiques et des ONGs en matière environnementale. La Cour de Justice de l’Union Européenne a méconnu cette reconnaissance et a une fois de plus décidé de bloquer l’accès à la justice pour des familles et associations (Sami youth association).   

    (4)   La CJUE a commis une erreur en affirmant que les plaignant-es ont d’autres moyens de contester les actes législatifs de l’Union Européenne. Les plaignant-es ne peuvent en effet pas contester la trajectoire de l’Union à l’horizon 2030 via les juridictions nationales, ni par d’autres moyens tels que ceux prévus à l’article 277 du TFUE.  

    (5) La CJUE a mal interprété la loi et a ajouté un critère sans base légale, en décidant que le critère de l’effet personnel devait également être rempli lorsque les plaignant-es demandent à la Cour de prendre des mesures d’injonctions (c’est à dire une ordonnance de la Cour qui vise à stopper les impacts du réchauffement climatique). L’argument de la Cour selon lequel le critère de l’effet direct et personnel doit être appliqué pour les mesures d’injonctions n’a pas de base dans les Traités. Le raisonnement de la Cour méconnaît le fait que des injonctions fondées sur des dommages existants ont été jugés recevables.

    (6)  Les requérant-es désapprouvent la décision de la Cour qui a refusé l’accès à la justice de l’association suédoise Saminuorra car l’association remplit les conditions d’accès à la justice des ONGs. Une association qui représente la somme des intérêts individuels de ses membres doit être en mesure de mener des actions judiciaires auprès de la CJUE. L’association Saminuorra remplit ces critères, et plus encore, ce type d’associations protège un ensemble qui est plus que la somme des intérêts individuels qui la compose. Elle porte de l’intérêt pour un bien commun qui en l’occurrence est la culture Saami.