Catégorie : Actualités

  • Numéro 8 de la newsletter des affaires climatiques – Droits de la nature et droits humains

    Pour le huitième numéro de la newsletter des affaires climatiques, Notre Affaire à Tous fait un focus sur ce qu’impliquerait pour les droits humains, de protéger les droits de la nature ! La protection des droits de la nature doit-elle se faire au détriment de la protection des droits humains ? Ou, finalement, est-ce que cette nouvelle protection ne permet pas d’accroître la protection de l’ensemble des droits fondamentaux attachés à la personne humaine ? 

    Nous vous proposons ensuite un tour des affaires climatiques récentesMalgré la pandémie, les recours juridiques climatiques et environnementaux n’ont pas faibli. Aux Etats-Unis, des batailles ont été gagnées contre la construction d’oléoducs visant à transporter du gaz de schiste. En Europe, des citoyens du Royaume-Uni, de l’Irlande et de la Suisse encouragent, par leurs recours, les juges à prendre position sur la question de la carence des Etats en matière de lutte contre la crise climatique ! Enfin, nous brossons un panorama des avancées de la France en matière de contentieux environnementaux : ces dernières semaines, deux tribunaux se sont prononcés sur des atteintes à l’environnement constitutives d’un préjudice écologique. Le Conseil d’Etat a aussi ordonné au gouvernement d’adopter des mesures afin de réduire la pollution de l’air sous astreinte et la société Lubrizol a été mise en examen pour “atteinte grave à l’environnement”. Preuve que l’outil juridique peut être un moyen efficace de lutte pour la protection de l’environnement. 

    Sandy Cassan-Barnel

    Focus – La confrontation des droits de la nature et des droits humains

    Reconnaître des droits à la Nature interroge notre rapport au monde. En effet, l’Homme moderne occidental, « maître et possesseur de la nature » l’apprivoise et la soumet pour l’exploiter. A cet état de fait, le droit de l’environnement oppose une autre vision du rapport de l’Homme à la Nature qui permet de corriger les abus de son exploitation par des garanties et protections. 

    En France, l’intégration de la Charte de l’environnement dans le bloc de constitutionnalité en 2004 et la création du préjudice écologique dans le Code civil reflètent cette « préoccupation environnementale ». Par ailleurs, la qualification juridique des biens environnementaux nourrit les réflexions doctrinales. Objet extérieur aux personnes, les entités naturelles ne sont pas non plus des choses. Leur qualification semble donc changer selon la façon dont l’Homme souhaite en disposer. S’il peut exercer son droit de propriété sur certaines choses, il en va différemment lorsque ces entités sont « protégées » par le droit de l’environnement. Dans la perspective française, les « biens communs » bénéficient ainsi d’une protection disparate, non unifiée. Ils ne sont qu’une partie d’un tout, jamais envisagés en tant que détenteurs de droits liés à leur valeur intrinsèque. 

    Pourtant, le dérèglement climatique, les catastrophes environnementales répétées, les conséquences manifestes de la surproduction et la surconsommation sont autant de signaux qui incitent à repenser cette construction juridique anthropo-centrée. Aussi, l’émergence de droits de la nature compris comme un « ensemble de règles reconnaissant et protégeant, au titre leur valeur intrinsèque, les entités naturelles et écosystèmes en tant que membres interdépendants de la communauté indivisible de la vie » révèle-t-elle ce changement de paradigme. Ainsi, il ne s’agit plus de considérer la Nature comme objet mais bien comme sujet de droit autonome, au-delà de ce que permet aujourd’hui le droit de l’environnement. Cette modification radicale de notre relation au monde sape la conception jusnaturaliste du droit qui sacralise l’universalité et l’inaliénabilité des droits humains. En effet, les droits humains sont des droits naturels qui font de l’Homme le fondement et le sujet primordial de notre système de droits et de garanties des droits. Cet édifice juridique ne peut être détaché d’une certaine dimension politique et économique des rapports de l’Homme en société et dans son environnement.

    Affaires climatiques internationales

    Friends of the Irish Environment v. Ireland – 31 juillet 2020

    En 2017, l’association Friends of the Irish Environment (FIE) a déposé un recours contre le plan national d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre (GES) du gouvernement irlandais au motif qu’il entrerait en violation de la loi sur l’action climatique de 2015 mais aussi de la Constitution irlandaise et de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH), en particulier des droits à la vie, à l’intégrité physique et au respect de la vie privée et familiale. FIE demande à la Haute Cour (tribunal de première instance) d’invalider le plan d’action du gouvernement et d’enjoindre celui-ci à en adopter un nouveau. Leur requête est rejetée par un jugement du 19 septembre 2019.

    FIE a alors demandé à ce que l’affaire soit entendue directement par la Cour Suprême. Le 31 juillet 2020, la Cour Suprême rend sa décision en faveur des requérants. Le plan d’atténuation du gouvernement est définitivement invalidé. Cela signifie que le gouvernement devra adopter un nouveau plan, plus précis et en accord avec la loi de 2015. En revanche la question d’une potentielle violation des droits de l’Homme n’a pas été abordée.

    US District Court for DC, "Standing Rock Sioux Tribe v. Usace"

    Les tribus amérindiennes Standing Rock et Cheyenne contestent l’octroi par l’US Army Corp of Engineers (USACE) de la servitude permettant à l’oléoduc Dakota Access de traverser le lac Oahe. Il est reproché à l’USACE d’avoir octroyé cette servitude sans établir un “environmental impact statement” ou EIS (étude d’impact environnementale), pourtant requis lorsqu’une construction affecte significativement l’environnement. La US District Court for DC (cour fédérale du premier degré) a annulé la décision d’accorder à l’oléoduc Dakota Access une servitude sur le lac Oahe et a ordonné sa fermeture sous 30 jours. En juin 2016, Dakota Access LLC lança la construction d’un oléoduc, transportant de l’huile de schiste entre le Dakota du Nord et l’Illinois et traversant les Etats du Dakota du Nord et du Sud ; de l’Iowa et de l’Illinois. La construction de l’oléoduc fut achevée en avril 2017. Elle suscita des manifestations à travers tout le pays en raison de son impact sur l’environnement et sur les pratiques religieuses des communautés locales, puisque le tracé de l’oléoduc devait traverser différents sites sacrés amérindiens.

    Plan B Earth et autres contre le secrétaire d’Etat au transport

    Le 27 février 2020, la Cour d’appel d’Angleterre et du Pays de Galles a invalidé la déclaration de politique nationale relative aux aéroports (ANPS) rédigée en 2018 et qui permettait notamment de lancer le projet de construction d’une 3ème piste à l’aéroport londonien d’Heathrow. L’illégalité relevée par la Cour était l’absence de prise en compte dans l’ANPS de l’Accord de Paris. L’autorité administrative devra donc revoir sa déclaration et y expliquer comment elle prend en compte l’Accord de Paris et les engagements pris par le Royaume-Uni, même si elle n’est pas tenue de s’y conformer.

    La société opératrice de l’aéroport d’Heathrow a déposé un recours, jugé recevable, auprès de la Cour suprême contre cette décision.

    Ainées pour la protection du climat contre Conseil Fédéral et autres

    L’association suisse « Aînées pour la protection du climat » se constitue à l’été 2016 avec comme objectif de protéger les droits fondamentaux de ses membres, mais aussi celui de l’ensemble des êtres vivants et des générations à venir. Le 5 mai 2020, le Tribunal fédéral rejette le recours de l’association « Aînées pour la protection du climat » contre les omissions du gouvernement suisse en matière de protection du climat. Pour le Tribunal, les Aînées ne subissent pas un préjudice spécifique d’une intensité suffisante et le fondement invoqué étant un outil de protection juridique individuelle, il ne peut servir comme en l’espèce à une action en défense d’un intérêt public. Cette action pourra se déployer par les autres moyens de la vie institutionnelle et politique du pays.

    Affaires et actualités environnementales

    Conseil d’Etat, 10 juillet 2020, Pollution de l’air

    Par un arrêt en date du 12 juillet 2017, le Conseil d’Etat avait annulé la décision implicite par laquelle le gouvernement avait refusé de prendre les mesures utiles et d’élaborer des plans conformes à la qualité de l’air ambiant et un air pur permettant de ramener sur l’ensemble du territoire les concentrations en particules fines et en dioxyde d’azote en deçà des valeurs limites. Par cette décision de 2017, le juge administratif avait enjoint le Premier ministre et le ministre chargé de l’environnement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que soit élaboré et mis en œuvre un plan relatif à la qualité de l’air dans quinze zones.Estimant que la décision du 12 juillet 2017 n’avait pas été exécutée, Les Amis de la Terre, 68 associations, huit personnes physiques et une commune, ont saisi le Conseil d’État d’une demande d’astreinte. 

    Les requérants demandent ainsi au Conseil d’Etat de constater que la décision du 12 juillet 2017 n’a pas été exécutée et que soit prononcée à l’encontre de l’Etat, s’il ne justifie pas de l’exécution, une astreinte de 100 000 euros par jour de retard. Par un arrêt du 10 juillet 2020, le Conseil d’Etat enjoint au gouvernement d’adopter des mesures afin de réduire la pollution de l’air concernant les concentrations en dioxyde d’azote et particules fines sous astreinte de 10 millions d’euros par semestre de retard. Il s’agit du montant le plus élevé jamais prononcé par le juge administratif dans le but de contraindre l’Etat à exécuter sa décision.

    Mise en examen de Lubrizol – 27 février 2020

    Le 26 septembre 2019 à Rouen, un incendie démarre sur les sites des entreprises Lubrizol, fabricant d’additifs pour lubrifiants, et Normandie Logistique, société de transport routier. La ville de Rouen se réveille alors sous un important nuage de fumée toxique et odorante. Selon le rapport du gouvernement, cet incendie n’a pas engendré de pollution significative de l’air et de l’eau ou mettant en danger la santé des citoyens. Néanmoins, c’est plusieurs milliers de tonnes de produits dangereux qui ont brûlé. Un mois après le départ de feu, une enquête judiciaire est ouverte contre X pour sept chefs d’accusation dont notamment « destruction involontaire par incendie due à la violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence » et « mise en danger de la vie d’autrui ». 

    Suite à l’ouverture de l’enquête, la société Lubrizol a été mise en examen le 27 février 2020 par le parquet de Paris pour deux chefs d’accusation : le déversement de substances nuisibles dans les eaux superficielles, souterraines ou les eaux de la mer et pour manquement dans l’exploitation de son site ayant porté une atteinte grave à la santé et à l’environnement. La société Lubrizol a été placée sous contrôle judiciaire avec l’obligation de s’acquitter d’une caution de 375 000 euros et de constituer une provision à hauteur de 4 millions d’euros afin de pouvoir régler, le cas échéant, la réparation des dommages causés.

    Sobegi contre Sepanso 64 – Tribunal judiciaire de Pau

    La Sobegi, chargée du traitement des gaz résiduaires rejetés par les industries du Bassin de Lacq et filiale à 100% de Total, a été condamnée par le Tribunal judiciaire de Pau le 22 juin 2020. Elle devra réparer un préjudice écologique et un préjudice environnemental collectif à la Sepanso 64 qui avait déposé plainte en raison de dépassement des seuils de poussières rejetées par oxydateur thermique, système permettant l’incinération de déchets industriels liquides et d’effluents gazeux, à plusieurs reprises entre 2016 et 2017. Le juge a considéré que le simple dépassement d’un seuil établi par arrêté préfectoral, qui est « fixé pour protéger l’environnement et la santé humaine » constitue un préjudice écologique.

    L’ambition de cette newsletter ? Donner les moyens à toutes et tous de comprendre les enjeux de telles actions en justice face à l’urgence climatique ! Abonnez-vous pour recevoir, chaque mois, les actualités et informations sur ces affaires qui font avancer, partout dans le monde,nos droits et ceux de la nature face aux dégradations environnementales et climatiques : le combat qui se joue dans les tribunaux est bien celui de la défense des pollués face aux pollueurs, nouvel enjeu du XXIe siècle.

  • CP / Appel mondial pour que le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies reconnaisse d’urgence le droit à un environnement sûr, propre, sain et durable

    Communiqué de presse 


    Le 11 septembre 2020
     
    Ce vendredi 11 septembre, près de 840 organisations de la société civile, des mouvements sociaux, des communautés locales et des populations autochtones du monde entier appellent le Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies à reconnaître d’urgence le droit à un environnement sûr, propre, sain et durable. Cet appel intervient quelques jours avant la session du Conseil des droits de l’homme, qui débutera le 14 septembre 2020.
     
    Le droit à un environnement sain, déjà incorporé dans les lois et constitutions d’une majorité de pays, est pourtant encore souvent considéré comme un corollaire des droits fondamentaux. Le Conseil des droits de l’homme a par exemple déjà reconnu le droit à un environnement sain dans l’article 18 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et dans l’article 29 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. En France, ce droit a valeur constitutionnelle à travers son intégration dans la charte de l’environnement adossée à la Constitution en 2005. Néanmoins à l’échelle européenne ce droit ne peut encore être invoqué qu’au travers du droit à la vie privée et familiale (article 2 et 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme).
     
    Le droit à un environnement sain se caractérise comme le socle permettant la réalisation des droits fondamentaux. Pourtant, sa reconnaissance est encore balbutiante et ne prime pas suffisamment souvent dans sa confrontation avec d’autres droits fondamentaux tels que la liberté d’entreprendre.
     
    En effet, “un environnement sain est essentiel à la vie et à la dignité humaines. L’air que nous respirons, l’eau que nous buvons, la nourriture que nous mangeons et le climat propre au maintien de la vie dont nous jouissons dépendent tous d’écosystèmes sains, diversifiés, entiers et fonctionnels. Au vu de la crise environnementale mondiale qui actuellement met en péril et viole les droits de l’homme de milliards de personnes sur notre planète, la reconnaissance au niveau universel de ce droit est une question de la plus haute urgence. Comme nous le savons tous, il n’y a pas de droits de l’homme sur une planète morte”.
     
    Aujourd’hui, les organisations de la société civile, peuples autochtones, mouvements sociaux et communautés locales affirment qu’il est temps d’étendre cette reconnaissance pour la protection de toutes les personnes affectées par les impacts inégaux du changement climatique et prévenir les conséquences dévastatrices des dégradations environnementales sur les droits humains. De fait, la pandémie de la covid-19 nous a rappelé que le risque de propagation des maladies augmentera à mesure que les écosystèmes naturels continueront de se dégrader. Les signataires de l’appel affirment notamment que “les droits de l’homme doivent également être garantis quand nous sommes confrontés à de nouveaux défis environnementaux, comme des risques systémiques, des dégradations irréversibles, des pertes irremplaçables et des dommages irréparables, même lorsque de l’incertitude persiste. Ces défis doivent désormais être pris en compte lors de la mise en œuvre des droits de l’homme. Le droit à un environnement sain garantit l’interdépendance et l’indivisibilité des droits de l’homme et leur pertinence par rapport aux réalités environnementales.” 
     
    Pour l’association Notre Affaire à Tous : “L’intégration du droit à un environnement sain par le Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies reviendrait à le placer au sommet des normes juridiques, et donc à lui accorder la place qui lui revient. Cette reconnaissance à l’échelle internationale pourrait également pousser chaque Etat membre à intégrer ce droit dans leur propre constitution et permettrait ainsi à chacun et chacune de se voir garantir ce droit. Ces batailles normatives sont nécessaires à plusieurs échelles, tant au niveau international que national, pour faire en sorte que le droit réponde à la crise climatique que nous traversons actuellement. C’est dans cette optique qu’en France, Notre Affaire à Tous défend le projet de réforme de l’article 1er de la Constitution, visant à y inscrire la protection de l’environnement et de la biodiversité, le respect des limites planétaires ainsi que le principe de non-régression.”
     
    Contact presse :
    Cécilia Rinaudo : cecilia.rinaudo@notreaffaireatous.org – 06 86 41 71 81 

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  • CP / Stop aux structures commerciales en périphérie Recours contre l’extension du centre commercial de Rosny 2

    Communiqué de presse – Lundi 7 septembre

    Ce lundi 7 septembre, les associations Alternatiba Rosny, et le MNLE 93 Nord-Est Parisien soutenues par les juristes de l’association Notre Affaire à Tous déposent un recours en contentieux au tribunal de Montreuil contre le projet d’extension du centre commercial Rosny 2. Alors que la Convention Citoyenne pour le Climat demande un moratoire sur les structures commerciales en périphérie et que le gouvernement a admis soutenir une telle mesure, le projet d’extension du centre Rosny 2 apparaît désuet.


    Le centre commercial de Westfield Rosny 2, refait à neuf en 2015 dispose d’ores et déjà d’une surface de 120 000 m², pour un total d’environ 169 enseignes. Il s’agit ici de porter la surface commerciale à plus de 150 000m² et de créer un immeuble de sept étages pour des bureaux. Sur plusieurs centaines de pages, l’étude d’impact tente de démontrer l’absence d’impacts environnementaux du projet mais présente de nombreuses incohérences. Par exemple, en s’appuyant sur une supposée amélioration du parc automobile, l’étude d’impact affirme que le projet, engendrant une hausse de 13% de véhicules aux abords, aboutira en fait à une amélioration de la qualité de l’air.

    De la même façon, les menaces en termes d’infiltration des eaux pluviales semblent réglées par l’installation d’une dalle de béton qui ouvre, en fait, la porte à d’autre menaces : celles des ruissellements et inondations. 

    En passant d’une structure goudron à une structure béton, le projet entraînera l’imperméabilisation irréversible de près de 50 000m² supplémentaires. Malgré la circulaire du Ministre Jean Castex rappelant aux préfets leurs obligations vis-à-vis de l’objectif de 0 artificialisation nette des sols, les projets tels que Rosny 2 continuent à voir le jour. 

    Face au groupe Westfield, porteur du projet, les arguments environnementaux ne semblent pas faire mouche. En effet, le groupe possède à ce jour 92 centre commerciaux à travers 12 pays, dont 6 en région parisienne : Westfield Les 4 Temps, Westfield Forum des Halles, Westfield Vélizy 2, Westfield Parly 2, Westfield Carré Sénart, et Westfield Rosny 2. 

    Poursuivre la bataille juridique semble essentiel : en effet, le projet se base sur une étude d’impact insuffisante, le document de référence sur la gestion des eaux n’est pas celui en application sur le lieu du projet. Ainsi, les motifs d’illégalités du permis sont nombreux. Suite au dépôt du recours gracieux en mars dernier, les associations déposent aujourd’hui le recours contentieux visant à obtenir l’annulation des permis de construire

    Pour Chloé Gerbier de Notre Affaire à Tous : “Malgré la publicité gouvernementale autour d’un pseudo moratoire, il apparaît nettement que les promoteurs tels que Westfield n’ont aucunement prévu de stopper leur expansion sur le territoire”. 

    Pour Olivier Patté d’Alternatiba Rosny : Le mythe d’une offre commerciale “plus attractive” ne peut qu’aggraver le déséquilibre avec le commerce de proximité. Ce projet imposé est hérité d’une époque révolue, il est socialement néfaste et environnementalement irresponsable. Nous réclamons un autre projet de réhabilitation de cet espace plus cohérent face à l’enjeu social et climatique”. 

    Pour Laurent Desnoyers du MNLE-93 Nord Est Parisien : “Dans le monde d’après, il est nécessaire d’abandonner les projets inutiles, voir aberrant, consommateurs d’espaces et de ressources, comme l’agrandissement du centre commercial Rosny2 de plus de 30 000 m2 et une imperméabilisation de 50 000 m2 de sol”. Contacts presse : 

    Contacts presse

    • Chloé Gerbier, coordinatrice juridique, association Notre Affaire à Tous : 0646435509
    • Olivier Patté, coordinateur Alternatiba Rosny : 0680156349
    • Laurent Desnoyers, MNLE93 et Nord-Est parisien : 0608314559
  • CP / L’Affaire du Siècle dépose son mémoire en réplique suite aux arguments présentés par l’Etat en juin dernier et ajoute 100 témoignages au dossier


    Nouvelle étape dans l’Affaire du Siècle : les quatre organisations co-requérantes ont déposé aujourd’hui leur mémoire en réplique, pour contrer les arguments que l’État avait déposé en juin dernier [1], près de 16 mois après le début de l’instruction. Notre Affaire à Tous, la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme, Greenpeace France et Oxfam France ont accompagné leur réponse d’une centaine de témoignages de personnes touchées par les impacts des changements climatiques. 

    L’Affaire du Siècle répond aux arguments de l’État

    Le jugement pourrait désormais intervenir très prochainement. En effet, dans les prochaines semaines, l’État devrait de nouveau avoir la possibilité d’ajouter des arguments au dossier, puis le Tribunal Administratif de Paris décidera de la clôture de l’instruction et fixera une date d’audience. La décision, qui sera rendue dans les deux semaines suivant l’audience, devrait intervenir avant la fin de l’année… un moment historique pour la justice climatique en France. 

    L’État tente d’échapper à ses responsabilités, or il a un rôle essentiel

    Dans sa réponse de juin dernier, l’État niait sa responsabilité, prétendant notamment que « le lien de causalité direct et certain entre l’inaction alléguée de l’État et le changement climatique ne [serait] pas établi ». Il ajoutait que :

    « L’État n’est pas en capacité d’empêcher l’intégralité des émissions de gaz à effet de serre sur le territoire français, eu égard notamment à la circonstance qu’une part substantielle de cette pollution procède de la réalisation des activités industrielles et agricoles mais également de choix et de décisions individuels sur lesquels il n’est pas toujours possible d’influer. »

    Dans son mémoire en réplique, l’Affaire du Siècle rappelle au tribunal que la responsabilité de l’État est bel et bien engagée, en démontrant qu’il a « failli à établir un cadre juridique efficace, et à mettre en œuvre les moyens humains et financiers permettant d’assurer son respect », et qu’il ne peut se cacher derrière « la multiplicité des acteurs ».

    L’État a un rôle crucial à jouer, de régulateur, d’investisseur et de « catalyseur » à tous les niveaux. Il est en effet le seul à même d’édicter les règles qui permettent de réorienter les investissements dans les filières décarbonées […], à pouvoir mettre en place les incitations fiscales et réglementaires adéquates[…]. » [2] 

    De plus, les organisations co-requérantes rappellent que la justice a déjà condamné l’État dans des affaires où il n’était pas l’unique responsable. Ça a ainsi été le cas dans les affaires de l’amiante, en 2004, des algues vertes en 2014, du Médiator en 2016… Si la France ne peut pas à elle seule lutter contre les dérèglements climatiques, elle doit cependant faire sa part et tenir ses engagements ! 

    Des manquements auxquels l’État a “oublié” de répondre…

    L’Affaire du Siècle démontre également qu’en ne respectant pas ses objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre, d’efficacité énergétique ou encore d’énergies renouvelables, il a lui-même directement contribué à la crise climatique : entre 2015 et 2019, la France a émis environ 89 millions de tonnes de CO2 équivalent en trop par rapport à ses objectifs [3] – soit l’équivalent de deux mois et demi d’émissions du pays tout entier (au rythme d’avant le confinement) [4]. Il est aussi rappelé au Tribunal les nombreux points de notre requête auxquels l’État n’a pas répondu en juin dernier :

    • L’objectif de réduire de 20% les émissions de GES d’ici à 2020, pour les ramener aux niveaux de 1990 n’est pas respecté ;
    • La part du fret ferroviaire s’est effondrée (9% en 2018, contre 30% en 1984), contrairement à ce que prévoyait la loi Grenelle I (avec un objectif de 25% en 2022) ;
    • La rénovation énergétique des bâtiments a pris un retard monumental : alors que l’État aurait dû rénover 670 000 passoires thermiques par an, il est à 33 000 par an en moyenne, soit à peine 5% du rythme nécessaire ! [5]
    • La surface agricole en bio, qui devrait représenter 20% de la surface agricole utile en 2020 se situe aujourd’hui autour de… 8%

    Lois environnementales : quantité ne vaut pas qualité

    Pour se défendre, l’État listait dans sa réponse des lois et mesures prises récemment. L’Affaire du Siècle rappelle au juge que quantité ne vaut pas qualité. Les avocats des quatre organisations affirment : 

    « Le nombre de textes importe peu, dès lors que l’État persiste à ne pas s’assurer de l’efficacité des mesures qu’il adopte pour lutter contre le changement climatique. » 

    L’existence de lois et de grands objectifs ne suffit pas à garantir nos droits face au dérèglement climatique. Ces lois sont insuffisamment appliquées. Nous avons au contraire besoin d’actions concrètes et efficaces, faisant l’objet d’un suivi-évaluation rapproché, comme le recommande le Haut conseil pour le climat. 

    100 témoignages à l’appui

    Lancée en décembre dernier par l’Affaire du Siècle, la cartographie interactive des impacts du changement climatique a récolté près de 20 000 témoignages. Les 4 organisations ont souhaité ajouter au recours une centaine d’entre eux pour démontrer au juge que les français·es sont déjà touché·e·s par les changements climatiques et appuyer le fait que l’État se doit de protéger ses citoyens. En effet, le ministère de la Transition écologique et solidaire affirme lui même que 62% de la population française est exposée de manière forte ou très forte à des risques climatiques. Et les citoyen·ne·s s’en inquiètent : d’après une étude Harris Interactive réalisée en mai 2020 pour le Haut Conseil pour le Climat [6] “59 % des Français·es se disent inquiets des effets des changements climatiques sur leur vie”. Ce chiffre monte à 73% quand ils se projettent dans les 10 prochaines années. Cette même étude montre qu’ils sont 91% à estimer qu’il est urgent d’agir. 

    “Le 6 septembre 2017, ma vie a été complètement bouleversée par l’ouragan Irma, qui a dévasté l’île de Saint-Martin, où j’habite : 95% des bâtiments de l’île détruits. Aujourd’hui, je vis toujours dans une maison en chantier, nous n’avons pas repris une vie normale.”

    Magali, 49 ans, Témoin du Climat pour l’Affaire du Siècle. 

    “Je suis guide de haute montagne, je vois au quotidien l’impact des changements climatiques, qui rendent la pratique de l’alpinisme, et donc mon activité professionnelle de plus en plus risquée. Rien que cet été, plusieurs accidents mortels ont eu lieu, en lien avec les fortes chaleurs.”

    Pol, 41 ans, Témoin du Climat pour l’Affaire du Siècle. 

    Notes

    Le contenu du mémoire en réplique de l’Affaire du Siècle est disponible ici 

    Consulter l’intégralité des témoignages en ligne 

    [1] Communiqué de presse du 25 juin 

    [2] Mémoire en réplique, p. 38

    [3] Calculs effectués par Carbone 4 pour l’Affaire du Siècle

    [4] Les émissions françaises de CO2 hors secteur des terres se sont établies à 445 millions t CO2 en 2018, soit 37 MtCO2e par mois.

    [5] Calculs effectués par Carbone 4 pour l’Affaire du Siècle 

    [6] “Redresser le cap, relancer la transition”, rapport du Haut Conseil pour le Climat, mai 2020

  • La jeunesse portugaise vs. 33 pays : action en justice pour le climat auprès de la CEDH

    Ce jeudi 3 septembre, six jeunes Portugais attaquent en justice 33 pays devant la Cour européenne des droits de l’Homme, dont la France, d’autres Etats membres de l’UE ainsi que la Norvège, la Suisse, la Russie, la Turquie, le Royaume-Uni et l’Ukraine.

    Leur objectif : que la Cour reconnaisse ces pays comme responsables de l’aggravation de la crise climatique et d’avoir mis en danger l’avenir des générations présentes.

    Auparavant, deux actions juridiques ont obligé l’Irlande et les Pays-Bas à revoir leurs plans climatiques peu ambitieux.

    En cas de succès, cette action pourrait pousser les pays à accélérer leurs actions climatiques et à revoir leurs plans climatiques (contributions déterminées au niveau national – NDCs) prévus avant la prochaine COP.

    Cette procédure fait écho à l’Affaire du Siècle en France, recours en justice contre l’Etat pour inaction climatique lancé au printemps 2019 par Greenpeace France, Notre Affaire à Tous, la Fondation pour la Nature et l’Homme et Oxfam France et appuyé par les signatures de plus de 2 millions de citoyennes et citoyens (un record). L’Etat y a répondu le 23 juin dernier, et la décision du Tribunal administratif de Paris devrait intervenir fin 2020 ou début 2021.

    Le Portugal, comme la France, a connu l’un des étés les plus chauds de son histoire, et on s’attend maintenant à ce que 2020 soit l’année la plus chaude jamais enregistrée.

    Cécilia Rinaudo, coordinatrice générale de Notre Affaire à Tous a déclaré : “Partout dans le monde, les actions climatiques se multiplient, et la jeunesse est en première ligne dans ce combat contre l’inaction des États face aux dérèglements climatiques. Notre Affaire à Tous, qui s’inscrit dans ce mouvement mondial pour la justice climatique, salue l’initiative lancée par les jeunes portugais·es auprès de la CEDH : il est temps que les Etats reconnaissent que le droit à un environnement sain est le socle de tous nos droits fondamentaux. Après la victoire d’Urgenda l’année dernière et celle des Amis de l’environnement en Irlande cet été, la justice commence à donner raison à ces actions en justice citoyennes qui réclament aux États d’augmenter leurs efforts pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et tenir leurs engagements climatiques. D’ici la fin de l’année, ce sera au tour de l’Affaire du Siècle de passer devant le Tribunal Administratif de Paris. Espérons que le/la juge rendra une décision à la hauteur de l’urgence climatique que nous traversons.

    Contacts presse :

    Cécilia Rinaudo : cecilia.rinaudo@notreaffaireatous.org | +33 (0) 6 86 41 71 81)

    Gerry Liston (juriste) : gliston@glanlaw.org, +353863415175

    Dr Gearóid Ó Cuinn (Directeur), gocuinn@glanlaw.org, +447521203427


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  • 28 juillet 2020 – Changement climatique et ressource en eau

    Ce 28 juillet 2020 marque les 10 ans de la reconnaissance du droit à l’eau par les Nations Unies. Ce droit “consiste en un approvisionnement suffisant, physiquement accessible et à un coût abordable, d’une eau salubre et de qualité acceptable pour les usages personnels et domestiques de chacun”. Mais face au changement climatique et aux multiples dégradations de l’environnement, à quels défis fait face ce droit fondamental et qui sont les premiers touchés ?

    Augmentation ou diminution des précipitations, hausse du niveau de la mer, modification de la qualité de l’eau… En France, les impacts du changement climatique sur les ressources en eau ont déjà des conséquences : changement des milieux aquatiques et de leur biodiversité, baisse de disponibilité d’une eau de qualité, plus forte concurrence entre secteurs. En France métropolitaine, 2,1% de la population ne bénéficie pas d’un accès à une eau potable gérée en toute sécurité. Et les inégalités sont frappantes entre le territoire métropolitain et les outre-mer.

    A Mayotte par exemple, environ 41 000 personnes n’ont pas accès à des services d’eau potable gérés en toute sécurité. Cette revue de presse revient sur les problématiques liées à la ressource en eau face au changement climatique. Pour combattre les inégalités sociales climatiques et environnementales, il nous faut les connaître. C’est le sens de cette revue de presse élaborée par les bénévoles de Notre Affaire à Tous, qui revient chaque mois sur les #IMPACTS différenciés du changement climatique, sur nos vies, nos droits et ceux de la nature. Pour en savoir plus sur les 10 ans de la reconnaissance du droit à l’eau, nous vous invitons à visiter le site de la campagne “L’eau est un droit” portée par plus de 30 associations.

    Le droit à l’eau c’est quoi ?

    Selon le rapport des Nations Unies sur l’eau et les changements climatiques, au cours des 100 dernières années, l’utilisation de l’eau dans le monde a été multipliée par six et continue d’augmenter de 1% par an. Le droit à l’eau potable et à l’assainissement est un droit de essentiel à la jouissance de la vie et à l’exercice des droits humains. Dans un rapport publié le 22 mars 2020, l’ONU signale que “les changements climatiques affecteront la disponibilité, la qualité et la quantité d’eau nécessaires aux besoins humains élémentaires, portant ainsi atteinte à la jouissance des droits fondamentaux à l’eau potable et à l’assainissement de milliards de personnes” et les auteurs du rapport appellent à un engagement plus concret des États pour relever ce défi. De nombreuses régions du monde connaissent déjà des situations de stress hydrique qui sont aggravées par les dérèglements climatiques. Les évènements climatiques extrêmes, les pollutions et la dégradation de écosystèmes ont des conséquences graves sur la disponibilité, la qualité et la quantité d’eau nécessaire pour répondre aux besoins de base des humains.

    Le changement climatique a un impact direct sur le cycle de l’eau et les conséquences du dérèglement climatique sur l’accès à l’eau, les services d’eau et d’assainissement seront importants y compris en France→ DECRYPTAGE : Les chiffres de l’accès à l’eau et à l’assainissement en FranceA l’été 2003, la vague de chaleur prolongée a forcé l’entreprise EDF à réduire sa production d’énergie nucléaire, équivalant à la perte de 4 à 5 réacteurs et coûtant près de 300 millions d’euros en importation d’électricité.

    Quantité d’eau disponible, sécheresse et difficultés d’approvisionnement

    La pénurie d’eau menace 1/4 des êtres humains dans le monde et la population française ne fait pas exception. 37 milliards de mètres cube d’eau sont prélevés chaque année en France, alors que cette année encore la sécheresse menace plus de la moitié de la France métropolitaine. En effet, les sécheresses, de plus en plus fréquentes, ont un impact direct sur la quantité d’eau disponible et donc sur l’accès à l’eau potable des habitant-es. Contrairement aux idées reçues, le fait d’être un pays riche ou d’avoir une pluviométrie relativement importante en hiver n’est pas suffisant pour assurer un accès à l’eau potable à toutes et tous. 

    En 2019, la France se classait ainsi 59ème parmi les Etats les plus touchés par les risques de pénurie hydraulique, ce qui ne prend pas en compte les diversités situationnelles locales. En 2016 déjà, un rapport sénatorial alertait sur les risques du manque d’eau en France. Les régions du Sud du pays risquent de voir leurs ressources en eaux, tant de surface que souterraines, diminuer, notamment avec la baisse de la recharge par les précipitations. Ces risques se sont concrétisés à plusieurs reprises au cours des dernières années et les problèmes d’accès à l’eau ont été particulièrement importants aux étés 2018 et 2019, marqués par de très fortes chaleurs. Des communes ont alors connu des pénuries d’eau potable, atteignant leur « Jour 0 », jour où l’eau ne sort plus des robinets, comme en Corrèze. Un reportage de France 3 s’intéressait d’ailleurs au ravitaillement par camion-citerne de certaines villes de Franche-Comté, comme Besançon. A l’image des deux derniers étés, ce 24 juillet 2020, la Meuse et les Vosges ont aussi instauré des restrictions d’eau “en raison d’un déficit pluviométrique”. 

    Les problèmes d’accès à des quantités d’eau deviennent plus fréquents dans de nombreux territoires français en métropole, comme dans les Deux-Sèvres, dans la Vienne ou encore à Valenciennes l’année dernière, mais aussi en Outre-Mer comme à Mayotte où les habitants manquent déjà d’eau, tandis qu’en Nouvelle-Calédonie, l’île d’Ouvéa a vu ses puits d’eau douce s’assécher ou être contaminés par l’eau salée, obligeant à redéfinir les modalités d’approvisionnement de l’île. 

    En Guadeloupe, la situation est particulièrement inquiétante. En 2018, un rapport de l’observatoire régional de l’énergie et du climat faisait état de la vulnérabilité de la Guadeloupe au changement climatique et s’attachait à étudier les particularités de la région en termes d’accès et de qualité de l’eau. La teneur en sodium et chlorure et la salinisation des nappes souterraines à cause de la hausse du niveau des mers sont deux phénomènes qui accentuent la vulnérabilité de ce territoire qui est déjà soumis à une forte irrégularité spatiale des précipitations. Un autre rapport de l’Office de l’eau de Guadeloupe, publié en septembre 2019 conclut que la Guadeloupe fait face à “une dégradation généralisée des masses d’eau”. En cause principalement, l’activité anthropique et notamment l’agriculture, l’assainissement et l’industrie.

    Qualité de l’eau et pollutions

    Le changement climatique a un impact important sur l’eau qui perd en qualité et est de plus en plus sujette à porter des maladies. Celles-ci vont d’ailleurs augmenter dans un futur proche alors même que l’eau insalubre est une des causes de mortalité infantile les plus importantes au monde, loin devant les conflits armés. Les événements “exceptionnels” rendus plus fréquents jouent négativement sur la qualité de l’eau. Les crues et les inondations charrient de nombreux déchets qui se retrouvent ensuite dans le réseau, rendant l’eau impropre à la consommation. Les fortes pluies entraînent des dysfonctionnements des stations d’épuration qui ne sont pas dimensionnées pour ces quantités. Elles peuvent alors déborder dans les égouts, comme à Biarritz en juillet 2019. A l’inverse, la sécheresse et son augmentation entraînent un épuisement des ressources en eaux profondes, ce qui amène les populations à consommer des eaux de surfaces souvent insalubres.

    La chaleur pourrait aussi provoquer, prédit le GIEC, la prolifération de bactéries dans les canalisations avant la distribution de l’eau au robinet. D’autres bactéries envahissent la mer, comme E.Coli, qui provoque des gastro-entérites et autres infections, en raison de l’augmentation de la température de l’eau. Par ailleurs, notre eau du robinet est-elle consommable sans risque ? Le Ministère des Solidarités et de la Santé affirmait en octobre 2019, que “l’eau du robinet est l’un des aliments les plus contrôlés. Elle fait l’objet d’un suivi sanitaire permanent, destiné à en garantir la sécurité sanitaire”. Les agences régionales de santé assurent les contrôles sanitaires commune par commune. Mais cela n’empêche pas les consommateurs de s’inquiéter pour leur santé, comme le montre la plateforme #AlertePollution de FranceInfo. Peur des micro-organismes, des pesticides, du plomb… les citoyen-nes français veulent être informé-es de l’eau qu’ils consomment. UFC Que Choisir a réalisé une carte interactive de la qualité de l’eau en France pour permettre à toute personne de vérifier la qualité de l’eau près de chez eux.

    Les pollutions liées aux activités humaines sont principalement dues à l’agriculture intensive et aux pesticides déversées dans les eaux de surface. Les rivières et les nappes phréatiques sont durement touchées par les pesticides issues de l’agriculture. Les pollutions par les activités humaines sont aussi issues de l’extractivisme. L’extractivisme désigne l’exploitation intensive des minéraux (minerais, hydrocarbures et gaz). Les mines à ciel ouvert où les forages de gaz de schiste sont des exemples d’industries extractives. L’extractivisme a des conséquences néfastes sur l’environnement, et plus particulièrement sur l’eau : pollutions de l’eau au cyanure, déversement de boues toxiques, acidification des eaux de surface et souterraines. La France a une longue histoire minière et son territoire en est marqué. Les anciens sites miniers sont durablement pollués, même plusieurs siècles après la fin de leur exploitation. Aujourd’hui, alors que le cours de l’or et des métaux rares augmente, de nouveaux projets miniers voient le jour. La Guyane en fait particulièrement les frais : les mines d’or comme le projet “Montagne d’or” et l’orpaillage illégal contribuent à la déforestation en Amazonie. “Comme toutes les industries minières, les mines d’or utilisent beaucoup d’eau. Dans le monde, une grande partie des mines d’or sont situées dans des zones de stress hydrique”. Les peuples autochtones sont les premiers touchés : le mercure, qui permet d’extraire l’or, pollue les eaux fluviales, qui contamine les écosystèmes et les poissons dans les fleuves. Le régime alimentaire des populations autochtones du Haut Maroni, basé sur la pêche, a pour conséquence un “taux d’imprégnation au mercure les plus élevés” chez cette population. Les enfants peuvent en souffrir car le mercure agit sur le système nerveux central, ce qui peut altérer le développement des plus jeunes et produire des malformations congénitales. Comme le décrit France Nature Environnement, “l’ouverture et la profondeur de la mine entraînent des risques de pollution, comme le perçage de nappes phréatiques et le drainage minier acide”. Malgré “l’abandon” de Montagne d’or en mai 2019, d’autres projets miniers voient le jour comme le projet “Espérance”, sur les rives du fleuve Maroni. Une aberration écologique mettant en danger la vie des populations.

    En France métropolitaine aussi, l’extractivisme ravage. Dans l’Aude, après 90 ans d’extractions sur la “Montagne noire”, la vallée de l’Orbiel est polluée par l’arsenic, le soufre et le plomb. Comme pour les mines d’or, les polluants issus de la mine se déversent avec l’eau de pluie dans les rivières. En 2004, “l’Ademe estimait qu’environ 2,5 tonnes d’arsenic se déversaient chaque année dans l’Orbiel. Aujourd’hui, ces eaux présentent à certains endroits une concentration moyenne en arsenic de 600 microgrammes, soit 60 fois plus que le seuil de potabilité”. En Bretagne, en Ariège, dans le Nord ou dans le Limousin, les mêmes problématiques se posent et le silence des autorités sur les conséquences néfastes de l’arsenic met en danger la population souvent ignorante de ces dangers.

    Ressource en eau et populations vulnérables

    Les migrants et déplacés climatiques : de nombreux migrants et déplacés climatiques quittent ou quitteront leur lieux de vie en raison des difficultés d’accès à l’eau potable et à l’assainissement. C’est déjà le cas dans certains pays, comme en Inde où des milliers de villages ont été abandonnés par leurs habitants en raison du manque d’eau. Ailleurs, comme au Darfour et en Syrie, l’accès aux réserves d’eau potable a alimenté pendant des années le conflit armé. Si les trois régions les plus touchées selon les prévisions seront l’Afrique subsaharienne, l’Asie du Sud et l’Amérique latine, l’Europe et la France ne seront pas épargnées par ce phénomène de migrations, conséquence du changement climatique sur les ressources en eau. Or, les personnes déplacées ou en migration voient déjà aujourd’hui leur droit à l’eau et à l’assainissement fortement impacté par l’évolution du climat. Le changement climatique a un impact sur l’approvisionnement en eau des déplacés et réfugiés partout dans le monde, en réduisant les ressources d’eau potable mais aussi en contaminant les sources et nappes phréatiques, comme le souligne l’UNHCR. C’est le cas par exemple ces dernières années en Centrafrique et au Nigéria. L’augmentation du nombre de réfugiés dans les années à venir, certains fuyant des zones asséchées à la recherche d’eau potable, créera une pression supplémentaire sur les ressources existantes allouées à ces personnes. 

    Les sans-abris : alors que l’attention médiatique sur les personnes sans-abris se concentre sur la période hivernale, la chaleur est également dangereuse. Déjà touchés par les difficultés d’accès à l’eau lors des canicules, les personnes vivant dans la rue font partie de celles les plus à risque face à l’impact du changement climatique sur les ressources en eau puisque, sans domicile alors que les accès publics à l’eau diminuent, ils sont vulnérables à la déshydratation et à l’hyperthermie. De plus, en été, les services fournis aux personnes sans-abris le reste de l’année ont tendance à ralentir. Chantal Coquillon du Secours Catholique à Marseille explique d’ailleurs que dans la 2ème plus grande ville de France, “la plupart des petites associations stoppent leurs actions en juillet et août, faute de volontaires”. Ce qui renforce les situations de fragilité puisque peu de points d’eau et de sanitaires gratuits sont mis à disposition. Dans la capitale au contraire, les points d’eau gratuits sont beaucoup plus nombreux, 1200 au total. Pour Jean-Baptiste Butlen, directeur général adjoint d’Eau de Paris, “la ville est pionnière en la matière”. 

    Les plus pauvres : l’eau est déjà une ressource à l’accès difficile pour de nombreuses personnes dans le monde, que ce soit pour boire, aller aux toilettes ou se laver. Dans le monde, plus d’un milliard de personnes en zone rurale doivent déféquer en plein air, ce qui a d’importantes conséquences sur leur santé, leur intimité et même leur sécurité physique. L’impact du changement climatique sur les ressources en eau rendront cet accès encore plus difficile. Or, en économie marchande, la rareté va souvent de paire avec un prix élevé. Le gouvernement lui-même envisageait une tarification de l’eau plus élevée en été qu’en hiver, afin de mieux gérer cette ressource et éviter les gaspillages estivaux. Mais au-delà des gaspillages, c’est l’accès à cette ressource des personnes les plus pauvres qui pourraient être compromis.

    En France, “avoir un toit au-dessus de sa tête ne garantit pas un accès à l’eau suffisant”. En moyenne, les Français-es dépensent 1,1% de leur budget pour l’eau, “mais deux millions de ménages y consacrent plus de 3 % de leurs revenus”. La précarité hydrique est une réalité pour de nombreux ménages de Seine-Saint-Denis. Le département reste marqué par une fragilité sociale forte : un tiers des moins de 30 ans y vivent sous le seuil de pauvreté. Le département de Seine-Saint-Denis lutte contre la précarité hydrique avec un dispositif baptisé « EcEAUnome », qui vise à distribuer 80.000 kits d’économiseurs d’eau aux particuliers en cinq ans. Il s’agit d’une sorte de « grille » apposée sur le robinet, qui, en mélangeant l’air à l’eau, en réduit le débit. A la clef, une facture réduite d’environ 250 euros par an et par ménage, promet le département, qui engage 2 millions d’euros sur ce projet. Le dispositif, qui touchera 13 % de la population, s’adresse essentiellement aux logements du parc privé (pavillon, copropriété). Face à la précarité hydrique, la loi Brottes a été adoptée le 15 avril 2013 pour “préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes”. Elle instaure des avancées pour la fourniture en eau grâce au droit au logement, comme l’interdiction des coupures d’eau des ménages en cas d’impayés. Elle instaure aussi une tarification sociale de l’eau permettant aux collectivités de faire bénéficier d’un tarif d’eau plus faible pour les ménages précaires. En 2019, 50 collectivités étaient volontaires pour faire l’expérimentation, comme la métropole de Rennes, représentant 11 millions d’habitant-es. Avant cette loi, dès 2012, un système d’aide avait déjà été testé par la ville de Dunkerque.

    Accès effectif à l’eau et "guerres" de l’eau

    Une ressource en eau moins disponible, c’est une probabilité de conflit plus élevée. Des “batailles de l’eau” commencent déjà à voir le jour en métropole : Libération mentionne par exemple le barrage de Sivens (dont la lutte a causé la mort de Rémi Fraisse), les nappes souterraines de Vittel, les retenues de “substitution” en Sèvres niortaise, la digue du lac de Caussade etc. 

    La diminution des quantités d’eau disponibles crée des conflits autour de l’eau, les différents besoins entrant en confrontation. Ces conflits sont déjà des réalités dans certains départements comme les Deux-Sèvres en raison de la surexploitation des ressources en eau par les agriculteurs. Le collectif “Bassines non merci” se bat contre la construction de 16 réserves d’eau le long de la Sèvre niortaise qui serviront aux exploitations agricoles. Ces “bassines” seront alimentées par l’eau sera prélevée du sol en hiver pour une gestion plus durable de la ressource en hiver selon les agriculteurs. Le collectif “Bassines non merci”, présent sur la carte des luttes de Reporterre, dénonce le coût de ces installations, financées à 70% par l’argent public. Pour les militant-es, un tel projet risquerait d’encourager un agriculture intensive très gourmande en eau, dans une région, le Marais poitevin, qui fait déjà face à d’importants manques d’eau chaque été. En effet, pour Sami Bouarfa, directeur adjoint Aqua de l’Inrae, les projets de retenues d’eau, comme les bassines maintiennent “une agriculture orientée vers une dépendance à cette eau artificielle”. Pour lui, il faut miser sur les solutions qui reposent sur la nature et se baser sur le schéma “préserver, restaurer et multiplier”. 

    Dans les Vosges également, l’entreprise Nestlé pompe dans les eaux de Vittel malgré les niveaux bas de la nappe phréatique. L’installation de la multinationale dans la région dès les années 1980 a toujours été source de conflit. Entre contrôle du foncier et possibilité d’emplois pour les habitant-es de la région, l’entreprise noyaute le territoire. Pourtant, les ressources en eau diminuent à la fois en qualité et en quantité avec un déficit annuel d’un million de m3. Pour Jean-François Fleck, président de Vosges Nature Environnement, “la mainmise abusive de l’industriel sur cette richesse naturelle est en contradiction avec la loi sur l’eau de 1992”. L’association demande que chaque prélèvement dans la nappe phréatique, qui est mise en danger à l’horizon 2050, soit soumis à des autorisations et études d’impact.

    L’agriculture et la ressource en eau

    En France, dans l’agriculture, secteur qui occupe 45% du territoire, c’est essentiellement pour l’irrigation que l’eau douce est utilisée, ainsi que l’alimentation du bétail (en moins grande proportion). L’eau pour l’irrigation est principalement utilisée pour la culture de maïs (41% des surfaces irriguées) et de blé (17%). La surface agricole irriguée représente environ 6% de la surface agricole utile en 2010, les 94% restants étant essentiellement une agriculture pluviale, sans nécessité d’irrigation. Certaines pratiques agricoles ont des impacts sur la qualité de l’eau, comme l’utilisation d’engrais et produits phytosanitaires. 

    Dans un rapport, l’Agence européenne de l’environnement indique qu’un “tiers de l’eau utilisée en Europe est destiné au secteur agricole”. Dans les pays du sud de l’Europe (Grèce, Espagne, sud de la France, Italie), où l’utilisation de l’eau pour l’irrigation est d’environ 80%, il est nécessaire d’avoir une meilleure gestion de l’eau : au niveau politique, dans le passé, les subventions agricoles obtenues par la Politique agricole commune (PAC) de l’UE ont indirectement encouragé les fermiers à produire des cultures consommant beaucoup d’eau. Plus de formations et de partage de connaissances sont primordiales pour une meilleure gestion de l’eau. Enfin, le changement de pratiques agricoles pour utiliser moins d’engrais et de pesticides et ainsi avoir une eau moins polluée doit être soutenu. A l’image de la lutte des bassines dans les Deux-Sèvres, l’agriculture est à la fois coupable et victime de la diminution et de la quantité et qualité de la ressource en eau.

    En effet, selon le GIEC, “la productivité des systèmes agricoles et forestiers et des pêcheries dépend en grande partie de la distribution temporelle et spatiale des précipitations et de l’évaporation, ainsi que de la disponibilité des ressources en eau douce pour l’irrigation, en particulier pour les cultures”. Un agriculteur en conversion biologique en Basse-Normandie témoigne des pratiques plus respectueuses de la ressource en eau à travers le bio. “Les pratiques comme la couverture hivernale, les cultures associées, la plantation de haies favorables aux auxiliaires de culture améliorent la structure et la qualité des sols, préviennent les ruissellements, retiennent l’humidité dans les sols et servent d’habitats à la biodiversité. Elles sont donc toutes indiquées pour rendre les cultures plus résilientes face aux dérèglements climatiques”.

    Catastrophes naturelles et accès à l’eau

    1/6ème de la population mondiale dépend de l’eau douce apportée par les glaciers à la saison sèche”. Le dérèglement climatique provoque la fonte des glaces et une dilatation thermique des océans, entraînant la montée du niveau de la mer. Des scientifiques évaluent cette montée entre un à 3 mètres d’ici 2100. Le phénomène tend également à accentuer la fréquence et la puissance des catastrophes naturelles, avec une incidence directe sur la ressource en eau. Sécheresses et inondations accrues, diminution ou augmentation des précipitations, cyclones, causent pollution ou salinisation des cours d’eau et des eaux souterraines, ou encore une raréfaction de la ressource, avec des effets directs sur les écosystèmes et la vie humaine.

    D’ailleurs, dans le rapport de GREC Sud, le groupe régional d’experts sur climat de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, les scientifiques s’interrogent sur les conséquences de l’accès à l’eau potable dans la région dans les décennies à venir et particulièrement sur les risques d’intrusion saline dans les nappes phréatiques côtières “pouvant altérer la qualité des eaux douces”. Les variantes des précipitations ont des conséquences directes sur la ressource en eau : en effet, dans certaines régions, les précipitations tendent à diminuer. A titre d’exemple, la recharge des eaux souterraines dans l’ouest de la région Occitanie serait affectée à plus de 50% à horizon 2050, d’après le rapport “Impacts du changement climatique dans le domaine de l’eau” de l’Agence de l’eau de Rhône Méditerranée Corse (2016). Si le niveau d’eau venait à baisser de manière drastique dans les eaux souterraines mais aussi les rivières, la quantité d’eau disponible pour les prélèvements, pour l’usage domestique, pourrait s’avérer insuffisante pour couvrir les besoins de la population. Dans d’autres régions, au contraire, l’augmentation des précipitations accroît l’érosion et la mobilité des polluants. Le ruissellement provoqué par les précipitations accrues, notamment dans les hautes latitudes, charrie les polluants (agents pathogènes et autres polluants dissous, comme les pesticides) jusqu’aux aquifères souterrains et eaux de surface. L’érosion accrue conduit aussi à la mobilisation des polluants absorbés tels que le phosphore et les métaux lourds. En outre, l’intensité des précipitations rend la gestion de l’eau plus complexe en saturant les systèmes de récupération et de traitement des eaux usées. Ajoutons que le volume d’eau dépollué rejeté dans les rivières correspond à leurs capacités de dilution actuelles. Ainsi, des variations importantes de débit pourraient rompre cet équilibre et rendre les cours d’eau plus vulnérables aux pollutions. 

    Effets des fortes inondations sur la ressource en eau : Là encore, l’impact principal des inondations sur la ressource en eau est lié à la pollution qui en découle et se répand. Les contaminations sont nombreuses dans les zones industrielles, agricoles ou urbaines, à cause des carburants de voitures, des hydrocarbures des cuves enterrées, des produits ménagers entreposés dans des zones inondées, etc. La santé des personnes est directement menacée. Le cas des submersions marines doit aussi être étudié car l’apport excédentaire d’eau de mer entraîne la salinisation d’écosystèmes qui ne sont pas adaptés au sel. Les conséquences sont nombreuses : destruction de la faune et de la flore, pollution des milieux qui peut perdurer longtemps après le retrait des eaux. Pour la production d’eau potable par exemple, la pollution implique des traitements supplémentaires, et génère des surcoûts. Les activités qui ont lieu directement dans le milieu – comme la pisciculture – sont les premières impactées. Le dérèglement climatique augmente la contamination de l’eau douce par la mer : sur le littoral, les réserves souterraines d’eau douce ne sont pas isolées de l’eau de mer du fait de la porosité des roches. L’élévation du niveau des mers renforce ce phénomène de contamination de l’eau douce.

    Selon le Réseau Action Climat, les personnes pauvres sont plus exposées aux inondations et ce déséquilibre s’agrandit dans les zones urbaines. Entre 1970 et 2010, alors que la population globale a cru de 87%, la population dans les zones inondables a augmenté de 114% et celle des zones exposées aux cyclones de 192%. Ces constats sont liés à des problématiques complexes. Bien que certaines régions soient plus exposées, elles restent attractives car elles offrent plus de services, de transports et aussi de travail, comme Bombay.

    Aller plus loin

  • CP / Notre Affaire à Tous lance l’alerte face à une multitude de décrets diminuant le droit de l’environnement et ouvrant la voie aux 66 sites clés en main promis par le gouvernement

    Communiqué de presse – 22 juillet 2020

    Depuis la crise sanitaire, sous couvert d’une relance économique nécessaire et supposément salvatrice, le gouvernement multiplie les actes visant à construire un réel système d’exception au profit des industriels. Loin d’être des actes éparpillés et déconnectés les uns les autres, ces différents décrets et annonces déconstruisent méthodiquement les procédures environnementales visant à garantir la protection du vivant, de la santé publique et les droits de participation et d’information du public. Un tel procédé de dérogation systématique entre en frontale contradiction avec les engagements du gouvernement sur l’objectif zéro artificialisation nette des sols, mais aussi avec la stratégie nationale bas carbone que 66 nouveaux sites industriels viendraient ébranler. 

    Le 3 avril 2020, brandissant la crise sanitaire comme alibi, le courrier du Medef, lobbying au grand jour, avait fait du bruit. Dans ce courrier était réclamé un moratoire sur les mesures en cours d’élaboration qui auraient pour conséquences d’alourdir les procédures administratives dans le but d’offrir une plus grande protection environnementale. Étonnant pour tous, scandalisant pour les plus engagés, aucune suite n’avait été donnée à de telles demandes. 

    Par la suite, un décret daté du 8 avril a généralisé un procédé en cours d’expérimentation (et cela sans consultation du public) visant à permettre au préfet de permettre à certains projets de se passer de procédure environnementale, dès lors que ceux-ci pourraient être considérés d’intérêt général. C’est bien sûr au préfet qu’est laissée l’appréciation de cet intérêt. Rappelons à ce stade qu’il s’agit ici de procédures telles que l’étude d’impact, qui permettent de faire état des enjeux environnementaux à l’emprise du projet. Ces procédures permettent également de poser les mesures visant à éviter, réduire ou compenser les impacts du projet. Au stade de l’expérimentation, un projet éolien en Vendée avait pu se voir exonérer de cette étude. Un tel décret contrevient à la séparation des pouvoirs et laisse aux prises de possibles conflits d’intérêt la protection environnementale assurée par les procédures. 

    Le pouvoir du préfet ne s’arrête pas là car le décret du 3 juillet lui assure la décision dans les procédures dites de “cas par cas” visant à déterminer si un projet doit se soumettre ou non à une étude d’impact environnementale. Le décret précise habillement que le préfet jugera seul s’il se considère ou non en conflit d’intérêt et en capacité de trancher objectivement le cas. 

    Le 17 juillet, la consultation sur les projets de décret et d’arrêté prend fin de manière discrète. Pourtant ces actes apportent une réduction des périmètres de procédure ICPE et de projets soumis à autorisation environnementale, principalement dans le secteur de la logistique. 

    Enfin le 20 juillet, le gouvernement annonce 66 nouveaux sites clé en main. Un site clé en main est donc un site où les procédures ont été effectuées avant la désignation du maître d’ouvrage à l’échelle du site. Le procédé “clé en main” permet donc pour les projets sur le site d’accélérer les procédures et d’obtenir le permis en trois mois. En effet, l’étude d’impact et l’enquête publique sur le site sont donc effectuées bien en amont de la désignation du maître d’ouvrage, les projets sont à ce moment encore très flous, les procédures demeurent donc vagues. Malgré les prescriptions législatives concernant l’étude d’impact, celle-ci est réalisée alors qu’il est bien difficile d’établir quelles seront les conséquences des projets particuliers sur l’environnement, la santé ou le cadre de vie. 

    L’association Notre Affaire à Tous travaille au quotidien avec les normes composant le droit de l’environnement afin de venir en aide aux collectifs en lutte contre les projets imposés et polluants. Il nous semble donc important de dénoncer ce mouvement de fond portant un détricotage systématique du droit de l’environnement. Si les demandes du Medef ont officiellement été ignorées, dans les faits c’est une immense brèche qui s’est ouverte depuis quelques mois dans le droit de l’environnement et cela au profit des industriels. Ces modifications s’imbriquant, elles laissent une marge immense au préfet, lui permettant, dans de nombreux cas, d’avoir la mainmise sur les procédures environnementales, autorisations et études d’impact d’un projet. Dans le cadre d’un des 66 sites, cela pourrait entraîner l’installation d’un site ICPE sans que le maître d’ouvrage n’ait eu ni à effectuer une étude d’impact, ni à demander les autorisations liées et cela dans un délai extrêmement court.

    Il va s’en dire que de tels mécanismes portent atteinte au droit de participation et d’information du public, au principe de précaution et de prévention et entre frontalement en opposition avec les objectifs de zéro artificialisation des sols et de neutralité carbone. 

    Pour Chloé Gerbier de Notre Affaire à Tous : “Le pacte rebond est une dérogation de plus, il est construit en manifeste désaccord avec le droit de participation et d’information du public ainsi qu’avec le principe de précaution”. 

    Contact presse :

    Notre Affaire à Tous – Chloé Gerbier : 06 46 43 55 09

    ANNEXES – Rappels des faits :

    • Le 3 avril dernier, le Medef adressait un courrier demandant au gouvernement un moratoire de 6 mois sur les mesures protectrices de l’environnement en cours d’élaboration.
    • Le 8 avril, un décret donnait pouvoir de dérogation aux préfets notamment en matière environnementale.
    • Le 3 juillet, un décret désignait le préfet comme compétent en matière d’étude au cas par cas.
    • Le 17 juillet, prenait fin la consultation sur des projets de décret et d’arrêté qui d’une part portent modification de certaines rubriques de la nomenclature ICPE diminuant le périmètre de protection et d’autre part diminuent le périmètre de l’évaluation environnementale.
    • Le 20 juillet 2020 le gouvernement annonce 66 nouveaux sites “clé en main”, afin de concrétiser un nébuleux “pack rebond”.

    Rappels des conséquences de la désignation des 66 sites :

    Un site clé en main est un site où les procédures ont été effectuées avant la désignation du maître d’ouvrage, ainsi qu’annoncé fièrement par le gouvernement. Le procédé permet donc d’accélérer les procédures et d’obtenir le permis en trois mois. Mais cet arrangement avec les procédures relève avant tout d’une profonde atteinte aux droits à l’information et à la participation du public et n’est pas aussi protecteur de l’environnement que le gouvernement semble l’affirmer. 

    L’article R122-5 du code de l’environnement alinéa 5° prescrit bien “une description des incidences notables que le projet est susceptible d’avoir sur l’environnement “, cette analyse résultant notamment de la construction du projet, de l’utilisation des ressources en phase de fonctionnement, des émissions de polluants et des risques pour la santé humaine. 

    Les alinéas 8 et 9 du même article imposent aussi la prévision de mesures afin d’éviter, de réduire, et de compenser les impacts du projet sur l’environnement, sans maître d’ouvrage, ce sont donc des mesures auxquelles l’état s’engage tout en sachant pertinemment qu’il n’en sera pas l’exécutant.

    De la même façon, l’enquête publique invite les citoyens au plus proche du projet à se prononcer mais, comme le démontre l’enquête autour du projet du Carnet, les participants n’arrivent pas à se faire une idée claire du ou des projets qui prendront place sur le site. D’autre part le procédé d’aides sous condition sur lequel est basé le pack rebond semble entrer en conflit avec le droit européen en terme d’aide d’état et de concurrence. 

    Enfin, l’acte de droit permettant aux collectivités d’effectuer les procédures en place et lieu des maîtres d’ouvrage et sélectionnant ces sites est inconnu, ceux-ci semblent donc actés comme clé en main au bon vouloir du gouvernement. En janvier dernier le président annonçait d’ores et déjà la concrétisation de 12 de ces sites clé en main. 

    Deux collectifs en lutte ont contacté l’association. Il s’agit du collectif Stop Carnet s’opposant au projet menaçant près de 200 he de zones humides et d’un collectif de particuliers opposés au projet d’usine Clarebout visant une production industrielle de produits surgelés à base de pomme de terre. 

    Le projet Carnet fait déjà l’objet d’une étude d’impact en 2017 alors qu’aucun maître d’ouvrage n‘est encore désigné. D’autre part il fait l’objet d’une dérogation espèces protégées portant sur 116 espèces, les opposants au projet réunis au sein du collectif Stop Carnet n’ont de cesse de rappeler le flou et l’incohérence d’un site industriel construit d’un bloc sur un tel réservoir de biodiversité, l’autorité environnementale elle même questionne la localisation dans son avis concernant le projet. 

    12 sites représentaient déjà 12 territoires de plus de 50 he non artificialisés sacrifiés, nous ne pouvons accepter que 66 soient ajoutés à ce funeste tableau.

  • Propositions juridiques pour une réduction drastique des émissions de l’aérien

    Note d’intention

    De récentes études (1) sur le secteur aérien et sur la trajectoire des émissions du secteur ont mis en lumière le fait que, sans une diminution drastique du trafic aérien, les espoirs d’atteindre la neutralité carbone sont nuls. L’objet des propositions publiées par Notre Affaire à Tous est de donner une consistance juridique à ces revendications visant à réduire les émissions du secteur aérien. 

    Loin d’être exhaustives, les mesures proposées sont volontairement ambitieuses avec pour mot d’ordre « d’être à la hauteur ». Elles s’inscrivent dans une démarche globale. La régulation du secteur ne pouvant être l’apanage de quelques mesures sans être profondément inégalitaires, il est essentiel d’ouvrir le débat juridique autant sur la comptabilisation des émissions réelles du secteur de l’aviation civile que sur la possibilité des aides à la reconversion de celui-ci. Pour cela, la démarche “éviter, réduire, compenser” a été privilégiée. Si elle est lourde à mettre en place, cette démarche apparaît néanmoins réaliste. Il apparaît comme essentiel d’ouvrir le débat juridique autant sur la comptabilisation des émissions réelles du secteur de l’aviation civile que sur la possibilité des aides à la reconversion de celui-ci. 

    Ces propositions sont à destination de toutes celles et ceux qui trouveront bon de s’en saisir et Notre Affaire à Tous se tient à disposition pour les approfondir et les transformer en propositions législatives.

    SE DOTER D’UNE VÉRITABLE STRATÉGIE PERMETTANT DE PLANIFIER LA BAISSE D’ÉMISSIONS DU SECTEUR AÉRIEN

    Afin de pouvoir opérer sur l’aérien de manière législative, il est important de calculer objectivement ce que le secteur représente en émission. Aujourd’hui, la SNBC est trompeuse sur ce point : pour relever le défi de la neutralité carbone, il est essentiel d’y inclure la totalité des émissions induites par le secteur aérien.

    Inclure les vols internationaux au sein de la stratégie nationale bas carbone

    Les vols internationaux sont aujourd’hui en dehors de tous les calculs : par exemple, les émissions d’un Paris – New York ne tombent sous aucune comptabilité carbone nationale. Pourtant, ces émissions sont bien là. Dans une perspective de maîtrise des émissions du secteur aérien, il est donc nécessaire de les inclure dans les politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES).

    La Stratégie Nationale Bas Carbone vise aujourd’hui la neutralité carbone à un horizon 2050. En incluant les vols internationaux à hauteur de la moitié de leurs émissions de GES, la vision d’une neutralité carbone à cet horizon sera nécessairement remise en cause. 

    Dans un premier temps, il est envisageable d’établir un livret indépendant sur une SNBC propre au secteur de l’Aviation, (SNBC-A) afin d’évaluer à quel horizon il semble possible d’arriver à la neutralité de ce secteur. Dans un second temps, il s’agira d’intégrer ce livret au sein d’une seule et même stratégie. 

    En chiffres :

    En respectant la même trajectoire de diminution des émissions des vols internationaux (17,9Mt CO2 en 2018) que la trajectoire pour les budgets carbone de la France, ces émissions devront baisser de 83% d’ici 2050, soit une baisse de 14,7Mt pour atteindre 3,2Mt émises annuellement.

    Eviter de voler

    Il s’agit tout d’abord d’éviter d’émettre des émissions de GES, comme le rappelle la séquence « Eviter Réduire Compenser » (ERC). Bien sûr, l’évitement induit la possibilité d’une solution de substitution, et celle-ci se doit d’être l’objet d’un fort développement en ce qui concerne la problématique aviation. Ainsi, l’interdiction de vols pouvant être évités est une mesure à développer de manière planifiée en commençant par les lignes où des alternatives ferroviaires sont préexistantes.

    1. Interdire l’ouverture de lignes et d’infrastructures nouvelles

    Dans un premier temps, il est essentiel de stopper l’accroissement du trafic aérien. Cette interdiction d’ouverture de nouvelles lignes permettra notamment de freiner le développement des aéroports de taille modeste. 

    Mesures d’accompagnement : 

    Il faudra réinvestir les subventions permettant l’extension actuelle de certains aéroports vers le plan de désenclavement déjà à l’œuvre en France métropolitaine, en permettant notamment de développer les infrastructures ferroviaires (voir LGV Caen-Paris).

    Concrétisation juridique :

    Une telle interdiction représente bien sûr une atteinte à la liberté de commerce. Néanmoins, comme le Conseil Constitutionnel l’a récemment rappelé, l’intérêt environnemental et de préservation du vivant peut primer sur cette première (2). Dans un contexte où l’augmentation des émissions du secteur est telle qu’elle représente une menace au droit à un environnement sain ainsi qu’aux principes protégés par la charte de l’environnement, il apparaît possible d’adopter une telle mesure.

    La Loi Organique relative aux Lois des Finances (LOLF) en vigueur au moment de l’adoption devra être modifiée afin que les subventions dédiées à l’extension des aéroports soient redirigées vers le secteur ferroviaire.

    Point sur les recommandations du Haut Conseil pour le Climat : 

    Le Haut Conseil pour le Climat a recommandé que des objectifs de réduction des émissions de l’aviation civile internationale soient intégrés aux stratégies nationales (3) :

    « Ces objectifs ne couvrent pas toute la responsabilité de la France compte-tenu de l’importance de ses importations, qui s’ajoutent aux émissions nationales pour former l’empreinte carbone de la France. Les objectifs concernant les transports internationaux, aériens et maritimes, devraient être intégrés et élevés au même niveau que les objectifs nationaux »

    2. Préparer un plan de fermeture des lignes internes (prioritairement les liaisons radiales)

    Il est essentiel que la baisse de trafic, ainsi que le développement des solutions de report, soient planifiés. En effet, empêcher l’ouverture de nouvelles lignes permettra d’endiguer l’augmentation des émissions, mais il faudra aller plus loin afin de les réduire durablement. Ainsi, il faut construire à un horizon 2030, un territoire national qui puisse se passer de liaisons aériennes. 

    Dans un second temps, il s’agira d’arriver à un trafic qui serait essentiellement composé de liaisons entre capitales. En effet, une liaison Paris – Milan ou Paris – Turin n’est pas indispensable lorsqu’un Paris – Rome existe et qu’une liaison ferroviaire permet de rejoindre ces villes depuis la capitale. A l’horizon 2040, il faut penser cette modalité sur plusieurs territoires afin qu’en Europe il ne subsiste que quelques hubs aériens et que soit construit un maillage ferroviaire conséquent. Les subventions massives perçues par les moyens et petits aéroports régionaux (aujourd’hui largement déficitaires sans ces aides) devront être fléchées et un pourcentage croissant devra être alloué à la reconversion des personnels.

    Concrétisation juridique :

    Une baisse progressive du nombre de trajets internes semble profondément porter atteinte à des droits acquis. C’est pour cela qu’il est important que cette fermeture de lignes soit planifiée et intégrée à une stratégie globale telle que la SNBC portant sur le secteur de l’Aviation. Dès lors, les mesures et planifications telles que les fermetures de lignes entrant dans l’objectif de neutralité carbone du secteur fixé législativement seraient légales car prises en application de la SNBC.

    En chiffres : 

    La mise en place d’une telle mesure représenterait une baisse de 2,3 MtCO2 dont 1,12Mt pour les liaisons radiales. On estime en effet au regard des données de la DGAC que le trafic intérieur représente un total de 2,3Mt CO2/an et que les liaisons radiales représentent près de la moitié de ce chiffre, soit 1,12Mt CO2/an.

    3. Supprimer les lignes où le gain de temps sur le trajet avion est inférieur à 4H

    Le calcul du gain de temps s’opère ainsi : Tvoyage en train + 30 minutes – Tvoyage en avion + 2h = Tgagné (les ajouts de 30 minutes et 2h représentant les temps d’anticipation). Cette base de calcul semble d’ores-et-déjà peu sévère au vu du fait que les aéroports sont, dans la majorité des cas, bien plus éloignés que les gares des domiciles ou destinations des voyageurs. 

    Des subventions aux voyageurs professionnels fréquents sur ces lignes (où l’Etat s’engagerait par exemple à rembourser 50% de l’écart de tarif entre les anciens trajets en avion et les trajets en train) permettraient de faciliter l’acceptation de cette mesure. Cette mesure étant transitoire, le taux de remboursement sera revu à la baisse chaque année, d’autant que les mesures suivantes visent à diminuer le prix des billets de trains. A côté de cela, un large plan de subventions doit donc accompagner le développement ferroviaire sur lequel se reporteront une grande partie des voyages. Ce plan visera à baisser les tarifs mais aussi à permettre la circulation de trains plus nombreux ainsi que le développement des Lignes à Grande Vitesse (LGV) prioritairement sur les tronçons correspondant aujourd’hui à des liaisons radiales.

    Concrétisation juridique :

    Une proposition de loi semblable a déjà été portée devant l’Assemblée Nationale (4). 

    Il semble important de reprendre une logique similaire consistant à réaliser une liste exhaustive des vols devant être supprimés. Cette mesure peut donc faire l’objet d’une proposition législative visant à réformer le secteur de l’aérien ou être intégrée directement à la Stratégie Nationale Bas Carbone – Aviation et ses décrets d’application.

    En chiffres : 

    Cette mesure reviendrait à fermer la quasi-totalité des lignes domestiques ainsi que les lignes vers les destinations frontalières (Genève, Bruxelles, Luxembourg, etc.) soit entre 3 et 4 Mt/an.

    4. Accompagner la reconversion du secteur aérien

    Une aide à la reconversion du secteur de l’aviation et notamment des personnels des aéroports régionaux dont les liaisons radiales auront été supprimées devra être mise en place.

    Cette aide ne serait pas un ajout, mais reviendrait à consacrer 25 % des subventions versées par l’Etat aux aéroports régionaux à la reconversion de leurs employés. Les syndicats devront être pleinement associés à l’élaboration des mesures mises en place dans le cadre de la reconversion. De manière générale, au vu des nombreux secteurs qu’il s’agira de transformer pour opérer la transition écologique, il semble pertinent qu’un organisme soit créé dont la mission serait de former les employés à de nouveaux métiers (si nécessaire) et de leur trouver prioritairement des emplois compatibles avec les enjeux de transition.

    Concrétisation juridique :

    Il sera nécessaire d’opérer une modification de la loi des finances en vigueur au moment de l’adoption des mesures, afin que celle-ci redirige une partie des subventions au secteur aérien vers la reconversion et qu’une aide supplémentaire soit attribuée au développement ferroviaire.

    En chiffres :

    Les aides publiques au transport aérien en France métropolitaine sont chiffrées à 505 millions d’euros par an, d’après l’évaluation présentée le vendredi 11 janvier 2019 par la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut) (5). Au sein de ces 505 millions, 355 relèvent de l’exonération sur la TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) dont bénéficient les vols intérieurs. D’autre part, les aéroports bénéficient aussi d’aides de l’Etat et des collectivités s’élevant à 170 millions. Parmi ceux ci, 95 millions sont versés afin de compenser les pertes des aéroports les plus modestes. La Fnaut conclut qu’il serait plus stratégique de fermer nombre d’entre eux.

    Réduire les vols

    Aujourd’hui, 28% du trafic est induit par les déplacements professionnels, qui sont aussi un rouage majeur dans le système de fidélité des miles (6). Après la crise du COVID-19, il apparaît que le travail à distance est une solution viable et que parcourir le monde pour des motifs professionnels n’est pas toujours pertinent.

    1. Instaurer un quota km par employé pour toutes les entreprises françaises

    Ce quota sera fixé sur la base des voyages effectués par l’entreprise sur l’année précédente et ensuite actualisé sur le nombre d’employés qui travaillent aujourd’hui dans l’entreprise. Une fois ce quota établi, l’entreprise devra s’engager à faire baisser le nombre de kilomètres parcourus en avion par employé de 75% d’ici 2040. 

    Mesures d’accompagnement : 

    Le report modal devra être favorisé, dès qu’il est possible, par une aide permettant l’allégement du coût des abonnements “pro” ou “grand voyageur”. Les entreprises verront donc une partie de ces abonnements subventionnés en fonction du nombre d’abonnements contractés après l’entrée en vigueur de la mesure. Cette subvention serait opérée sous forme “d’offre” par l’opérateur ferroviaire proposant l’abonnement. D’autre part, on peut imaginer la subvention de formations à l’utilisation des outils numériques au travail, afin de permettre aux entreprises de former leurs employés à l’utilisation des moyens de communication visioconférence ou autres outils collaboratifs à distance.

    Concrétisation juridique :

    L’objectif des 75% à l’horizon 2040 devra figurer au sein de la Stratégie Nationale Bas Carbone – Aviation sous forme de décret ou d’une législation visant à réformer le secteur de l’aviation. Ainsi, l’objectif pourra être modifié en fonction de l’objectif global que se fixe la stratégie.

    Cet objectif fera l’objet d’une planification s’inscrivant au sein du plan de vigilance de l’entreprise. Ainsi la loi sur le devoir de vigilance se verra modifiée. A l’article L225-102-4-I du code du commerce, définissant le contenu du plan de vigilance, un alinéa sera ajouté, faisant figurer la planification en terme de baisse de km/employé afin d’atteindre les objectifs fixés par la loi. S’agissant de la concrétisation des mesures d’accompagnement, il s’agira une fois encore d’une modification des subventions. Celles-ci seront redirigées vers l’opérateur ferroviaire proposant les abonnements les plus avantageux, permettant à cet opérateur de subventionner auprès des entreprises un pourcentage des abonnements.

    En chiffres :

    Une telle mesure reviendrait à obtenir l’économie de 5 MtCo2/an en comprenant les mesures similaires pour les fonctionnaires vues précédemment. Ces chiffres s’obtiennent en réduisant de 75% la part des émissions imputables aux déplacements professionnels.

    Détail du calcul : Les voyages professionnels représentent 28% du trafic (28% de 22,7Mt CO2 = 6,36). Réduire ces voyages de 75% revient à réduire de 4,77Mt CO2 (0,75*6,36) et les réduire de 90% permetrait de diminuer de 5,72Mt CO2 (0,9*6,36). AInsi, les émissions annuelles évitées par cette mesure se situeraient entre 4,77 et 5,72 Mt CO2 / an selon les données de la DGAC pour l’année 2018. 

    2. Supprimer les mécanismes de promotion de l’avion

    Afin d’envisager une baisse du trafic, il est nécessaire d’éviter toute mesure pouvant être une incitation, comme les miles et la publicité visant à promouvoir des voyages à moindre coût.

    De tels mécanismes sont usuels. On les retrouve notamment sur des produits présentant un risque pour la santé comme l’alcool fort. 

    Mesures d’accompagnement : 

    Les miles acquis au moment de l’adoption de la législation par les voyageurs seront perdus.

    Concrétisation juridique :

    Si l’on peut penser de prime abord qu’il serait difficile de proscrire un mécanisme commercial à la main des entreprises privées, certains produits se voient pourtant prohibés à la publicité ou aux programmes de fidélité tels que l’alcool ou le tabac, sous des motifs de santé et sécurité publique. Dès lors, au vu de la menace que le secteur de l’aviation fait peser sur le vivant, il doit pouvoir entrer dans cette catégorie et se voir à son tour prohiber ces moyens d’incitation. 

    Une telle proposition pourra faire l’objet d’une codification au sein du code de la Santé Publique (voir article L3323-2 sur la publicité portant sur les boissons alcoolisées), ou directement au sein du code de l’aviation ou de l’environnement. De plus, les mesures actuelles poussées dans le cadre de l’adoption de la loi sur l’audiovisuel devraient être l’occasion de poser l’amorce de cette mesure.

    Comme le rapportait en février 2020 le site web du média « La Tribune » (7)

    L’autorité britannique de régulation de la publicité (ASA) a annoncé, mercredi 5 février, avoir interdit des publicités diffusées par Ryanair en septembre 2019 dans la presse écrite, à la radio et à la télévision. Le régulateur a jugé que le transporteur à bas coût a induit en erreur les consommateurs en se présentant comme la compagnie ayant les plus faibles émissions de CO2 en Europe parmi les grandes compagnies aériennes. Or l’ASA a estimé qu’il était difficile de définir ce qu’est une « grande compagnie aérienne » et que les consommateurs pourraient avoir l’impression de moins contribuer aux émissions carbone, ce qui ne peut pas être prouvé”. 

    COMPENSER DE MANIÈRE HOMOGÈNE ET CONCERTÉE

    Pour les vols qui restent nécessaires, il est essentiel (comme certaines compagnies s’y sont engagées), de compenser leurs émissions. En effet, la séquestration carbone est un phénomène complexe et les ressources forestières (ainsi que les territoires pouvant être convertis en réserves forestières) ne sont pas infinies, ainsi il apparaît évident que l’Etat établisse une stratégie globale concernant la compensation.

    1. Établir à l’échelle nationale les principes de la compensation

    Le calcul de la compensation se fera sur une logique de « SCOPE 2 », prenant donc en compte les émissions en amont du vol qui sont dues à l’acheminement, la maintenance de l’engin de vol ainsi que les émissions indirectes liées à la production d’énergie (kérosène notamment) utilisée par les avions. Au sujet de la compensation des vols, il s’agira de l’intégralité des vols internes ainsi que de la moitié des vols internationaux atterrissant ou décollant sur le territoire. Les modalités de calcul seront posées par décret. La compensation sera donc établie selon les mêmes modalités pour toutes les compagnies opérant sur le territoire national. 

    Mesures d’accompagnement : 

    La compensation doit nécessairement être mise en œuvre. Néanmoins ses modes de calculs et nos capacités à la rendre opérationnelle peuvent être longs à mettre en place. Ainsi, la compensation fait entièrement partie de la SNBC-A dans le sens où elle est un levier pour diminuer les émissions du secteur même si des mesures transitoires consistant à compenser dans un premier temps de manière privée pourraient être envisagées.

    Concrétisation juridique :

    Le système de compensation doit être établi de manière indépendante. Un comité devra en être responsable. Les modalités de calcul une fois pensées par le comité devront être posées par décret en application de la Stratégie Nationale Bas Carbone – Aviation ou d’une loi plus spécifique relative à l’impératif de compensation. Le calcul des émissions sera effectué selon le mode opératoire de l’étude d’impact (article L122-1 du code de l’environnement), les aéroports en seront les opérateurs à l’échelle de leur infrastructure, compilant ainsi les émissions de chaque compagnie opérant en leur sein. 

    L’autorité environnementale émettra ensuite un avis sur chacun des dossiers, qui pourra être assorti de demandes de précisions aux opérateurs ou directement aux compagnies. Chaque dossier sera ensuite remis au comité chargé de la compensation aérienne.

    Constat : 

    Libération publiait sur son site un article « la compensation, fausse solution » (8) : « Aujourd’hui, ce sont même les compagnies aériennes – qui ne paient aucune taxe sur le kérosène qu’elles consomment, rappelons-le – qui sollicitent directement les voyageurs afin de compenser. Voilà pour la théorie. Concrètement, une expérience simplissime permet d’observer que les calculs diffèrent selon les sites que l’on choisit. »

    La compensation ne doit en aucun cas être la première solution vers laquelle se tourner. Le suivi de la séquence ERC est essentiel. Néanmoins, dans ce cas extrême, la compensation ne peut être laissée aux mains des entreprises privées.

    2. Opérer la compensation à la manière d’un service public

    Afin d’assurer la transparence et le suivi de la compensation, un comité institué par l’Etat sera chargé de collecter la participation des compagnies aériennes à la compensation de leurs émissions. 

    Ce comité sera alors chargé de planifier cette compensation, de la contrôler et de s’assurer de son efficacité. Ce fond collectera les montants de la compensation auprès des compagnies aériennes qui seront ensuite investis dans la compensation des émissions du secteur aérien. 

    La stratégie de compensation de la France sera co-rédigée par le Haut Conseil pour le Climat (HCC) et le Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable (CGEDD), puis adoptée sous forme législative. Les membres ayant participé à cette rédaction formeront ensemble le comité de suivi de la compensation. 

    Mesures d’accompagnement : 

    La stratégie de compensation étant une composante forte de la Stratégie Nationale Bas Carbone – Aviation celle-ci doit y être intégrée. De nombreux décrets d’application seront à prévoir et il s’agira de rendre la stratégie la plus concrète possible en définissant les pourcentages de fonds allant par exemple à la foresterie, aux projets innovants permettant une économie carbone ou encore aux subventions de modes de transports alternatifs. Le comité devra garantir la transparence sur l’utilisation du fond et sera épaulé par le CESE dans cette tâche.

    Concrétisation juridique :

    L’utilisation du fond de compensation par le comité fera l’objet d’une adoption législative comme un volet particulier de la Loi Organique relative aux Lois de Finances. Néanmoins, il est à préciser que l’établissement de ce volet demeurera la compétence du comité, les amendements ne pourront ainsi s’y faire que dans l’esprit de la compensation.

    Constat :

    La présidente d’Air France déclarait en janvier 2019 : « Nous allons financer des projets de plantation d’arbres, de protection de forêts, de transition énergétique ou encore de sauvegarde de la biodiversité ».

    Avons-nous envie de laisser aux compagnies le choix des projets de compensation ? Derrière ces « organismes certifiés » c’est bien un nouveau chantier du greenwashing qui s’est ouvert.

    3. Créer un comité de conseil et de suivi de la compensation

    Le travail d’établissement du mode de calcul, de planification et de suivi du mécanisme de compensation doit être établi par un comité indépendant.

    Un tel comité sera composé de membres du Haut Conseil pour le Climat (HCC), du Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable (CGEDD) ainsi que des experts indépendants et des représentants des services RSE des opérateurs aéroportuaires (qui resteront une part non conséquente du comité). 

    Le comité sera aussi chargé de rendre des rapports afin que la compensation et son suivi se fassent de manière transparente. Le comité participe à l’élaboration de la Stratégie Nationale Bas Carbone – Aviation.  Il pourra de la même façon rendre des avis sur la mise en œuvre de la stratégie. 

    Mesures d’accompagnement : 

    Un tel comité sera pilote de la stratégie compensation ainsi que pour une grande part responsable de la Stratégie Nationale Bas Carbone – Aviation. Dès lors, son établissement et ses fonctions doivent être posés clairement avant que le comité ne soit opérationnel. Ainsi, dans un premier temps, le Comité pourra se composer de membres du HCC et du CGEDD qui élaborent les méthodes de calcul unifiées de la compensation avant de se saisir pleinement de leurs prérogatives.

    Concrétisation juridique :

    • L’instance du comité de suivi de la compensation verra sa création et son mode de fonctionnement codifiés au sein du code des transports.
    • Il sera pleinement intégré à l’élaboration de la Stratégie Nationale Bas Carbone – Aviation. 
    • Les prérogatives et compétences de l’instance seront à détailler par règlement.

    Constat :

    Dans l’ouvrage « La compensation carbone : illusion ou solution » (10), Augustin Fragnière note à ce sujet que « Déléguer la résolution des problèmes est devenu pour les pays développés un réflexe conditionné, en même temps qu’une forme de déni de la réalité ».

    Dès lors, un tel système « légitime un transfert de responsabilité des plus riches vers les plus pauvres ». Il est essentiel de considérer la compensation comme la dernière solution (voir l’étude du cabinet B&L Évolution).

    AGIR À L’ÉCHELLE EUROPÉENNE

    Cette autorité à l’échelle européenne permettra une vue d’ensemble sur le secteur aérien européen. En termes de baisse d’émissions, il est essentiel d’adopter le spectre géographique le plus large dans une volonté de cohérence.

    1. Créer une autorité de transparence sur l’aviation

    Il est essentiel qu’une instance européenne soit d’ores-et-déjà établie pour rendre compte des émissions à ces échelles et coordonner les efforts vers une neutralité carbone européenne prenant le secteur de l’aviation en compte.

    Cette autorité à l’échelle européenne permettra une vue d’ensemble sur le secteur aérien européen. L’autorité sera donc en charge d’évaluer les moyens de compensation mis en place par chaque pays mais aussi la nécessaire baisse du trafic à venir et les capacités de compensation du trafic restant. 

    Mesures d’accompagnement : 

    La mise en place de cette autorité ne devrait pas poser en elle-même de problème. Elle établira des guides de reporting et effectuera les recherches nécessaires afin d’obtenir les données des pays membres.

    Concrétisation juridique : 

    Une telle autorité devra être composée d’experts ainsi que de membres des commissions chargées de la compensation au sein des Etats membres et des membres de la future instance européenne pour le climat (voir Climate Law en gestation). Elle aura le pouvoir de saisir les États afin d’obtenir les documents nécessaires à sa tâche. Une telle institution répond aux principes d’information en matière environnementale et de transparence véhiculés par la convention d’Aarhus. L’autorité sera compétente pour évaluer la mise en place du système CORSIA au sein de l’Europe.

    Constat 

    A l’échelle des Nations Unis, le système Corsia prochainement en place a pour but de réguler les émissions du secteur de l’aérien. Néanmoins, des débats ont eu lieu au sein de l’Europe quant à l’année de référence pour comptabiliser les émissions, notamment en relation avec la baisse de transports liée à la crise sanitaire. Certains eurodéputés ont pu exprimer leurs inquiétudes face à la Commission Européenne qui se range à ce sujet à l’avis des compagnies. Il est essentiel que ces décisions stratégiques pour l’environnement soient chiffrées en termes d’émissions sur le territoire et soient prises de manière transparente.

    2. Faire du train de nuit un service public européen

    Face à la baisse du trafic aérien qui est nécessaire, le report modal est essentiel. L’Europe est un territoire avec un maillage ferroviaire fort et fait de la circulation entre les Etats membres un élément essentiel de sa construction. 

    Dès lors, les déplacements entre les Etats membres doivent être maintenus. Les trains de nuit doivent être sortis de la concurrence afin d’assurer un service public de déplacement sur les trains de nuit parcourant l’Europe. 

    Mesures d’accompagnement : 

    Il s’agira de revaloriser un secteur aujourd’hui à l’abandon. De nombreuses associations œuvrent d’ores-et-déjà à la valorisation du train de nuit et seront associées et consultées afin de réaliser un plan de relance du secteur.

    Concrétisation juridique : 

    La Climate Law européenne est apte à porter cette nécessité du report modal. Néanmoins, si ce n’était pas le cas, il paraît essentiel de faire adopter à l’échelle européenne un plan de refonte des transports européens.

    En chiffres

    Avec une alternative en train possible pour la majorité des destinations européennes (hors destinations enclavées ou insulaires), on arrive avec un taux de report modal de 50% et ainsi à 2,3Mt CO2 évitées tous les ans.

    3. Instaurer une taxe kilomètre subventionnant le report modal

    Si une telle taxation a été envisagée afin de peser sur le kérosène, il semble plus efficace de l’imposer au kilomètre.

    Cette taxe sera européenne et pèsera directement sur les compagnies effectuant des vols au sein du territoire européen. Les fonds constitués par le prélèvement de cette taxe subventionneront directement le service public européen des trains de nuit. 

    Mesures d’accompagnement : 

    Cette taxe sera définie par tranches kilométriques afin d’éviter de favoriser les vols de courtes distances. 

    Une taxe par mouvement pourra être envisagée dans cette même optique, voire en rehaussant simplement les tarifs aéroportuaires des atterrissages et décollages. Le montant de la taxe kilométrique sera en premier lieu d’un montant considéré comme « bas » et sera majoré dans le temps afin d’accompagner les mesures de réduction du trafic aérien et de rapporter suffisamment afin de permettre le report modal.

    Concrétisation juridique : 

    La mise en place de cette taxe européenne peut se faire via la Climate Law et son montant sera alors fixé par le « Conseil Européen pour le Climat » qu’elle instaure (“Panel” voir Climate Law), mais peut aussi faire l’objet d’un règlement indépendant. 

    Le fond pour le service public européen des trains de nuit verra ses objectifs de développement fixés au sein de chaque pays en application d’une directive visant à repenser la mobilité européenne.

    Constat :

    Un rapport sur le maillage aéroportuaire français rappelle  que (11) : « La taxation des externalités du trafic aérien serait de nature à avoir des impacts importants sur l’activité des aéroports. L’initiative de la Norvège d’introduire en 2016 une taxe environnementale (80 couronnes soit 8,6 €) s’est traduite par la suppression d’une quinzaine de liaisons par la société Ryanair et la fermeture de l’aéroport de Moss-Rygge en novembre 2016 qui accueillait sa base norvégienne (4 Boeing 737- 800). »

    En France, le carburant utilisé pour les vols intérieurs est totalement exonéré de taxe sur la consommation énergétique, au même titre que le carburant utilisé pour les vols internationaux. Le transport aérien bénéficie de surcroît, comme  transport de voyageurs, d’une TVA à taux réduit de 10 %. Instaurer une taxe kilométrique, ou sur le nombre de mouvements, permettrait indirectement de taxer le kérosène consommé par les avions qu’ils soient domestiques ou internationaux.

    Notes de bas de page :

    1. Propositions du Shift : “Crise(s), climat : préparer l’avenir de l’aviation”, Etude B&L évolution “Peut on (encore) prendre l’avion ?” 
    2. Décision du 31 janvier 2020, le Conseil constitutionnel admet pour la première fois que la protection de l’environnement constitue un objectif de valeur constitutionnelle qui permet au législateur de motiver une restriction à la liberté d’entreprendre
    3. Haut Conseil pour le Climat, Rapport annuel 2020 “Redresser le cap, relancer la transition”, https://www.hautconseilclimat.fr/publications/rapport-annuel-2020/
    4. Proposition de loi nº 2005 visant à remplacer les vols intérieurs par le train http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b2005_proposition-loi
    5. Les aides publiques au transport aérien Aéroports et compagnies aériennes, Jacques Pavaux, FNAUT, 11 janvier 2019, https://www.fnaut.fr/actualite/communiques-de-presse/712-les-aides-publiques-au-transport-aerien
    6. Enquête nationale des passagers aériens (ENPA), 2015-2016, https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/enquete-nationale-des-passagers-aeriens-enpa
    7. Au Royaume-Uni, Ryanair accusé de « greenwashing » pour des publicités mensongères sur l’environnement, https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/au-royaume-uni-ryanair-rattrape-par-des-publicites-mensongeres-sur-l-environnement-838804.html
    8. Compenser ses voyages en avion, une fausse solution ? https://www.liberation.fr/planete/2018/10/20/compenser-ses-voyages-en-avion-une-fausse-solution_1684614
    9. Pollution : Air France va «compenser 100% des émissions de CO2» de ses vols intérieurs, https://www.leparisien.fr/economie/pollution-air-france-va-compenser-100-des-emissions-de-co2-de-ses-vols-interieurs-30-09-2019-8163513.php
    10. Aurélien Bernier, « Augustin Fragnière, 2009, La compensation carbone : illusion ou solution ?, PUF, 208 p. », Développement durable et territoires [En ligne], Lectures (2002-2010), Publication de 2009, mis en ligne le 20 janvier 2010, consulté le 21 juillet 2020. URL : http://journals.openedition.org/developpementdurable/8260
    11. Rapport sur le maillage aéroportuaire français, Philippe Caradec, 8 février 2017, https://www.vie-publique.fr/rapport/37729-rapport-sur-le-maillage-aeroportuaire-francais
  • CP / Notre Affaire à Tous publie 12 propositions juridiques pour un secteur aérien plus vert

    Communiqué de presse – 21 juillet 2020

    Suite aux études concernant le secteur aérien publiées par le Shift Projet ainsi que par le cabinet B&L évolution, une affirmation peut désormais être posée de manière indiscutable : pour espérer atteindre la neutralité carbone, le secteur aérien doit nécessairement décroitre ses émissions. De plus, ces études confirment que l’espoir d’un avion vert est illusoire : il est donc nécessaire d’agir dès à présent. Afin de donner de la consistance à ces avertissements, l’association Notre Affaire à Tous s’est penchée sur les grands leviers cernés par les expertises afin de leur donner un corps juridique.
     
    Ce travail juridique réalisé par Notre Affaire à Tous, concrétise 12 propositions juridiques, utilisant la démarche “éviter, réduire, compenser”. Si elle est lourde à mettre en place, elle apparaît néanmoins réaliste.

    Il s’agira donc dans un premier temps de comptabiliser les émissions de l’aviation civile, qui, rappelons le, ne sont aujourd’hui pas incluses au sein de la SNBC, l’objectif de neutralité y est donc illusoire. Dans un second temps les propositions se tourne vers les leviers juridiques permettant d’éviter, de réduire ainsi que de compenser les actuelles émissions du secteur. La compensation y est décrite comme un levier de dernier recours et complètement repensée comme un service public nécessitant une régulation extérieure aux acteurs privés. Enfin, l’échelle européenne est envisagée afin d’inscrire les efforts nationaux au centre d’une stratégie plus globale.

    Loin d’être exhaustives ou aisées à mettre en place, les mesures proposées sont volontairement ambitieuses avec pour mot d’ordre « d’être à la hauteur ». Elles ont pour but de repenser globalement l’approche au secteur aérien afin d’éviter l’adoption de mesures solitaires dont les conséquences sont souvent profondément inégalitaires.

    Pour Chloé Gerbier, juriste de Notre Affaire à Tous : “En proposant un corps juridique à la baisse des émissions du secteur de l’aviation civile, nous ne prétendons pas poser le seul chemin envisageable vers une réduction des émissions du secteur mais nous désirons prouver que ce chemin est à notre portée »

    Contact presse :

    Chloé Gerbier : 06 46 43 55 09 – gerbierchloe@gmail.com

  • Décryptage sur l’écocide et la réforme de la Constitution portées par la Convention Citoyenne pour le Climat

    Article co-écrit par Paul MOUGEOLLE et Marine YZQUIERDO, membres de Notre Affaire à Tous, avec la collaboration de Marie TOUSSAINT et Valérie CABANES, co-fondatrices de l’association.

    La Convention Citoyenne pour le Climat est un exemple de démocratie participative inédit et certaines des mesures proposées ouvrent la voie vers une révolution juridique. Certaines de ces propositions telles que la reconnaissance du crime d’écocide et la modification de l’article 1er de la Constitution font pourtant l’objet de vives critiques. La proposition de soumettre ces deux mesures à référendum engendre également une levée de boucliers.

    Notre Affaire à Tous (NAAT), qui est à l’origine de ces deux propositions (aux côtés de Wild Legal pour l’écocide, et de la FNH au départ puis de Climates, le REFEDD et WARN en ce qui concerne la modification de l’article 1er de la Constitution), souhaite répondre à ces différentes critiques. Si elles ont au moins le mérite de nourrir le débat et de mettre en lumière des mesures emblématiques, ces critiques demeurent néanmoins contestables juridiquement, parfois contre-productives et quelquefois davantage liées à un enjeu politique que juridique. 

    Notre Affaire à Tous souhaite rappeler que l’objectif de ces propositions vise simplement à renforcer la protection de l’environnement, de la nature et du vivant, au-delà de tout débat idéologique.

    Si la France agit et adopte une législation efficace en matière d’écocide, un précédent important et absolument pionnier sera posé en matière de protection de la nature. A l’image de l’abolition de l’esclavage, il est temps de prendre nos responsabilités et d’intégrer nos nouvelles valeurs fondamentales communes dans notre droit pénal. L’expérience de la Convention Citoyenne pour le Climat l’a démontré : les citoyens français sont prêts à voter en faveur de l’incrimination de l’écocide afin de mettre hors la loi les comportements destructeurs de notre environnement. Montrons l’exemple à l’échelle de la France afin que l’humanité toute entière nous suive et protège la Terre et ses limites planétaires!

    A la suite des échanges intervenus le 29 juin entre les 150 citoyen.ne.s et le président de la République, ce dernier s’est dit prêt à intégrer l’écocide dans le droit français en revoyant toutefois la rédaction actuelle, et s’est montré favorable à une modification de l’article 1er de la Constitution, rejetant cependant la révision du préambule. Notre Affaire à Tous se réjouit de tels propos et considère également que “le temps est venu de faire, d’agir”, à condition de conserver l’esprit initial des textes lors du travail de réécriture. Voici donc nos réponses aux principales critiques (liste non exhaustive).

    1. SUR LA RECONNAISSANCE DU CRIME D’ÉCOCIDE

    Pour rappel, la Convention Citoyenne pour le Climat propose de :

    • reconnaître et définir le crime d’écocide comme “toute action ayant causé un dommage écologique grave en participant au dépassement manifeste et non négligeable des limites planétaires, commise en connaissance des conséquences qui allaient en résulter et qui ne pouvaient être ignorées”;
    • reconnaître et définir le délit d’imprudence caractérisé d’écocide comme suit: “Constitue un délit d’imprudence caractérisé d’écocide, toute violation d’une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou un règlement ayant causé un dommage écologique grave en participant au dépassement manifeste et non négligeable des limites planétaires”;
    • obliger les multinationales à publier un plan de vigilance en prenant en compte la problématique des limites planétaires à des fins de prévention: Ainsi, “l’absence de mesures adéquates et raisonnables relatives à l’identification et la prévention de la destruction grave d’un écosystème ou du dépassement manifeste et non négligeable des limites planétaires” constituerait une violation de la loi sur le devoir de vigilance ainsi qu’un délit d’imprudence d’écocide si celui-ci était caractérisé;
    • créer une Haute autorité des limites planétaires afin de promouvoir et  garantir la mise en œuvre de cette législation.

    Les principales critiques entendues

    “L’intention de nuire est difficile à établir.”

    Notre Affaire à Tous : La proposition de loi sur l’écocide ne prévoit pas la nécessité de prouver l’intention de nuire mais seulement la “connaissance” des conséquences des actes incriminés. C’est bien là toute la spécificité de notre définition du crime d’écocide, qui est d’avoir choisi le principe de la connaissance d’une haute probabilité d’atteinte à la sûreté à la planète, plutôt que celui de l’intention. En effet, le changement climatique et l’érosion de la biodiversité conduisent la planète vers un état auquel nul n’est préparé : il met en danger nombre d’écosystèmes, la survie de nombreuses espèces animales et végétales et les conditions de vie de l’humanité. L’objectif du crime d’écocide doit être de répondre à la crise écologique et climatique en cours en permettant de poser un cadre normatif de ce qui est tolérable pour préserver un écosystème terrestre habitable pour le plus grand nombre. 

    Nous sommes conscients des importants débats de fond que cela soulève au regard du principe fondamental de notre code pénal selon lequel “ll n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre.” Cela reviendrait à reconnaître un crime (le crime d’écocide) de nature non intentionnelle, comme cela était le cas avant 1994. 

    Notre Affaire à Tous est donc disposée à affiner la définition du crime d’écocide pour caractériser les dommages écologiques graves causés de manière intentionnelle et constituant un crime, sans pour autant devoir reconnaître une intention de nuire, si et seulement si le délit d’imprudence d’écocide est maintenu dans le dispositif et que l’esprit initial du texte est préservé. Ce délit d’imprudence permettra effectivement de garantir l’efficacité de l’incrimination ainsi que sa fonction dissuasive (voir notre deuxième réponse ci-dessous). 

    Ensuite, intégrer le concept des limites planétaires au dispositif relatif au devoir de vigilance des multinationales permettra de renforcer considérablement la fonction préventive de la protection extra-territoriale de l’environnement (voir notre troisième réponse ci-dessous).  

    “Il faut prouver l’élément intentionnel alors que beaucoup de dégâts causés à l’environnement sont le résultat d’une négligence.”

    Notre Affaire à Tous : L’élément intentionnel n’a pas besoin d’être démontré dès lors que serait caractérisé le délit d’imprudence, faute non-intentionnelle que les 150 citoyens proposent de reconnaître et de définir pour compléter le dispositif. Caractériser le délit d’imprudence ne nécessiterait donc pas de démontrer une intention de provoquer un écocide ou le franchissement des limites planétaires, mais seulement la prévisibilité du dommage ainsi qu’un manquement à une obligation de prudence préétablie par la loi, telle que l’obligation générale de vigilance environnementale découlant de la Charte de l’environnement (décision n° 2011-116 QPC du 8 avril 2011 du Conseil constitutionnel).

    “L’écocide ne satisferait pas à l’exigence de précision de la loi pénale. Pour envoyer quelqu’un en prison, il faut une incrimination précise. C’est le principe de légalité et de clarté.”

    Notre Affaire à Tous En premier lieu, il est important de clarifier un certain malentendu à cet égard. Notre proposition initiale, reprise par les 150 citoyens de la Convention, avait défini directement dans la loi les limites planétaires ainsi que les seuils respectifs. Le comité légistique de la Convention Citoyenne a par la suite demandé aux 150 citoyens de synthétiser leur proposition, les obligeant ainsi à enlever les seuils chiffrés relatifs aux limites planétaires. C’est ce même comité légistique qui vient par la suite  critiquer son absence de précision !

    En second lieu, les limites planétaires font l’objet d’une définition scientifique assez précise (voir les travaux de l’équipe internationale de 28 scientifiques dirigée par Johan Röckstrom et Will Stefen, publiés en 2009 et réactualisés en 2015).  Ce concept de limites planétaires est d’ailleurs utilisé à plusieurs reprises au niveaux européen et français. Ainsi, l’Agence Européenne de l’Environnement a publié le 17 avril dernier un rapport sur le respect/irrespect par l’Europe des limites planétaires. Ensuite, le concept de limites planétaires a récemment été utilisé  par le gouvernement français dans son rapport sur l’état de l’environnement en France, publié par le Ministère de la transition écologique et solidaire (MTES) le 24 octobre 2019, qui indique que six des neuf limites planétaires sont déjà dépassées. Dans ce rapport, le concept des limites planétaires a été décliné au territoire de la France. 

    En outre, la notion des limites planétaires figure déjà dans la loi, à l’article L110-1-1 du code de l’environnement (modifié par la Loi n°2020-105 du 10 février 2020 – art. 2) qui dispose que “ La transition vers une économie circulaire vise à atteindre une empreinte écologique neutre dans le cadre du respect des limites planétaires et à dépasser le modèle économique linéaire […]”.

    Avant cela, dans son discours devant la communauté internationale lors de la COP23 de Bonn en 2017, le président de la République a lui-même évoqué le franchissement du “seuil de l’irréversible” et le risque que les équilibres de la planète ne se rompent. Cet effet de seuils doit être inscrit dans le droit afin de permettre aux institutions de notre État de cadrer les activités qui menacent ces équilibres planétaires.

    Il convient à présent d’investir dans la mise en oeuvre d’outils permettant de surveiller l’évolution des limites planétaires et de les  adapter à l’action des entreprises, dans la continuité de l’initiative prise par l’Oréal, qui souhaite “transformer [son] activité et l’inscrire dans les limites planétaires.”

    En troisième lieu, le reproche de l’imprécision est à relativiser au regard des autres incriminations  déjà reconnues par le droit pénal français, peu précises dans leur formulation également. Ainsi en va-t-il par exemple du crime contre l’humanité, inscrit à l’article 212-1 du code pénal, qui dispose au 11° que “Les autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou psychique.” De même, le code de l’environnement réprime le déversement de “substances quelconques” dans l’eau.

    Le droit de l’environnement a d’ailleurs ceci de particulier qu’il permet une pollution dans une certaine mesure : tel pourcentage de particules fines dans l’air, de dioxyde de soufre dans l’eau, de monoxyde de carbone dans les bâtiments, etc. Sont ainsi établies des “valeurs limites” à ne pas dépasser. Les limites planétaires sont parfaitement en ligne avec cet esprit, sauf qu’elles sont établies à l’échelle globale. Ces valeurs posent alors certaines questions juridiques liées à la causalité : à partir de quand la contribution d’un certain acteur devient est-elle illégale ? Nous avons choisi de caractériser l’illégalité de la contribution lorsqu’elle participe manifestement et de manière non négligeable aux limites planétaires (voir aussi la réponse question ci-dessous sur le fait de pouvoir poursuivre des individus pour écocide). 

    Si le caractère global des limites planétaires constituait un obstacle rédhibitoire aux yeux de certains juristes, Notre Affaire à Tous se dit prête à revoir la définition du dispositif pénal de l’écocide afin d’en dissocier le concept des limites planétaires. Notre Affaire à Tous considère toutefois que le concept des limites planétaires a tout intérêt à être intégré dans le droit, afin de renforcer sa fonction préventive et globale. 

    L’inscription dans la loi de l’écocide et des limites planétaires et la création d’une Haute Autorité permettrait d’investir dans ces instruments scientifiques, de créer et mobiliser les données disponibles, enfin de promouvoir le respect des limites planétaires comme outil de gouvernance au niveau global.

    “Pourquoi défendre la création d’une Haute autorité des limites planétaires alors que les agences de l’environnement crient déjà famine ?”

    Notre Affaire à Tous : De telles critiques, qui rejoignent celles faites sur la faiblesse de l’application de la législation environnementale déjà existante, revêtent un enjeu politique une fois de plus. Si on s’en tient à ces critiques, le manque de moyens disponibles devrait justifier la non reconnaissance d’un nouveau crime environnemental, pour lequel les moyens ne seraient pas accessibles pour sa mise en oeuvre.

    Il est certain que la criminalité environnementale fait l’objet d’un manque d’investissement et de priorisation politique, et ce depuis le début. Tous les experts le soulignent : manque de moyens pour détecter les infractions, absence de traitement des infractions repérées, classement sans suite pour la plupart et, lorsqu’elles sont traitées, ces infractions environnementales donnent plus souvent lieu à une remise de peine comparé à la moyenne, tandis que les amendes sont toujours très faibles par rapport aux enjeux. Quant à la coopération internationale en matière de lutte contre la criminalité environnementale, elle est balbutiante, et des réseaux structurés ne sont mis en place au niveau européen que depuis deux ans.

    C’est une raison de plus pour reconnaître l’écocide. Hisser les atteintes à l’environnement à ce niveau de l’échelle pénale entraînerait un besoin d’investissement accru dans le traitement de la criminalité environnementale et pourrait ainsi bénéficier, par ruissellement, à l’ensemble des infractions en la matière. 

    Nous sommes bien conscients que la reconnaissance du crime d’écocide implique un changement de paradigme avec une approche systémique qui révolutionnerait le droit de l’environnement, dans lequel la Haute Autorité aurait par exemple un rôle de vigie des limites planétaires  des lois et permettrait de veiller à adopter des politiques publiques cohérentes en prenant en compte les effets écosystémiques des limites planétaires .

    “L’empreinte carbone d’un français moyen est d’environ 11 tonnes d’équivalent CO2 par an, bien au-dessus de ce que la planète est capable d’absorber. Est-ce à dire que nous pourrions tous être condamnés ?”

    Notre Affaire à Tous : Il s’agit là d’un faux débat. Au regard du libellé de notre proposition, pour que l’écocide soit caractérisé, il faudrait un acte ou un comportement contribuant en un dépassement “manifeste et non négligeable.” Donc un particulier ou une petite entreprise dont l’empreinte carbone serait excessive ne rentrerait pas dans le champ d’application de l’incrimination. Le but est de viser les personnes ayant du pouvoir, une influence sur le cours des événements telles que les multinationales qui agissent en connaissance des conséquences de leurs activités, décisions et choix d’investissements. C’est notamment  le cas avec l’obtention de permis de polluer, comme les permis d’exploitation minière entraînant largement un dépassement du quota des émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit donc de poser un cadre contraignant pour diriger les investissements industriels rapidement vers des énergies propres, qui permettrait de faire respecter la loi et les engagements internationaux de la France qui visent à protéger l’environnement, décarboner l’économie, etc., tout en donnant un pouvoir aux présidents et directeurs généraux vis-à-vis de leurs actionnaires.

    Cet encadrement des activités des multinationales est nécessaire lorsqu’on sait que plus de 70 % des émissions de gaz à effet de serre émaneraient indirectement de seulement 100 entreprises (selon un rapport de l’ONG internationale Carbon Disclosure Project), avec en première lignes les producteurs d’énergies fossiles (charbon, gaz et pétrole). Ces entreprises ont une responsabilité morale et juridique particulière en matière de transition énergétique. Elles doivent mettre toutes les mesures en oeuvre afin de contribuer à l’accès universel à une énergie propre. Jusqu’ici, elles ne le font pas. Plus grave même, bien souvent elles s’y opposent. En effet, les compagnies pétrolières ont par exemple minimisé pendant des années les risques liés au changement climatique alors qu’elles avaient parfaitement connaissance des dangers, grâce à des études menées en interne. Récemment, elle ont même dépensé plus de 250 millions d’euros depuis 2010 en lobbying auprès de l’Union européenne afin de mettre en place une stratégie de pression pour faire échec aux actions en faveur du climat.Il est temps que ce comportement cesse et qu’il devienne pénalement répréhensible. Une telle législation sur l’écocide permettra de contribuer à faire cesser l’impunité en matière de protection du climat et des autres limites planétaires.

    “Le risque de “populisme pénal”. La société de consommation engendre de forts impacts environnementaux. On veut donc modifier cette société de consommation via le droit pénal ?”

    Notre Affaire à Tous : Nous ne recherchons pas à faire peser la responsabilité d’une certaine destruction environnementale collective sur certains acteurs en particuliers, simplement pour rechercher un bouc-émissaire. Cependant, les temps sont graves. La nature à l’échelle locale et l’écosystème global de notre planète sont gravement en périls. Leurs dérèglements menacent autant notre existence que celle du vivant en général. De nombreuses fautes ont par ailleurs été commises : les exemples de politiques et d’entreprises qui ignorent la science et le respect de nos besoins les plus élémentaires sont légions. Il est dès lors selon nous absolument nécessaire d’introduire dans notre droit pénal un dispositif fort et efficace entraînant un changement de paradigme. Des sanctions réellement dissuasives participeront grandement à ce changement de mentalité. La France, en adoptant une législation sur l’écocide serait pionnière en la matière et entraînerait avec certitude ses voisins européens ainsi que la communauté internationale dans son sillage.

    Le but de l’écocide n’est pas de reporter la sanction pénale sur des habitudes de consommation et des comportements individuels spécifiques tels que l’achat de biens matériels ou l’utilisation de produits à usage unique ou polluant. S’il est essentiel de devoir adopter un mode de consommation plus résilient, sobre et local, la transformation de notre mode de consommation passe au préalable par la responsabilisation de la production primaire. Le plaidoyer en faveur de l’écocide entend prévenir, réprimer et sanctionner les structures à l’origine d’un “dommage écologique grave” à travers leurs actions, comme par exemple une déforestation massive et illégale ou le déversement de déchets nucléaires en haute mer ou de produits hautement toxiques dans des rivières. 

    2. SUR LA MODIFICATION DE LA CONSTITUTION

    Pour rappel, la Convention Citoyenne pour le Climat propose:

    • d’ajouter dans le préambule que “La conciliation des droits, libertés et principes qui en résultent ne saurait compromettre la préservation de l’environnement, patrimoine commun de l’humanité;
    • d’ajouter à l’article premier que “la République garantit la préservation de la biodiversité, de l’environnement et lutte contre le dérèglement climatique”;
    • de créer un Défenseur de l’environnement, à l’image du Défenseur des droits

    LES PRINCIPALES CRITIQUES ENTENDUES

    2.1. Concernant le préambule

    “Cette phrase revient à préciser que le social et l’économie « ne saurait compromettre » la préservation de l’environnement. Or, une conception bien plus positive et enthousiasmante du développement durable consiste à défendre l’idée que la protection de l’environnement est une [chance] – et non une contrainte – pour le développement social et économique.”

    Notre Affaire à Tous : Cet ajout dans le préambule rejoint un important arrêt rendu par le Conseil constitutionnel le 31 janvier dernier (décision n° 2019-823 QPC du 31 janvier 2020) qui a reconnu que la protection de l’environnement, « patrimoine commun des êtres humains, constitue un objectif de valeur constitutionnelle » qui peut justifier une “atteinte” à la liberté d’entreprendre. Cette décision, qui constitue une avancée majeure pour la protection de l’environnement, montre bien que la liberté d’entreprendre, et donc les intérêts économiques, ne peuvent pas toujours primer sur la protection de l’environnement.

    Au regard de la crise écologique sans précédent que nous traversons, nous appelons même à aller plus loin et à un renversement des normes, en affirmant que le droit de l’environnement doit primer sur les intérêts économiques, et non l’inverse. Nous parlons ici des intérêts économiques, et non de l’ensemble des droits et libertés visés dans le préambule, en particulier les droits humains.

    Ensuite, une telle révision aurait pu constituer une première étape vers la reconnaissance des droits de la nature, tout comme la proposition de créer un défenseur de l’environnement (à l’image de l’ombudsman), afin de reconnaître l’interdépendance des humains avec le reste du vivant. Nous n’allons pas jusqu’à affirmer, comme l’ont laissé penser certains commentaires, que les droits de la nature doivent primer sur les droits humains, mais qu’il existe une interdépendance, et non une hiérarchie,  entre les deux.

    Dans un contexte de “verdissement” des constitutions dans le monde et même de constitutionnalisation des droits de la nature (comme en Equateur), cet ajout dans le préambule aurait été bienvenu.

    2.2. Concernant l’article 1er

    “La proposition de modifier l’article 1er de la Constitution est, pour l’essentiel, une reprise d’une proposition défendue par le Gouvernement depuis 2018.”

    Notre Affaire à Tous : Certes, un projet de réforme constitutionnelle avait été annoncé  par le gouvernement en juillet 2017, qui visait à inscrire “l’impératif de lutte contre le changement climatique à l’article 34, qui définit le domaine de la loi”. Cette démarche de l’insertion de la lutte climatique dans l’article 34 a été critiquée de manière unanime et a été qualifiée de “greenwashing constitutionnel” par les associations. C’est pourquoi nous avons proposé de modifier l’article 1er de la Constitution et lancé l’Appel pour une Constitution Écologique en avril 2018 (voir notre proposition de loi initiale).  

    En juillet 2018, les députés ont réussi à voter le texte suivant: “La République agit pour la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et contre les changements climatiques.” Mais les débats ont sans cesse été interrompus (affaire Benalla, Grand Débat,…) et la réforme a finalement été reportée sine die. C’est donc une bonne chose que cette modification de l’article 1er de la Constitution soit maintenant portée par la Convention Citoyenne pour avoir une chance d’aboutir. A cet égard, il est important de rappeler que la Convention Citoyenne propose le verbe “garantit” alors que le gouvernement proposait le verbe “favorise” sans son dernier projet de loi constitutionnelle du 29 août 2019, c’est bien là la grande différence! “Garantir” est bien plus contraignant que “favoriser”. 

    Comme le Conseil d’Etat l’a indiqué dans un précédent avis du 29 mai 2019, lorsque le gouvernement avait encore pour intention de modifier lui-même cet article de la Constitution: “l’affirmation d’un principe d’action imposerait une obligation d’agir à l’Etat, au niveau national ou international, comme aux pouvoirs publics territoriaux. Il serait susceptible d’avoir des conséquences très lourdes et en partie imprévisibles sur leur responsabilité, notamment en cas d’inaction.” Au regard de la crise environnementale, nier la nécessité d’introduire une véritable obligation d’agir nous apparaît scandaleuse. L’Etat n’a d’autre choix que de répondre avec force et vigueur contre la destruction de notre maison commune. 

    “La protection de l’environnement est déjà inscrite au sein du bloc de constitutionnalité grâce à la Charte de l’environnement (loi constitutionnelle du 1er mars 2005) et d’une rédaction d’une qualité nettement supérieure à ce que propose le rapport qui sera soumis à la Convention citoyenne pour le climat.”

    Notre Affaire à Tous : La Charte de l’environnement est un bon instrument mais elle est présente des lacunes pour plusieurs raisons. Premièrement, il n’y a pas de référence explicite au climat dans la Charte. Deuxièmement, les dispositions de la Charte n’instituent pas toutes un droit ou une liberté, et par conséquent ne permettent pas toujours la saisine du Conseil par le biai d’une question prioritaire de constitutionnalité. C’est notamment le cas des sept premiers alinéas qui précèdent l’article premier. Troisièmement, très peu de jurisprudences constitutionnelles abordent vraiment la lutte contre les changements climatiques et il n’y a donc pas d’enseignements sur la pertinence de la Charte dans la lutte climatique pour le moment. Enfin, la Charte est un bon instrument avec une grande force d’interprétation de ses principes, à condition toutefois d’en avoir une interprétation ambitieuse par les juges.

    Tout repose donc sur l’interprétation des juges, et avoir l’inscription de la lutte contre le dérèglement climatique, en plus de la préservation de la biodiversité et de l’environnement, à l’article 1er de la Constitution, ne ferait plus aucun doute et réduirait la marge d’interprétation de certains juges qui n’oseraient pas faire une interprétation poussée de la Charte de l’environnement.

    “Il serait préférable de réfléchir à la manière de mieux faire appliquer et respecter la Charte de l’environnement plutôt que de prendre le risque, au mieux d’une redondance des mêmes notions au sein du bloc de constitutionnalité, au pire d’un affaiblissement de la Charte de l’environnement.”

    Notre Affaire à Tous :  Il s’agit d’inscrire de manière univoque la lutte contre le dérèglement climatique qui ne figure nulle part dans la Charte, laissant ainsi un grand pouvoir d’interprétation aux juges.

    “Le rapport abandonne la proposition d’inscription du principe de non régression au sein du bloc de constitutionnalité qui aurait pourtant pu être débattue.”

    Notre Affaire à Tous : C’est en effet un aspect que nous regrettons. Il faut néanmoins garder en tête que le comité légistique de la Convention Citoyenne a tenté de réduire la portée des propositions des 150 citoyens en les “lissant” autant que possible de manière à écarter certaines formulations.

    “Plus grave, cette proposition de révision comporte un risque sérieux de régression du droit de l’environnement. Ainsi, elle propose d’extraire les notions de « biodiversité » et « climat » de celle d’environnement qui, jusqu’à présent, les comprenait.”

    Notre Affaire à Tous : La proposition inclut les 3 notions biodiversité, environnement et dérèglement climatique. En quoi cela risque t-il de créer une régression du droit de l’environnement qui est déjà en nette régression? Il n’a pas fallu attendre cette critique pour constater un affaiblissement du droit de l’environnement. Beaucoup de mesures gouvernementales sont prises qui, sous couvert de “simplification” du droit, font régresser de nombreuses dispositions environnementales. 

    On peut notamment citer le projet de loi ASAP, qui consacre “le fait accompli” en permettant aux préfets d’autoriser des travaux de construction industrielle en anticipant sur la délivrance de l’autorisation environnementale nécessaire (à la condition que le permis de construire ait été délivré et l’enquête publique réalisée), ou encore qui prévoit que l’avis donné par l’autorité environnementale ne pourra plus être réactualisé en fonction de l’évolution du dossier. Figurent aussi les atteintes à la participation du public avec le pouvoir confié aux préfets de dispenser d’enquête publique, au profit d’une simple consultation électronique, les projets ne nécessitant pas d’évaluation environnementale. De telles mesures constituent manifestement une régression, voire une “destruction” (selon les experts) du droit de l’environnement. 

    De même, le décret du 8 avril 2020 généralise le droit des préfets à déroger à de nombreuses normes réglementaires, notamment en matière environnementale. Un tel dispositif permettrait notamment l’accélération des dispositifs procéduraux dans l’implantation de projets destructeurs de l’environnement. Ce décret a d’ailleurs été attaqué devant le Conseil d’Etat par plusieurs associations, dont Notre Affaire à Tous.

    Affirmer que cette proposition de modification de la Constitution constitue un “risque sérieux de régression du droit de l’environnement” paraît donc totalement absurde et de mauvaise foi au regard des mesures précitées voulues par le Gouvernement.

    3. SUR LA POSSIBILITÉ DE SOUMETTRE CES DEUX PROPOSITIONS À RÉFÉRENDUM

    Les critiques portent sur la mise en oeuvre de l’article 11 de la Constitution pour l’adoption de la proposition de loi sur l’écocide et sur  l’article 89 de la Constitution pour la révision de la Constitution.

    LES PRINCIPALES CRITIQUES ENTENDUES

    “Un référendum ne peut porter sur la législation pénale. La matière pénale est exclue de l’article 11 de la Constitution, comme de nombreux constitutionnalistes l’ont dores et déjà souligné. Il n’est donc pas possible d’organiser un référendum sur l’écocide en l’état actuel de la rédaction de l’article 11 de la Constitution. Il faudrait considérablement maltraiter l’interprétation de l’article 11 pour considérer un référendum sur l’écocide.”

    Notre Affaire à Tous : Pour rappel, l’article 11 prévoit que le référendum ne peut porter que sur certaines matières : « (…) tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions.”

    S’il est vrai que l’article 11 ne mentionne pas la loi pénale, il ne l’interdit pas non plus. La proposition de la Convention Citoyenne porte par ailleurs sur une modification du code de l’environnement et non du code pénal. En outre, l’environnement a déjà été une manière d’élargir l’interprétation des règles et traités en matière pénale. Ainsi, à travers son arrêt “Commission v. Conseil” du 13 septembre 2005, la Cour de Justice des Communautés Européennes (aujourd’hui CJUE) avait donné raison à la Commission et élargi les compétences de l’Union Européenne à l’harmonisation de la législation pénale entre les Etats-Membres. Une décision qui sera ensuite validée par le Traité de Lisbonne, qui donne compétence pénale à l’Union Européenne. Ainsi, l’environnement, qui apparaît comme un nouveau défi pour le droit, a régulièrement été une source de modification et d’amélioration du droit et des jurisprudences ; situation qui pourrait se répéter ici.

    On en revient donc à un enjeu politique, car de l’interprétation des juges constitutionnels dépendra la validité juridique de la proposition de la Convention Citoyenne. Comme la science, le droit est le reflet de nos sociétés. Raison pour laquelle l’état de nécessité ou encore le préjudice écologique ont été “découverts” et appliqués en premier par des juges, alors que ces notions n’étaient pas encore consacrées par la loi.

    “L’article 89 précise qu’un référendum [portant sur la révision de la Constitution] ne peut être engagé sans l’accord des deux assemblées : Assemblée nationale et Sénat. Pour être précis, un référendum a déjà été organisé sur le fondement de l’article 11 et non de l’article 89 pour réviser la Constitution. En 1962, le général de Gaulle a en effet soumis à référendum, sur le fondement de l’article 11 de la Constitution, un projet de révision de l’article 6 de la Constitution afin de prévoir l’élection du Président de la République au suffrage universel direct. Toutefois, ce choix a suscité une très vive controverse et n’a été possible qu’en raison de circonstances historiques très particulières. Il est peu probable que l’actuel président de la République procède ainsi”

    Notre Affaire à Tous : Le président de la République aura le choix de la procédure en décidant soit de soumettre la révision à référendum, soit de faire approuver la révision par un vote parlementaire pour aboutir à un texte identique par les deux assemblées, nécessitant de la part du président de la République de convaincre les parlementaires. On en revient à nouveau à un choix politique.

    Enfin, de manière générale, un référendum portant sur ces questions serait l’occasion d’un large débat sur les liens entre le contrat social et le contrat naturel et le moyen de construire ensemble un chemin commun vers la transition écologique.

    Notes

    1- Définitions alternatives retenues par le comité légistique :

    • Constitue un crime d’écocide, toute action généralisée ou systématique ayant causé un dommage écologique grave consistant en un dépassement manifeste et non négligeable d’au moins une des limites planétaires [définies à l’article L XXX du code de l’environnement] et dont l’auteur savait ou aurait dû savoir qu’il existait une haute probabilité de ce dépassement.” 
    • Constitue un crime d’écocide, toute action généralisée ou systématique ayant causé un dommage écologique étendu et durable à l’environnement naturel consistant en une grave dégradation des éléments ou des fonctions des écosystèmes ou en une grave altération des qualités essentielles des sols, de l’eau ou de l’air commise alors que son auteur savait ou aurait dû en savoir les effets.”

    2- Définition alternatives retenues par le comité légistique :

    • “Art. 522-2 – Constitue un délit d’imprudence d’écocide, toute violation d’une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi, le règlement ou une convention internationale ayant causé directement ou indirectement un dommage écologique grave consistant en un dépassement manifeste des limites planétaires [au sens de l’article L.XXX du code de l’environnement], s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.”
    • “Art. 522-2 – Constitue un délit d’imprudence d’écocide, toute violation d’une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi, le règlement ou une convention internationale ayant causé directement ou indirectement un dommage étendu et durable à l’environnement naturel consistant en une grave dégradation des éléments ou des fonctions des écosystèmes ou en une grave altération des qualités essentielles des sols, de l’eau ou de l’air s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ». 

    3- La proposition alternative du comité légistique consiste à regrouper le délit d’imprudence d’écocide avec le délit de manque de devoir de vigilance des multinationales. Le comité légistique confère par ailleurs à la Haute Autorité des Limites Planétaires la tâche d’accompagner “les entreprises tenues d’élaborer un plan de vigilance au sens de l’article L.225-102-4 du code de commerce afin de les aider à évaluer la compatibilité de leur plan à la protection des limites planétaires.” Le devoir de vigilance des multinationales en matière d’écocide n’a donc pas été supprimé à travers la proposition alternative du comité légistique. Il aurait été toutefois préférable de prévoir l’obligation pour les multinationales de concevoir un plan de vigilance conforme aux limites planétaires et d’assigner à la Haute Autorité la tâche de contrôler le respect de cette obligation.

    4- L’idée initiale, inspirée du mouvement End Ecocide on Earth, est en effet de reconnaître l’écocide au même niveau que les crimes internationaux (crime de génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crime d’agression) en modifiant le Statut de Rome instituant la Cour Pénale Internationale.

    5- Depuis 1994 et l’entrée en vigueur du code pénal français, seuls les délits et les infractions peuvent être non intentionnels.

    6- Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, la seule constatation de la violation en connaissance de cause d’une prescription légale ou réglementaire implique de la part de son auteur l’intention coupable exigée par l’article 121-3, alinéa 1er, du code pénal.

    7- En effet, au regard de l’alinéa 2 de l’art. 121-3 du code pénal, « lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas d’imprudence, de négligence ou de mise en danger délibérée de la personne d’autrui. »

    8- Voir notamment l’interviwew d’Alexandra Palt, directrice générale de la Responsabilité sociétale et environnementale (RSE) et membre du Comex de L’Oréal: https://www.novethic.fr/actualite/entreprise-responsable/isr-rse/alexandra-palt-directrice-generale-de-la-responsabilite-societale-et-environnementale-l-oreal-doit-evoluer-dans-les-limites-planetaires-148713.html

    9- Afin d’envisager, en droit national, la poursuite des atteintes aux communs planétaires ou à un système écologique de la Terre, il conviendra de prévoir la possibilité d’appréhender les actes commis sur le territoire national comme le prévoient les articles 113-2 à 113-5 du Code pénal ainsi que les infractions commises hors du territoire de la République (articles 113-6 à 113-14 code pénal). Dans le cas d’un recours, le juge pourra ainsi disposer d’un outil d’appréciation indispensable pour ordonner les mesures qui s’imposent. Un tel cadre ouvrirait la voie à une justice préventive climatique, environnementale et sanitaire.

    10- Il s’agira ici de prendre en compte différents éléments tels que la personnalité de l’auteur, la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.

    11- Cette révision du préambule de la Constitution a depuis été rejetée par le président de la République.