Catégorie : Actualités

  • CP / Définition internationale de l’écocide : une proposition solide qui impose à la France d’agir

    Communiqué de presse

    Mardi 22 juin 2021

    Le Panel international d’experts de haut-niveau mis en place par la Fondation Stop Ecocide, présidé par Dior Fall Sow et Philippe Sands, vient de rendre publique une proposition d’amendement au Statut de la Cour Pénale Internationale pour y intégrer le crime d’écocide, et sa définition. Celle-ci est immédiatement mobilisable par les états dans le cadre de la CPI. Elle l’est aussi par les états, dont la France. A l’occasion des débats au Sénat sur la loi Climat et Résilience, Notre Affaire à Tous appelle le gouvernement à soumettre une proposition d’amendement visant à la reconnaissance immédiate du crime d’écocide dans le droit français, et les sénateurs et sénatrices à soutenir tout amendement en cette direction. 

    Le Président de la République a lui-même utilisé le terme d’écocide à l’été 2019 pour dénoncer la politique menée par Jair Bolsonaro en forêt amazonienne. Il n’a cessé depuis de promettre soutenir sa reconnaissance au niveau international, sans que nous n’ayons encore observé d’acte concret. A l’inverse de la Belgique qui a formulé une demande publique et officielle de reconnaissance de ce crime à l’Assemblée générale de la Cour Pénale Internationale. 

    Plutôt que d’agir, la majorité présidentielle s’enferme dans de nombreuses tergiversations juridiques visant à prouver que l’inscription dans le droit national du crime d’écocide est impossible. 

    Peine perdue : la proposition formulée aujourd’hui par le Panel d’experts prouve que définir ce crime est non seulement possible, mais également juridiquement solide. Cette proposition révolutionnaire sur le fond, puisqu’elle propose de condamner les atteintes au vivant, émerge en effet de termes et concepts déjà reconnus et définis dans plusieurs conventions internationales, et d’un langage largement éprouvé par les juristes et acteurs du droit international. 

    L’année 2021 est une année cruciale. La loi Climat et Résilience sera la dernière grande loi environnementale du quinquennat d’Emmanuel Macron. Supposée traduire les propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat, elle est aussi la dernière opportunité avant longtemps d’inscrire le crime d’écocide dans le droit français.

    La France a aussi pour responsabilité de porter cette proposition au niveau international. L’automne sera à cet égard chargé : Assemblée générale des Nations-Unies en septembre dédiée notamment à la reconnaissance du droit universel à un environnement sain, Sommet mondial pour la biodiversité à Kunming en octobre, Sommet climat en novembre à Glasgow, enfin Assemblée générale de la Cour Pénale Internationale en décembre. Ces rencontres mondiales sont autant d’opportunités pour faire avancer la reconnaissance et condamnation du crime d’écocide. Allier les actes à la parole, c’est pour la France devenir le fer de lance de la reconnaissance de l’écocide dans les négociations internationales, qui sont nombreuses à l’automne. Les sénateurs et les sénatrices doivent se saisir de cette proposition, intégrer le crime d’écocide dans la version actuellement discutée de la loi climat, et ainsi contribuer à l’effort international. S’ils ne peuvent soutenir que les amendements présentés, la CMP est une opportunité de rectifier le tir ; le gouvernement peut et doit dès aujourd’hui proposer une rédaction proche de celle proposée par le Panel. En soutenant cette dernière, le gouvernement français a également l’occasion de se placer en leader du mouvement international pour la reconnaissance de l’écocide, et d’agir réellement pour la protection de la planète et du vivant.

    Ne gâchons pas cette opportunité. Il est temps.

    Nota Bene :

    Notre Affaire à Tous s’est fondée avec l’objectif de faire vivre la justice climatique, les droits de la nature et la condamnation de l’écocide. Sur ce dernier plan, la prise de conscience mondiale s’est accélérée ces dernières années : un nombre croissant de citoyennes et de citoyens du monde, ainsi que de parlementaires, refusent ces graves crimes contre le vivant qui mettent en danger la sûreté de la planète et l’habitabilité de la Terre pour l’humanité. 

    Contact presse

    • Théophile Keita, Notre Affaire à Tous – theophile.keita@notreaffaireatous.org ; 06 34 19 06 67
    • Justine Ripoll,  Notre Affaire à Tous – justine.ripoll@notraffaireatous.org ; 06 42 21 37 36
    • Jojo Mehta, Stop Ecocide, jojo@stopecocide.earth
    • Marie Toussaint, Eurodéputée, initiatrice de l’Alliance parlementaire internationale pour la reconnaissance de l’écocide, marie.toussaint@europarl.europa.eu; 06 42 00 88 68

    Définition de l’écocide proposée par le Panel (en français)

    Proposition de définition de l’ÉCOCIDE comme cinquième crime en vertu du Statut de Rome de la Cour pénale internationale

    Groupe d’experts indépendants pour la définition juridique de l’écocide

    A. Ajout d’un paragraphe 2 bis au préambule

    Soucieux du fait que l’environnement est quotidiennement menacé de destructions et de détériorations dévastatrices mettant gravement en péril les systèmes naturels et humains de par le monde.

    B. Ajout à l’article 5 1.

    e) Le crime d’écocide.

    C. Ajout de l’article 8 ter

    Article 8 ter

    Écocide

    1. Aux fins du présent Statut, “écocide” s’entend d’actes illégaux ou arbitraires commis en sachant la réelle probabilité que ces actes causent à l’environnement des dommages graves qui soient étendus ou durables.

    2. Aux fins du paragraphe 1 :

    a. « Arbitraire » signifie de manière imprudente et sans faire cas des dommages qui seraient clairement excessifs au regard des avantages sociaux et économiques escomptés ;

    b. « Grave » signifie que les dommages entraînent des changements, perturbations ou atteintes hautement préjudiciables à l’une quelconque des composantes de l’environnement, y compris des répercussions graves sur la vie humaine ou sur les ressources naturelles, culturelles ou économiques ;

    c. « Étendu » signifie que les dommages s’étendent au-delà d’une zone géographique limitée, qu’ils traversent des frontières nationales, ou qu’ils touchent un écosystème entier ou une espèce entière ou un nombre important d’êtres humains ;

    d. « Durable » signifie que les dommages sont irréversibles ou qu’ils ne peuvent être corrigés par régénération naturelle dans un délai raisonnable ;

    e. « Environnement » s’entend de la Terre, sa biosphère, sa cryosphère, sa lithosphère, son hydrosphère et son atmosphère, ainsi que de l’espace extra-atmosphérique. —    

    Décryptage de Notre Affaire à Tous

    La définition proposée répond aux arguments soulevés avec plus ou moins de bonnes fois par les juristes et parlementaires depuis plus d’un an ; voici notre décryptage rapide :

    • La définition de ce qu’est le vivant : au sein de cette définition, le Panel d’experts préconise d’appréhender l’“environnement” comme : la Terre, la biosphère, la cryosphère, la lithosphère, l’hydrosphère et l’atmosphère, ainsi que l’espace. Ce faisant, le Panel tient compte des interactions entre les différents éléments composant les écosystèmes et le vivant. Une approche encore non reconnue dans le droit pénal français (contrairement au droit civil où le préjudice écologique a consacré cette notion), dont l’approche sectorielle des éléments composant le vivant est l’un des freins majeurs à la protection des entités écosystémiques et des communs naturels mondiaux comme territoriaux.
    • Sur le caractère intentionnel / mens rea : en droit pénal, la question de l’intentionnalité est majeure : elle conditionne la capacité à désigner un acte comme un crime. Ici le panel a décidé de définir comme écocide les actes “commis en sachant qu’il y a une forte probabilité que des dommages graves et étendus ou à long terme soient causés à l’environnement par ces actes.” Avec cette formulation, le panel définit donc l’intentionnalité comme la connaissance du risque encouru, une position ambitieuse que nous rejoignons.
    • Gravité : reconnaître un crime n’est jamais chose légère, moins encore lorsqu’il s’agit de définir un crime parmi les plus graves contre les valeurs universelles. Le Panel d’experts propose ainsi de caractériser le crime d’écocide comme des actes causant à l’environnement des dommages graves qui soient étendus ou durables. Cette définition permet d’inclure à la fois les dommages ponctuels mais étendus dans l’espace (comme certaines pollutions, qui peuvent être arrêtées dans le temps), et les dommages plus localisés mais aux effets de long terme (comme par exemple le déversement de grandes quantités déchets toxiques dans une rivière, qui auraient des conséquences pendant de nombreuses années). Les dommages doivent toutefois toujours être considérés comme « graves » (severe).
    • Précision : grâce à ces éléments, la définition revêt suffisamment de précision pour être effective et respectueuse des droits humains, une nécessité en vertu du principe de légalité des peines. En choisissant de caractériser les écocides à travers les conséquences qu’ils peuvent avoir, plutôt qu’en listant les différents dommages possibles, le panel évite le danger d’autoriser, par omission, les actes qui n’auraient pas été listés, et donc de laisser impunis certains dommages graves.
  • Et si le Rhône avait des droits

    Projet du groupe local de Lyon de Notre Affaire à Tous

    “Et si le Rhône avait des droits” c’est le nouveau projet proposé par l’antenne lyonnaise de Notre Affaire à Tous, en partenariat avec id-eau, le CRI et Ashoka. Ce projet s’inscrit dans une volonté d’éducation par la recherche autour des droits de la nature. 


    De septembre 2021 à juin 2022, le groupe local accompagnera des classes de lycées et de collèges riverains du Rhône, de part et d’autre de la frontière franco-suisse, dans leurs réflexions et leurs investigations autour de la question “Et si le Rhône avait des droits ?”. Chaque classe agira comme un mini-laboratoire et sera accompagnée par un·e mentor scientifique et/ou juridique. Le projet se finalisera par une mise en commun des travaux et des découvertes de chaque classe.

    Les fondements du projet

    Le Rhône, une entité vivante à protéger

    Le Rhône, fleuve qui sillonne la Suisse et la France, est une ressource essentielle à notre survie et à celle des générations futures. Pourtant, le Rhône subit de multiples atteintes : pollution, dérèglement climatique, fonte des glaciers, baisse de la biodiversité… Des deux côtés de la frontière, il n’existe actuellement aucun outil juridique suffisant permettant de le protéger.

    Et si le Rhône avait des droits. Il est certain que l’idée de donner des droits à une entité naturelle bouleverse notre conception de la relation entre l’humain et la nature. Les textes de loi qui régissent nos sociétés ne tiennent en effet pas compte de nos liens d’interdépendance avec notre environnement naturel, avec les écosystèmes et les espèces qui permettent la vie sur Terre. Notre droit de l’environnement occidental s’est construit autour de l’oubli de l’interdépendance du vivant. Pourtant, une relation plus respectueuse entre les humains et la nature est possible. Les relations qu’entretiennent certains peuples autochtones avec leurs environnements en sont la preuve.

    Les droits de la nature, un nouveau champ qui prend de l’ampleur

    Les mouvements citoyens comme la communauté scientifique interrogent depuis quelques années l’accès au statut de personne juridique de nouvelles entités jusque-là non concernées : biotopes, animaux, cours d’eau, voire le concept philosophique de “Nature” lui-même. Les droits de la nature constituent un champ nouveau et prometteur. Il se situe à la croisée des chemins entre le droit, la philosophie et les humanités environnementales, côté recherche, et le militantisme et les mouvements écologistes, côté société. 

    Chez Notre Affaire à Tous, nous défendons au quotidien l’importance de doter la nature de droits afin de créer un droit de l’environnement adapté aux limites planétaires. Le projet “Et si le Rhône avait des droits ?” s’inscrit dans cette volonté de promouvoir un droit de l’environnement plus effectif. 

    A l’origine, l’Appel du Rhône

    Le projet “Et si le Rhône avait des droits ?” s’inscrit dans la continuité de L’Appel du Rhône. Cette mobilisation citoyenne, collective et transnationale vise à faire reconnaître une personnalité juridique au Rhône afin de revendiquer ses droits à exister, être préservé, se régénérer, évoluer, de manière à maintenir et garantir son environnement et sa biodiversité tant pour nous que pour les générations futures.  

    Ce mouvement citoyen a vocation à sensibiliser autour des enjeux liés à la préservation de ce fleuve du point de vue écologique et à combler les lacunes en termes de normes légales.

    L’éducation et la sensibilisation, un enjeu majeur pour la justice environnementale

    Éduquer les générations de demain aux enjeux climatiques et environnementaux est fondamental pour construire un monde plus respectueux de la nature et de ses droits. L’École est l’unique lieu où tous les enfants et adolescent·e·s, quel que soit leur milieu familial, peuvent avoir accès aux savoirs académiques et citoyens partagés et communs.

    Les programmes scolaires laissent une grande place à l’étude des relations et de l’interdépendance entre les vivants et le vivant et les milieux naturels. Toutefois, à l’heure des défis climatiques, les connaissances scientifiques doivent être incluses dans une démarche interdisciplinaire pour mieux outiller les élèves, futurs citoyen·ne·s et acteurs·rices éclairé·e·s de l’anthropocène.

    L’ambition de ce projet est d’amener les élèves à mobiliser leurs connaissances scientifiques pour aborder des questions vives d’ordre citoyen : la nature peut-elle être un sujet de droit ? Les élèves sont initiés aux méthodes, concepts et procédures du droit et travaillent en profondeur les compétences en matière d’argumentation, de rhétorique et de cartographie des controverses. Ils développent ainsi, dès le plus jeune âge, les savoirs rigoureux et les procédures démocratiques pour être les acteurs·rices et les décideur·e·s dans un Etat de droit.

    Le fonctionnement du projet

    Et si le Rhône avait des droits, c’est quoi ?

    Nous invitons les établissements scolaires riverains du fleuve Rhône et de part et d’autre de la frontière franco-suisse à participer et à partager les résultats de leurs investigations et recherches sous forme d’un projet interdisciplinaire à la question « Et si le Rhône avait des droits ». Les classes pourront agir comme des mini-laboratoires en adoptant les méthodes de la recherche scientifique, notamment dans le domaine juridique. Comme dans un laboratoire, il s’agit d’un projet multi-acteurs.rices orchestré par l’enseignant·e, mené par les élèves et conseillé par un·e mentor scientifique et/ou juridique.

    La restitution finale pourra prendre des formes diverses : procès fictifs, proposition de loi, plaidoyer, article de philosophie de droit, court-métrage, documentaire, débat contradictoire, etc. Ce projet est porté par un collectif d’associations qui conjuguent leurs expertises respectives à un niveau transnational (franco-suisse) afin d’apporter dans les classes les enjeux les plus vifs liés aux crises climatiques.

    Les outils pédagogiques prévus

    Afin d’amener les élèves à s’interroger collectivement de manière philosophique, juridique et scientifique sur les liens entre la nature, le droit et les humains, le projet mettra en place différents outils s’inscrivant dans la méthode d’éducation par la recherche, en collaboration avec le CRI. Ces outils auront également pour but d’apprendre aux élèves à appréhender le droit comme un outil permettant de mettre un terme à des activités qui pourraient détruire ou entraver la régénération des écosystèmes et de la biodiversité du Rhône et de ses affluents, dont dépendent les générations actuelles et futures.

    Il est donc prévu de déployer, tout au long de l’année scolaire 2021-2022, le programme pédagogique suivant : 

    • Mise à disposition de boîtes à outils méthodologiques et pédagogiques ainsi que les ressources nécessaires pour comprendre les droits de la nature et des grandes notions juridiques
    • Ateliers d’éloquence afin d’acquérir des bases pour argumenter et préparer le grand évènement final ou Atelier de muséographie en partenariat avec le Musée des Confluences de Lyon afin de concevoir une exposition sur un tour du monde des actions ayant donné des droits à une entité naturelle
    • Rencontres avec des professionnel·le·s du droit de l’environnement, magistrat·e·s, expert·e·s scientifiques, avocat·e·s, ainsi que des bénévoles de Notre Affaire à Tous et id-eau qui leur partageront leurs expertises et leur apporteront des notions juridiques.
    • Lors d’un grand événement final, toutes les classes se réuniront pour exprimer leurs opinions sur la pertinence de donner des droits au Rhône, sous une forme libre (jeu d’éloquence, théâtre d’improvisation, poésie, projets artistiques…).

    Vous êtes professeur·e·s ? Rejoignez le projet éducatif “Et si le Rhône avait des droits”

    Le collectif porteur du projet accompagne les enseignant·e·s engagé·e·s dans une  authentique démarche de développement professionnel en leur proposant :

    1/ Une formation : 

    • Initiation au domaine juridique, notamment en matière de droits de la Nature et les controverses qui y sont propres 
    • Initiation aux enjeux et méthodes de l’éducation par la recherche

    2/ La structuration d’une communauté d’enseignant·e·s et de mentors juridiques sous la forme d’un co-laboratoire : 

    • Mutualisation des expertises 
    • Documentation des projets
    • Modélisation pour essaimage en année 2

    Si vous êtes professeur·e, en France ou en Suisse, dans un établissement riverain du Rhône et voulez rejoindre le projet, remplissez ce bulletin d’adhésion :

  • CP / Climat : la justice devrait condamner l’Etat à agir avant avril 2022

    Communiqué de presse, Paris 11 juin 2021

    Lors de l’audience du recours de la ville de Grande-Synthe devant le Conseil d’Etat aujourd’hui, le rapporteur public a été clair : l’Etat doit, dès à présent, prendre de nouvelles mesures de réduction des émissions de gaz à effet de serre françaises, et le Conseil d’Etat doit exercer un contrôle sur l’effectivité de ces mesures.

    Si la plus haute juridiction administrative suit les recommandations de Stéphane Hoynck, les juges devraient ordonner à l’Etat de prendre, d’ici 9 mois, “toutes mesures utiles permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre produites sur le territoire national afin d’assurer sa compatibilité avec les objectifs” inscrits dans la loi. [1] 

    “Les conclusions du rapporteur public sont évidemment très encourageantes. Je suis particulièrement heureuse que la première action climatique menée en France par la ville de Grande-Synthe et de son ancien maire, Damien Carême, pour faire reconnaître l’illégalité du refus d’agir du gouvernement puisse, si la Haute assemblée suit son rapporteur public, aboutir à une décision historique qui permettra ainsi d’inscrire le conseil d’État et notre pays dans l’histoire planétaire de la justice climatique.”

    Corinne Lepage, avocate de la ville de Grande-Synthe et de son ancien maire, Damien Carême, co-fondatrice du cabinet Huglo Lepage Avocats

    “Les villes se réjouissent des conclusions du rapporteur public. Le Conseil d’État avait demandé en novembre à l’État de justifier des mesures prises, et les éléments produits montrent que ces mesures ne sont pas à la hauteur des enjeux climatiques. Depuis cette date, les juges allemands, néerlandais, australiens, se sont inscrit dans la même dynamique, en demandant aux Etats concernés d’être plus ambitieux et efficaces dans leurs objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Si le rapporteur public est suivi, ce sera une grande victoire pour tous et l’État sera mis face à ses responsabilités, grâce à la mobilisation des collectivités directement concernées.”

    Régis Froger, avocat de la Ville de Paris et de Grenoble 

    “On ne peut que se réjouir des conclusions du rapporteur public. En février, le tribunal administratif de Paris a reconnu que l’Etat était hors-la-loi. Or le rôle de la justice, c’est de protéger la société. Les juges ont une opportunité inédite de réaffirmer leur rôle essentiel dans la démocratie et de défendre nos droits fondamentaux, en mettant l’Etat face à ses responsabilités. Si comme nous l’espérons le Conseil d’Etat suit son rapporteur public, les organisations de l’Affaire du Siècle seront au rendez-vous pour veiller à ce que la décision des juges soit effectivement appliquée, et que la France respecte ses engagements climatiques.” 

    Guillaume Hannotin, avocat représentant l’Affaire du Siècle

    Les arguments du gouvernement sur la loi Climat n’ont pas totalement convaincu

    Le rapporteur public ne s’est pas prononcé directement sur le projet de loi climat, respectant ainsi la séparation des pouvoirs entre législatif et exécutif. Cependant, en demandant au Conseil d’Etat de prononcer une injonction à agir, il envoie un signal fort au gouvernement : la crise climatique exige des actions plus ambitieuses pour remettre la France sur la bonne trajectoire de réduction des émissions des gaz à effet de serre. 

    Alors que le Haut Conseil pour le Climat, le Conseil national de la transition écologique et le Conseil économique, social et environnemental ont jugé le projet de loi largement insuffisant, l’Etat en avait fait sa principale ligne de défense. Les villes de Grande-Synthe, Paris et Grenoble, ainsi que les organisations de l’Affaire du Siècle ont elles aussi démontré, preuves à l’appui [2], que les mesures prévues dans la loi Climat-Résilience, qui est examinée en ce moment au Sénat, sont loin d’être à la hauteur des enjeux.

    Une décision finale attendue d’ici quelques semaines

    La décision, attendue d’ici deux à trois semaines, sera l’aboutissement d’une procédure lancée en janvier 2019 [3], par la ville de Grande-Synthe, et soutenue par les organisations de l’Affaire du Siècle (Notre Affaire à Tous, la Fondation Nicolas Hulot, Greenpeace France, Oxfam France), ainsi que par les villes de Grenoble et de Paris.

    Le recours porté par l’Affaire du Siècle, dans lequel le tribunal administratif a jugé que l’inaction de l’Etat était illégale, et cause d’un préjudice écologique, devrait lui être jugé dans les prochains mois. 

    Ces recours s’inscrivent dans un mouvement pour la justice climatique qui prend de l‘ampleur au niveau mondial : en Allemagne par exemple, la justice a récemment ordonné au gouvernement de revoir son Plan climat, jugé insuffisant pour réduire les émissions de gaz à effet de serre du pays après 2031. Prenant acte de la décision, le gouvernement allemand a immédiatement présenté de nouveaux objectifs climatiques plus ambitieux.

    INSCRIVEZ-VOUS À LA CONFÉRENCE DE PRESSE QUI SUIVRA LA PUBLICATION DU DÉLIBÉRÉ
    Le Conseil d’Etat devrait rendre sa décision d’ici deux à trois semaines.
    Corinne Lepage, Damien Carême et les organisations de l’Affaire du Siècle tiendront une conférence de presse en ligne tout de suite après la publication de la décision. Merci de vous inscrire sur ce lien pour y participer. Vous recevrez un sms avec le lien zoom le jour de la décision.

    Note aux rédactions

    [1] La France s’est engagée à réduire de 40% ses émissions d’ici à 2030, par rapport aux niveaux de 1990 (Article L110-4 du code de l’Energie tel que modifié par la Loi énergie-climat de 2019).

    [2] Une étude produite par Carbone 4 et versée au dossier par l’Affaire du Siècle montre qu’”il est certain que les mesures adoptées ou envisagées par l’État, notamment dans le cadre du projet de loi Climat et résilience, ne permettront pas d’atteindre l’objectif global de réduction de 40% des émissions de GES à 2030 par rapport à 1990.

    [3] En novembre 2020, dans une décision dite “avant dire droit”, le Conseil d’Etat avait affirmé que les objectifs climatiques de la France sont contraignants. Une décision qui rompait avec l’interprétation faite par les gouvernements successifs que la France n’était pas tenue par les objectifs inscrits dans la loi.

    Contacts presse

    Huglo Lepage Avocats : 

    • Sabine Rozier-Deroche – 06 42 66 45 24

    L’Affaire du Siècle : 

    • Cécilia Rinaudo – 06 86 41 71 81 (Notre Affaire à Tous)
    • Paula Torrente – 07 87 50 74 90 (Fondation Nicolas Hulot)
    • Kim Dallet – 06 33 58 39 46 (Greenpeace France)
    • Élise Naccarato – 06 17 34 85 68 (Oxfam France)
  • IMPACTS – 11 juin 2021 – Travail et changement climatique

    Ce 16e numéro de la revue de presse « IMPACTS«  se concentre sur les conséquences du dérèglement climatique sur le monde du travail et sur les travailleurs les plus touchés par les menaces que pose le phénomène sur leurs activités.  

    Dans un récent rapport intitulé “Travailler sur une planète plus chaude : l’impact du stress thermique sur la productivité du travail et le travail décent”, l’Organisation internationale du travail a alerté qu’à l’échelle mondiale, 80 millions d’emplois seraient menacés d’ici 2030 à cause du dérèglement climatique. En premier lieu, les chaleurs vont conduire à une perte de productivité dans de nombreux secteurs, notamment dans l’industrie et l’agriculture. “2,2% du total des heures travaillées dans le monde pourraient être perdues en raison des températures élevées, selon des projections basées sur une hausse de la température mondiale de 1,5°C d’ici la fin du siècle”. 

    Au niveau mondial, en 2017, ce serait 153 milliards d’heures de travail qui auraient été perdues à cause des canicules, une hausse de 60% par rapport à l’an 2000. Alors que le phénomène est déjà palpable, l’étude des conséquences des vagues de chaleur sur le milieu du travail est récente. Ce n’est que dans le quatrième et le cinquième rapport d’évaluation du GIEC (2007 et 2014) que ces problématiques ont été soulevées. Entre perte des outils de travail du fait de catastrophes naturelles, accidents du travail et risques sanitaires, les menaces sur le monde du travail sont multiples.  

    Pour combattre les inégalités sociales climatiques et environnementales, il nous faut les connaître. C’est le sens de cette revue de presse élaborée par Notre Affaire à Tous, qui revient sur les #IMPACTS différenciés du changement climatique, sur nos vies, nos droits et ceux de la nature

    Selon le “Guide pour les syndicats : Adaptation au changement climatique et monde de travail” les secteurs les plus touchés sont et seront l’agriculture et la sylviculture, très dépendants des ressources naturelles, mais aussi le secteur de la pêche, l’approvisionnement en énergie et en eau, la construction, les transports, le tourisme, ces derniers étant principalement vulnérables à cause du risque de catastrophes naturelles, et par ricochet les services d’urgence, de secours, et le monde de la santé. Enfin, les secteurs bancaires et assurantiels seront aussi de plus en plus affectés par l’augmentation de la fréquence, de l’intensité et des dégâts causés par les événements climatiques extrêmes. Côté assurances, on peut lire dans La Tribune que “le coût des sinistres liés aux catastrophes naturelles pourrait être multiplié par cinq d’ici à trente ans”, d’après l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Côté banques, un nouveau rapport de Reclaim Finance indique que les banques européennes sont « mal préparées à la perte de valeur de leurs actifs fossiles« . 

    Le rapport “Assessing the Implications of Climate Change Adaptation on Employment in the EU” indique que ce sont l’industrie manufacturière et les services collectifs, le commerce de détail et les loisirs qui souffriront le plus des conséquences en termes de pertes d’emplois, comptabilisant environ 100 000 pertes pour les deux secteurs d’ici 2050, puis les services aux entreprises (informatique, services juridiques, gestion des installations, etc.) et les services publics (jusqu’à 90 000 emplois perdus pour les deux), si aucune mesure d’adaptation n’est prise. 

    Ces difficultés et pertes d’emplois seront à la fois dues aux conséquences directes des catastrophes naturelles liées au dérèglement climatiques (tempêtes, inondations, canicules, etc) et génératrices de chocs économiques, mais aussi à une perte de productivité liée aux conditions de travail. 

    Pourquoi une telle réduction de la productivité au travail ? Parce qu’il a été démontré que les températures idéales pour un travail efficace devraient être comprises entre 16 et 24°C, selon le type de travail effectué. La productivité au travail a déjà été réduite depuis le début des années 2020 selon l’Organisation Internationale du Travail (OIT). En effet, “entre 2000 et 2015, 23 millions d’années de vie active ont été perdues chaque année au niveau mondial en raison de ces risques”. Après la construction, c’est l’agriculture qui fait partie des secteurs d’ores et déjà les plus touchés, avec 60% des heures de travail perdues d’ici 2030. 

    Face à la menace du changement climatique, des chercheurs britanniques ont par ailleurs révélé dans une étude que diminuer le temps de travail permettrait de réduire les émissions de gaz à effet de serre drastiquement, car cela conduirait à une réduction des déplacements, de la production de biens de consommation et d’envois de mails. Les chercheurs préconisent dans cette étude de réduire le temps de travail à 9h par semaine, bien loin des 36h hebdomadaires moyennes travaillées par les Européen-nes. 

    Outre la perte de productivité, l’augmentation des températures entraîne également une perte de vigilance, ce qui augmente les risques d’accidents du travail (chutes, manipulation de produits chimiques).

    Les conséquences du dérèglement climatique, notamment la hausse des températures, l’évolution de l’environnement biologique et chimique et la modification de la fréquence et de l’intensité de certains aléas climatiques, ont un impact sur les travailleurs et les risques professionnels auxquels ils et elles font face. Elles augmentent la pénibilité du travail mais favorisent également les accidents et les risques psycho-sociaux.

    A mesure que le dérèglement climatique s’aggrave, la santé et la sécurité des travailleurs sont de plus en plus mises en danger. Le “Guide pour les syndicats : Adaptation au changement climatique et monde de travail” revient sur les effets du changement climatique sur la santé et la sécurité des travailleurs. Le stress thermique, l’épuisement lié à la chaleur, les boutons de chaleur, les syncopes et les évanouissements sont autant d’impacts sur la santé auxquels les travailleurs devront faire face, notamment dans les secteurs les plus touchés.

    Travailleurs : canicules, stress thermique et événements extrêmes 

    Les vagues de chaleur augmentent fortement la pénibilité de leur travail et les risques pour leur santé. Face à l’augmentation des périodes de canicule, le cas des travailleur·se·s en extérieur, dans les secteurs du BTP, de l’agriculture et de la restauration est révélateur car ils et elles se retrouvent en première ligne des impacts des fortes chaleurs, de plus en plus intenses et fréquentes. C’est le cas par exemple des livreurs à vélo qui livrent les repas lors de fortes chaleurs en fournissant un effort physique important sur des routes bitumées brûlantes. 

    Ce sont donc souvent les travailleurs les moins bien rémunérés et qui exercent les métiers les plus physiques, qui sont les plus exposés aux risques climatiques et aux événements météorologiques extrêmes et donc à des conditions de travail difficiles. Elles et ils sont aussi plus exposé-es au stress thermique qui peut mener à des coups de chaleur, c’est-à-dire à des températures qui s’élèvent au-delà de ce que le corps humain peut supporter sans souffrir de trouble physiologique. Les coups de chaleur peuvent être fatals et aller jusqu’au décès. Les risques de malaises, de blessures à cause de la diminution de la vigilance, de déshydratation, et de fatigue physique et mentale sont aussi exacerbés. Au cours des deux épisodes caniculaires de l’été 2019, dix personnes sont décédées sur leur lieu de travail, dont une majorité d’hommes travaillant en extérieur. Pendant les canicules 2020, 12 accidents du travail mortels liés à la chaleur ont été signalés par l’Inspection Médicale du Travail. 

    L’exposition à la chaleur peut également entraîner des complications de nombreuses maladies chroniques, notamment les maladies respiratoires, les maladies cardiovasculaires, le diabète et les maladies rénales

    Le lien entre changement climatique et exposition à des produits chimiques est aussi inquiétant. En effet, “des températures et une humidité élevées affecteraient les réponses physiologiques du corps aux agents toxiques de l’environnement. Ainsi, par exemple, une peau chaude et humide favorise l’absorption des produits chimiques”. Dans ces conseils aux agriculteur·rice·s en cas de forte chaleur, le Ministère de l’Agriculture rappelle les risques d’intoxication aux produits chimiques du fait d’une transformation plus rapide des produits phytosanitaires en vapeur et de leur plus grande absorption par l’organisme (voies respiratoires et peau).

    En 2012, un rapport de l’organisation internationale du travail “Working towards sustainable development” révélait que l’agriculture était “le plus gros employeur mondial avec plus d’un milliard de travailleurs, y compris un grand nombre d’ouvriers agricoles pauvres et d’agricultures vivriers (essentiellement des femmes)”. Or, le secteur est un des plus vulnérables face au changement climatique, tout en étant à la fois un des plus émetteurs de gaz à effet de serre au monde – en 2018, il était responsable de 19% des émissions de la France selon le Haut Conseil pour le Climat

    Les agriculteurs pâtissent déjà et pâtiront de plus en plus des effets du dérèglement climatique sur leurs cultures. Les sécheresses mais aussi les cycles de développement de plus en plus précoces des végétaux mettent en danger les cultures. Le mois d’avril 2021 a été particulièrement ravageur pour les exploitations françaises, à cause d’un épisode de gel intense, juste après que des records de températures maximales aient été battus au mois de mars. Les arboriculteurs, viticulteurs et maraîchers ont été les plus durement touchés par ce phénomène qui risque des s’accentuer avec le dérèglement climatique. 

    Le modèle agricole doit donc être revu pour s’adapter au défi climatique et pour la souveraineté alimentaire. Dans son rapport de 2014, le GIEC alertait déjà sur la menace d’une baisse des rendements des principales cultures (blé, maïs, riz…) “de 2% par décennie si les émissions mondiales de gaz à effet de serre ne sont pas divisées par deux d’ici à 2050”. Selon les Nations Unies, 1,5 milliard de personnes, soit 600 millions de plus qu’aujourd’hui, souffriront de la faim à la fin du siècle si nous maintenons nos émissions à leur niveau actuel. L’augmentation du niveau des océans, qui pourrait atteindre près d’un mètre à la fin du siècle (et bien davantage au-delà), menace également une part importante de l’activité agricole des Etats côtiers

    En Europe, quelques exemples sont déjà visibles. En Italie, par exemple, en 2019, l’augmentation des températures a créé un fléau de punaises dévoreuses de cultures, causant des centaines de millions d’euros de pertes. Plus au nord, en Finlande, qui est un important pays producteur d’orge et d’avoine de printemps, la fertilité du sol est en baisse, car des périodes humides et sèches plus fréquentes privent la terre de nutriments, selon un récent rapport de l’Agence européenne pour l’environnement.


    Paradoxalementdans certaines régions européennes, les températures plus chaudes ont favorisé les cultures. C’est le cas en Russie par exemple, où la superficie consacrée au blé d’hiver – premier pays expéditeur de cette culture – s’est étendue grâce à l’amélioration de la qualité des semences et à la douceur du climat. Selon un document de la Commission européenne, le changement climatique pourrait également favoriser les rendements du blé et du maïs en Europe de l’Est.

    Le code du travail indique que tout employeur doit prendre en considération les “ambiances thermiques”, mais il reste assez flou sur les règles à suivre lors de vagues de chaleur et aucun seuil de température maximale n’est fixé dans la loi

    Il existe bien une obligation générale du ou de la responsable, qui doit, en période de canicule ou non, veiller à la sécurité et la santé physique et mentale de ses employé·e·s, comme indiqué dans l’article L4131-1 du Code du travail. Cependant, en dehors des quelques normes précises telles que celles obligeant à fournir aux personnes travaillant en extérieur trois litres d’eau par jour ainsi qu’un abri, les autres éléments ne sont que des recommandations. Ainsi, l’Institut National de Recherche et de Sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles propose des aménagements du travail en périodes de canicules : modification des heures de travail (commencer et finir plus tôt), pauses plus régulières, diminution de la cadence du travail, arrêt des appareils électriques non nécessaires ou encore accès à l’eau. De même, dans ses rapports « Recommandations canicule », le Ministère de la Santé rappelle les bonnes pratiques aux employeur·se·s avant l’été (évaluation des risques, mise à disposition de locaux, affichage des recommandations) et pendant les vagues de chaleur (informer des risques, adapter les horaires de travail) permettant d’assurer la santé et la sécurité de leurs employé·e·s. 

    Dans le cas particulier des catastrophes naturelles, légalement, les salariés ont le droit avec l’accord de leur employeur à un congé non rémunéré de 20 jours par an dans la zone où il habite ou travaille.

    Ainsi, il apparaît nécessaire d’adapter les conditions de travail aux nouvelles conditions climatiques. Maintenir les heures de travail habituelles pour les métiers les plus exposés, notamment pendant les heures les plus chaudes (pour les travailleurs en extérieur) ne fera que contribuer à l’augmentation des accidents du travail et à la menace sur les conditions de travail dans ces secteurs. Cette adaptation permettra également de créer des emplois : certains indices laissent à penser qu’en Europe, au moins 500 000 emplois supplémentaires seront directement ou indirectement créés d’ici 2050 grâce à l’augmentation du nombre d’activités liées à l’adaptation. 

    Face à ces risques, la vulnérabilité des travailleur·se·s est de plus en plus prise en compte dans les plans d’adaptation nationaux (PNACC) et par des organismes comme l’ANSES. Pourtant, il y a encore une méconnaissance des dangers liés aux coups de chaleur et à ses conséquences, à la fois pour les employeur·se·s et les employé·e·s. Ces vulnérabilités posent des questions de justice sociale et de travail décent.

    Face à ces pertes déjà importantes de revenus, des citoyen-nes se tournent vers les tribunaux. En Allemagne en 2019, trois familles d’agriculteurs bio avaient lancé une action en justice, après avoir “perdu plus d’un tiers de leur récolte de millet, la moitié de leur récolte de foin« , une catastrophe pour leurs conditions de vie et leur futur. Les familles demandaient à l’Etat allemand de respecter ses propres objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2020 pour protéger les droits fondamentaux. Le recours a été rejeté par la cour administrative de Berlin, mais des enseignements peuvent en être tirés

    Une autre action en justice, le People’s Climate Case, lancée en 2018, regroupait 10 familles plaignantes d’Europe et du monde, dont plusieurs personnes voyaient leurs conditions de travail se détériorer par les effets déjà visibles du dérèglement climatique, à cause des impacts sur le tourisme, l’agriculture, le secteur forestier. Maurice FeschetAlfredo SendimMaike Recktenwald et d’autres demandaient à l’Union européenne de réhausser son ambition de réduction des émissions de gaz à effet de serre, afin de protéger leurs droits fondamentaux. Leur action n’a malheureusement pas abouti, à cause d’un cruel manque d’accès à la justice en Europe.

    La France est cependant plus épargnée que d’autres pays par les conséquences du dérèglement climatique à l’heure actuelle.Les travailleurs de nombreux autres pays sont – et seront – beaucoup plus touchés notamment du fait des conditions climatiques déjà existantes. Par exemple, au-delà de la chaleur, le taux d’humidité est un facteur important car il joue sur la sudation et donc les mécanismes biologiques de refroidissement du corps humains. Selon des modèles climatiques, une hausse de 2,5°C pourrait exposer plus d’un milliard de personnes à des conditions climatiques non compatibles avec le travail pendant au moins un mois de l’année. Dans une étude publiée en 2016 consacrée aux impacts de la chaleur sur le travail, le Climate Vulnerable Forum indique que les régions les plus touchées seront l’Afrique de l’Ouest et l’Asie du Sud pour lesquelles il est estimé qu’environ 5% des heures travaillées seront perdues en 2030. 

    • Des métiers rendus plus difficiles par l’évolution du climat

     Les travailleurs les plus touchés sont d’ores et déjà les travailleurs les plus pauvres et vulnérables. Ces derniers n’ont pas le choix d’aller travailler malgré les conditions climatiques et ne sont pas protégés par le droit du travail. Ainsi, en 2015, la canicule a tué plus de 1 000 personnes au Pakistan, dont un nombre important de travailleurs précaires. Le dérèglement climatique va accentuer la pression sur ces travailleurs et les inégalités sociales.


    Les métiers agricoles notamment sont rendus plus difficiles par le dérèglement climatique. La sécheresse, tout comme la montée des eaux et les fortes pluies, réduit la production agricole et impacte l’élevage. Or, l’agriculture est le premier pourvoyeur d’emplois à l’échelle de la planète. En plus des pertes de revenus liées aux évolutions climatiques, les conditions de travail se dégradent. Ainsi, les paludiers en Inde font face à une perte d’un quart de leur production par an associée à une perte de qualité (et donc une diminution du prix) du fait des fortes pluies et des tempêtes de sable. En parallèle, ils doivent travailler en plein soleil sous des températures pouvant désormais aller jusqu’à 54°C. 

    • Le renforcement de l’esclavage moderne

    Le dérèglement climatique a un impact sur l’esclavage moderne. En rendant plus vulnérables les populations et en renforçant les inégalités, il facilite l’esclavagisme. Pour Michel Veuthey, “la traite se développe parce qu’il y a vulnérabilité. Aujourd’hui, il faudrait ainsi intégrer l’enjeu du combat contre la traite des personnes dans le cadre plus large de la lutte contre le changement climatique, car en créant des vulnérabilités, le changement climatique fait naître de nouveaux réseaux de traite”. 

    Selon l’Organisation Internationale du Travail, les personnes déjà victimes de discriminations et d’inégalités, notamment les femmes et les filles, sont les principales victimes et 40,3 millions de personnes sont victimes de l’esclavage moderne. 

    Au Cambodge, des personnes chassées de leurs terres par la sécheresse ont vu leurs dettes rachetées par des propriétaires d’usines qui les exploitent en vue d’un remboursement. Les déplacés climatiques – et leurs enfants – se retrouvent emprisonnés dans une servitude pour dette car les sommes qu’ils gagnent en travaillant sont insuffisantes pour rembourser ce qu’ils doivent. En Europe, les risques d’esclavage moderne sont aussi en augmentation, notamment pour les personnes migrantes. Ce fléau risque donc de poursuivre sa croissance avec le développement des migrations liées directement ou indirectement au dérèglement climatique. 

    Amnesty International a participé à la mise en œuvre de la Loi britannique de 2015 sur l’esclavage moderne relative à la transparence des chaînes d’approvisionnement, laquelle oblige les organisations qui mènent des activités au Royaume-Uni, et dont le chiffre d’affaires total est supérieur ou égal à 36 millions de livres sterling, à indiquer quelles mesures elles adoptent pour veiller à ce que les acteurs de leurs chaînes d’approvisionnement mondiales ne se livrent pas à des pratiques d’esclavage moderne.

  • Numéro 11 de la newsletter des affaires climatiques – Droit de propriété et crise climatique

    Chères lectrices, chers lecteurs, 

    Les bénévoles de Notre Affaire à Tous vous livrent un nouveau numéro de la newsletter des affaires climatiques vous offrant un panorama de l’état du droit climatique et environnemental actuel. Le focus de ce 11ème numéro porte sur la confrontation de la protection du droit de propriété avec la crise climatique et de la façon dont sa protection devra être, à l’avenir, repensée. 

    Dans la partie “Affaires climatiques” de la newsletter, vous pourrez découvrir de nouvelles fiches d’arrêt portant sur les dernières affaires en cours dans le monde : la plainte contre Chevron pour greenwashing, la saisine réussie de la CEDH par de jeunes portugais, la mobilisation des jeunes canadiens et, enfin, la toute récente décision de la Cour de La Haye qui a condamné la compagnie pétrolière Shell à réduire ses émissions de gaz à effet de serre.

    Pour ce qui est de la partie “droit de l’environnement” de la lettre, vous y trouverez un trio de décisions intéressant concernant l’application du devoir de vigilance aux actions des compagnies pétrolières ainsi qu’une note sur cette thématique mais, également, les commentaires de la décision du Conseil constitutionnel relative à la définition du préjudice écologique réparable, la personnalité juridique octroyée à la rivière Québécoise Magpie et, enfin, une note sur la décision de la Cour d’Appel de Bordeaux censurant pour excès de pouvoir une décision préfectorale obligeant un citoyen bangladais à quitter le territoire français et dont l’état de santé aurait été aggravé par la pollution atmosphérique dans son pays.

    Nous vous souhaitons une très bonne lecture !

    Focus : Crise climatique et atteintes au droit de propriété

    Les pollutions de l’air, des sols, de l’eau, altèrent profondément nos conditions de vie et chassent progressivement nos espoirs d’un environnement viable et stable, propice à notre survie. Aussi, la protection de l’environnement apparaît-elle nécessaire afin d’assurer, d’une part, notre existence et, d’autre part, la coexistence des êtres humains sur Terre. Surtout, la plénitude d’exercice et de jouissance des droits humains fondamentaux tels le droit à la vie, le droit d’accès à l’eau ou encore le droit au respect de la vie privée et familiale est intimement corrélée au degré de dégâts causés par la domination de l’Homme sur son environnement.

    Parmi ces droits humains fondamentaux figure le droit de propriété. Bien qu’il ne constitue pas un concept unifié en droit international, il n’en demeure pas moins un droit humain consacré et certainement l’un des fondements des rapports sociaux dans nos pays occidentaux libéraux. En outre, la propriété et les droits qui s’y rattachent catalysent un rapport de domination conceptualisé à travers la notion d’anthropocentrisme. Or la crise climatique actuelle, révèle les limites de ce système anthropocentré et renforce l’impérieuse nécessité de repenser nos rapports à notre environnement.

    Dans cet article nous vous proposons de nous interroger autour des axes suivants : Penser la protection de l’environnement comme la « finalité ultime de l’action publique » et non plus comme une variable que l’on ajuste au gré de l’étendue de droits fondamentaux humains, est-il un projet socialement acceptable ? Est-ce à dire qu’il faille définitivement abolir le système libéral d’appropriation et d’aliénation de l’environnement ? Peut-on réellement repenser l’exercice du droit de propriété afin de suffisamment l’adapter aux impératifs environnementaux de notre temps ?

    Affaires climatiques

    Plainte contre Chevron pour greenwashing

    Pour la première fois depuis l’institution des « green guides” de la Federal Trade Commission, une coalition d’ONG a saisi l’autorité de la concurrence afin de dénoncer le manque de cohérence entre la communication du groupe pétrolier Chevron et l’impact de ses opérations sur l’environnement. Les ONG arguent que la stratégie de communication de l’entreprise mise en place dépeint cette dernière comme plus engagée environnementalement et socialement qu’elle ne l’est en réalité, induisant volontairement les consommateurs en erreur.

    Cette plainte est la première à se servir des guides verts de la FTC pour dénoncer des pratiques dites de greenwashing ou écoblanchiment contre un grand groupe fournisseur de combustibles fossiles.

    L’affaire Youth for Climate Justice v. 33 pays

    La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a été saisie par six jeunes portugais en septembre 2020. Ils dénoncent la violation de plusieurs de leurs droits, dont le droit à la vie, causé par le réchauffement climatique. Ils soulignent le lien direct entre le dérèglement climatique et les feux de forêt de plus en plus fréquents dans leur pays. Dans cette affaire, c’est la responsabilité collective de l’Europe face au changement climatique que soulèvent les requérants, ainsi qu’une demande de justice climatique.

    Cette affaire établit pour la première fois  au niveau d’une juridiction internationale le lien direct entre les droits de l’Homme et le climat. De plus, la CEDH accorde une importance particulière à l’affaire en acceptant la priorité de cette plainte au vu de l’urgence soulevée.

    Milieudefensie c/ Shell Tribunal de La Haye – 26 mai 2021

    Suite à une lettre de  mise en demeure envoyée en 2018 et  restée infructeuse , l’association   Milieudefensie (Amis de la Terre Pays-Bas) accompagnée de six autres ONG ont assigné en justice le groupe Shell en 2019.

    Dans sa décision, le juge impose à Shell de réduire ses émissions de gaz à effet de serre directs et indirects (scopes 1, 2 et 3), ce qui comprend les émissions liées aux produits pétroliers et gaziers) de 45% pour 2030 par rapport à 2019, en lien avec la trajectoire 1.5°C. Ce jugement s’applique à l’ensemble du groupe Shell, c’est-à-dire à toutes les filiales du groupe, y compris celles situées à l’étranger .

    Les jeunes canadiens poursuivent leur mobilisation pour la justice climatique

    L’organisme ENvironnement JEUnesse (ou « ENJEU ») poursuit en appel son combat juridique pour la justice climatique. 

    Depuis 2018, ENJEU tente d’entreprendre une action collective au nom du groupe défini comme l’ensemble des « résidents du Québec âgés de 35 ans et moins en date du 26 novembre 2018 ». Le but de cette action est d’obtenir une déclaration judiciaire selon laquelle l’inaction climatique du gouvernement canadien a pour effet de violer les droits fondamentaux des membres du groupe, et de faire condamner le gouvernement à payer une somme de 100 dollars de dommages punitifs par membre du groupe.

    Affaires environnementales

    Conseil constitutionnel décision n°2020-881 QPC du 5 février 2021

    A travers cette décision, le Conseil Constitutionnel donne une définition précise du préjudice écologique réparable. Les sages confirment que les termes « non négligeables » de l’article 1247 du Code civil, sont bien conformes à la Constitution.

     A la suite d’un dégazage de la centrale nucléaire de Golfech dépassant le seuil radioactif autorisé, l’association Réseau Sortir du Nucléaire a porté plainte. La plainte ayant été classée sans suite, l’association a fait citer le 13 octobre 2017, devant le tribunal correctionnel de Montauban, la société EDF pour des contraventions au code de l’environnement. L’association a été déboutée de sa demande par un jugement du 10 janvier 2019. Les parties civiles ont interjeté appel. La Cour d’appel de Toulouse a rejeté le 10 février 2020 leur demande au motif qu’une atteinte environnementale n’était pas démontrée. Les associations se sont pourvues en cassation et ont soulevé une QPC.

    La Cour administrative d’appel de Bordeaux 2ème chambre 18 décembre 2020

    Après un arrêté pris à son encontre quant à son obligation de quitter le territoire français (OQTF) un Bangladais, Sheel, a saisi la justice française à travers un recours pour excès de pouvoir. Celui-ci s’est vu autorisé à rester sur le territoire Français, car la justice a estimé que sa santé était incompatible avec la pollution de l’air de son pays. 

    M. A, de nationalité bangladaise, a déclaré être entré en France le 4 décembre 2011. Il souffre d’une pathologie respiratoire chronique associant un asthme allergique sévère traité quotidiennement, et d’un syndrome d’apnée du sommeil sévère imposant l’utilisation d’un appareil de ventilation électrique lequel nécessite une maintenance et un remplacement fréquent du matériel. En 2020, de façon inédite, la cour a considéré que le requérant ne pouvait être regardé comme pouvant jouir d’un traitement approprié au Bangladesh.

    Milieudefensie , Fidelis Ayoro OGURU, Alali Efanga. v. Shell Petroleum N.V.

    Une filiale du groupe Shell a agi illégalement, en violation de son devoir de vigilance (duty of care), en omettant d’installer un système de détection des fuites (SDF) permettant de détecter rapidement une fuite dans un oléoduc. La société mère est également directement responsable de par son devoir de vigilance face à l’omission de sa filiale.

    En première instance, le tribunal de district de La Haye, dans un jugement du 30 janvier 2013, a rejeté toutes les demandes de MD et al., considérant que l’argument de Shell selon lequel la fuite avait été causée par un sabotage n’avait pas été suffisamment réfuté ; que la réaction de SPDC avait été adéquate en arrêtant effectivement et en remédiant à la fuite dès que possible ; et qu’il n’avait pas été établi que la décontamination ait eu lieu de manière insuffisante.

    Dans un jugement préliminaire du 18 décembre 2015, la Cour d’Appel de la Haye a confirmé la compétence des juridictions des Pays-Bas. La décision de première instance a été infirmée par la Cour d’Appel de La Haye dans un jugement du 29 janvier 2021.

    Hamida Begum Vs. Maran Ltd Cour d’Appel d’Angleterre et du Pays de Galles

    Une compagnie maritime britannique qui vend délibérément un navire à mettre au rebut dans des conditions dangereuses au Bangladesh, peut être poursuivie au Royaume-Uni, en application de son devoir de vigilance, pour la mort d’un ouvrier sur le chantier.

    M. Khalil Mollah est décédé des suites d’une chute le 30 mars 2018 alors qu’il travaillait au démantèlement d’un pétrolier de 300 000 tonnes, le EKTA, dans le chantier naval Zuma Enterprise à Chattogram, au Bangladesh. 

    EKTA, anciennement Maran Centaurus, était détenu et géré par des sociétés appartenant au groupe Angelicoussis Shipping Group, qui comprenait Maran (UK) Limited. Lors d’une transaction en août 2017 d’une valeur de plus de 16 millions de dollars US, Maran Centaurus a été vendu à Hsejar dans le but de le faire démanteler. Peu de temps après, le pétrolier a été échoué délibérément selon une pratique courante, sur une bande sableuse de Chattogram, au Bangladesh, afin d’être démantelé.

    Québec : la rivière Magpie se voit octroyer la personnalité juridique

    Par résolution du 16 février 2021, le conseil d’une municipalité régionale de la Côte-Nord du Québec a octroyé la personnalité juridique à une grande rivière sauvage, la Magpie. 

    Cette résolution, adoptée avec l’accord de la communauté autochtone dont le territoire ancestral est traversé par la rivière, vise à protéger le cours d’eau des menaces environnementales, notamment celles liées au développement des projets hydro-électriques. 

    Le procès-verbal de la résolution insiste sur l’urgence de protéger la rivière en tant que milieu de vie et dresse la liste de ses droits fondamentaux, dont ceux d’exister, d’être à l’abri de la pollution, de maintenir sa biodiversité, et d’ester en justice. Pour l’exercice de ces droits, la municipalité a prévu que la rivière serait représentée par des « gardiens » chargés de veiller à la défense de ses droits et intérêts.

    Devoir de vigilance : 3 arrêts importants au premier trimestre 2021

    En ce début d’année 2021, trois arrêts importants en Europe traitent de la question éminemment actuelle de la responsabilité des sociétés multinationales face aux actions ou omissions de leurs filiales à l’étranger. Ce devoir de vigilance, dont la définition et la portée ont été développées par la Cour Suprême britannique dans l’arrêt Vedanta de 2019, est un des piliers de la lutte contre les atteintes à l’environnement et aux droits humains. 

    C’est par le biais de la question de compétence des juridictions des pays d’immatriculation de ces sociétés multinationales, que les Cours ont été invitées à se prononcer sur la recevabilité des demandes des plaignants, victimes de préjudices dues à des atteintes graves à l’environnement et aux droits humains causées par les activités de filiales de multinationales.

    Nos chroniques pour Lexradio

    Nous vous invitons également à écouter deux chroniques enregistrées par Notre Affaire à Tous pour Lexradio sur le droit de l’environnement !

    Dans la première chronique, nous revenons sur l’historique de l’affaire Urgenda aux Pays-Bas. La seconde chronique se concentre sur L’Affaire du Siècle, l’action en justice contre l’inaction climatique de l’Etat français !

    L’ambition de cette newsletter ? Donner les moyens à toutes et tous de comprendre les enjeux de telles actions en justice face à l’urgence climatique ! Abonnez-vous pour recevoir, chaque mois, les actualités et informations sur ces affaires qui font avancer, partout dans le monde, nos droits et ceux de la nature face aux dégradations environnementales et climatiques : le combat qui se joue dans les tribunaux est bien celui de la défense des pollués face aux pollueurs, nouvel enjeu du XXIe siècle.

  • CP / Condamnation de Shell aux Pays-Bas : un tournant majeur vers la responsabilité des multinationales en matière climatique

    Communiqué de presse – Mercredi 26 mai 2021

    Aujourd’hui, 6 ans après avoir condamné l’Etat néerlandais pour inaction climatique dans Urgenda, la Cour de district de la Haye applique sa jurisprudence climatique à Shell, une des plus grandes multinationales pétrolières au monde. Shell doit réduire ses gaz à effet de serre, a minima de 45% en 2030 par rapport à 2019 afin de limiter le réchauffement à 1.5°C. Ce jugement historique est une étape déterminante dans la reconnaissance de la responsabilité climatique des entreprises, qui inspirera le juge français lorsqu’il devra se prononcer sur le fond de l’affaire qui oppose de nombreuses ONG (Notre Affaire à Tous, Sherpa, ZEA, FNE, les EcoMaires) et 15 collectivités territoriales à Total.

    Après avoir démontré que les activités du groupe pétrolier sont émettrices de CO2 et ont donc un impact sur les droits humains, le juge néerlandais a ordonné à Shell de cesser ses activités les plus polluantes et de respecter une trajectoire de décarbonation !

    Plus précisément, le juge impose à Shell de réduire ses émissions de gaz à effet de serre directs et indirects (scopes 1, 2 et 3), ce qui comprend les émissions liées aux produits pétroliers et gaziers) de 45% pour 2030 par rapport à 2019, en lien avec la trajectoire 1.5°C. Ce jugement s’applique à l’ensemble du groupe Shell, c’est-à-dire à toutes les filiales du groupe, y compris celles situées à l’étranger. Les juges néerlandais préparent ainsi la voie de la neutralité carbone pour 2050, signifiant l’élimination des gaz à effet de serre à cette date. 

    Le retentissement de cette décision est immense et pourrait influencer le droit privé et des entreprises dans de nombreux pays, en particulier en France, où un litige similaire est en cours contre Total pour qu’il lui soit également ordonné de prendre les mesures nécessaires afin de réduire drastiquement ses émissions de gaz à effet de serre en conformité avec l’objectif de l’Accord de Paris de limiter le réchauffement climatique nettement en deçà de 1,5°c. 

    Pour Paul Mougeolle, de Notre Affaire à Tous :“Ce jugement historique sonne officiellement le glas des hydrocarbures pour Shell, et probablement pour toutes les grandes entreprises des énergies fossiles, dont Total. Les entreprises ne doivent plus attendre, elles doivent impérativement agir maintenant pour limiter le réchauffement à 1.5°C ! Si les entreprises n’en prennent pas acte, nous multiplierons les moyens judiciaires pour faire reconnaître cette décision en France.”

    Pour Sébastien Mabile et François de Cambiaire, de Seattle Avocats, en charge du contentieux Villes et ONG c. Total : “A l’instar de la précédente décision Urgenda ayant inspiré la condamnation de l’Etat français dans l’Affaire du Siècle, le juge néerlandais ouvre de nouveaux la voie sur le terrain de la responsabilité climatique des multinationales pétrolières. Cette décision est une victoire majeure en ce qu’elle impose à Shell une obligation de résultat pour réduire immédiatement ses émissions de GES et s’aligner avec une trajectoire de réduction des émissions conforme à l’Accord de Paris. Un tel jugement aura des répercussions sur notre affaire devant les tribunaux français, puisqu’elle repose sur le fondement juridique comparable au devoir de vigilance et valide les demandes similaires formées à l’encontre de Total, notamment l’intégration dans les objectifs de réduction des “émissions indirectes” dites du scope 3 relatives à l’utilisation de ses produits par ses clients.”

    Contacts presse

    • Paul Mougeolle, Notre Affaire à Tous : +49 1575 7056166
    • Sébastien Mabile, Seattle avocats : +33 6 62 65 35 19

    Rappel de l’affaire Shell aux Pays-Bas

    En 2018, l’ONG Milieudefensie (Les Amis de la Terre Pays-Bas) a envoyé une lettre à Shell lui rappelant sa responsabilité en matière climatique. L’association y démontrait que le comportement de Shell est illégal depuis 2007, année où le groupe abandonna le développement et le déploiement des énergies renouvelables pour motifs économiques. Les connaissances scientifiques étaient suffisamment précises selon l’association pour reconnaître la nécessité de poursuivre la transition énergétique. A la suite du rejet de sa mise en demeure, l’association a assigné Shell en justice en 2019.

    Rappel de l’affaire Total en France

    En octobre 2018, un collectif d’associations et de collectivités a interpellé le géant pétrolier français Total, en s’appuyant sur la loi relative au devoir de vigilance, un concept juridique très proche du fondement juridique néerlandais (duty of care). Le collectif s’appuie également sur les résultats du nouveau rapport du GIEC, qui démontre la nécessité de limiter le réchauffement à 1,5°C. Suite à cette interpellation, le collectif a assigné Total en justice en janvier 2020, et en 2021, le groupe pétrolier a subi sa première défaite en justice lorsque le juge civil a déclaré que celui-ci est bien compétent pour trancher ce litige. Total a fait appel de la décision. Une décision sur le fond de l’affaire pourrait être rendue l’année prochaine (2022).

  • Protéger la biodiversité pour lutter contre les dérèglements climatiques

    Depuis son origine, Notre Affaire à Tous ancre son combat pour l’instauration d’une justice climatique dans celui de la lutte pour la protection de la Nature et du Vivant.

    La crise climatique est aussi une crise de la biodiversité

    Parmi les principales forces derrière l’effondrement de la biodiversité, on retrouve de nombreuses activités et acteurs qui sont également à l’origine des dérèglements climatiques (agriculture intensive, artificialisation des terres et urbanisation, pollution) mais également le changement climatique lui-même, qui est la 3ème cause directe du déclin de la biodiversité.

    Si les dérèglements climatiques mettent en danger la biodiversité, l’inverse est également vrai. La déforestation par exemple, qui met en péril la survie de nombreuses espèces, représente également 12% des émissions de gaz à effet de serre et constitue une perte d’inestimables puits de carbone permettant de rééquilibrer la concentration de GES dans l’atmosphère. Ces deux crises se rétro-alimentent – que cela soit de manière négative … ou positive !

    Affirmer l’inextricable lien entre les sociétés humaines et la Nature

    Préserver et restaurer la diversité biologique du vivant sous toutes ses formes, c’est garantir un filet de sécurité formidable à l’environnement et à nos sociétés humaines pour atténuer, s’adapter et inverser certains effets de la crise climatique que l’Humain a déclenché.

    Pour cela, il nous faut reconnaître la valeur intrinsèque du Vivant dans toute sa diversité, l’interdépendance entre droits humains et droits de la nature, et plus généralement oser réinventer notre relation à la Nature, dans nos perceptions et dans le droit.

    COMMENT ?

    Notre Affaire à Tous accompagne les collectifs, citoyens et citoyennes dans leur lutte contre les projets polluants et imposés qui menacent la biodiversité locale près de chez eux. Nous sommes ainsi mobilisés contre le projet de 20 000m2 de serre tropicale Tropicalia dans le Nord pas de Calais qui menace la biodiversité locale et les terres agricoles, ou encore contre le projet de travaux de bétonnage et d’aménagement industriel sur le site naturel du Carnet, qui représente un réservoir de biodiversité et une zone préservée dans l’estuaire de la Loire.
    Retrouvez tous nos recours locaux en cours.

    Notre Affaire à Tous cherche à établir, y compris devant les tribunaux, la responsabilité des multinationales françaises en matière de climat et de déforestation, afin de remédier au vide juridique concernant la non-application de l’Accord de Paris aux entreprises. Récemment, avec une coalition d’associations et d’organisations représentatives des peuples autochtones de Colombie et du Brésil, nous avons assigné en justice le groupe Casino pour qu’il lui soit ordonné de prendre les mesures nécessaires pour exclure le bœuf issu de la déforestation et l’accaparement de territoires autochtones de sa chaîne d’approvisionnement au Brésil et en Colombie.
    Pour tout savoir de notre action en justice contre Casino.

    Notre Affaire à Tous, au sein du collectif Notre Constitution Écologique, se mobilise depuis 2018 pour voir aboutir une réforme constitutionnelle à la hauteur des enjeux écologiques et climatiques. Nous soutenons la proposition de la Convention Citoyenne pour le Climat de modification de l’article 1er de la Constitution, pour y intégrer notamment la garantie de la préservation de la biodiversité.  
    Pour découvrir les enjeux de la réforme.

    Notre Affaire à Tous œuvre pour un droit de l’environnement adapté aux limites planétaires qui soit réellement dissuasif et protecteur de la biodiversité, notamment grâce à la reconnaissance des droits de la Nature et du crime d’écocide.
    Pour en savoir plus.

  • CP/ Environnement dans la Constitution : le Sénat empêche toute réforme ambitieuse et fait échec au référendum

    Communiqué de presse, mardi 18 mai 2021

    En expédiant le vote du projet de loi constitutionnelle, débattu en à peine une demi-journée lundi 10 mai, le Sénat enterre toute possibilité de réforme ambitieuse de la Constitution pour y intégrer la garantie de préservation de la biodiversité, de l’environnement et la lutte contre le dérèglement climatique. 

    Voté 212 voix pour et 124 contre, la majorité sénatoriale de droite et centriste a retenu, bien loin de la version proposée par la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC) et adoptée par les député.e.s, l’amendement proposé par la commission des lois, à savoir : « La République préserve [au lieu de “garantit”] l’environnement ainsi que la diversité biologique et agit [au lieu de “lutte”] contre le dérèglement climatique, dans les conditions prévues par la Charte de l’environnement de 2004« .

    Des arguments loins d’être à la hauteur du défi et des engagements climatiques de la France

    S’opposant à toute responsabilité renforcée de l’Etat dans la lutte climatique, et soulignant le soi-disant danger de voir la préservation de l’environnement primer sur les libertés et droits fondamentaux, les sénateurs et sénatrices ont fait valoir des arguments contradictoires et souvent contredits par l’avis du Conseil d’Etat lui-même, pourtant cité à de nombreuses reprises comme étant à la base de leur rejet d’un projet de réforme constitutionnelle ambitieux. 

    En effet, concernant le maintien ou non du terme « garantit », qui était pourtant clé dans l’ambition de ce texte, les arguments des sénateur.rices de la majorité ne tiennent pas. Alors qu’à les entendre, ce terme n’aurait pas sa place dans la Constitution car en résulterait une obligation directe de résultats, la sénatrice Nicole Bonnefoy se permet de rectifier en ouverture des débats « le verbe garantir est déjà formulé dans la Constitution […] sans qu’on puisse y déceler une application directe ». En effet, on le trouve à plusieurs reprises dans la Constitution de 1958, notamment sur la garantie de l’égalité entre les sexes, l’expression pluraliste des opinions, l’égal accès à l’instruction, à la fonction publique etc..

    Le collectif Notre Constitution Écologique ne peut que dénoncer ce vote, pris en otage des intérêts économiques et financiers des grandes entreprises et des manœuvres politiciennes, qui aboutit à un texte qui, de l’aveu même de la commission des lois, ne serait que symbolique mais ne produira aucun effet juridique nouveau.

    Les enjeux climatiques et environnementaux ne peuvent plus se satisfaire de mesures symboliques

    S’il reste difficile de prédire l’avenir de la réforme constitutionnelle, lancée dès 2017 et reportée à de nombreuses reprises, l’apport de ce projet de loi constitutionnelle risque d’être plus que limité. Une réforme constitutionnelle uniquement symbolique serait un nouvel échec qui viendrait s’ajouter au triste bilan des parlementaires et de l’exécutif en matière de préservation de l’environnement. Nous pensons notamment au projet de loi “Climat et résilience”, lui aussi vidé de ses ambitions une fois dans les mains des député.es et qui poursuit son examen au Sénat, mais également aux nombreuses autres promesses irréalisables ou non tenues par l’exécutif.

    Si le référendum semble enterré, une autre option a été évoquée par le président de la République : réunir le Parlement en Congrès et faire adopter le texte par un vote aux trois cinquièmes. Néanmoins, cette option suppose également que le Sénat et l’Assemblée nationale s’accordent sur un texte identique, ce qui n’est aujourd’hui pas le cas . 

    Contacts presse :

    Anne-Sophie Lahaye, 06.72.69.66.18, anne-sophie.lahaye@protonmail.com 

    Judith Lachnitt, 06.64.93.62.33, judith.lachnitt@sciencespo-lyon.fr 

    Marine Yzquierdo, 06 50 27 05 78, marine.yzquierdo@notreaffaireatous.org

    Pauline Simon, 06 59 37 82 81, presse@noe.org

  • La cosmovision andine comme fondement philosophique des droits de la nature

    Par Ilona Suran, membre de Notre Affaire à Tous

    Les droits de la Nature se construisent sur une pensée et croyance indigène qui épouse la vie, et reconnaît, en ce sens, l’interdépendance omniprésente qui lie toutes les entités naturelles entre elles, dont l’humain fait partie. Nous sommes les expressions complémentaires d’un même être vivant, collectif et cyclique, Pachamama.

    LA PERTE DE NOS RACINES AU TRAVERS D’UNE CULTURE OCCIDENTALE DESTRUCTRICE

    L’Occident se positionne aujourd’hui comme grand garant de la pensée hédoniste, individualiste et utilitariste, et se préoccupe avant tout d’un consumérisme à outrance (1). Il semble délaisser dans une certaine mesure l’importance du lien social, du bien-être humain, de la solidarité, de l’amour et de l’entraide et rejette toute idée d’interdépendance que l’humain pourrait entretenir avec la Nature. L’anthropocentrisme affiché de nos sociétés voit alors l’Homme comme unique sujet moral, seul porteur d’une dignité et de valeur intrinsèque. Il est l’agent central qui régule actions, valeurs et modèles éthiques. Cette vision dualiste dissocie l’humain détenteur d’un esprit, du reste du monde, une somme d’objets « inertes ». Cela se renforce lorsque l’on tend l’oreille aux propos de Descartes et d’Aristote, qui entendaient l’Homme comme l’unique détenteur de la raison, le rendant souverain et la mesure de toutes choses (2). Il est au cœur des préoccupations. À cet égard, François Ost relaie parfaitement cette pensée cartésienne (3) et le fait que la modernité occidentale « a transformé la nature en « environnement » : simple décor au centre duquel trône l’homme qui s’autoproclame « maître et possesseur » »

    La culture occidentale pense la terre telle une chose, un bien, que l’on peut dominer, soumettre, exploiter, en méprisant relativement toute souffrance animale et végétale. Et c’est en proclamant l’Homme grand souverain du monde Vivant, que nous nous sommes perdus, éloignés de nos racines. Nous avons oublié que la Nature n’était pas une simple ressource monnayable, mais bien la matrice de toute vie – dont humaine. C’est cet écosystème Terre qui nous berce, nous alimente, nous abrite et nous maintient en vie. Et pourtant, nous sommes en guerre perpétuelle contre la vie, à coups d’insatisfactions permanentes, d’appétits mercantiles, et de méprises humaines. Le capital et la logique du profit ont pris le pas sur tout autre objectif sociétal, menaçant toujours plus les ressources naturelles limitées, la diversité biologique, les écosystèmes et les paysages. Le système capitalo-libéral est en plein processus de destruction des conditions biophysiques de l’existence (4). La pollution fait rage, tandis que le climat s’emballe et la biodiversité crie famine. Balayée d’un revers entaché d’instrumentalisme, la Nature n’est plus, elle est dénaturée de sa substance ; elle n’est plus tant une source de significations métaphysiques grâce à laquelle comprendre, sentir, symboliser esthétiquement et spirituellement, qu’une ressource à exploiter, une « ressource naturelle », violée et désabusée. 

    Alors, le modèle de société dans lequel nous sommes inscrits doit être absolument questionné ; la manière dont il évolue et dont il fonctionne ne cesse d’alimenter les inégalités sociales et les destructions environnementales, mettant largement en péril les conditions d’existence sur Terre. Nous devons à tout prix rompre avec cette vision cartésienne et scientiste du monde, repenser les fondements théoriques des sociétés modernes, et nous ouvrir à ces cultures qui pensent la Vie d’une manière toute autre.  

    LA COSMOVISION ANDINE, EN HARMONIE AVEC LE VIVANT

    Maints peuples à travers le monde sont aux antipodes de cette dérive anthropocentrique, et portent un regard davantage holistique sur la vie et profondément respectueux des équilibres écologiques. La vision d’un monde en harmonie où l’Homme est en fait une composante de la biosphère au sein de laquelle tout organisme vivant évolue. En réalité, à l’image des cosmovisions des peuples autochtones andins, la Nature n’est plus un environnement extérieur à l’humain, elle est l’humain, et l’Homme est Nature (5). Une approche biocentrique qui détrône l’Homme de son piédestal, et l’enracine à son origine.    

    Dans un souci de clarté, la sémantique de certains termes relatifs au cosmos doit d’abord être brièvement étudiée. Alors que la cosmologie s’entend par la science des lois générales qui gouvernent l’Univers, cet « ensemble plus ou moins cohérent de représentations portant sur la forme, le contenu et la dynamique de l’Univers : ses propriétés spatiales et temporelles, les types d’être qui s’y trouvent, les principes et puissances qui rendent compte de son origine et de leur devenir » (6). La cosmogonie quant à elle, fondée sur l’oralité et la mémoire, relève d’histoires sacrées, contées pour expliquer la genèse du monde et de l’humanité, elle repose fondamentalement sur des mythes liant croyances et réalités, légitimant les pratiques sociales et justifiant l’ordre du monde et le lien social (7). Dans sa continuité, presque sororale, la cosmovision vient s’affirmer comme une perception de l’Univers, un ensemble de croyances permettant d’analyser et de reconnaître la réalité à partir de l’existence même. Elle est une vérité du monde et du cosmos pensée par une personne, une société ou une culture à une époque donnée, réunissant en soi tous les aspects de la vie, la religion, la politique, la philosophie, la morale, les mœurs et coutumes.

    Ainsi, la cosmovision andine s’adosse à des milliers d’années de culture, de croyances, de conquêtes et de civilisations ; elle est un métissage andin s’étendant de la Colombie au Chili, en passant par l’Équateur, le Pérou, la Bolivie et l’Argentine. Malgré cette disparité ethnico-culturelle des civilisations précolombiennes (8), la culture andine tient en beaucoup à celle péruvienne de par le rôle que joueront certains peuples et empires péruviens tout au long de l’histoire. Les peuples originaires quechuas ont alors matérialisé il y a 5000 ans, une manière d’interpréter le monde et de le percevoir, d’abord au sein de la Civilisation de Caral, puis, jusqu’aux Incas, qui survécurent jusqu’alors.

    Ce dernier Empire Inca fonde son origine sur certaines légendes dont l’une d’entre elles conte la naissance de deux enfants, Manco Capac et sa sœur-épouse Mama Occlo. Fruits de l’union entre le Père-Soleil, Taita Inti, et la Terre-Mère, Pachamama, ils auraient pour mission de trouver une terre afin d’y bâtir une nouvelle civilisation. Alors s’il a été relativement éphémère (1450-1532) (9), cet Empire a pourtant été le plus vaste de l’Amérique précolombienne. À son apogée, il s’étend le long de la Cordillère des Andes, perché à plus de 2000 m d’altitude au dessus du niveau de la mer, de l’Equateur au Chili, dont Cuzco au Pérou en est la grande capitale, « le nombril du monde ». Cette dynastie disparaît en 1532 vaincu par une troupe d’à peine 200 espagnols, guidés par Francisco Pizzaro, qui profita des mésententes familiales liées aux successions et de la fragilité du peuple, pour tromper l’empereur Atahualpa, et commettre des actes ignobles afin de réduire à néant la civilisation. Malgré la disparition du dernier empereur officiel Inca, les croyances et coutumes se sont perpétuées au fil des siècles, renforçant toujours plus cette vision andine du monde et le soin qu’elle entend porter à la Nature, au Cosmos en vie, et à la relation sacrée qui lie l’être humain et la Terre Mère. Il doit être pourtant mentionné qu’au vu de la colonisation qui s’exécuta dès le XVIe siècle, et dont le grand chelem revenait à évangéliser en masse et soumettre à la guise, les croyances animistes (10) andines et indigènes, si elles ne se sont point éteintes, se sont pratiquées de manière relativement silencieuse. Le rituel millénaire alloué pour la Pachamama, qui d’une manière plus occidentale, peut être apparentée à Gaïa (11), même si elle reste une entité plus complexe et profonde, est l’un des seuls paradigmes archaïques précolombiens qui survécut à l’évangélisation. De ce fait, il est commun de rencontrer ce métissage et cette mosaïque ethnologique au sein de cérémonies pour la Pachamama, où la vierge Marie lui est apparentée, elle est essence d’un tout, elle donne la vie.

    En tant qu’interprétation d’un tout, la cosmovision andine est un point de convergence entre les croyances religieuses et sociales, elle prône ce lien sacré qui lie l’être humain et le cosmos, le ciel et la terre. Le Cosmos est vivant et tout y est entrelacé, chaque entité qui le compose. Elle admet que tout prend forme dans ce qu’elle nomme le Illa Teqsi, « Lumière éternelle ; Fondement de Lumière », qui est alors l’énergie par laquelle s’est formé l’Univers, la substance primaire qui l’anime, cette matrice qui lui donne forme et mouvement. Cette énergie omniprésente et positive, qui s’exprime au travers de chaque être, et nous lie, nous humains, à la Terre Mère, la Pachamama, circule sans cesse au sein de la Nature, considérée comme un tout. Une éthique de vie entière que pourrait endosser ce terme salvateur que représente Pachamama. Il est commun de retrouver Pachamama traduite et symbolisée par la Nature, or cela revient à commettre une erreur (12) en ce que le terme « Nature » n’existe nullement au sein des communautés indigènes, il est une construction occidentale vêtue afin de différencier l’être humain du reste sauvage (13). Réduire l’éthique et la pensée Pachamama à cette simple connotation de Nature est un raccourci de mauvais goût qui méconnaît les savoirs des peuples indigènes. 

    Pachamama tient à une variété de significations, elle est une notion complexe. Elle n’est point le résultat d’élaborations scientifiques, mais la manifestation du savoir de la culture ancestrale, fruit d’une coexistence des peuples avec le Vivant. Divinité aux racines andines, elle représente l’ensemble des entités humaines et non-humaines, de l’humain, aux animaux; des végétaux, aux rivières, océans jusqu’aux roches et aux étoiles (14). Elle est la Déesse-Mère. « Pacha » est à la fois la terre, la nature, la planète, l’espace de vie, le temps, l’univers, le monde, le cosmos, et bien encore. Ces différents aspects se complètent ; elle est « Espace-temps » et elle est « Univers ». Pacha est le Tout, elle est le Grand Esprit : « Pacha et son esprit ne font qu’un, bien que nous participons tous de son esprit » (15). Tandis que « Mama » est bien entendu la mère, utérus de la vie, qui berce et protège les êtres qu’elle enfante, l’entièreté du Vivant. Pachamama est une véritable intelligence universelle, divine et mystique, elle rythme les croyances spirituelles des peuples ancestraux, qui lui allouent une véritable dévotion estimant ce sacré, cette force divine qu’elle incarne. La culture ancestrale s’organise autour de rites et cultes pour cette entité féminine, entendue dans sa dimension culturelle comme la Terre-Mère, sans pour autant y consacrer un édifice spirituel particulier, car elle est son propre temple, la Nature (16). Une entité reconnue par tous les peuples d’Amérique du sud, qui lui rendent hommage pour la Vie qu’elle porte, la considérant comme « une réalité vivante, une part de leur propre nature humaine, avec laquelle ils maintiennent des échanges et des réciprocités, mais aussi des reconnaissances et identifications mutuelles » (17). Cette conception du macrocosme chez les Incas est sans cesse articulée autour d’une dualité, d’une recherche de l’harmonie des opposés, ce qui revient à accepter l’essence même de l’Univers (18). Autant que la cosmogonie inca incarne l’énergie féminine de Pachamama, elle reconnaît également l’existence d’une force masculine, Pachataita, le Papa Ciel, qui à deux forment cette féconde dualité andine. 

     De même, la sensibilité andine entend que tout élément constitutif du Cosmos est entrelacé, que chaque être est pourvu d’un esprit, qu’il s’agisse de montagnes, de rivières, d’arbres, de plantes, ou même de roches. Elle entend le monde comme une collectivité naturelle regroupant des communautés vivantes, diverses et variables, qui toutes, de par ce lien qui les uni, représentent à la fois leur valeur intrinsèque mais aussi le Tout. En réalité, cela revient à dire qu’en chaque entité, le micro et le macro-cosmos se lient. Par la compréhension de notre for intérieur, de notre propre corps, il nous est alors possible d’entendre l’Univers tout entier ; les Lois de la Nature, ces lois biologiques, sont identiques, peu importe les naissances et les conceptions du Vivant. En ce sens, et afin de bien intégrer les enjeux d’une telle perception du Cosmos, il doit être mentionné cette façon bien particulière qu’a la cosmovision andine de conceptualiser le temps. Il faut alors comprendre que la notion du temps pour ces peuples ancestraux est bien loin de celle occidentale qui se veut rationnelle et qui paradoxalement désire sans modération et à toute allure ; où chaque perturbation vient détrôner l’équilibre d’un écosystème tout entier, perturbant le bien-être de ses composantes. 

    La temporalité indigène se rapproche bien plus de celle de la Nature et de ses processus naturels et biologiques, où l’appréciation du temps est toute autre. La cosmovision andine reconnaît alors trois espaces dynamiques et complémentaires qui s’articulent pour former le Cosmos, trois Pachas, Hanan Pacha, Kay Pacha et Uku Pacha. De premier abord, il n’est pas simple d’en cerner le sens. Il est cependant possible d’entendre Uku Pacha comme le temps passé, celui qui a été, ce monde qui n’est plus, mais qui continue pour autant à exister d’une certaine manière ; il est le monde souterrain, celui des morts et des âmes passées, la racine qui soutient un tout, les profondeurs de la terre, mais aussi berceau des semences qui renaîtront, représenté par un serpent. Le Kay Pacha, le royaume humain, de l’immédiat, l’ici et maintenant, où rien n’est statique, et tout est en perpétuel mouvement au gré du temps (19), où tout se matérialise, se voit, se sent et se perçoit, ce qui captive notre conscience. Il est un pont entre la sphère passée et celle à venir, une oscillation éternelle du temps qui entretient cette interrelation cyclique avec les deux Pachas, incarné par une panthère. Hanan Pacha, le royaume supérieur, le monde des cieux, où vivent comme êtres animés, rivières, pierres, arbres et animaux, où interagissent les phénomènes naturels et les dieux andins, symbolisé par un condor. Lié au monde spirituel, il représente ce qui est à venir. L’articulation de ces trois niveaux forment le cosmos, où le micro et le macro-cosmos entretiennent une intime correspondance.

    L’ÉTHIQUE DE VIE DU BUEN VIVIR

    Un concept clé s’attache à cette philosophie autochtone, celui du Buen Vivir, qui désigne le paradigme indigène de vie en harmonie entre les êtres humains et la Nature. Il suppose une vision holistique et intégrée de l’être humain, immergé dans la grande communauté terrestre qui inclut à la fois, l’eau, l’air et le sol, les montagnes, les arbres et les animaux. Il s’agit en réalité d’une véritable relation symbiotique harmonieuse, c’est l’affirmation d’une profonde communion avec cette divinité reconnue et priée, Pachamama, avec toutes les énergies de l’Univers et avec Dieu. Le Buen Vivir ou Sumak kawsay en quechua, est ce que l’on peut appeler une culture de vie, qui pense des nouvelles formes d’organisation et de développement entre les personnes, d’interaction avec le Vivant et de compréhension du monde et de ses relations métaphysiques. Alors l’invocation de Pachamama est naturellement accompagnée de l’exigence de respect à son égard, qui se traduit dans cette norme éthique fondamentale du Sumak kawsay. Et comme le Préambule de la Constitution équatorienne de 2008 le reprend c’est « en célébrant la nature, la Pachamama, dont nous faisons parti et qui est vitale pour notre existence… [que nous décidons de construire] une nouvelle forme de coexistence citoyenne, en diversité et en harmonie avec la nature pour bien-vivre (ou vivre pleinement), le Sumak kawsay » (20). Bien entendu, cette éthique de vie est une construction philosophique portée par de nombreux peuples indigènes, qui ne se borne pas qu’au peuple Inca du Pérou ; ce sont toutes les communautés indigènes andines et d’Amazonie qui représentent cette alternative au développement (21). Ce sont ces peuples traditionnellement marginalisés qui questionnent cette éthique du « vivre meilleur » dans la mesure où le progrès illimité et la mise en compétition des individus induisent des fractures et des inégalités sociales sans précédent, et une destruction meurtrière de notre maison commune, la Terre. Il n’est pas une négation du monde moderne occidental, mais une invitation au dialogue permanent et constructif des savoirs, connaissances et sagesses ancestraux avec la pensée universelle moderne, dans un but de décolonisation continue de la société. Cette éthique pense l’harmonie entre l’ensemble des individus de l’écosystème planétaire, et plus particulièrement entre le monde humain et la sphère dite non-humaine. Une représentation particulière de la vie et de la manière pour nous d’y interagir, qui suppose un régime fondé sur la solidarité et non plus sur un modèle de libre concurrence qui anime un certain cannibalisme économique entre les êtres humains. L’aspiration à une économie sociale et solidaire qui permette une reconnaissance égalitaire et inclusive des différentes formes de travail et de production. Le Buen Vivir se heurte au système d’accumulation capitaliste global qui suce les matières premières – c’est-à-dire la Nature – causant de graves dommages environnementaux, comme entretenant une structure d’exploitation de la main d’œuvre humaine, en contradiction avec de bonnes conditions de travail. Alors s’élève ce paradigme de changement du monde et de ses règles pour construire une société démocratique plus soutenable, juste, égalitaire, libre et certainement, plus humaine. 

    L’APPLICATION D’UNE PHILOSOPHIE DE VIE ANCESTRALE AUX THÉORIES MODERNES DU DROIT

    Cette doctrine de vie s’immisce de plus en plus au sein des sociétés occidentales, jusqu’à en pénétrer les fondements de son droit. Elle est un enseignement clé des droits de la Nature (22) et un garde-fou essentiel au maintien des bonnes conditions de vie sur Terre. Les sociétés indigènes nous rappellent ce devoir de reconnexion à la terre, à nos lois biologiques délaissées, elles nous interpellent pour un retour profond à la solidarité et à la résilience. Une éthique de vie qui rompt intégralement avec le constitutionnalisme libéral anthropocentrique où l’humain est au cœur des préoccupations. Elle propose un véritable changement de civilisation. C’est d’elle que naît cette volonté d’accorder des droits à l’écosystème Terre et à la communauté du Vivant comme fondement d’une culture de respect profond de la vie, de ses composantes et de ses cycles naturels. Il est essentiel de reconnaître la valeur intrinsèque de chaque entité naturelle, comme l’interdépendance de chacune d’entre elles – humains, végétaux, animaux, minéraux, micro-organismes – afin de consolider le bien-être de l’humanité, de la grande communauté de la vie et des générations futures (23). Le maintien de bonnes conditions d’existence sur Terre en dépend. Alors, le droit invite au voyage pour considérer cette relation affectueuse et viscérale que les communautés indigènes maintiennent avec l’écosystème planétaire, l’appréhendant telle la Terre-Mère, Pachamama, en percevant la nécessité de restaurer sa santé et les écosystèmes qui la composent, de manière holistique et intégrée, de façon systémique (24). 

    Pachamama, au sein de laquelle se produit et se réalise la vie, a donc le droit au respect intégral de son existence et au maintien et à la régénération de ses cycles vitaux, de sa structure, de ses fonctions et de ses processus évolutifs. L’estime qui lui est portée passe par la philosophie du Buen Vivir qui se positionne dans la mouvance des droits de la Nature, en ce qu’il prône le respect et l’harmonie avec le Vivant, lui reconnaissant une véritable valeur intrinsèque. Les droits humains, comme les droits de la Terre-Mère sont alors des faces complémentaires de cette philosophie du Bien-Vivre, une solution au dilemme actuel de l’Humanité. Face aux menaces qui pèsent sur les équilibres écologiques et sur l’habitabilité de la Terre, nous devons repenser d’urgence les fondements juridiques de nos sociétés de manière éco voire biocentrée (25) et accompagner l’émergence d’un mouvement de déplacement du droit de l’environnement vers un droit écologique. 

    Le droit environnemental qui entend protéger l’environnement sous l’égide d’une vision anthropocentrée, se confronte au droit écologique qui appréhende la science juridique telle un instrument permettant de protéger les écosystèmes pour eux-mêmes, dont l’Homme n’en serait plus le coeur, mais l’une de ses composantes, au même titre que le reste des entités naturelles. Il paraît nécessaire d’admettre comme nouvelle valeur pivot, la valeur intrinsèque du Vivant, dont le droit d’une manière générale doit pouvoir s’universaliser autour de cette notion et reconnaître comme sujet ultime de droit, la biosphère. Le paradigme juridique des droits de la Nature appréhende alors la Terre comme la source des lois naturelles qui régissent la vie, où l’être humain n’est ni créateur, ni acteur principal, mais une entité comme les autres. Tout ce qui vient de la Création (26), tous les êtres qui ont une vie ne sont plus de simples objets, ils sont de véritables sujets, et peuvent être dotés d’une personnalité juridique. Un nouveau modèle se dessine et pense la reconnaissance de droits aux écosystèmes et à la biocénose, où chaque entité de la biosphère a une valeur propre en ce qu’elle joue un rôle dans le fonctionnement et la régénération des écosystèmes et de ses cycles. 

    Alors en soit, défendre la Nature, cela revient à défendre le droit de la Nature à être Nature. Cette nouvelle mouvance du droit se forge depuis les traditions ancestrales indigènes qui prônent que l’existence de chaque membre de la communauté indivisible de la vie est interdépendante de celle de l’ensemble, et donc que toute atteinte portée contre la Nature, est en réalité une atteinte que l’on porte à l’humanité elle-même. Alors inéluctablement, défendre le droit de la Nature à exister, c’est défendre plus efficacement encore les droits fondamentaux de l’Homme, tels que son droit à la vie, à la sûreté, à la santé ou à l’alimentation (27). Cette relation viscérale qui lie la culture ancestrale à la Nature est un réel savoir traditionnel, transmis d’abord oralement puis qui récemment tend à s’institutionnaliser (28) au travers de la Constitution Fédérale de l’Équateur (29) et de la législation fédérale de la Bolivie (30). En effet, les pays qui comptent une large part d’indigènes au sein de leur population sont forcément les plus enclins à reconnaître constitutionnellement l’entité de Pachamama et la doctrine de vie du Buen Vivir. Ces deux États d’Amérique latine sont de grands pionniers et symbolisent cette ouverture juridico-légale qui souhaite dépasser ces normes occidentales surannées pour reconnaître de véritables personnalités aux éléments naturels et aux biotopes qui les abritent. Les droits de la Nature prennent leur force au sein de la cosmovision andine et de sa philosophie du Buen Vivir qui invitent à l’équilibre harmonieux et respectueux entre les êtres humains et le reste du Vivant. Le point essentiel tend vers cette prise de conscience selon laquelle nous sommes intégrés dans un Tout interdépendant dont chaque élément participe d’un rôle spécifique au sein de l’écosystème Terre. Un Tout, qui est intrinsèquement pénétré par une force cosmique et divine, matrice même de la Vie, régulièrement représentée comme Dieu, ici sous-entendu sans distinction religieuse particulière. 

     Alors en soit, les droits de la Nature, ce n’est pas tant une révolution, mais plutôt un dialogue inter-culturel. Cette façon de considérer la Nature comme détentrice d’une personnalité, d’une dignité se devant d’être respectée, ce n’est pas vraiment novateur. Les peuples premiers la pensent et la respectent ainsi depuis des siècles ; ils produisent leurs propres normes juridiques selon ces principes directeurs. Or, de par cette tradition occidentale colonialiste qui exclut, les droits élaborés par les « minorités » tels que ces peuples primaires sont empêchés d’être absorbés par le droit positif (31). Ils restent lettre morte aux portes de la mondialisation. Alors, faire revivre ce paradigme qui entend donner des droits aux éléments naturels, c’est se doter d’une philosophie déjà bien en vie, et l’adapter pour y repenser les matrices théoriques de la conception du droit positif. C’est alors rompre avec ces fondements d’exclusion des groupes subalternes, marginaux, et redonner légitimité à leur savoir, leur éthique et leur sagesse. C’est créé – enfin – un vrai dialogue entre cultures, dépasser cette dichotomie Homme/Nature, comme nombre de peuples l’ont déjà fait, et reconnaître que le droit peut en effet être pluraliste.

    NOTES

    1. V. CABANES, « Un nouveau droit pour la Terre – pour en finir avec l’écocide », Seuil, 2016, p.27
    2.  S. GURTWIRTH, « Trente ans de théorie du droit de l’environnement : concepts et opinions », Environnement et société, n° 26, 2001, p.7 
    3. R.DESCARTES, Discours de la méthode, 1637, p. 38, [En ligne] http://classiques.uqac.ca/classiques/Descartes/discours_methode/Discours_methode.pdf
    4.  A. ACOSTA, El Buen Vivir en el camino post-desarrollo – Una lectura desde la Constitución de Montecristi, Policy Paper N° 9, Fundación Friedrich Ebert, 2010, p.18 ; [En ligne] http://library. fes.de/pdf-files/bueros/quito/07671.pdf (consulté le 19/04/2021)
    5. Carta do 7º Congresso Internacional Constitucionalismo e Democracia: O Novo Constitucionalismo Latino americano – Harmonia com a Natureza e Bem Viver, Carta de Fortaleza : Manifesto Pachamama, Fortaleza (Brésil), 29/11/2017 : [En ligne] https://www.nacionpachamama.com/manifestopachamamaemportugues (consulté le 19/04/2021): « Nous sommes un même organisme vivant. Nous sommes la Terre-Mère : Pachamama. Il semble que nous soyons séparés, cependant, tout ce qui existe naît du même ventre. Les eaux, les oiseaux, les fleurs, les hommes et les montagnes sont les expressions complémentaires d’un être vivant, collectif et cyclique »
    6.  P. BONTE, Dictionnaire de l’ethnologie et de l’anthropologie, Izard Michel (éds), 1991
    7.  R. BARTHES, Mythologies, Seuil, broché, 1957
    8. C’est-à-dire avant l’arrivée de Christophe Colomb et de ses troupes espagnoles en Amérique (1492)
    9. Dates de l’empire à son apogée, l’Empire en soit apparait vers 1350 avec Manco Capac.
    10. L’animisme : « l’imputation par les humains à des non-humains d’une intériorité identique à la leur », P. DESCOLA, Par delà nature et culture, Gallimard, 2005, p.183 – cela revient à attribuer un esprit à tout être vivant, à tout objet mais aussi à tout élément naturel comme les pierres ou le ventDates de l’empire à son apogée, l’Empire en soit apparait vers 1350 avec Manco Capac..
    11. J. LOVELOCK, Gaia, a new look at life on earth, Oxford University Press, 1979 – Cette théorie voit en la Terre, un super-organisme vivant, Gaïa, bien loin d’un assemblage inanimé de gaz et de roches, elle serait un être vivant à part entière, capable de s’auto-réguler comme nulle autre planète encore connue
    12.  L. ESTUPINAN ACHURY, C. STORINI, R. MARTINEZ DALMAU, F. CARVALHO DANTAS, La naturaleza como sujeto de derechos en el constitucionalismo democrático, Bogotá: Universidad Libre, 2019, p. 284
    13. P. DESCOLA, Par-delà nature et culture, Gallimard, 2005
    14. R. FERNANDEZ, « Constitucionalismo plurinacional en Ecuador y Bolivia a partir de los sistemas de vida de los pueblos indígenas », thèse de doctorat, Université de Coimbra, 2017, p.109 ; [En ligne] https://estudogeral.uc.pt/bitstream/10316/36285/2/Constitucionalismo%20plurinacional%20en%20Ecuador%20y%20Bolivia%20a%20partir%20de%20los%20sistemas%20de%20vida%20de%20los%20pueblos%20ind%C3%ADgenas.pdf (consulté le 19/04/2021)
    15. V. PINEDA, Cultura peruana a historia de los Incas, Fondo de Cultura Económica, Lima, 2001, p.333
    16. E. ZAFFARONI, La Pachamama e el humano, Madres de Plaza de Mayo, Colihue, Argentine, 2011, p.118
    17. F. CAMPAÑA, « Los derechos de la Naturaleza en la Constitución ecuatoriana del 2008 : alcance, fundamentos y relación con los derechos humanos », Revista Esta 17, 2019, p.242
    18.  F. MARTINAT, La reconnaissance des peuples indigènes entre droit et politique, deuxième partie, Cosmovisions indiennes et conflits de représentation, Presses universitaires du Septentrion, 2005
    19.  L. JAVIER, Qhapaq Ñan: la ruta Inka de Sabiduría, CEnES, Lima (Perú), 2003, p.148-149
    20. E. ZAFFARONI, La Pachamama e el humano, Madres de Plaza de Mayo, Colihue, Argentine, 2011, p.111
    21. A. ACOSTA, O Bem Viver – Uma oportunidade de imaginar outro mundo, tradução de Tadeu Breda – São Paulo : Autonomia Literária, Elefante, 2016
    22. Aussi appelés de droits de la Terre-Mère ou droits de la Pachamama
    23. V. CABANES, Un nouveau droit pour la Terre – Pour en finir avec l’écocide, Editions du Seuil, 2016, p.281
    24.  V. OLIVEIRA, « Dignidade Planetária no Capitalismo Humanista », thèse de doctorat, Université Catholique de São Paulo, 2014 ; [En ligne] https://tede2.pucsp.br/bitstream/handle/6671/1/Vanessa%20Hasson%20de%20Oliveira.pdf (consulté le 15/04/2021)
    25. Voir en ce sens l’article de Xavier Idziak, « Ethique environnementale et droits ; réflexions autour d’une évolution de la perception du droit », blog Notre Affaire A Tous, 6/01/2021 ; [En ligne] https://notreaffaireatous.org/ethique-environnementale-et-droits-reflexions-autour-dune-evolution-de-la-perception-du-droit/ (consulté le 16/04/2021)
    26.  Entendu ici comme la création divine, matrice de toute vie
    27.  Article 3 et article 25 – Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, 1948
    28.  E. MARTINEZ, A. ACOSTA, La Naturaleza con Derechos – De la filosofía a la política, Serie Debate Constituyente, Abya Yala, Quito (Equateur), 2011, p.112
    29. Préambule et article 71 – Constitution équatorienne de 2008
    30. Loi n°071, Loi des Droits de la Terre Mère, Assemblée Législative Plurinationale de Bolivie, 21/12/2010 : « Aux fins de protection et de la tutelle de ses droits, la Terre Mère revêt le caractère de sujet collectif d’intérêt public. La Terre Mère et tous ses éléments y compris les communautés humaines, détiennent tous les droits inhérents reconnus dans la présente loi, et son application tiendra compte des spécificités et des particularités de ses divers éléments » 
    31. Ce terme s’entend comme l’ensemble des règles juridiques applicables et en vigueur dans un État à un moment donné

  • CP / Elections régionales : 38 propositions pour une région à la hauteur de l’urgence climatique et sociale

    Communiqué de presse – Jeudi 6 mai 2021

    Ce 6 mai, Notre Affaire à Tous publie ses propositions à destination des candidat·e·s aux élections régionales qui se tiendront les 20 et 27 juin 2021. Par ses compétences propres, la région est un échelon territorial essentiel pour engager une transition écologique et sociale, et lutter contre le dérèglement climatique. Notre Affaire à Tous propose ainsi des outils et des pratiques afin que ces enjeux soient pris en compte par les élu·e·s locaux·ales.

    Alors que le mouvement pour la justice climatique met en avant les préoccupations grandissantes des citoyen·ne·s pour les questions socio-environnementales et que de nombreuses personnes sur le territoire français sont déjà confrontées aux impacts du dérèglement climatique, la région doit intégrer de façon transversale, dans toutes ses politiques et activités, la problématique environnementale et les enjeux sociaux qui y sont liés. 

    L’échelon régional, souvent peu mis en avant, est pourtant au centre des réformes législatives récentes, et du projet de loi 4D, afin de positionner la région comme collectivité cheffe de file de la transition écologique. Il est essentiel que les futur·e·s élu·e·s se saisissent pleinement de ces compétences. 

    Ainsi, forte des constats tirés de son rapport “Un Climat d’inégalités” et de ses actions au niveau local, Notre Affaire à Tous a développé 38 propositions réparties en 8 grandes thématiques :

    • La conservation et sensibilisation autour de la biodiversité ;
    • La résilience du territoire à l’échelle de la région ;
    • La santé à l’échelle régionale ;
    • L’éducation, la formation et la sensibilisation aux enjeux climatiques ;
    • La participation au sein de la région ;
    • La nécessité de la recherche sur la justice environnementale ;
    • La vie quotidienne, économique et sociale ;
    • Le cadre de vie : logement et alimentation.

    Ces propositions s’appuient sur les compétences des régions, les outils déjà disponibles et les bonnes pratiques à développer afin de mettre en œuvre la justice environnementale à l’échelle régionale.

    Pour Notre Affaire à Tous : “La région se doit d’utiliser tous les leviers à sa disposition pour garantir le droit à un environnement sain de toutes et tous et dans le même temps, préserver le vivant : le mandat à venir s’ancre dans l’urgence climatique contre laquelle des mesures socio-environnementales devront être élaborées pour une réelle transition juste”.

    Contacts presse

    • Clothilde Baudouin, chargée de plaidoyer inégalités climatiques : 06 09 73 39 39
    • Chloé Gerbier, juriste de l’association Notre Affaire à Tous : 06 46 43 55 09