Catégorie : Actualités

  • Décision historique dans “l’Affaire RWE” en Allemagne : Pour la première fois, un tribunal affirme clairement que les géants du fossile peuvent être tenus responsables des dommages qu’ils ont causés

    Réactive – La Cour d’appel de Hamm a rendu ce 28 mai une décision historique dans l’affaire qui oppose l’agriculteur péruvien Saúl Luciano Lliuya à la société énergétique allemande RWE depuis plus de dix ans.

    Dans ce contentieux inédit, Lliuya demandait à RWE de contribuer au financement des mesures de prévention contre le risque d’inondation pesant sur sa maison à Huaraz au Pérou, à hauteur de 0,47% de leur coût. Ce risque résulte de la fonte accélérée d’un glacier situé en surplomb de la ville, dont il impute une part de responsabilité aux émissions historiques de gaz à effet de serre de l’entreprise. 

    Par sa décision du 28 mai, la Cour a reconnu de manière inédite qu’une entreprise comme RWE peut, en principe, être tenue civilement responsable des dommages résultant de ses émissions de gaz à effet de serre. Les juges ont notamment : 

    • rejeté l’argument selon lequel les émissions de RWE (0,4% des émissions mondiales) seraient marginales pour ouvrir droit à une action en justice, estimant au contraire que la part de cette entreprise dans les émissions mondiales rend un examen de sa responsabilité pleinement légitime.
    • rejeté l’argument selon lequel l’action climatique ne relèverait que du politique. Ils ont notamment souligné qu’il appartient au pouvoir judiciaire de garantir le respect des droits fondamentaux des victimes, y compris leur droit de propriété.
    • retenu que la complexité du changement climatique n’exclut pas la responsabilité : le facteur déterminant en matière de causalité est que les centrales de RWE ont significativement contribué à l’augmentation de la concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, et que le risque d’inondation est une conséquence directe du changement climatique.
    • estimé qu’à partir de 1965 au moins, les principaux émetteurs pouvaient raisonnablement prévoir les conséquences néfastes de leurs activités et devaient donc en assumer la responsabilité juridique. 
    • souligné que la reconnaissance de la responsabilité de RWE ne crée pas de distorsion de concurrence : elle est au contraire de nature à mettre fin à l’avantage injuste dont bénéficient les entreprises les plus émettrices au détriment de celles qui ont déjà entamé leur transition.
    • précisé enfin que l’existence de permis d’exploitation délivrés par les autorités publiques ne saurait exonérer une entreprise de sa responsabilité en cas d’atteinte disproportionnée aux droits d’une personne privée.

    Malheureusement, le tribunal a suivi l’avis de l’expert nommé par la Cour et a conclu que le risque d’inondation pour Huaraz n’était pas suffisamment élevé pour fonder une action en justice. Des individus comme Saúl sont confrontés à des risques et dommages considérables en raison des émissions de sociétés telles que RWE, mais l’ère de l’impunité est révolue grâce aux efforts de Saúl.

    Il s’agit d’une victoire majeure pour les communautés vulnérables du monde entier, qui aura des répercussions importantes sur les 40 procès en cours qui visent à obtenir une réparation pour des dommages climatiques. Les entreprises fortement émettrices de GES ne sont pas les seules concernées : les investisseurs dans les industries à forte intensité carbone doivent désormais évaluer sérieusement leur exposition au risque contentieux. “Un jalon a été posé : l’ère de l’impunité des grandes multinationales fossiles  touche à sa fin. Les progrès réalisés dans le domaine de la science permettent désormais d’établir un lien clair entre les phénomènes météorologiques extrêmes et les activités très émettrices de GES. Le droit s’affirme progressivement comme un levier stratégique dans la lutte contre la crise climatique, et les entreprises fossiles ne peuvent plus se soustraire aux conséquences juridiques de leurs activités”, affirme Jérémie Suissa, délégué général de Notre Affaire à Tous.

    Contact presse

    Anne Stevignon, juriste chargée de contentieux et de plaidoyer : anne.stevignon@notreaffaireatous.org

  • [Lettre ouverte aux Députés] Voter la loi sur les contraintes agricoles entrainerait une régression profonde de la protection de la santé des consommateurs et de notre environnement !

    Mesdames et Messieurs les Députés,

    La proposition de loi initiée par le Sénateur Duplomb, que vous allez examiner à partir d’aujourd’hui à l’Assemblée nationale, porte atteinte à toutes les avancées en matière de protection de la santé humaine obtenues depuis plus de 10 ans.

    Intervenant dans un contexte où les normes environnementales et sanitaires sont constamment remises en cause, sous l’impulsion de certains syndicats agricoles, ce texte démontre encore une fois la détermination des promoteurs d’une agriculture intensive désirant toujours produire plus, « quoi qu’il en coûte » pour notre santé et notre environnement. La défense de la Ferme France qui prétend « s’attaquer à des totems » entraine de profonds reculs, y compris les plus dangereux pour les citoyens que vous représentez.

    La loi pour la reconquête de la biodiversité de 2016, qui a fixé un cap d’interdiction de l’usage des pesticides de type néonicotinoïdes, tueurs d’abeilles ? Purement jetée aux oubliettes, au mépris des effets avérés de cette famille de pesticides sur la santé humaine et sur les insectes
    pollinisateurs.

    L’ANSES, qui ne fait que son travail en délivrant ou non, en toute indépendance, des autorisations de mise sur le marché de produits phytosanitaires ? Volonté de mise sous tutelle avec une reprise en main par le pouvoir politique sur ses décisions, sans considération aucune
    pour les enseignements des derniers scandales sanitaires.

    L’Office Français de la Biodiversité, qui ne peut contrôler chaque année qu’à peine 1 % des exploitations agricoles (soit en moyenne un contrôle tous les 136 ans) parmi de nombreuses autres missions ? Son action deviendrait restreinte par la loi notamment pour faire preuve de plus de souplesse en cas d’atteintes environnementales.

    L’élevage industriel, dont les effets sur l’environnement et le bien-être animal ne sont plus à démontrer ? Appelé à s’agrandir massivement en augmentant les seuils autorisés d’animaux en bâtiment d’élevage, le tout sans autorisations d’urbanisme ni enquête publique préalable.

    L’usage de l’eau, dont l’agriculture intensive est la première consommatrice et responsable de sa pollution aux nitrates et aux pesticides, qui devient de plus en plus rare ? Circulez, l’eau doit être privilégiée en priorité pour « nourrir la Nation » et les mégabassines ne sont même pas un
    débat.

    La protection des zones humides – ô combien nécessaire au maintien de la biodiversité et de la qualité de l’eau ? Discrètement minorée dans les documents d’urbanisme.

    La gouvernance de l’eau, indispensable pour avoir des débats constructifs et démocratiques sur les usages de l’eau ? Dans le texte initial, les comités de bassin, instances de concertation, voyaient discrètement leur composition changer au détriment des ONG qui appellent justement
    à un usage raisonné de l’eau en matière agricole.

    Enfin, l’interdiction de promotions et rabais sur la vente de pesticides en France en vigueur depuis 2018 ? Supprimée au nom de la compétitivité du secteur. C’est l’abandon pur et simple d’une mesure phare du Grenelle de l’environnement visant à diviser par deux l’usage des pesticides.

    Les promoteurs de ce texte, en service commandé pour le compte de l’agriculture industrielle, envoient un signal clair : désormais, les intérêts de l’agriculture intensive (et non ceux des agriculteurs) doivent primer sur toute autres considérations et notamment l’intérêt général. Le vocabulaire employé est connu : surtranspositions, excès de normes, freins à la compétitivité, Nourrir la Nation.

    Autant d’expressions qui démontrent une inadmissible fuite en avant politique qui ne va ni dans le sens de l’Histoire, ni surtout dans celui de la protection de la santé des Françaises et Français et de leur environnement.

    Ce projet ne va pas davantage dans l’intérêt des agriculteurs alors qu’ils sont aussi victimes du réchauffement climatique et de l’usage intensif des pesticides. Dans un récent sondage BVA, seuls 15% des agriculteurs déclarent que la transition écologique du secteur agricole est une erreur et qu’il faut la combattre. La grande majorité des agriculteurs est consciente que leurs pratiques doivent évoluer et tendre vers un autre modèle.

    Alors que nos concitoyens demandent légitimement des comptes sur la qualité de l’air qu’ils respirent, de l’eau qu’ils boivent et de la nourriture qu’ils consomment, de l’environnement qui les entoure et que la société, et plus particulièrement les consommateurs, paient les conséquences d’une pollution massive des sols et de l’eau, nous vous demandons de refuser la vision politique que ce texte incarne.

    Mesdames et Messieurs les Députés, nous vous appelons à refuser ce texte qui, sous couvert de compétitivité, pose les bases d’un démantèlement progressif d’une législation sanitaire et environnementale durement obtenue.


  • L’examen de la proposition « Omnibus » s’intensifie alors que la médiatrice de l’UE ouvre une enquête suite à la plainte des ONG

    L’examen de la proposition « Omnibus » s’intensifie alors que la médiatrice de l’UE ouvre une enquête suite à la plainte des ONG

    Communiqué de presse – Les ONG saluent la décision de la Médiatrice européenne d’ouvrir une enquête sur les modalités selon lesquelles  la Commission a élaboré son premier « paquet de simplification Omnibus », à la suite d’une plainte déposée par ces organisations.

    La Médiatrice européenne  a annoncé aujourd’hui l’ouverture d’une enquête sur le non-respect présumé par la Commission de ses lignes directrices relatives à l’amélioration de la réglementation lors de la préparation de la proposition dite « Omnibus ». Elle procédera à une inspection de certains documents du dossier de la Commission et rencontrera le personnel concerné de la Commission avant le 18 juin.

    Cette décision fait suite à une plainte officielle déposée par une coalition de huit ONG, dont Notre Affaire à Tous, concernant le processus décisionnel contestable de la Commission concernant le paquet de simplification Omnibus. Pour rappel, cette procédure vise à modifier les principales lois sur le développement durable des entreprises, telles que la directive sur le devoir de vigilance des entreprises (CS3D).

    Les ONG affirment que la Commission s’est affranchie d’une évaluation d’impact appropriée et d’une large consultation publique, allant ainsi à l’encontre de ses propres préconisations établies dans les lignes directrices sur l’amélioration de la réglementation. Les ONG reprochent également à la Commission d’avoir enfreint une des principales obligations procédurales prévues par la loi européenne sur le climat, à savoir la réalisation d’une évaluation de la cohérence climatique. Pour les ONG, il s’agit là d’un cas flagrant de mauvaise administration, susceptible d’engager la responsabilité institutionnelle de la Commission.

    ClientEarth, Anti-Slavery International, Clean Clothes Campaign, European Coalition for Corporate Justice, Friends of the Earth Europe, Global Witness, T&E et Notre Affaire A Tous ont déclaré : « Cette action rapide et décisive de la médiatrice de l’UE souligne l’importance des questions soulevées dans notre plainte. Les reculs précipités de la Commission sur trois éléments clés du Green Deal – y compris les lois visant à s’attaquer aux coûts environnementaux et humains des chaînes de valeur mondiales – ont complètement ignoré les droits des personnes et de la planète ».

    Les ONG ont également souligné les implications politiques significatives de la proposition Omnibus. Elles ont ajouté : « En raison de l’absence de preuves, du manque d’études d’impact et d’un processus profondément entaché par la mainmise des entreprises, la Commission empêche les décideurs politiques du Conseil et du Parlement européen d’être pleinement informés des conséquences de leurs votes sur le climat, l’environnement, les droits de l’homme et, par conséquent, sur l’économie dans son ensemble. Cela sape la légitimité démocratique de la Commission et pose de sérieux défis à l’État de droit ».

    La décision de la médiatrice de l’UE intervient dans une période particulièrement stratégique, des discussions clés sur le paquet Omnibus étant prévues au COREPER mercredi prochain.

    Contact presse

    Notre Affaire à Tous : Justine Ripoll, responsable des campagnes – justine.ripoll@notreaffaireatous.org 

  • TotalEnergies : le greenwashing et la “stratégie climat” de la multinationale pour la première fois au tribunal le 5 juin

    TotalEnergies : le greenwashing et la “stratégie climat” de la multinationale pour la première fois au tribunal le 5 juin

    Communiqué de presse, Paris – Ce vendredi 23 mai, TotalEnergies convoque son assemblée générale annuelle. Dans un discours bien rodé, l’entreprise se satisfera d’être « la plus engagée dans la transition énergétique parmi les Majors », défendant le gaz comme « énergie de transition » et sa trajectoire de neutralité carbone. Mais cette année, c’est surtout devant la justice que TotalEnergies devra justifier de la sincérité de sa stratégie climat. Le jeudi 5 juin 2025, se tiendra au Tribunal judiciaire de Paris l’audience au fond du recours pour pratiques commerciales trompeuses engagé, en mars 2022, par Les Amis de la Terre France, Greenpeace France et Notre Affaire à Tous, avec le soutien de ClientEarth. 

    Cette action inédite en France vise à faire reconnaître le greenwashing massif orchestré par le géant pétro-gazier, notamment lors de son changement de nom en 2021. Au cœur de ce recours : une campagne de publicité diffusée auprès de millions de consommateurs français, où TotalEnergies prétend être un acteur majeur de la transition énergétique. Elle y avance un objectif de « neutralité carbone » et vante les mérites du gaz fossile comme énergie de transition, « la moins polluante » et « la moins émettrice de gaz à effet de serre » des énergies fossiles. Des affirmations aux consommateurs dont le tribunal aura à juger, au vu de la stratégie d’expansion fossile de l’entreprise en contradiction flagrante avec les objectifs de l’accord de Paris et le consensus de la communauté scientifique.

    Malgré les tentatives procédurales de TotalEnergies pour tenter de tuer le procès dans l’œuf, en 2023, la justice a rejeté les moyens de procédure soulevés par la major. C’est la première fois qu’un tribunal français examinera la sincérité des engagements climatiques d’une entreprise exploitante d’énergies fossiles à l’aune de ses actes, et la légalité de publicités présentant le gaz comme une énergie de transition. Un enjeu crucial, alors que la dépendance à ces énergies est au cœur de l’actualité : crise climatique et événements extrêmes associés, crise sociale, souveraineté énergétique, instabilités géopolitiques.

    Le recours s’appuie sur le droit de la consommation et sur une analyse rigoureuse de la communication de TotalEnergies, qui multiplie les messages sur sa prétendue action climatique, tout en poursuivant l’ouverture de nouveaux champs pétroliers et gaziers et le développement de projets fossiles extrêmement problématiques dans le monde entier – en Ouganda, au Mozambique, au Suriname, et ailleurs. Ces messages visent à rassurer les consommateurs et à verdir l’image de la marque, sans refléter la réalité : plus de 97 % de la production d’énergie globale de TotalEnergies reste assurée par les hydrocarbures et plus de 70 % de ses investissements sont orientés vers les énergies fossiles.

    Face à une crise climatique qui s’aggrave, et alors que l’État français reste défaillant dans son rôle de régulateur, les associations demandent à la justice de protéger les consommateurs face à la désinformation environnementale. Pour les associations requérantes, le droit de la consommation est clair : il impose une communication honnête et vérifiable, y compris en matière climatique et environnementale. Ce recours pourrait créer un précédent important en France, mais aussi aux niveaux européen et international, et envoyer un signal fort à l’ensemble des entreprises qui exploitent les énergies fossiles. C’est la stratégie globale de dissimulation des responsabilités climatiques des puissants groupes pétro-gaziers qui est en question.

    Ce 5 juin, la justice devra trancher : les promesses climatiques peuvent-elles continuer à être brandies comme argument de communication, alors qu’elles masquent des choix industriels incompatibles avec les objectifs affichés ? TotalEnergies doit désormais rendre des comptes sur son greenwashing, sa stratégie climat en trompe-l’œil et sa logique d’expansion fossile mortifère. 

    La date du jugement sera annoncée à la fin de l’audience. Celui-ci devrait intervenir sous trois mois.

    Contacts presse

    Les Amis de la Terre France : Juliette Renaud
    juliette.renaud@amisdelaterre.org

    Greenpeace France : Franck Mithieux
    franck.mithieux@greenpeace.org

    Notre Affaire à Tous : Justine Ripoll
    justine.ripoll@notreaffaireatous.org

    ClientEarth : Anaïs Rivalier
    arivalier@clientearth.org

  • Numéro 22 de la newsletter des affaires climatiques et environnementales – Vers une reconnaissance implicite des droits de la nature par les juridictions françaises ?

    Chères lectrices, chers lecteurs,

    Pour cette vingt-deuxième newsletter des affaires climatiques et environnementales, vous trouverez en focus un article sur la potentielle reconnaissance implicite des droits de la nature par les juridictions françaises.

    Ensuite, vous retrouverez les chroniques de trois décisions récentes en matière de contentieux environnemental : la condamnation de l’État à dépolluer une large zone littorale polluée aux métaux, une décision de la Cour de justice de l’Association européenne de libre-échange sur les stockages de déchets et une décision du Conseil constitutionnel sur l’encadrement des atteintes aux espèces protégées.

    Très bonne lecture et merci d’être toujours aussi nombreux et nombreuses à lire ce courrier ! Et si vous souhaitez, vous aussi, vous investir dans la rédaction des prochains numéros, c’est par ici.

    Clarisse Macé, co-référente du groupe de travail veille-international

    Focus : Vers une reconnaissance implicite des droits de la nature par les juridictions françaises ?

    Alors que les scientifiques annoncent l’arrivée de la sixième extinction de masse du fait des activités humaines, les normes juridiques et les juridictions doivent plus que jamais protéger le vivant. En France, la protection de la biodiversité passe notamment par la reconnaissance d’espaces et d’espèces à protéger des destructions humaines. Une protection est accordée en fonction de la vulnérabilité et de l’importance de chaque espèce ou espace, sans les considérer comme des entités dotées de droit comme le sont les humains. 

    Petit à petit, la frontière entre droits fondamentaux et protection du vivant s’amenuise au fil des décisions des juridictions administratives (I) et certaines décisions peuvent s’analyser comme reconnaissant implicitement des droits à la nature (II).

    Affaires environnementales

    Le tribunal administratif de Marseille a condamné l’État français à dépolluer une large zone littorale polluée aux métaux avant le 30 juin 2028.

    Le 16 décembre 2024, le tribunal administratif de Marseille a rendu une décision importante pour la santé des habitants du littoral sud de Marseille et la protection de l’environnement remarquable que constituent les calanques. Les juges phocéens posent par cette décision la première pierre du processus de dépollution d’une large zone de friches industrielles au cœur des calanques résultant de deux siècles de pollution par des dépôts et des exploitations industrielles. Si le préjudice moral des associations requérantes est reconnu et donne lieu à des injonctions de dépollution, le préjudice écologique ne l’est pas.

    Décision fondamentale de la Cour de justice de l’AELE : Les considérations purement économiques ne sont pas suffisantes pour justifier une autorisation de stockage de déchets dans une masse d’eau.

    Le 5 mars 2025, la Cour de justice de l’Association européenne de libre-échange (AELE) rend un avis consultatif relatif à l’interprétation de la directive-cadre de l’Union européenne sur l’eau du 23 octobre 2000. Cette demande d’avis intervient dans le cadre d’une affaire devant une cour norvégienne, opposant les ONG Friends of the Earth Norway et Young Friends of the Earth Norway au gouvernement norvégien. La décision est importante à plusieurs égards : d’une part, c’est la première fois que la Cour de justice de l’AELE se prononce sur une question liée à la protection de l’environnement et, d’autre part, elle rappelle l’absolue nécessité d’assurer la préservation des sources d’eau.

    La décision du Conseil constitutionnel du 5 mars 2025 a validé la possibilité de reconnaître par décret la raison impérative d’intérêt public majeur d’un projet.

    Cette décision facilite ainsi l’octroi postérieur d’une dérogation à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées, puisque ces projets ne devront ainsi remplir que les deux autres conditions légales au stade de l’octroi de la dérogation : absence de solution alternative satisfaisante et maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

  • Macron balaye les droits humains et le climat d’un revers de main

    Macron balaye les droits humains et le climat d’un revers de main

    Communiqué de presse – Le Forum citoyen pour la justice économique et ses alliés condamnent vivement l’annonce du Président Emmanuel Macron visant à “écarter” définitivement la directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises (CS3D). 

    Entouré d’investisseurs et de lobbies industriels réunis au château de Versailles lors du sommet Choose France, Emmanuel Macron a exprimé hier son intention de supprimer de “nombreuses contraintes et régulations” pesant sur les entreprises, ciblant spécifiquement la CS3D, pourtant déjà en cours de révision.

    En déclarant vouloir “synchroniser” les actions de l’UE et des États-Unis en matière de réglementation, Emmanuel Macron attaque frontalement un texte crucial pour responsabiliser les multinationales, et que son parti avait pourtant soutenu. Ce revirement acte un alignement préoccupant de la France avec les politiques brutales du président américain Donald Trump, faisant aussi écho à la position du chancelier allemand Friedrich Merz. 

    Si la posture du Président français semble en décalage avec certaines déclarations récentes du gouvernement français et de nombreuses voix économiques et politiques sur le sujet, elle répond en revanche aux désirs de Jordan Bardella, dont le parti fait campagne depuis des mois pour abroger le devoir de vigilance et le Pacte Vert européen.

    Ce faisant, ces déclarations achèvent de démontrer l’alignement de la présidence française avec les contempteurs des droits humains et de la planète, et sa connivence avec des lobbies avides de dérégulation.

    A l’heure où la crise climatique et les inégalités s’aggravent, cette annonce va à rebours des urgences sociales et écologiques. Face à cette régression, le Forum citoyen pour la justice économique appelle à la mobilisation. Nous exhortons le président Emmanuel Macron à respecter ses engagements et à préserver ce texte fondamental pour responsabiliser les multinationales et protéger les victimes.

    Nous appelons également le Président de la République à engager dès maintenant un dialogue constructif avec la société civile, dont les sollicitations ont jusqu’à présent trouvé porte close, afin de renforcer, et non affaiblir, la protection des droits humains, de l’environnement et du climat dans le monde.

    Contacts presse

    ActionAid France : Chloé Rousset, Chargée de campagne, Chloe.Rousset@actionaid.org

    Amis de la Terre France : Marcellin Jehl, chargé de plaidoyer multinationales, marcellin.jehl@amisdelaterre.org 

    CCFD-Terre Solidaire, Sophie Rebours, s.rebours@ccfd-terresolidaire.org

    Fédération Internationale pour les Droits Humains : Gaelle Dusepulchre, directrice adjointe du bureau Entreprises, droits humains et environnement, gdusepulchre@fidh.org 

    Max Havelaar France : Jules Montané, chargé de relations presse, j.montane@maxhavelaarfrance.org,

    Notre Affaire à Tous : Justine Ripoll, responsable de campagnes, justine.ripoll@notreaffaireatous.org

    Oxfam France :  Stanislas Hannoun, Responsable de la campagne Justice fiscale et Inégalités, shannoun@oxfamfrance.org 

    Sherpa : Lucie Chatelain, Responsable de plaidoyer et de contentieux – lucie.chatelain@asso-sherpa.org

    Reclaim Finance : Sarah Bakaloglou, chargée de relations presse, sarah@reclaimfinance.org,

  • Droits de la Nature à l’Assemblée nationale : les annonces du colloque du 30 avril 2025

    Droits de la Nature à l’Assemblée nationale : les annonces du colloque du 30 avril 2025

    Communiqué de presse – Mercredi 30 avril 2025, le premier colloque sur les droits de la Nature s’est tenu à l’Assemblée nationale et a accueilli près de 250 personnes. Organisé à l’initiative du député Charles Fournier, sous le haut patronage de la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, cet événement a marqué une étape importante dans le débat démocratique autour de la reconnaissance de droits à des entités naturelles.

    Des collectifs venus de Corse, du bassin ligérien, du fleuve Lez, des juristes, des élus, des voix venues de Pologne, d’Allemagne et d’Espagne ont pris la parole et montré qu’un cheminement vers la reconnaissance juridique de la nature est en cours grâce aux territoires qui se mobilisent.

    Cet événement s’est conclu par trois actions majeures visant à tracer un chemin concret vers une reconnaissance des droits de la nature dans la législation française :  

    • La remise officielle de propositions citoyennes de “lois à venir” aux députés Charles Fournier, Lisa Belluco et Chantal Jourdan. Ces propositions de lois ont été rédigées sous la direction de Camille de Toledo avec les contributions du Conseil des témoins et des chercheurs et chercheuses associés au projet Vers une internationale des rivières. Ces propositions de lois citoyennes vont à présent être étudiées par les députés et serviront  à des discussions parlementaires au cours des mois à venir.
    • Une demande formelle de création d’une mission d’information parlementaire, afin d’examiner les conditions d’intégration des droits de la Nature dans le droit français.
    • L’annonce de la création d’un Cercle des juristes sur les droits de la Nature, initié par Marine Yzquierdo, regroupant universitaires, chercheurs, avocats et juristes d’ONG. Ce think tank de juristes à pour objet de réfléchir aux modalités juridiques concrètes de reconnaissance des droits de la Nature et d’instaurer un dialogue avec la société civile et les pouvoirs publics.

    Ce colloque témoigne d’une volonté partagée, citoyenne et politique, de dessiner un “scénario de bifurcation” avec les droits de la nature, pour faire évoluer notre cadre juridique afin de mieux prendre en compte les enjeux écologiques du XXIe siècle. 

    Contact presse

    Marine Coynel : marine.coynel@notreaffaireatous.org

  • Une nouvelle étude révèle l’ampleur de la déforestation liée à Casino au Brésil

    Une nouvelle étude révèle l’ampleur de la déforestation liée à Casino au Brésil

    Après des années de blocages procéduraux, les débats sur le fond contre le géant de la grande distribution Casino peuvent enfin débuter. Une excellente nouvelle pour la coalition, qui pourra désormais s’atteler à parler des sujets principaux de cette affaire : le respect des droits humains et la lutte contre la déforestation. A cette occasion, l’Instituto Centro de Vida (ICV) dévoile les résultats d’une nouvelle étude, la première à estimer l’ampleur de la déforestation du groupe Casino au Brésil entre 2018 et 2023. Pendant ces six années, ce sont jusqu’à 526 459 hectares d’écosystèmes qui auraient été détruits en lien avec la viande bovine vendue par le groupe français.

    L’Institut Centro de Vida

    Fondé en 1991, l’Instituto Centro de Vida (ICV) est une organisation de la société civile brésilienne avec une grande expérience dans l’étude des impacts socio-environnementaux des chaînes d’approvisionnement en viande bovine et en soja. Fort de leur solide expertise technique, l’ICV a souhaité soutenir le travail des 11 organisations de la coalition en estimant la superficie de la déforestation liée à la quantité de viande bovine vendue par le groupe Casino au Brésil. Ce travail minutieux est d’autant plus essentiel que les informations sur l’approvisionnement en viande bovine des distributeurs sont souvent insuffisantes et manquent de transparence.

    Le rapport

    Pour la première fois, grâce à ce nouveau rapport, nous disposons d’une estimation totale de la superficie des écosystèmes naturels détruits en lien avec les activités du groupe Casino au Brésil entre 2018 et 2023. L’ICV estime ainsi, dans son rapport, que jusqu’à 526 459 hectares d’écosystèmes naturels ont été perdus sur cette période, du fait des volumes de viande de bœuf vendus par le groupe.

    Cette période d’analyse couvre les six années pendant lesquelles le groupe Casino était tenu de respecter la loi sur au devoir de vigilance concernant les activités  de ses filiales Grupo Pão de Açúcar (GPA) et Assaí. Cette étude constitue un élément clé pour la coalition permettant d’évaluer l’étendue de l’impact de Casino et le montant des réparations demandées par les organisations brésiliennes et colombiennes.

    La méthodologie

    Pour élaborer cette étude, l’ICV s’est appuyé sur l’analyse de méthodologies précédemment utilisées pour estimer la responsabilité de la grande distribution dans la déforestation. Parmi ces méthodologies figure celle publiée par Envol Vert en 2020 dans son rapport Casino, (éco)responsable de la déforestation, qui a servi de base à notre assignation en justice. Ce nouveau travail confirme les ordres de grandeur qui avaient déjà été estimés.

    Cette méthodologie est dite conservatrice, puisque la déforestation est uniquement prise en compte d’une année sur l’autre, sans effet de cumul. Ainsi, d’autres choix méthodologiques auraient pu aboutir à des estimations bien plus importantes.

    Pour parfaire son travail, l’ICV a également présenté sa méthodologie de calcul à un groupe de six experts. Sélectionnés en raison de leurs expériences sur la durabilité et la traçabilité au sein des chaînes d’approvisionnement en viande bovine, leurs recommandations ont permis d’affiner la méthode de calcul proposée.

    Le manque de transparence

    Ce travail d’estimation par la société civile est nécessaire face au manque de transparence des acteurs de la filière bovine. Face au problème de la déforestation qui est systémique et repose sur des chaînes d’approvisionnement complexes, nous considérons qu’il est de la responsabilité des grands acteurs, dont les distributeurs et le groupe Casino, de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour l’endiguer. C’est pourquoi une analyse globale de l’empreinte déforestation du groupe Casino, au regard des volumes de viande bovine vendus dans ses magasins, nous apparaît indispensable.

    Tableau avec résultats finaux

    Les estimations des destructions d’écosystèmes – forêts, savanes et autres types de végétation – résultant des approvisionnements en viande bovine du groupe Casino entre 2018 et 2023 sont résumées dans le tableau ci-dessous. Il distingue ces destructions selon différents biomes, et est disponible en page 28 du rapport réalisé par l’Instituto Centro de Vida.

  • Des ONG contestent le processus « Omnibus » non démocratique de la Commission européenne

    Des ONG contestent le processus « Omnibus » non démocratique de la Commission européenne

    Communiqué de presse – Une coalition de huit ONG a déposé aujourd’hui une plainte formelle auprès de la Médiatrice européenne, condamnant le caractère non démocratique, opaque et précipité du processus par lequel la Commission européenne a élaboré la proposition Omnibus.

    La proposition Omnibus cherche à édulcorer de manière significative les lois européennes clés sur le développement durable qui ont été récemment adoptées, y compris la Directive sur les rapports d’entreprise sur le développement durable (CSRD), la Directive sur le devoir de diligence en matière de développement durable (CSDDD) et le Règlement de l’UE sur la taxonomie.

    Les ONG déplorent que le processus menant à cette proposition ait été profondément défectueux, permettant à un petit groupe d’intérêts industriels de prendre le contrôle et de faire pression pour la déréglementation de lois clés sur le développement durable.

    ClientEarth, Anti-Slavery International, Clean Clothes Campaign, European Coalition for Corporate Justice, Friends of the Earth Europe, Global Witness, Notre Affaire À Tous et Tranport & Environnement déclarent

    « Nous contestons le démantèlement précipité par la Commission de trois piliers clés du Green Deal – y compris des lois destinées à améliorer les impacts environnementaux et humains du commerce mondial – un processus qui ignore complètement les droits humains et de la nature.”

    « La proposition Omnibus a été élaborée sans aucune consultation publique, en écartant la société civile, en l’absence de preuves ou d’évaluations de l’impact environnemental et social, et en se concentrant principalement sur les intérêts étroits de l’industrie. Cette décision irréfléchie n’affaiblit pas seulement les règles de durabilité, mais nuit également à la confiance du public dans les fondements démocratiques de l’UE ».

    Plus précisément, les ONG accusent la Commission : 

    • De ne pas avoir correctement rassemblé de preuves en soutien de sa proposition ni évalué les impacts environnementaux et sociaux de la modification de ces lois conçues pour protéger les citoyens dans l’UE et au-delà;
    • D’avoir écarté de larges consultations pour favoriser des réunions à huis clos dominées par les intérêts de l’industrie pétrolière et gazière (dont le contenu n’a été révélé que par des fuites dans la presse) ;
    • De ne pas avoir évalué si sa proposition s’aligne sur l’objectif de neutralité climatique de l’UE – en violation de ses obligations en vertu de la loi européenne sur le climat.

    En plus d’être en contradiction avec les valeurs démocratiques fondamentales et les objectifs environnementaux de l’UE, les ONG avertissent que l’Omnibus pourrait également compromettre la stabilité économique de l’UE et les objectifs de compétitivité qu’il est censé contribuer à atteindre.

    « Cette soi-disant simplification n’améliore en rien la compétitivité, la Commission européenne ignore à la fois les preuves et la science”, ajoute la coalition. 

    « Des lois fortes sur le développement durable, telles que la CSRD et la CSDDD, sont essentielles à l’avantage concurrentiel de l’UE sur un marché mondial où les consommateurs et les investisseurs exigent de plus en plus des actions responsables de la part des entreprises. Nous avons constaté à maintes reprises que les vagues promesses des entreprises n’entraînent pas le changement dont nous avons besoin. L’affaiblissement des exigences en matière d’environnement et de droits humains est un pas dans la mauvaise direction.”

    Les ONG appellent le Parlement européen et le Conseil à rejeter la proposition Omnibus.

    Contact presse

    Notre Affaire à Tous : Justine Ripoll, Responsable de campagnes, justine.ripoll@notreaffaireatous.org

    Notes

    Au cours des derniers mois, les ONG, les syndicats et les entreprises se sont activement opposés à la proposition « Omnibus » de la Commission européenne. Plusieurs entreprises ont demandé à la Commission de maintenir les règles actuelles en place. Les entreprises ont décrit l’investissement et la compétitivité comme étant « fondés sur la certitude politique et la prévisibilité juridique ».

    En février 2025, les juristes de ClientEarth ont critiqué la proposition qui affaiblit considérablement la responsabilité des entreprises en limitant la diligence raisonnable aux partenaires commerciaux directs et en diluant les obligations relatives aux plans de transition climatique. La proposition a également été critiquée pour l’affaiblissement des mesures prises par les entreprises pour lutter contre l’esclavage moderne dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. En réponse à la proposition Omnibus, plus de 362 organisations de la société civile ont envoyé une déclaration commune exhortant le Parlement européen et le Conseil à rejeter les amendements proposés, soulignant qu’ils affaiblissent  les engagements en matière de responsabilité des entreprises et réduisent les garanties en matière de droits humains et de protection de l’environnement. Malgré ces inquiétudes, la Commission a poursuivi sa proposition, qui est actuellement examinée par le Parlement européen et le Conseil. En mars, le Conseil a accepté la proposition de retarder la mise en œuvre de la CSDDD, et le 3 avril 2025, le Parlement européen a fait de même, accordant aux législateurs un délai supplémentaire pour renégocier le texte. 

  • Devoir de vigilance européen : Principales recommandations sur la directive dite « Omnibus I » proposée par la Commission européenne

    Nos associations et syndicats, membres du Forum citoyen pour la justice économique (FCJE), plaident depuis de nombreuses années pour l’adoption de législations ambitieuses pour responsabiliser les acteurs économiques, et pour mettre fin aux atteintes aux droits humains et à l’environnement commises dans les chaînes de valeur des entreprises multinationales.

    La France a été pionnière en la matière avec l’adoption en 2017 de la loi sur le devoir de vigilance des sociétés-mères et entreprises donneuses d’ordre. Ce mouvement a permis l’adoption récente de la directive européenne sur le devoir de vigilance en matière de durabilité du 13 juin 2024 (Corporate Sustainability Due Diligence Directive, ou CSDDD, en anglais), qui impose aux grandes entreprises qui opèrent en Europe de prévenir et de mettre fin aux atteintes aux droits humains et à l’environnement qui résultent de leurs activités dans le monde entier.

    Cependant, avant même que cette dernière ait été transposée en droit interne, la Commission européenne propose de la modifier au travers d’une législation dite « Omnibus I » qui, sous couvert de simplification, remet en question des principes clés du devoir de vigilance. Cette
    proposition s’inscrit dans un contexte de dérégulation massive, risquant de favoriser le dumping social et environnemental.

    Nos organisations appellent le gouvernement français et les eurodéputé·es à s’opposer à ce retour en arrière et à préserver l’ambition du devoir de vigilance européen. Ce dernier est aujourd’hui plus nécessaire que jamais, dans un contexte de réduction de l’espace civique et d’attaques aux droits fondamentaux et à l’environnement.

    Le périmètre du devoir de vigilance

    L’article 8 de la CSDDD impose aux entreprises concernées de prendre des mesures appropriées pour identifier les atteintes potentielles et réelles aux droits humains et à l’environnement qui résultent de leurs activités, des activités de leurs filiales, et des activités de certains partenaires commerciaux dans leur chaîne d’activités. Il suit une approche dite « fondée sur les risques » : les entreprises doivent identifier les domaines où les risques sont les plus susceptibles de se produire ou d’être les plus graves, et évaluer les activités de leurs filiales et partenaires commerciaux à cette aune.

    C’est sur le fondement de cette identification que les entreprises sont, ensuite, tenues de prendre des mesures adaptées pour prévenir ou faire cesser ces atteintes, en vertu des articles 10 et 11.

    Les changements proposés par l’Omnibus

    D’abord, la proposition Omnibus limite cette évaluation aux partenaires directs de l’entreprise, en prévoyant deux exceptions : (i) si l’entreprise dispose d’informations « plausibles » quant à des atteintes survenant au niveau d’un partenaire indirect ou (ii) si la nature indirecte de la
    relation résulte d’un arrangement artificiel.

    Ensuite, à l’heure de choisir un partenaire direct, elle maintient l’obligation pour l’entreprise de prendre en considération « toute information disponible » concernant ses partenaires indirects, ainsi que l’obligation de s’assurer que ses partenaires directs prévoient certaines
    exigences dans leurs contrats avec leurs propres partenaires commerciaux.

    Enfin, la proposition Omnibus vient étendre la clause d’harmonisation maximale prévue à l’article 4 à cet article relatif à l’identification des atteintes.

    Pourquoi c’est problématique ?

    Ces modifications – visiblement inspirées par la législation allemande – complexifient l’exercice d’identification des risques. Elles restreignent le périmètre du devoir de vigilance des entreprises : au lieu de concentrer leurs efforts là où les risques sont les plus importants, l’Omnibus leur imposerait d’évaluer uniquement les activités de leurs partenaires directs, sauf information « plausible » autre.

    Elles auraient pour effet :

    • d’ignorer, dans la mise en place des mesures de vigilance, les violations les plus graves et les plus fréquentes aux droits humains et à l’environnement, qui ont souvent lieu plus loin dans la chaîne d’approvisionnement (voir exemple des batteries ci-contre) ;
    • de remplacer une obligation d’identification proactive des risques, pesant sur chaque entreprise, à une obligation à géométrie variable soumise au concept flou d’ « information plausible » et à l’aléa des enquêtes des médias ou de la société civile ;
    • d’inciter les entreprises à ne pas évaluer leur chaîne de valeur, de peur de disposer d’informations plausibles qui les obligeraient à mettre en place des mesures appropriées pour prévenir ces risques et mettre fin aux atteintes ;
    • d’interdire – du fait de la clause d’harmonisation maximale étendue – aux États membres de se mettre en conformité avec les Principes directeurs des Nations Unies et des Lignes directrices de l’OCDE, qui prévoient une approche pragmatique fondée sur les risques sur toute la chaîne de valeur. De nombreux acteurs économiques indiquent eux-mêmes utiliser cette approche depuis plus d’une décennie.
    • de rendre la directive inefficace, en permettant par exemple aux entreprises de s’approvisionner indirectement auprès d’entreprises qui ne respectent pas les droits des travailleurs, notamment ceux définis par les conventions de l’OIT

    Chaînes d’approvisionnement complexes et violations des droits humains : l’exemple des batteries

    Plusieurs enquêtes menées par Amnesty International ont démontré que l’extraction de métaux qui se retrouvent dans les batteries lithium-ion des véhicules électriques ou les unités de stockage d’énergie renouvelable d’entreprises opérant sur le marché européen portent atteinte aux droits des communautés locales et des peuples autochtones.

    Ainsi, dans les provinces de Zambales et Palawan aux Philippines, la déforestation et les dommages environnementaux liés aux activités d’extraction du nickel portent atteinte aux droits des populations autochtones et des communautés rurales à un environnement propre, sain et durable, à l’eau et à la santé et met en danger leurs moyens de subsistance.

    L’expansion de projets miniers industriels d’extraction de cuivre et de cobalt autour de la ville de Kolwezi en RDC a causé des expulsions forcées de communautés et de familles de leurs maisons et de leurs terres agricoles.

    L’exploitation du cobalt à Bou Azzer au Maroc a conduit à la répression des travailleurs et à des pollutions importantes mettant en péril leur santé et celles des populations de la région.


    Nos recommandations

    L’approche fondée sur les risques prévue par la directive pour l’identification des atteintes doit être maintenue, et l’harmonisation maximale prévue par l’article 4 de la directive – en soi déjà problématique – ne doit pas être étendue.

    La consultation des parties prenantes

    L’article 13 de la CSDDD oblige les entreprises à consulter leurs parties prenantes, définies à l’article 3.1(n), à différentes étapes du devoir de vigilance. Cette obligation est essentielle pour que les mesures adoptées et mises en œuvre soient réellement appropriées : en l’absence d’association des parties prenantes, ces mesures sont vouées à être superficielles, déconnectées des risques liés aux activités de l’entreprise et, surtout, inadaptées pour prévenir et faire cesser effectivement les violations.

    Les changements proposés par l’Omnibus

    L’Omnibus propose de restreindre la définition des parties prenantes, en excluant notamment les associations de défense de l’environnement, les entités dont les intérêts pourraient être affectés (ce qui pouvait potentiellement comprendre les associations de défense des droits humains), les institutions nationales de défense des droits humains ou de l’environnement, et les consommateurs. Seuls seraient concernés les syndicats, les personnes et communautés directement affectées par les activités de l’entreprise, ou leurs représentants.

    De plus, les entreprises ne seraient tenues que de consulter les parties prenantes «pertinentes», sans que cette notion soit définie.

    Par ailleurs, les entreprises ne seraient plus tenues de consulter les parties prenantes à l’heure de décider de suspendre ou de mettre fin à une relation commerciale au titre du désengagement responsable prévu par les articles 10 et 11 de la CSDDD ou d’élaborer des indicateurs de suivi pour s’assurer de l’efficacité des mesures de vigilance au titre de son article 15.

    Pourquoi c’est problématique ?

    La définition des parties prenantes retenue par l’OCDE comprend à la fois les détenteurs de droits directement affectés ou susceptibles de l’être, et les parties prenantes dites concernées (ONG, INDH, organisations communautaires, etc.).

    Restreindre la définition des parties prenantes pourrait avoir pour effet :

    • d’exclure de la consultation les intérêts de personnes, de peuples ou de communautés qui, du fait de leur vulnérabilité, de leur manque de ressources ou des risques de représailles auxquels ils sont exposés, ne sont pas en mesure de participer directement à des consultations avec l’entreprise. Ce peut être le cas, par exemple, de travailleur·ses dans des pays où la liberté syndicale est faible ou inexistante du fait de l’absence d’organisations syndicales indépendantes, de travailleur·se·s migrant·e·s, ou de personnes ou communautés affectées dans les zones de conflits, qui ne peuvent souvent pas s’engager en toute sécurité sans l’appui d’organisations de la société civile et des institutions de droits humains.
    • d’exclure de l’objet de la consultation les dommages environnementaux ou les dommages sur la santé qui s’étendent sur des années et dont les impacts cumulatifs et les préjudices à long terme sont surveillés principalement par les associations locales ou internationales ;
    • d’exclure des organisations qui, du fait de leur indépendance, de leur expertise et/ou de leur représentativité, sont des interlocuteurs légitimes et utiles pour l’identification des risques et l’élaboration des mesures de vigilance adaptées ;
    • du fait de ces lacunes, de ne pas identifier, prévenir ou répondre à des risques importants, ce qui est de nature à accroître les risques contentieux.

    Par ailleurs, la consultation des parties prenantes est une partie essentielle du mécanisme dit de « désengagement responsable » auquel renvoient les articles 10 et 11 de la CSDDD. Avant de suspendre ou de mettre fin à une relation commerciale, ces articles exigent en effet
    que l’entreprise évalue « si l’on peut raisonnablement s’attendre à ce que les incidences négatives de cette action soient manifestement plus graves que l’incidence négative qu’il n’a pas été possible de prévenir ou qui n’a pas pu être atténuée de manière adéquate ». Comme le montrent les études sur le désengagement dans le secteur du charbon, ou sur l’effet sur les travailleurs de la pandémie de Covid-19, cette évaluation ne peut avoir lieu sans consulter les parties prenantes affectées par ces décisions.

    En restreignant la définition des parties prenantes, l’Omnibus compromet ainsi l’efficacité du processus d’engagement, sans aucun avantage en termes de simplification pour les entreprises.

    Nos recommandations

    Il est nécessaire de maintenir une définition large des parties prenantes, incluant les ONG, les organisations communautaires, et les institutions nationales des droits de l’homme, et de veiller à ce que l’engagement des parties prenantes soit central tout au long du processus du devoir de vigilance. La définition et le rôle des parties prenantes tels que prévus dans la CSDDD doivent donc être rétablis.

    La responsabilité civile

    L’article 29.1 de la CSDDD oblige les États membres à prévoir dans leur droit national que la responsabilité civile des entreprises puisse être engagée, dans certaines conditions, en cas de dommages causés à des personnes physiques ou morales du fait d’un manquement aux
    obligations prévues par les articles 10 et 11. Plusieurs dispositions sont également prévues pour répondre aux différents obstacles auxquels les demandeurs font face (délais de prescription, absence d’actions en représentation, coûts de la procédure, accès à la preuve, etc.).

    Enfin, l’article 29.7 précise que les dispositions transposant cet article devront s’appliquer de manière impérative dans les cas où les règles de conflit de lois auraient autrement désigné la loi d’un État tiers à l’Union européenne.

    Les changements proposés par l’Omnibus

    Le texte de l’Omnibus propose de supprimer l’article 29.1 de la CSDDD. Ces modifications sont cependant ambiguës : d’un côté, les nouvelles dispositions semblent suggérer que l’obligation pour les États membres de permettre l’accès à la réparation intégrale pour les victimes demeure, faisant cependant dépendre les modalités de ce régime de réparation du droit national ; d’un autre côté, l’obligation de prévoir un régime de responsabilité civile en droit national n’apparaît pas explicitement.

    Par ailleurs, l’article 29.7 est supprimé. Il est précisé que cela n’empêche pas les États membres de prévoir que les dispositions venant transposer la directive seront des lois de police au sens de l’article 16 du Règlement Rome II.

    Pourquoi c’est problématique ?

    L’Omnibus s’attaque ici à l’un des piliers du devoir de vigilance : la responsabilité civile en cas de manquement, qui devait permettre aux personnes affectées d’obtenir réparation devant les juridictions nationales. En l’absence de régime de responsabilité civile adapté, les dommages ne seront pas réparés ou seront à la charge des É tats et in fine des personnes affectées.

    Les modifications proposées par l’Omnibus risquent d’avoir pour effet :

    • de créer des régimes de responsabilité civile disparates dans chacun des États membres en cas de manquement, voire d’exclure toute responsabilité civile dans certains États (comme actuellement dans la loi allemande sur le devoir de vigilance).
    • de priver les personnes affectées d’accès à la réparation, en fonction de l’État membre dans lequel l’entreprise qui a causé le dommage en manquant à son devoir de vigilance est domiciliée.
    • de complexifier les actions en responsabilité civile en créant une incertitude sur la loi qui sera applicable, la solution pouvant par ailleurs varier d’un État membre à un autre.

    Nos recommandations

    L’article 29.1 doit être rétabli dans sa version initiale. A défaut, il devra clarifier que les Etats membres ont l’obligation de prévoir dans leur droit national qu’un manquement aux obligations prévues par la directive engage la responsabilité civile de l’entreprise défaillante.

    En tout état de cause, l’article 29.7 doit être rétabli, pour permettre l’application des dispositions issues de la CSDDD en cas d’action en responsabilité engagée contre des entreprises défaillantes aux fins d’obtenir la réparation de dommages survenus à l’étranger.

    Le plan de transition climatique

    La directive sur le devoir de vigilance vient en complément des textes déjà adoptés dans le cadre de la stratégie finance durable de la Commission européenne qui doit permettre à l’ensemble des acteurs économiques et financiers d’être pleinement inclus dans les efforts nécessaires pour la transition écologique. La CSDDD a ainsi pour objectif d’aligner les grands acteurs de l’économie sur les objectifs de limitation du réchauffement climatique fixés par la loi climat européenne. (Règlement (UE) 2021/1119).

    L’article 1.1(c) de la CSDDD établit cet objectif d’alignement du modèle économique et de la stratégie des entreprises sur une trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) compatible avec l’Accord de Paris, et l’article 22.1 pose la définition et le contenu prescriptif du plan de transition. Les plans de transition doivent être adoptés par les entreprises concernées et mis en œuvre.

    Les changements proposés par l’Omnibus

    La proposition Omnibus semble revenir sur cette obligation de mise en œuvre des plans de transition. La mention de la mise en oeuvre des plans de transition (« put into effect ») est supprimée à l’article 1.1(c) et à l’article 22.1 à la faveur de l’ajout d’une notion ambiguë
    juridiquement (« implementing actions ») dans le contenu du plan.

    Pourquoi c’est problématique ?

    L’un des arguments avancés pour supprimer ou modifier ces dispositions est l’alignement nécessaire avec la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) et l’exigence de sécurité juridique. Le Vice-président exécutif Stéphane Séjourné déclarait ainsi en décembre
    dernier, en parlant de la CSRD et de la CSDDD, que « la multiplication des plans de transition prévus crée une bureaucratie intenable ». Or il n’y a pas de double exigence de reporting : l’article 22 de la CSDDD prévoit en effet que, dans le cas où l’entreprise concernée a déjà publié un plan de transition au titre de la CSRD, elle n’est pas tenue d’adopter un nouveau plan. Il s’agit en outre, dans l’esprit du devoir de vigilance, d’une obligation de comportement qui ne saurait se limiter à une simple obligation de reporting. L’exigence de mise en œuvre du plan publié, qui est une obligation de moyens, est à cet égard centrale.

    En ce sens, la suppression des termes « put into effect » dans l’article 22 envoie un message contradictoire. Il existe un risque que les entreprises se contentent d’adopter un plan purement cosmétique, de communiquer sur leurs ambitions climatiques et d’afficher des objectifs en la matière sans aucune garantie d’effectivité, ouvrant la voie au greenwashing.

    L’absence d’effectivité des plans de transition reviendrait à se priver d’un outil essentiel pour atteindre les objectifs climatiques que l’Union européenne s’est elle-même fixés pour endosser sa responsabilité historique dans le dérèglement climatique.

    Alors que les années 2023 et 2024 ont connu des chaleurs historiques et des événements climatiques extrêmes dépassant temporairement le seuil de 1,5°C, il est urgent d’accélérer les efforts en matière de réduction des émissions de GES, et non de déréguler l’activité des
    entreprises les plus polluantes.

    L’ajout de la mention « y compris par des actions de mise en œuvre » (« including through implementing actions ») semble s’appliquer au contenu du plan de transition et ne permet pas de lever l’ambiguïté liée à la suppression des termes « mise en oeuvre ».

    Nos recommandations

    Les termes « put into effect » qui figurent dans l’article 22 de la CSDDD relatif aux plans de transition doivent être rétablis.

    Les services financiers

    Le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont tenu des positions diamétralement opposées lors de la négociation de la Directive sur le devoir de vigilance : alors que le Conseil de l’Union européenne cherchait à exclure les services financiers de l’obligation générale de vigilance créée par la CSDDD, le Parlement européen entendait réguler ces activités.

    La position du Parlement, partagée par les Nations Unies et l’OCDE, visait à ne pas créer de dérogation pour les acteurs financiers (gestionnaires d’actifs, banques et assureurs principalement), afin que ces derniers exercent leur devoir de vigilance quant aux activités des entreprises qu’elles financent, ou dans lesquelles elles investissent. Cette inclusion des services financiers dans le périmètre du devoir de vigilance aurait d’ailleurs permis un meilleur alignement de la finance sur les objectifs climatiques de l’Union européenne.

    Les négociations de la CSDDD se sont conclues par le compromis – décevant – de l’article 36.1. Cet article oblige la Commission européenne à étudier en profondeur une possible inclusion future des services financiers dans la CSDDD. Cette étude doit aboutir, d’ici le 26 juillet 2026, à la publication d’un rapport de la Commission, accompagné d’une éventuelle proposition législative.

    Les changements proposés par l’Omnibus

    L’Omnibus en discussion propose de supprimer cette étude, et donc la potentielle inclusion des services financiers dans le champ d’application de l’obligation générale de vigilance introduite par la CSDDD.

    Pourquoi c’est problématique ?

    En abandonnant la possibilité d’étendre, à terme, le devoir de vigilance européen aux services financiers, l’Union européenne se prive de la possibilité de responsabiliser des acteurs financiers dont l’influence sur l’économie – et donc sur les atteintes qui en découlent – n’est
    plus à démontrer.

    Les acteurs financiers seraient donc uniquement redevables de leurs activités « au même titre que les autres secteurs », c’est-à-dire sur la production, le transport ou le stockage de leur marchandise. Seraient donc exclus les prêts, obligations, garanties, activités de conseil, de gestion d’actifs et les nombreux autres services financiers permettant certaines activités économiques préjudiciables pour l’environnement et les droits humains.

    Cette vision, qui serait entérinée par l’Omnibus, revient à exclure la quasi-totalité des activités des acteurs financiers du périmètre du devoir de vigilance européen, alors même que les banques françaises sont soumises à une loi sur le devoir de vigilance n’effectuant pas de distinction sectorielle.

    Cette position est par ailleurs difficilement tenable au regard des cadres internationaux, comme les Principes directeurs des Nations Unies et de l’OCDE, ou les principes de l’Équateur s’appliquant aux acteurs financiers.

    Enfin, ce faisant, l’Union européenne se priverait d’actionner un levier fondamental permettant d’orienter les flux financiers vers les activités et/ou les entreprises les moins dommageables pour l’environnement et les droits humains.

    Nos recommandations

    L’article 36.1 doit être rétabli dans sa version initiale. Il n’y a pas de raison objective de supprimer l’étude préliminaire qui viendrait, sans même permettre une inclusion explicite des services financiers, informer le débat à ce sujet.

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