Catégorie : Actualités

  • Affaire Grande-Synthe : le Conseil d’État relâche la pression, en dépit des derniers chiffres alarmants sur le climat

    Le Conseil d’Etat arrête son suivi de la trajectoire française

    Ce vendredi 24 octobre, le Conseil d’État a rendu sa décision dans le dossier Grande-Synthe. Ce dernier oppose la commune de Grande-Synthe et les associations de l’Affaire du Siècle (Notre Affaire à Tous, Greenpeace France et Oxfam France) à l’État concernant les objectifs climatiques de la France. Le Conseil d’État a choisi de suivre les recommandations du rapporteur public énoncées à l’audience du 10 octobre dernier et de considérer que l’État avait bien exécuté les injonctions découlant de ses deux condamnations par le Conseil d’État en 2021 et 2023. Dans un contexte de recul sur les politiques climatiques et de décrochage de la trajectoire de baisse d’émissions de gaz à effet de serre, une telle décision est préoccupante.

    Pour Elsa Ingrand, chargée de campagne chez Notre Affaire à Tous :« Il serait dangereux que l’État voit dans cette décision un signe de victoire, alors même que les émissions stagnent et que les politiques climatiques reculent. Le Conseil d’État ne valide pas l’action climatique du gouvernement : il constate simplement le respect d’objectifs désormais dépassés. »

    Un jugement basé sur des objectifs caduques

    Le Conseil d’État, qui juge l’exécution de ce recours, a considéré que l’État avait respecté son 2e budget carbone et était en mesure de respecter le 3e. Il remplirait ainsi ses obligations de réduction d’émissions de gaz à effet de serre.

    Toutefois, il faut préciser que le Conseil d’État a limité son analyse aux anciens objectifs climatiques, en vigueur au moment de la première décision en 2021, pourtant obsolètes aujourd’hui. Le jugement se fonde donc sur l’objectif de réduction de -40% des émissions d’ici à 2030, alors qu’il a été rehaussé à -55% des émissions nettes dans le cadre du Fitfor55 de l’Union européenne(1). 

    Le jugement ne porte par ailleurs que sur les émissions brutes et non les émissions nettes, alors que les puits de carbone français sont en situation de grande fragilité(2).

    Une décision à contre-courant des dernières analyses

    Le rapporteur a pourtant souligné dans ses conclusions que la décision du Conseil d’État de ce jour ne “vaudra pas satisfaction des objectifs actuellement assignés à l’État français”. Lors de l’audience, il a noté les “incertitudes croissantes” concernant l’atteinte de l’objectif de -40%, et a fortiori, celle du nouvel objectif de -55%.

    Une telle décision est inquiétante, alors que nous assistons à un véritable décrochage de la trajectoire de réduction des émissions et à un manque de planification. Ainsi, les réductions d’émissions dont se prévaut l’État sur la période 2019-2023 résultent en grande partie de circonstances exceptionnelles (crise sanitaire, inflation, hiver doux) et non de politiques climatiques structurelles, ainsi que l’a relevé le Conseil d’État. 

    Les derniers chiffres du CITEPA témoignent aussi de ce décrochage : la baisse des émissions de gaz à effet de serre pour l’année 2025 devrait se situer à seulement -0,8%, bien loin des -5% nécessaires chaque année. Cela confirme le ralentissement déjà observé en 2024 (-1,8%) et s’inscrit dans un contexte de recul sur les mesures climatiques (coupes budgétaires, suspension de MaPrimeRénov, suppression de certaines lignes internationales de train, favorisation de l’élevage intensif via la LOA et la Loi Duplomb). C’est d’autant plus alarmant que la première mouture du projet de loi de finances pour 2026 n’augure pas des politiques climatiques ambitieuses, loin de là.

    Cette décision ne met pas fin au combat de l’Affaire du Siècle : nous continuerons à exiger des politiques climatiques à la hauteur de l’urgence. Le débat sur les objectifs renforcés de la France est loin d’être clos et de nouvelles pistes juridiques pourraient être envisagées. En attendant, les conséquences du changement climatique sont déjà là et impactent les plus vulnérables. Il faut donc agir en parallèle sur l’adaptation, et la justice pourra se prononcer à ce sujet prochainement dans le cadre du Recours des sinistré·es climatiques.

    Notes

    (1) Rapporté à la France, cela représente un objectif d’environ -50% d’émissions brutes et -54% d’émissions nettes par rapport à 1990 selon le gouvernement.

    (2) Voir le dernier rapport du HCC, p. 79, p.89, p.95 notamment.

    Notes aux rédactions

    Les étapes du recours : 

    Novembre 2018 : La commune de Grande-Synthe, qui fait face au risque de montée des eaux, attaque l’État devant le Conseil d’État

    Février 2020 : Les organisation de l’Affaire du Siècle (Notre Affaire à Tous, Greenpeace France, Oxfam France) rejoignent le recours via une intervention volontaire

    19 novembre 2020 : Le Conseil d’État rend une décision actant que les objectifs climatiques de la France et sa trajectoire pour les atteindre contraignants

    1er juillet 2021 : Le Conseil d’État condamne l’État une première fois, et l’enjoint de prendre des mesures supplémentaires avant avril 2022.

    30 juillet 2021 : Entrée en vigueur de la Loi européenne pour le climat et du Fitfor55 au niveau européen, qui fixe des nouveaux objectifs de baisse d’émissions de gaz à effet de serre (à -55% d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990). Ce nouvel objectif ne peut être intégré à l’affaire Grande-Synthe, cette dernière ayant été lancée avant l’adoption dudit objectif.

    10 mai 2023 : Le Conseil d’État condamne l’État une deuxième fois, dont le bilan est insuffisant pour respecter son objectif climatique de – 40% et l’enjoint de prendre des mesures supplémentaires avant juin 2024. Il annonce qu’il surveillera le respect de cette décision.

    2025 : Le Conseil d’État évalue de nouveau la trajectoire de la France dans le cadre de l’exécution de ses dernières décisions.

    Contact presse

    Elsa Ingrand, chargée de campagne pour Notre Affaire à Tous : elsa.ingrand@notreaffaireatous.org

  • Total condamnée pour greenwashing : un précédent juridique majeur contre la désinformation climatique des majors pétrolières

    Paris, le 23 octobre 2025 –  Le tribunal judiciaire de Paris a rendu aujourd’hui une décision historique, première mondiale : il condamne TotalEnergies pour pratiques commerciales trompeuses en raison de ses allégations mensongères portant sur son “ambition d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050″ et « d’être un acteur majeur de la transition énergétique”. 

    Cette décision historique fait suite à l’action en justice initiée en 2022 par Les Amis de la Terre France, Greenpeace France et Notre Affaire à Tous, avec le soutien de ClientEarth. Elle dénonce la campagne de communication de la major autour de son changement de nom de Total à TotalEnergies en 2021.


    Cette victoire marque un tournant pour la protection des consommateurs, la préservation du climat et la lutte contre les pratiques de greenwashing. C’est la première fois à travers le monde qu’une major pétro-gazière est condamnée par la justice pour avoir trompé le public en verdissant son image au sujet de sa contribution à la lutte contre le changement climatique.


    Le tribunal juge que Total a “commis des pratiques commerciales trompeuses en diffusant, à partir du site www.totalenergies.fr, des messages reposant sur les allégations portant sur leur “ambition d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050  » et « d’être un acteur majeur de la transition énergétique  » de nature à induire en erreur le consommateur, sur la portée des engagements environnementaux du Groupe”.


    Par conséquent le tribunal ordonne à TotalEnergies et TotalEnergies Electricité et Gaz France :

    • de cesser leur allégations mensongères(1) dans le délai d’un mois, sous peine d’astreinte provisoire de 10.000 euros par jour de retard,
    • de publier la décision de justice sur la page d’accueil de leur site internet www.totalenergies.fr de façon visible pendant 180 jours.


    Les associations saluent cette décision, à la hauteur de la gravité des dommages climatiques causés par ce géant pétro-gazier. Cette victoire consacre trois ans de combat judiciaire et la détermination des associations à faire reconnaître la responsabilité de TotalEnergies dans la désinformation climatique.


    Les associations regrettent néanmoins que le tribunal ait rejeté leurs demandes concernant le gaz et les agrocarburants, car il a considéré que les communications visées n’étaient pas “en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture des énergies de la société TotalEnergies aux consommateurs”. Le tribunal ne s’est cependant pas prononcé sur le contenu de ces communications.


    Pour Justine Ripoll, responsable des campagnes chez Notre Affaire à Tous : “En reconnaissant que la communication de Total trompe les consommateurs, la justice française s’attaque enfin à l’impunité du greenwashing fossile dont Total bénéficiait jusque-là. Elle envoie un message clair : la désinformation climatique n’est pas une stratégie commerciale acceptable. Les citoyens ont droit à une information honnête et les entreprises fossiles doivent rendre des comptes sur la réalité de leurs activités.”


    Pour Edina Ifticene, responsable de campagne chez Greenpeace France : ”Avec plus de 97 % de sa production d’énergie issue des hydrocarbures et près de 80 % de ses investissements toujours orientés vers les énergies fossiles, Total continue d’aggraver la crise climatique, tout en prétendant contribuer à sa résolution. La décision historique du tribunal interdit enfin à la multinationale de dissimuler les dégâts qu’elle cause derrière des artifices de communication verte.(2)”


    Pour Juliette Renaud, coordinatrice des Amis de la Terre France : “Nous espérons que la décision du tribunal aidera à faire la lumière sur la réalité des activités de Total, qui continue son expansion pétrogazière sur tous les continents, et en particulier en Afrique, au prix de graves violations des droits humains, et de dommages environnementaux et climatiques irréversibles. La multinationale s’entête notamment à vouloir relancer son méga projet gazier Mozambique LNG, malgré un contexte sécuritaire et humanitaire alarmant. A lui seul, ce projet contribuerait à produire entre 3,3 et 4,5 milliards de tonnes d’équivalent CO₂. Il est temps de contraindre Total et les autres majors à se conformer aux recommandations des scientifiques pour en finir avec le développement de nouveaux projets fossiles.”


    Cette décision s’inscrit dans un contexte international où de plus en plus d’entreprises, notamment pétrolières, sont mises en cause pour des pratiques similaires.


    Enfin, à l’approche de la COP30, cette décision envoie un signal fort à l’ensemble de l’industrie fossile. La justice française vient aujourd’hui d’ouvrir la voie à d’autres actions similaires en Europe et dans le monde. Avec ce précédent majeur, c’est la stratégie globale de dissimulation des responsabilités climatiques des puissants groupes pétro-gaziers qui est en question. Faire reculer la désinformation climatique qu’ils orchestrent, c’est faire un grand pas en faveur de la transition énergétique.

    Notes

    (1) Liste des allégations visées :
    – « Notre ambition est d’être un acteur majeur de la transition énergétique tout en continuant à répondre aux besoins en énergie des populations”.
    – « Nous plaçons le développement durable au cœur de notre stratégie, de nos projets et de nos opérations pour contribuer au bien-être des populations, en ligne avec les Objectifs de Développement Durable définis par les Nations-Unies. »
    – « Nous plaçons le développement durable au cœur de notre stratégie, de nos projets et de nos opérations pour contribuer au bien-être des populations, en ligne avec les Objectifs de Développement Durable définis par les Nations-Unies. »

    « Plus d’énergies, moins d’émissions: c’est le double défi que nous devons relever aux côtés de nos parties prenantes afin de contribuer au développement durable de la planète et faire face au défi climatique.Nous avons pour ambition de contribuer à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 ensemble avec la société […] En proposant à nos clients des produits énergétiques de moins en moins carbonés ».

    (2) Voir les paragraphes 130 à 132 du jugement.

    Contacts presse

    Notre Affaire à Tous : Justine Ripoll – justine.ripoll@notreaffaireatous.org

    Les Amis de la Terre France : Juliette Renaud – juliette.renaud@amisdelaterre.org

    Greenpeace France : Franck Mithieux – franck.mithieux@greenpeace.org

  • Le manuel militant : comprendre les injustices et agir. les impacts inégalitaires de la crise environnementale en france

    Il est parfois difficile de parler de sujets comme celui de la crise environnementale autour de soi. Pourtant, chez Notre Affaire à Tous, nous sommes convaincu·es qu’il est essentiel de partager les interactions entre enjeux écologiques, sociaux et économiques, pour comprendre l’aspect fondamentalement systémique de notre lutte

    • Car l’information sur les impacts existants de la triple crise environnementale en France reste trop rare, trop cantonnée ; 
    • Car les territoires et personnes premières concernées par les dérèglements climatiques et problématiques environnementales se rassemblent et font porter leur voix, notamment au travers d’actions en justice ; 
    • Car ces problématiques d’inégalités écologiques sont des problématiques de droits humains, dont la garantie doit être une priorité ; 
    • Car, enfin, les premières victimes de ce silence sont celles et ceux qui ont déjà peu de voix dans la décision publique : ce sont les plus précaires, les plus fragiles, qui subissent les premier·es les impacts des changements climatiques, souvent sans faire la une des journaux.

    À l’occasion de ses 10 ans, Notre Affaire à Tous publie un manuel militant qui propose les principales clés pour comprendre facilement ces interactions et pouvoir en parler. 

    Par un format interactif, ce manuel ne souhaite pas rendre le sujet plus léger, mais bien inviter le·a lecteur·rice à adopter une posture active vis-à-vis de ces enjeux fondamentaux, afin de comprendre que la lutte contre les inégalités écologiques est bien notre affaire à tous·tes, et qu’il est possible pour chacun·e d’agir.  

    Au sommaire

    • Édito de Jérémie Suissa, délégué général de Notre Affaire à Tous
    • IMPACTS : comprendre les injustices environnementales pour agir
    • Un manuel militant : pourquoi faire ?
    • 1. Travailler dans un monde à +4°C
    • 2. Les territoires face au changement climatique : surexposition et mal-adaptation
    • 3. Identités et groupes sociaux : “dis moi qui tu es, je te dirais comment tu es impacté·e”…
    • Et maintenant, on fait quoi ?

  • Grande-Synthe : le rapporteur public veut tourner la page de l’affaire, en dépit des chiffres alarmants sur le climat publiés ce jour

    Ce vendredi 10 octobre s’est tenue une audience au Conseil d’État dans le dossier qui oppose la commune de Grande-Synthe et les associations de l’Affaire du Siècle (Notre Affaire à Tous, Greenpeace France et Oxfam France) à l’État concernant les objectifs climatiques de la France. Après avoir condamné l’État à deux reprises en 2021 et 2023, le Conseil d’État se prononcera une nouvelle fois d’ici la fin de l’année sur l’exécution de ses décisions. Il statuera alors sur la capacité de l’État à respecter son ancien objectif de baisse d’émissions de gaz à effet de serre de -40% d’ici à 2030, par rapport aux niveaux de 1990. L’audience a été l’occasion pour le rapporteur public de présenter ses conclusions.

    Le rapporteur public a estimé que l’État serait en mesure de respecter cet objectif, qui est pourtant entre-temps devenu obsolète au regard des dernières obligations européennes. Les organisations de l’Affaire du Siècle déplorent cette analyse sur l’ancien objectif, qui va à l’encontre des expertises sur le sujet, y compris celle du Haut Conseil pour le Climat.

    Un périmètre d’analyse obsolète et incomplet

    Se basant sur des obligations désormais caduques, le rapporteur public recommande au Conseil d’État de ne contrôler le respect que d’une partie des engagements de la France. Il fonde ainsi son appréciation sur l’objectif désormais obsolète de réduction de -40% des émissions d’ici à 2030, alors même que le seuil a été rehaussé au niveau européen dans le cadre du Fitfor55, et s’établit désormais à -55 % en émissions nettes au niveau européen (1). Concernant ce nouvel objectif, il admet qu’il risque de ne pas être respecté, sans pour autant le prendre en compte dans ses conclusions.

    De même, l’analyse concerne seulement les émissions brutes de la France et non pas ses émissions nettes, alors que nous assistons à un affaiblissement conséquent des niveaux de puits de carbone (2), ce qui met en péril notre capacité à atteindre les objectifs climatiques français et européens.

    Des conclusions qui nient la réalité des chiffres et le manque de mesures efficaces

    Aussi, les organisations de l’Affaire du Siècle émettent de sérieux doutes concernant la capacité de la France à respecter cette cible de -40%, bien qu’elle soit caduque. Les derniers chiffres en témoignent : le CITEPA publie ce jour une prévision de baisses d’émissions de gaz à effet de serre pour l’année 2025 à -0,8%, bien loin des -5% nécessaires chaque année. Cela confirme le ralentissement et le potentiel décrochage de trajectoire, déjà observé en 2024 (-1,8%). De même, les réductions dont l’État se targue pour le budget carbone 2019-2023 reposent en partie sur des effets conjoncturels (crise du Covid-19, inflation, hivers doux), de l’aveu du Conseil d’État lui-même. Pourtant, la lutte contre le changement climatique nécessite des politiques programmées et de long terme. En tout état de cause, rien n’assure que l’objectif de -40% pourra être respecté.

    Dans un contexte de recul sur les mesures climatiques (coupes budgétaires, suspension de MaPrimeRénov, suppression de certaines lignes internationales de train, favorisation de l’élevage intensif via la LOA et la Loi Duplomb), L’Affaire du Siècle appelle le Conseil d’État à continuer son évaluation de la trajectoire de l’État sur les prochaines années et à enjoindre à l’État de mettre en place une politique climatique véritablement cohérente, notamment via la publication de la SNBC-3 et la PPE-3, attendues depuis près de deux ans déjà. Sans évolution radicale dans les politiques climatiques et si le Conseil d’État arrête son contrôle, le risque reste élevé qu’en 2028, nous réalisions que le 3ème budget carbone de la France a été largement dépassé.

    Notes

    (1) Rapporté à la France, cela représente un objectif d’environ -50% d’émissions brutes et -54% d’émissions nettes par rapport à 1990 selon le gouvernement.

    (2) Voir le dernier rapport du HCC, p. 79, p.89, p.95 notamment

    Notes aux rédactions

    Les étapes du recours : 

    Novembre 2018 : La commune de Grande-Synthe, qui fait face au risque de montée des eaux, attaque l’État devant le Conseil d’État

    Février 2020 : Les organisation de l’Affaire du Siècle (Notre Affaire à Tous, Greenpeace France, Oxfam France) rejoignent le recours via une intervention volontaire

    19 novembre 2020 : Le Conseil d’État rend une décision actant que les objectifs climatiques de la France et sa trajectoire pour les atteindre contraignants

    1er juillet 2021 : Le Conseil d’État condamne l’État une première fois, et l’enjoint de prendre des mesures supplémentaires avant avril 2022.

    30 juillet 2021 : Entrée en vigueur de la Loi européenne pour le climat et du Fitfor55 au niveau européen, qui fixe des nouveaux objectifs de baisse d’émissions de gaz à effet de serre (à -55% d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990). Ce nouvel objectif ne peut être intégré à l’affaire Grande-Synthe, cette dernière ayant été lancée avant l’adoption dudit objectif.

    10 mai 2023 : Le Conseil d’État condamne l’État une deuxième fois, dont le bilan est insuffisant pour respecter son objectif climatique de – 40% et l’enjoint de prendre des mesures supplémentaires avant juin 2024. Il annonce qu’il surveillera le respect de cette décision.

    2025 : Le Conseil d’État évalue de nouveau la trajectoire de la France dans le cadre de l’exécution de ses dernières décisions.

    Contacts presse

    Elsa Ingrand, Chargée de campagne pour Notre Affaire à Tous, elsa.ingrand@notreaffaireatous.org
    Marika Bekier, Oxfam France, mbekier@oxfamfrance.org

  • Numéro 23 de la newsletter des affaires climatiques et environnementales – Les espoirs d’une réglementation européenne des PFAS face aux volontés de dérégulation de l’industrie chimique

    Chères lectrices, chers lecteurs,

    Pour cette vingt-troisième newsletter des affaires climatiques et environnementales, vous trouverez en focus un article sur les espoirs d’une réglementation européenne des PFAS face aux volontés de dérégulation de l’industrie chimique.

    Ensuite, vous retrouverez les chroniques de deux décisions récentes. La première concerne la décision de la cour constitutionnelle colombienne ordonnant aux autorités d’agir face aux catastrophes naturelles, jugeant que leur inaction violait les droits humains d’un propriétaire dont la maison est régulièrement inondée. La seconde porte sur la décision de la Cour constitutionnelle belge de censurer le report d’une ZFE sur le fondement du droit à un environnement sain. 

    Très bonne lecture et merci d’être toujours aussi nombreux et nombreuses à lire ce courrier ! Et si vous souhaitez, vous aussi, vous investir dans la rédaction des prochains numéros, c’est par ici.

    Clarisse Macé, co-référente du groupe de travail veille-international

    Focus : Les espoirs d’une réglementation européenne des PFAS face aux volontés de dérégulation de l’industrie chimique

    Le 27 février 2025 est à marquer d’une pierre blanche pour la lutte contre « l’une des plus graves contaminations auxquelles le monde est aujourd’hui confronté » : la première loi française visant à protéger la population des risques liés aux substances PFAS a été publiée au Journal Officiel, un an après le début des discussions législatives et moins de trois ans après la révélation du scandale en France. Inédite dans son ambition, elle vient surtout combler un vide réglementaire historique, qui a permis à des industriels producteurs et utilisateurs de ces molécules ultra résistantes et persistantes, dont les impacts sur la santé sont documentés de façon croissante, de contaminer nos écosystèmes et nos corps.

    Comment les processus de réglementation de l’industrie chimique, en grande partie européen, ont-ils amené à cette production d’ignorance ? Est-il envisageable aujourd’hui qu’ils permettent une meilleure application du principe de précaution, et ce à l’échelle de l’Union ?

    Affaire climatique

    La cour constitutionnelle colombienne a ordonné aux autorités d’agir face aux catastrophes naturelles, jugeant que leur inaction viole des droits humains d’un propriétaire dont la maison est régulièrement inondée.

    Un homme de 80 ans a vu sa maison inondée régulièrement pendant plus de douze ans. Les autorités locales colombiennes ont, à chaque fois, agi pour protéger ce citoyen, mais, par manque de moyens, n’ont jamais fait que réparer les dégâts causés sans créer de solution à long terme ou de moyen de prévention pour aider l’administré. Les inondations se sont donc répétées, causant à chaque fois des dommages et créant une inquiétude chez l’octogénaire.

    Les juges de la Cour constitutionnelle colombienne ont dû déterminer si les actions mises en place par les autorités locales suffisent à protéger les droits des administrés à un logement digne, à un procès équitable et à la dignité humaine.

    Affaire environnementale

    La Cour constitutionnelle belge a censuré le report d’une ZFE (zone à faibles émissions) sur le fondement du droit à un environnement sain

    Le 21 mars 2025, la Région de Bruxelles-Capitale a, par ordonnance, décalé de deux ans l’application d’une nouvelle phase de la zone à faibles émissions (ZFE). En effet, de nouvelles restrictions de circulation pour certains types de véhicules initialement prévues pour le 1er janvier 2025 étaient décalées au 1er janvier 2027. Plusieurs associations, notamment des droits humains et de protection de la santé, ainsi que plusieurs habitants touchés par des problèmes respiratoires aggravés par la pollution de l’air, ont saisi la Cour constitutionnelle belge pour suspendre l’exécution de ladite ordonnance.

    La décision de décaler l’application de mesures restrictives de la circulation pour limiter la pollution de l’air constitue-t-elle une violation du droit à un environnement sain et du droit à la protection de la santé ?

  • Pesticides : POLLINIS, Notre Affaire à Tous et Générations Futures  saisissent le Conseil d’Etat pour demander l’annulation du décret réduisant l’indépendance de l’ANSES

    Communiqué de presse – POLLINIS, Notre Affaire à Tous et Générations Futures déposent deux recours en justice auprès du Conseil d’Etat pour demander l’annulation du décret du 8 juillet 2025 portant diverses dispositions relatives à l’autorisation des produits phytopharmaceutiques. Ce décret, qui constitue une tentative d’ingérence de la part du ministère de l’Agriculture, menace l’indépendance de l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) au profit d’intérêts économiques. 

    Le rôle de l’ANSES est de délivrer, modifier ou retirer les autorisations de mise sur le marché des pesticides, en garantissant une expertise scientifique indépendante. Or, ce décret permet au ministre de l’Agriculture de s’immiscer dans les travaux de l’ANSES, en soumettant au directeur général une liste de demandes d’autorisation de mise sur le marché de pesticides qu’il juge prioritaires pour certaines filières agricoles. Cette immixtion affaiblit l’indépendance de l’Agence et l’objectif de ce décret est clair : introduire une logique de priorisation économique dans un processus censé être guidé uniquement par des impératifs d’intérêt général, de santé publique et de protection de l’environnement. 

    Ce texte, entré en vigueur deux jours après l’adoption de la loi Duplomb, s’inscrit dans la continuité d’une manœuvre antidémocratique. Pour rappel, lors des discussions parlementaires dans le cadre de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, cette volonté de réduire l’indépendance de l’ANSES avait été rejetée en commission mixte paritaire. « Le Gouvernement a finalement fait passer par voie réglementaire ce qu’il n’avait pas réussi à faire passer par voie législative » réagit Arnaud Gossement, du cabinet représentant l’association POLLINIS. Pour Maître Hermine Baron du cabinet TTLA qui représente quant à elle les associations Notre Affaire à Tous et Générations Futures « c’est une atteinte à l’indépendance de l’ANSES, qui risque d’ouvrir la voie à une ingérence toujours plus forte dans les procédures d’évaluation, au mépris de la protection de la santé et de l’environnement. »

    Pour POLLINIS, Notre Affaire à Tous et Générations Futures, cette mesure est illégale et dangereuse:  « C’est un coup de force sans précédent mené contre l’autorité sanitaire française chargée de protéger les abeilles et la biodiversité dans son ensemble, ainsi que notre santé. Désormais, le ministère de l’Agriculture peut directement faire pression sur l’ANSES pour satisfaire les exigences des lobbys de l’industrie agrochimique, au mépris des impératifs de santé publique et de protection de l’environnement ». 

    CONTACTS PRESSE

    POLLINIS
    Hélène Angot, Chargée de communication : presse@pollinis.org

    Notre Affaire à Tous
    Emilien Capdepon, Chargé de campagnes : emilien.capdepon@notreaffaireatous.org 

    Générations Futures
    Yoann Coulmont, Chargé de plaidoyer : plaidoyer@generations-futures.fr

  • Publication du premier décret d’application de la “loi PFAS” : un manque d’ambition flagrant et un déni de consultation du public

    Communiqué de presse de Générations Futures et Notre Affaire à Tous, 09 septembre 2025 – Ce mardi 09 septembre, la France se réveille sans gouvernement mais aussi avec la déception de voir que le premier décret appliquant une partie de la loi PFAS adoptée en février 2025, ne permet pas de la protéger contre une des plus grandes contaminations chimiques de son histoire.

    Le décret n° 2025-958 du 8 septembre 2025 est relatif aux modalités de mise en œuvre de la trajectoire nationale de réduction progressive des rejets aqueux de substances PFAS des installations industrielles. Si les objectifs de cette trajectoire vont dans le bon sens, visant -70 % d’ici 2028 par rapport aux émissions de 2023, jusqu’à tendre vers la fin de ces rejets en 2030, le décret ne permet pas d’espérer le respect de cette trajectoire. En effet, il ne fixe aucune modalité de contrôle de ces rejets, ne précise pas si ces objectifs doivent être atteints à l’échelle de chaque installation industrielle, et ne décline qu’une seule étape intermédiaire. La définition même de l’objectif à atteindre est sujet à interprétation : la plupart des installations concernées n’ont pas de référence définie puisqu’elles ne mesuraient pas leurs rejets de PFAS en 2023. Enfin, les installations industrielles concernées ne sont pas suffisamment identifiées en l’état. Bref, un projet de décret rédigé de manière minimaliste, adopté tel quel, et donc loin de répondre à l’ambition de la loi du 27 février 2025.

    Par ailleurs, si la consultation publique organisée du 07 août 2025 au 05 septembre 2025 aurait pu permettre de compléter ce projet de décret, aucune modification et aucune de nos suggestions n’ont été retenues (réponse de Générations Futures et de Notre Affaire à Tous à la consultation). Ce sont pourtant plus de 450 propositions et commentaires qui ont été déposés, malgré le timing estival et un bug informatique survenu dans les derniers jours de la consultation – et dénoncé par nos organisations -, qui n’ont pas permis une participation effective. 

    Ce décret, ainsi adopté trois jours seulement après la fin de la consultation publique, a clairement souffert du calendrier politique accéléré par la démission du gouvernement Bayrou. C’est en effet un Conseil supérieur des risques technologiques, réuni en urgence lundi matin, qui a dû prendre connaissance des plus de 450 commentaires de la consultation avant le vote de confiance de l’après-midi, pour finalement n’en retenir aucun. 

    “Malgré une participation importante, la consultation publique et les commentaires critiques ont été balayés d’un revers de la main. La protection de la santé des Français·es et de nos territoires ne devrait jamais pâtir des calendriers politiques”, déclare François Veillerette, porte-parole de Générations Futures. 

    Jérémie Suissa, délégué général de Notre Affaire à Tous précise que “nos organisations vont désormais étudier les voies de recours, pour veiller à protéger l’esprit de la loi du 27 février et continuer à œuvrer pour les victimes des PFAS en France”.

    Par ailleurs, un autre projet de décret appliquant la loi PFAS avait été soumis à consultation sur la même période. Nous espérons que les commentaires proposant de le compléter et de le préciser connaîtront un meilleur sort.

    Contacts presse

    Notre Affaire à Tous – Emma Feyeux : emma.feyeux@notreaffaireatous.org

    Générations futures – Yoann Coulmont : yoann@generations-futures.fr 

  • Justice Pour Le Vivant : Nouvelle victoire historique pour la biodiversité – L’État condamné à réformer ses protocoles d’évaluation et d’autorisation des pesticides ! 

    Communiqué de presse, Paris, le 3 septembre 2025C’est une véritable révolution dans la lutte contre les pesticides : le 3 septembre 2025, la Cour administrative d’appel (CAA) de Paris a enjoint à l’État de réformer ses protocoles d’évaluation et d’autorisation des pesticides, jugés défaillants, afin de les aligner sur les connaissances scientifiques actuelles. Dans le cadre du dossier Justice pour le Vivant (JPLV), porté depuis 2022 par Notre Affaire à Tous, POLLINIS, Biodiversité sous nos pieds, ANPER-TOS et l’ASPAS, la CAA confirme la condamnation de l’État français pour sa responsabilité dans l’effondrement de la biodiversité. Dans un contexte marqué par l’adoption de la loi Duplomb, et ce malgré une mobilisation citoyenne massive, cette décision consacre une victoire majeure de la science et de toutes celles et ceux – victimes, associations et collectifs – qui alertent depuis des années sur la dangerosité des pesticides. Inédite à l’échelle européenne, elle pourrait désormais ouvrir la voie à des actions similaires dans d’autres pays membres de l’Union.

    Crédit photo : Philippe Besnard

    Deux ans après la première condamnation de l’État, le 29 juin 2023, pour sa responsabilité dans la contamination massive des écosystèmes par les pesticides, la cour administrative d’appel de Paris reconnaît à nouveau la « contamination généralisée, diffuse, chronique et durable des eaux et des sols par les produits phytopharmaceutiques ». 

    Suivant les conclusions de la rapporteure publique, la cour ordonne à l’État d’actualiser les protocoles d’évaluation et d’autorisation des pesticides insuffisamment protecteurs du vivant, ainsi que de revoir les autorisations de mise sur le marché (AMM) actuellement en vigueur d’ici 24 mois, et pour lesquelles la méthodologie d’évaluation n’aurait pas été conforme aux exigences notamment du principe de précaution. Principe qui « impose aux États membres de procéder à « une évaluation globale fondée sur les données scientifiques disponibles les plus fiables ainsi que les résultats les plus récents de la recherche internationale ». » (§29 p.14) Elle enjoint également à l’Etat d’établir dans les six mois prochains un calendrier de révision des AMM concernées

    Concrètement, la cour reconnaît des failles dans la procédure d’évaluation et d’autorisation de mise sur le marché conduite par l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) sous la responsabilité de l’État. Reconnaissant un lien de causalité direct entre les insuffisances de l’évaluation des risques et le déclin de la biodiversité, elle considère qu’il est établi qu’une actualisation des procédures à l’aune des connaissances scientifiques les plus récentes permettrait de réduire les impacts sur l’environnement des pesticides. 

    Pour les associations requérantes, cette décision est plus qu’historique : “C’est une véritable révolution juridique et scientifique ! Dans un contexte d’attaques constantes contre l’environnement, et alors que le Parlement vient de voter la mortifère loi Duplomb, la justice réaffirme son rôle de contre-pouvoir en mettant un coup d’arrêt à la politique désastreuse de nos décideurs en la matière. C’est une décision qui va tout changer : dans les pratiques agricoles, les politiques publiques, et la façon dont l’État considère enfin la santé et l’environnement. Elle est le fruit d’un combat de longue haleine, porté par des scientifiques, des associations, des citoyens et citoyennes mobilisé·e·s partout en France — une véritable victoire collective qui s’inscrit dans un large mouvement militant. Le gouvernement doit désormais tout mettre en œuvre pour respecter cette décision de justice. Il en va de la sauvegarde de la biodiversité, de la santé publique, mais aussi du principe même d’État de droit.”

    Nous appelons l’État, désormais condamné à deux reprises, à ne pas se pourvoir en cassation et à respecter enfin cette décision de justice. S’il décidait malgré tout de poursuivre la procédure, ce serait malheureusement l’ultime preuve que l’État est prêt à tout pour continuer à protéger les intérêts des industriels de l’agrochimie, malgré leurs impacts désastreux sur l’ensemble du vivant. Ce choix irait une fois de plus à l’encontre de l’intérêt général et de la volonté largement exprimée par les citoyen·ne·s, qui attendent une politique réellement ambitieuse de réduction de l’usage des pesticides les plus dangereux.

    Nous nous tenons à la disposition du gouvernement afin de l’accompagner dans la mise en œuvre de cette décision de justice. Des premières mesures concrètes peuvent être immédiatement déployées, notamment : 

    • Actualiser les procédures d’évaluation des risques des pesticides en les mettant en conformité avec les protocoles scientifiques de l’EFSA de 2013 ;
    • Renforcer l’indépendance de l’Anses en lui confiant davantage de moyens humains et financiers ;
    • Réévaluer les autorisations de mise sur le marché des fongicides SDHI et des insecticides et herbicides dont les dangers pour la biodiversité et l’humain sont documentés.

    Contacts presse

    Notre Affaire à Tous – Emilien Capdepon, chargé de campagnes : 
    emilien.capdepon@notreaffaireatous.org

    POLLINIS – Hélène Angot, chargée de communication :
    helenea@pollinis.org

    Biodiversité sous nos pieds – Dorian Guinard, porte parole :
    biodiversitesousnospieds@gmail.com

  • URGENT : Loi Duplomb – Une censure bienvenue mais qui ne doit pas masquer des reculs extrêmement inquiétants pour l’environnement et la démocratie

    Paris, le 7 août 2025 – Saisi à l’issue des saisines initiées par plusieurs groupes politiques, concernant la proposition de loi Duplomb, le Conseil constitutionnel vient de rendre sa décision en disant non au retour des néonicotinoïdes en France pour le moment. Très attendue, cette décision intervient après une mobilisation citoyenne d’une ampleur quasi-inédite contre cette loi rétrograde. Néanmoins il serait risqué de voir dans cette censure de l’article 2 une quelconque avancée dans la protection de la santé humaine et de la biodiversité. 

    Une censure à minima concernant les néonicotinoïdes

    Le Conseil constitutionnel a rendu une décision de censure à minima concernant les néonicotinoïdes, en cohérence avec sa position de 2020. Il reconnaît les effets nocifs de ces substances sur la biodiversité, les sols, l’eau et la santé humaine, et censure la dérogation prévue par la loi Duplomb uniquement parce qu’elle n’était pas suffisamment encadrée : elle visait un champ trop large de substances et d’usages, et autorisait leur pulvérisation, particulièrement risquée. Toutefois, cette décision laisse ouverte la possibilité d’une nouvelle loi qui, si elle respecte certains critères, pourrait permettre une nouvelle dérogation. La vigilance reste donc de mise pour empêcher tout retour déguisé des néonicotinoïdes.

    Des régressions du droit de l’environnement qui sont validées par le Conseil constitutionnel

    Au-delà de la censure partielle sur les néonicotinoïdes, la décision du Conseil constitutionnel valide plusieurs régressions majeures du droit de l’environnement. Elle entérine notamment la réduction de la participation du public dans les projets d’élevage intensif, en supprimant l’obligation de réunions publiques et de réponses aux avis citoyens, posant des questions de conformité au droit européen et international. Le passage d’un régime d’autorisation à un simple enregistrement pour certains élevages industriels facilite leur implantation, au détriment des modèles extensifs. 

    Concernant les méga-bassines, le Conseil valide les présomptions d’intérêt général majeur et de raison impérative d’intérêt public majeur  permettant de déroger aux règles de protection de l’eau et des espèces. S’il précise qu’il pourra être apporté la preuve contraire devant les juges, cela reste une régression importante. Si la protection des nappes inertielles constitue une avancée, elle reste insuffisante face aux enjeux. 

    Enfin, seule une disposition technique (l’article 8) est censurée pour vice de procédure, sans remettre en cause le fond du texte ou les conditions de son vote au Parlement. Une décision qui confirme une tendance préoccupante de fragilisation du droit environnemental.

    Face à une décision qui entérine plusieurs reculs en matière de droit de l’environnement, le combat est loin d’être terminé. 

    Plus que jamais, il est essentiel de se mobiliser pour défendre la biodiversité, les écosystèmes, la santé humaine et notre droit à un environnement sain. Dans cette perspective, la décision en appel à venir fin août 2025 dans l’affaire « Justice pour le Vivant » (JPLV) représente un enjeu majeur : l’État pourrait se voir contraint de réformer ses protocoles d’évaluation et d’autorisation des pesticides, reconnus défaillants par une décision du Tribunal administratif de Paris de juin 2023, afin qu’ils respectent l’état actuel des connaissances scientifiques.

    Contacts presse :

    Emilien Capdepon, chargé de campagnes : emilien.capdepon@notreaffaireatous.org

    Adeline Paradeise, juriste : adeline.paradeise@notreaffaireatous.org

  • Loi Duplomb : Générations Futures, Notre Affaire à Tous, POLLINIS, la Ligue des Droits de l’Homme, Terre de Liens, CIWF France, le CCFD-Terre Solidaire, Greenpeace France, la Fondation pour la Nature et l’Homme, la Fondation 30 Millions d’Amis, Réseau CIVAM et Biodiversité sous nos pieds déposent une contribution commune devant le Conseil constitutionnel.

    Communiqué de presse – Alors que la mobilisation citoyenne contre la loi Duplomb atteint une ampleur inédite — la pétition a déjà recueilli près de deux millions de signatures en un temps record (lien ci-dessous) —, les associations décident de multiplier les efforts en déposant une contribution auprès du Conseil constitutionnel pour soutenir les saisines des parlementaires et faire censurer plus de la moitié de la loi.

    La pétition alerte sur le fait que la « loi Duplomb est une aberration scientifique, éthique, environnementale et sanitaire ». En effet, cette loi contient de nombreuses dispositions dangereuses : atteintes aux principes fondamentaux de protection de l’environnement, contournement des procédures démocratiques, affaiblissement du rôle des collectivités territoriales, verrouillage des voies de recours, ou encore normes impossibles à appliquer en élevage plein air.

    Face à ces atteintes multiples aux droits fondamentaux, à la santé publique et à la protection de l’environnement, les associations appellent le Conseil constitutionnel à faire respecter la Constitution et à censurer les dispositions inconstitutionnelles de la loi Duplomb. Par leur contribution commune, elles réaffirment l’importance d’un cadre juridique rigoureux et démocratique, indispensable pour garantir un avenir sain et durable pour tou.te.s.

    Les associations reviennent donc article par article sur les mesures les plus problématiques du texte, ainsi que sur les vices de procédure qui accompagnent son adoption. 

    Concernant l’inconstitutionnalité de la procédure d’adoption : 

    La loi Duplomb a été adoptée au mépris des principes de clarté et de sincérité du débat parlementaire, par un détournement de la motion de rejet préalable ayant empêché tout examen d’amendement dès la première lecture. Cette manœuvre, sans fondement constitutionnel, viole le droit d’amendement garanti par l’article 44 de la Constitution et justifie une censure par le Conseil constitutionnel.

    Article 1

    L’article premier de la loi est inconstitutionnel car il supprime l’encadrement obligatoire et indépendant du conseil sur l’utilisation des pesticides. En rendant ce conseil facultatif et possible par des vendeurs de ces produits, la loi favorise les conflits d’intérêts, affaiblit la formation des agriculteurs et augmente les risques pour la santé humaine et l’environnement. Elle viole ainsi plusieurs articles de la Charte de l’environnement – qui a valeur constitutionnelle -,notamment son article 8 relatif à l’éducation et la formation à l’environnement et l’objectif constitutionnel de protection de la santé.

    Article 2

    L’article 2 de la loi est inconstitutionnel car il permet des dérogations illimitées à l’interdiction des néonicotinoïdes, malgré leur forte toxicité pour la biodiversité et la santé humaine. Contrairement à une précédente décision du Conseil constitutionnel, cette dérogation n’est ni limitée dans le temps, ni restreinte à certaines cultures ou substances. Elle repose sur une définition biaisée des alternatives, axée uniquement sur les coûts pour l’agriculteur, au détriment de la santé publique et de l’environnement, violant ainsi les articles 1er, 2, 3, 5 et 6 de la Charte de l’environnement. En outre, elle ne prévoit aucune participation du public, en contradiction avec l’article 7 de cette Charte. 

    Article 3

    L’article 3 autorise le gouvernement à relever par décret les seuils des ICPE d’élevage en affirmant que cela ne constitue pas une atteinte au principe de non-régression. L’article 3 prévoit également une dérogation pour les projets d’élevage bovin, porcin ou avicole soumis à autorisation environnementale en permettant de remplacer les réunions publiques obligatoires par de simples permanences, réduisant ainsi la transparence et la participation du public. Cet article est ainsi inconstitutionnel en ce qu’il constitue une : 

    • Atteinte à la participation du public (article 7 de la Charte) : remplacer les réunions publiques par des permanences limite le débat et rend les réponses du porteur de projet facultatives.

    Violation du principe d’égalité (article 6 DDHC) : la dérogation ne concerne que certains élevages sans justification objective. Méconnaissance des articles 1 et 2 de la Charte de l’environnement : la loi relève les seuils sans prévoir de mesures de compensation en cas d’atteinte grave à l’environnement.

    Atteinte au principe de non-régression, corollaire des principes à valeur constitutionnelle garantis par la Charte de l’Environnement

    Article 5

    L’article 5, en présumant d’office que les ouvrages agricoles de stockage, aussi appelés méga-bassines, et prélèvement d’eau dans les zones en déficit hydrique sont d’intérêt général majeur (IGM) et justifiés par une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM), porte une atteinte disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif et aux principes de précaution et de gestion durable de l’eau. Cette présomption empêche une appréciation au cas par cas nécessaire pour équilibrer protection de l’environnement et besoins agricoles, alors que la jurisprudence européenne impose une analyse fine et stricte avant toute dérogation. De plus, ces infrastructures, souvent de grande taille, favorisent un modèle agricole consommateur d’eau et nuisible à la biodiversité, sans garantir d’alternatives durables ni limiter les impacts, ce qui justifie leur inconstitutionnalité.

    Article 6

    L’article 6 impose aux inspecteurs de l’environnement de transmettre leurs procès-verbaux d’infraction au procureur de la République « par la voie hiérarchique », et non plus directement. Cette exigence permet à une autorité administrative de contrôler, modifier ou bloquer la transmission d’actes relevant de la police judiciaire. Elle porte atteinte au principe de séparation des pouvoirs, à l’indépendance de l’autorité judiciaire et à l’objectif constitutionnel de recherche des auteurs d’infractions.

    Pour les associations « la loi Duplomb fragilise gravement la protection de l’environnement et la santé publique au profit d’une minorité d’acteurs, dont l’agrochimie, en bafouant les principes démocratiques et constitutionnels, le tout sans répondre aux attentes d’une majorité des agriculteurs et des citoyens.  Face à cette loi dangereuse qui multiplie les atteintes aux droits fondamentaux et vise sans complexe à l’industrialisation de l’agriculture et de l’élevage au mépris des humains et des animaux, nous avons déposé une contribution commune devant le Conseil constitutionnel pour faire censurer plus de la moitié du texte. Notre action vise ainsi à rétablir la vérité juridique et scientifique, et à défendre l’intérêt général. »

    Lien vers la pétition 

    Contacts presse

    Notre Affaire à Tous 
    Emilien Capdepon, Chargé de campagnes 
    emilien.capdepon@notreaffaireatous.org

    POLLINIS
    Hélène Angot, Chargée de communication
    helenea@pollinis.org

    Générations Futures 
    Yoann Coulmont, Chargé de plaidoyer
    plaidoyer@generations-futures.fr

    Terre de Liens
    Clara Courdeau, Attachée de presse
    c.courdeau@terredeliens.org

    LDH (Ligue des droits de l’Homme)
    Clotilde Julien
    presse@ldh-france.org

    CIWF France
    Agathe Gignoux, Responsable Plaidoyer
    agathe.gignoux@ciwf.fr

    Fondation 30 Millions d’Amis
    Lorène Jacquet, Responsable Campagnes et Plaidoyer
    Campagnes.plaidoyer@30millionsdamis.fr

    CCFD-Terre Solidaire
    Sophie Rebours, Responsable relations média 
    s.rebours@ccfd-terresolidaire.org

    Fondation pour la Nature et l’Homme
    Thomas Uthayakumar, Directeur des programmes et du plaidoyer
    t.uthayakumar@fnh.org

    Réseau CIVAM
    Marika Dumeunier, Coordinatrice Agroécologie