Paris, le 29 juin 2023. Le Tribunal administratif de Paris a rendu un verdict historique dans le cadre du recours Justice pour le Vivant qui oppose 5 ONG environnementales à l’Etat et Phyteis, le lobby de l’agrochimie en France. La justice reconnaît pour la première fois la responsabilité de l’Etat dans l’effondrement du Vivant, et ses insuffisances dans l’évaluation des risques des pesticides.
Cette journée marque un tournant dans la lutte contre l’effondrement de la biodiversité en France. Alors que l’on constate un déclin de 76 % à 82 % des insectes volants au cours des 27 dernières années en Europe[1], une diminution de 57 % des oiseaux des milieux agricoles depuis 1980[2], le jugement rendu aujourd’hui par le Tribunal administratif reconnaît, pour la première fois, l’existence d’un préjudice écologique résultant d’une contamination généralisée de l’eau, des sols et de l’air par les pesticides et de l’effondrement du vivant etla faute de l’Etat français dans cette situation.
Le tribunal reconnaît les failles des procédures d’évaluation et d’autorisation de mise sur le marché des pesticides, démontrées par les associations, et juge que ces failles relèvent de la responsabilité directe de l’Etat. Il reconnaît également un lien de causalité direct entre les insuffisances de l’évaluation des risques et le déclin de la biodiversité.
Le tribunal n’ordonne toutefois pas à l’Etat de revoir les méthodologies d’évaluation des risques – contrairement à ce que préconisait la rapporteure publique, estimant qu’il ne peut être établi juridiquement avec certitude qu’une meilleure évaluation permettrait de « modifier significativement la nature ou le nombre [des pesticides] mis sur le marché ». Sur ce dernier point, les associations feront appel devant la Cour administrative d’appel de Paris, et introduiront, en parallèle, un nouveau recours devant le Conseil d’Etat pour obtenir la mise en œuvre de cette décision.
Le tribunal donne par ailleurs à l’État jusqu’au 30 juin 2024 pour :
Prendre toutes les mesures utiles pour respecter les objectifs de réduction des pesticides prévus par les plans Ecophyto ;
Protéger réellement, comme la loi l’y oblige déjà, les eaux souterraines du territoire français des effets des pesticides et de leur résidus
« La justice a tranché : après des décennies d’inaction, l’Etat est enfin reconnu coupable de l’effondrement de la biodiversité par son incapacité à mettre en œuvre une évaluation des risques des pesticides réellement protectrice du Vivant. Mais c’est aussi sa capacité à agir et la possibilité de renverser cette situation dramatique que cette décision met en lumière.Les solutions pour inverser la tendance existent, il faut les mettre en place de toute urgence. »commentent les associations.
La responsabilité de l’Etat et le préjudice qui en résulte, est caractérisé par : une contamination généralisée, diffuse, chronique et durable des sols et des eaux par les pesticides ; le déclin de la diversité et de la biomasse de nombreuses espèces (pollinisateurs et autres insectes, amphibiens, reptiles, oiseaux, organismes aquatiques, vers de terre, ainsi que de nombreuses autres espèces composant la faune et la flore terrestre et aquatique) ; et, plus généralement, la détérioration des chaînes trophiques et de l’ensemble des écosystèmes indispensables à la vie humaine, animale et végétale.
POLLINIS, Notre Affaire à Tous, Biodiversité sous nos pieds, ANPER-TOS et l’ASPAS, les 5 ONG environnementales du collectif Justice pour le Vivant, ont fait des propositions fondées sur la science pour faire évoluer les méthodologies d’évaluation des pesticides avant leur mise sur le marché.
Face à la gravité de la situation, elles appellent d’ores et déjà le gouvernement à prendre ses responsabilités. Il doit revoir d’urgence les procédures d’évaluation des risques, réévaluer la dangerosité des près de 3 000 produits phytopharmaceutiques homologués en France [4], retirer du marché les substances problématiques, et s’assurer que de nouvelles substances toxiques pour le vivant n’y fassent pas leur entrée.
Les ONG se tiennent à la disposition des ministres concernés, des parlementaires souhaitant comprendre les implications de cette condamnation pour les prochains projets de loi de planification agricole et solliciteront l’ANSES pour lui présenter des solutions rapidement déployables.
« Il s’agit d’une première étape indispensable pour enrayer l’extinction en cours. Face à l’urgence de la situation, L’Etat peut et doit maintenant mener les transformations nécessaires rapidement, en s’appuyant sur la science indépendante et de manière transparente », rappellent les associations.
A l’occasion de l’ouverture des débats à l’assemblée nationale sur la proposition de loi sénatoriale visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires, Notre Affaire à Tous, le Réseau Action Climat, la Fondation pour la Nature et l’Homme, la Ligue pour la Protection des Oiseaux, et Humanité et Biodiversité, ont souhaité adresser leur inquiétudes et leurs demandes quant aux ambitions du dispositif ZAN.
Madame la Première Ministre,
La proposition de loi actuellement en discussion devant le Parlement menace profondément la réalisation de l’objectif de zéro artificialisation nette. Mesure phare de la loi climat et résilience, cette mesure est particulièrement stratégique pour permettre à la France de tenir ses engagements en matière climatique et environnementale, et constitue le cœur des arguments avancés par l’État dans les procès climatiques dont il est l’objet pour justifier son action climatique.
La loi climat et résilience de 2021 a posé un objectif de zéro artificialisation nette en 2050, imposant une étape de réduction de l’artificialisation des sols à échéance 2031 de moitié par rapport à la décennie précédente (2011-2021). La proposition de loi sénatoriale relative au dispositif ZAN menace ces objectifs en délaissant la force contraignante du dispositif et en multipliant les dérogations à la comptabilisation des espaces artificialisés.
Les associations de défense de l’environnement demandent à ce que soit maintenue la force contraignante élevée et chiffrée que fixe la loi climat et résilience, notamment en inscrivant explicitement dans la loi la compatibilité des SCoTs, PLUi, et cartes communales avec les SRADDETs (1) afin de garantir l’atteinte des objectifs fixés nécessaires à la préservation des sols. Afin de répondre aux craintes des territoires concernant la création d’une forme de tutelle de la Région, nous proposons également de revoir la manière dont la territorialisation du ZAN est réalisée, en donnant la responsabilité aux territoires de trouver un accord, éventuellement arbitré par l’Etat.
Sans mesure concrète de réduction de l’artificialisation des sols, celle-ci continuerait sur un rythme de 20 000 hectares par an (France Stratégie). Ce développement priverait les sols de leur capacité à stocker le carbone, amplifierait l’érosion de la biodiversité, et aggraverait les risques climatiques (inondations, incendies…) comme cela a été récemment le cas lors des inondations en Emilie-Romagne.
Ces mesures sont indispensables, au vu du constat des politiques d’aménagement passées qui, malgré l’affichage croissant d’exigence de sobriété foncière, ne sont pas parvenues à réduire suffisamment le rythme de l’artificialisation des sols face au développement économique des territoires.
Pourtant, l’Etat ainsi que les parlementaires enclenchent à bas bruit l’abandon du dispositif ZAN consacré par la loi climat et résilience, en détricotant exigence par exigence, et en accordant de multiples dérogations. Si le dispositif initial nécessitait effectivement des adaptations afin de prendre en compte les contraintes de l’échelon local, les avancées réglementaires et législatives précédemment acquises font actuellement l’objet d’un réel retour en arrière.
En effet, afin que le dispositif ZAN soit opposable et territorialisé à petite échelle, la loi Climat et résilience prévoit d’accorder à la région, et notamment à travers le Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET), d’importantes prérogatives en matière d’orientations d’aménagement pour une gestion économe des sols. Pour en assurer l’effectivité, la première version du décret d’application de la loi (2)(relatif à la territorialisation) impose un « rapport de compatibilité » entre les SCOTs et les règles du SRADDET fixant des objectifs chiffrés, ce afin de permettre d’assurer la déclinaison territorialisée de ces objectifs. Ce « rapport de compatibilité » permet de s’assurer que les documents locaux d’urbanisme respectent l’esprit des objectifs régionaux qui découlent eux-mêmes de la loi climat et résilience
Ce mécanisme est la pierre angulaire de l’effectivité de l’objectif ZAN.
Nous constatons avec la plus grande inquiétude que les discussions actuellement en cours, notamment la proposition de loi sénatoriale visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires, envisagent une régression très problématique du dispositif en remettant en cause le rapport de compatibilité au profit d’un rapport de simple « prise en compte ». Cela signifierait que les documents d’urbanisme locaux pourraient déroger aux orientations fondamentales de la norme supérieure, le SRADDET, en justifiant de l’intérêt d’une opération particulière. Cette évolution correspondrait finalement à transformer une obligation en simple recommandation, ce qui, en somme, reviendrait à un abandon de l’objectif ZAN. Si la difficulté résidait dans le fait que le décret SRADDET contredirait la loi, nous vous invitons à modifier la loi pour y inscrire explicitement le lien de compatibilité.
Le décret d’application relatif à la territorialisation de l’objectif ZAN, actuellement en révision, quant à lui, participe également à l’abandon du dispositif ZAN en transformant l’obligation d’édicter de telles règles en simple possibilité ; et en supprimant l’exigence de fixer des objectifs chiffrés de réduction du rythme de l’artificialisation des sols à échelle infrarégionale dans les règles du SRADDET. En cela, le nouveau décret prend seulement acte du fait que certaines régions ont appliqué les dispositions de la loi climat, quand d’autres ne l’ont pas fait.
La planification écologique qui vous est confiée impose de consolider les objectifs clés de la loi climat et résilience, et pour ce faire de garantir la force contraignante des mesures de réduction de l’artificialisation des sols et de les préciser au travers de chiffres applicables à échelle locale. Les reculs aujourd’hui envisagés, conjugués aux nombreuses dérogations votées au Sénat, conduiraient à un abandon de fait de l’objectif ZAN.
A terme, l’incapacité du Gouvernement à maintenir l’exigence de sobriété foncière renforcera la vulnérabilité des territoires et des populations aux impacts du dérèglement climatique. Les premiers réfugiés climatiques français sont apparus en février 2023 du fait de la montée des eaux (3) qui entraine des risques sur déjà plus de 800 communes (4), tandis qu’au cours du même mois de février, la communauté de communes du Pays de Fayence a suspendu tous les permis de construire pour 5 ans, pour cause de sécheresse, avant que le préfet du Var confirme ce choix dans un courrier du 10 mars (5). Si le ZAN doit être la politique qui planifie la fin de l’étalement urbain, nous devons avoir à l’esprit que les sécheresses portent en elles le risque d’impossibilités d’urbanisation de fait, brutales, non concertées. Que deviendront les quotas d’artificialisation des territoires frappés par les sécheresses et l’impossibilité de construire davantage ?
Ainsi, il nous semble crucial non pas d’affaiblir la portée du ZAN, mais au contraire de conforter le dispositif et de l’articuler avec les autres domaines de planification écologique, notamment concernant la ressource en eau.
Au regard des catastrophes climatiques qui touchent d’ores et déjà le territoire français, il est impératif d’imposer des mesures ambitieuses de sauvegarde de la biodiversité, principale alliée face à ces phénomènes. Il est par conséquent impensable d’abandonner l’objectif ZAN. C’est pourquoi nous vous demandons, Madame la Première Ministre, une décision politique forte pour préserver et réaffirmer l’importance des objectifs de “zéro artificialisation nette”.
Nous vous prions d’agréer, Madame la Première Ministre, l’expression de notre très haute considération.
Signataires
Jérémie Suissa, Délégué Général (Notre Affaire à Tous)
Morgane Créach, Directrice, Réseau Action Climat
Matthieu Orphelin, Directeur Général, Ligue pour la Protection des Oiseaux,
Stéphanie Clément-Grandcourt, Directrice Générale, Fondation pour la Nature et l’Homme
Sandrine Bélier, Directrice, Humanité et Biodiversité
Copie à M. Christophe Béchu, Ministre de la transition écologique
ou les Plan locaux d’urbanisme (PLU) non soumis à un SCOT
Article R 4251-8-1 du Code général des collectivités territoriales
Décret n° 2022-750 du 29 avril 2022 établissant la liste des communes dont l’action en matière d’urbanisme et la politique d’aménagement doivent être adaptées aux phénomènes hydrosédimentaires entraînant l’érosion du littoral, disponible sur : <https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045726134>
Le contentieux climatique et environnemental est plus dynamique que jamais. Tous les jours ou presque, un tribunal à travers le monde est appelé à se prononcer sur le sujet, une requête est introduite ou, à tout le moins, un article est rédigé sur le sujet.
Les bénévoles du groupe vous proposent, encore une fois, un travail de qualité.
Vous pourrez, ainsi, lire en focus un article sur les demandes d’avis consultatif devant les juridictions internationales en matière climatique étayé d’entretiens de trois experts sur le sujet.
Dans la partie consacrée aux contentieux climatiques, vous retrouverez un article sur le jugement de la Cour de District d’Amsterdam contre KLM et la décision sur le recours climat Tchèque, une première!
En matière de contentieux environnementaux, vous aurez l’occasion de lire, les deux premiers chapitres d’une trilogie sur l’encadrement juridique des mines de lithium en Argentine, Chili et Bolivie. La décision du TGI de Paris sur l’affaire du Chlordécone sera analysée. Enfin, vous pourrez accéder au commentaire de la décision du tribunal judiciaire de Paris sur le plan de vigilance de Total en Ouganda.
Nous vous souhaitons une très bonne lecture,
Et si vous souhaitez rejoindre notre groupe de travail, c’est par ici !
Sandy Cassan-Barnel Référente du groupe veille-international.
Sommaire
Focus : L’avis consultatif devant les juridictions internationales : un outil pour faire avancer le droit du climat ?
Tribunal municipal de Prague (République Tchèque) ONG Klimaticka zaloba vs. L’Etat de la République Tchèque, le 15 juin 2022
Affaires Environnementales
Décision TGI Paris 6 janvier 2023 Chlordécone
La Cour de cassation reconnaît la compétence du tribunal judiciaire pour juger la plainte des associations au nom du non-respect de la loi sur le devoir de vigilance contre le plan de vigilance de Total en Ouganda (28/02: il y aura un premier jugement sur le fond, je le couvrirai pour la newsletter)
Le triangle du lithium
Focus : L’avis consultatif devant les juridictions internationales : un outil pour faire avancer le droit du climat ?
Depuis cinq ans, le monde a vu les contentieux climatiques se multiplier de façon exponentielle. Des affaires sont portées en justice contre des États et des entités privées devant des tribunaux internationaux et nationaux sur tous les continents. Depuis quelques mois, le changement climatique a également fait l’objet de demandes d’avis consultatifs auprès de juridictions internationales. Or l’avis consultatif, une opinion juridique émise par un tribunal sur une ou plusieurs questions portées devant lui, n’a en principe pas de force contraignante. Pourquoi, alors, ce moyen est-il employé ? À quoi sert-il ? Qui peut le demander et qui peut participer à la procédure ? Les lecteurs du Focus de Notre Affaire À Tous pourraient-ils y contribuer ? Dans ce Focus, nous nous penchons, à titre d’exemple, sur la procédure des avis consultatifs dans certaines juridictions internationales susceptibles de recevoir de telles demandes relatives au climat. Nous analyserons leur intérêt juridique, avant d’examiner une initiative récente devant la Cour interaméricaine des droits de l’homme cherchant à clarifier, par le biais d’un avis consultatif, les obligations juridiques internationales des États relatives au changement climatique au regard des droits humains.
L‘ONG néerlandaise Fossilvrij, soutenue par Reclame Fossilvrij et ClientEarth, a porté plainte en juillet 2022 contre KLM-Airfrance pour communication trompeuse, considérée comme du greenwashing.
Cette plainte est l’une des premières remettant en cause les déclarations de compensation carbone d’une entreprise du secteur de l’aviation.
Fossil Vrij demande à KLM de cesser ses allégations commerciales sur l’aviation durable afin de ne pas induire en erreur le consommateur sur l’impact des produits dépendants des énergies fossiles. Pour cela, la plainte repose sur deux bases juridiques distinctes: le droit de la consommation en matière d’allégations commerciales trompeuses (article 193 de la section 6 du code de la publicité néerlandais) et l’article 6:162 du Code Civil néerlandais instaurant l’obligation d’agir selon un standard de soin non écrit.
Dans sa plainte, le demandeur s’attaque à KLM en raison de sa campagne « Fly Responsibly ». Cette campagne enfreindrait droit néerlandais du fait qu’elle donne l’impression au consommateur que voler en avion est compatible avec un mode de vie durable. Il souligne, dans un premier temps, l’impossibilité de la conciliation entre la croissance économique du secteur de l’aviation et la lutte contre le changement climatique. Puis, dans un deuxième temps, le plaignant accuse KLM de renforcer l’impression chez le consommateur que voler peut être durable grâce à son service de compensation carbone et le développement d’un carburant d’aviation alternatif.
Dans une décision du 7 juin 2023, le tribunal de district d’Amsterdam a confirmé l’intérêt à agir des demandeurs. Une décision sur le fond n’est pas attendue avant 2024.
Tribunal municipal de Prague (République Tchèque) – ONG Klimaticka zaloba vs. L’Etat de la République Tchèque, le 15 juin 2022
L’ONG Klimaticka zaloba avec d’autres plaignants ont intenté une action en justice contre l’Etat de la République Tchèque en raison de son inaction en matière de lutte contre la crise climatique et des violations des droits de l’homme qui en résultent. Ils sollicitent une protection contre l’ingérence illégale (au sens de l’art. 82 et 87 de la loi 2002 du code de justice administrative tchèque, cf partie Moyens) alléguée de l’Etat en demandant au tribunal d’enjoindre à l’Etat de prendre des mesures adéquates et nécessaires pour protéger contre les effets néfastes du changement climatique et conduisant notamment à une réduction de 55% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990.
Le tribunal municipal de Prague a rendu son jugement en statuant que l’ingérence de l’Etat caractérisée par l’inaction en matière climatique était illégale et a enjoint ce dernier de prendre des mesures nécessaires dans les meilleurs délais. Néanmoins, le jugement a été très récemment annulé en cassation par la Cour administrative suprême et l’affaire est renvoyée de nouveau devant le tribunal municipal de Prague.
Deuxième volet de l’affaire chlordécone, l’ordonnance de non-lieu en date du 2 janvier 2023 met fin à plus de quinze ans d’investigations. À l’issu des 321 pages de la décision, les parties civiles sont déboutées dans leurs multiples prétentions et aucune responsabilité pénale n’est retenue à l’encontre des personnes mises en cause. Néanmoins, les juges pointent les carences du système pénal pour faire face à ce « scandale sanitaire » et des comportements jugés asociaux des personnes impliquées dans cette affaire, ayant entraîné une contamination « durable, généralisée et délétère »1 pour les milieux et les habitants de Guadeloupe et de Martinique. Entre lucidité et manque d’audace de la part des juges d’instruction, les explications apportées à l’appui de cette ordonnance de non-lieu doivent être autant de leçons plaidant en faveur d’une évolution du droit de l’environnement. Cela concerne également la collecte des preuves en vue de futurs contentieux liés aux produits phytosanitaires et à la pollution des milieux.
Association Les Amis de la Terre France et al. c/ S.A. Total est la première affaire portée sur la base de la loi sur le devoir de vigilance. Plusieurs ONG ont saisi le juge des référés afin d’obliger Total à respecter ses obligations de vigilance dans le cadre d’un super projet pétrolier en Ouganda. L’affaire, qui dure depuis 2019, a rencontré de nombreux obstacles procéduraux et s’est soldée par une ordonnance d’irrecevabilité en février 2023. L’absence de précisions juridiques quant aux mesures de vigilance que les entreprises doivent prendre risque de poser des problèmes importants dans la mise en œuvre effective de la loi sur le devoir de vigilance.
Le Triangle du Lithium et les enjeux socio-environnementaux de la transition énergétique
Au Nord du Chili et de l’Argentine, au Sud de la Bolivie se trouve le triangle du lithium. Cette région connue comme la Puna est située à plus de 3000 mètres au-dessus du niveau de la mer dans la cordillère des Andes. C’est une zone aride avec des salars et des saumures où on trouve une matière première très importante pour la transition énergétique : le lithium. Cette matière première est utilisée, entre autres, pour la fabrication des batteries pour les voitures électriques, ou des panneaux solaires.
Le lithium, n’est pas une source d’énergie, mais une matière première qui permet la fabrication des matériaux où l’on peut facilement stocker de l’énergie. Le lithium est une matière première « critique » pour développer les énergies renouvelables et une économie à bas charbon. De ce fait, plusieurs projets miniers menés par des entreprises chinoises, japonaises, canadiennes, américaines et quelques entreprises européennes ont lieu dans le triangle du lithium. Certains parlent même du lithium comme le nouvel or blanc. De fait, il y a une ruée vers le lithium, car le contrôle des mines et de toute la chaine de valeur de cette matière première est un enjeu pour les pays qui souhaitent aligner leur matrice énergétique avec l’accord de Paris.
En revanche, les projets miniers de lithium ne sont pas soumis à un régime harmonisé. Les 3 pays du Triangle du lithium ont leur propre cadre réglementaire résultant de certains choix politiques. Or, les 3 pays sont confrontés à des enjeux socio-environnementaux similaires. D’une part, les méthodes d’extraction du lithium peuvent porter atteinte à certains objectifs environnementaux tels que la protection des ressources aquatiques et la protection de la biodiversité. Les projets de lithium peuvent avoir un impact sur des zones protégés par la communauté internationale tel que des zones humides qui sont sur la liste des sites Ramsar ou des réserves de la biosphère de l’Unesco. D’autre part, le lithium est situé dans des zones où des communautés autochtones sont présentes. Il y a donc des risques de conflits sociaux entre les entreprises minières avec les peuples autochtones des 3 pays.
Ceci pose la question de comment concilier l’objectif d’atténuer et adapter notre modèle économique au changement climatique avec d’autres objectifs socio-environnementaux de notre temps.
Ce décryptage vise donc à donner une vision globale du sujet en traitant certains des principaux enjeux socio-environnementaux des projets miniers. Il est divisé en plusieurs chapitres qui seront publiés entre cette newsletter et la newsletter qui sera publiée fin 2023.
-Le Chapitre 1 : un bref résumé du cadre réglementaire qui s’applique aux projets de lithium dans les 3 pays du triangle du Lithium;
-Le Chapitre 2 : Les projets de lithium et les zones protégées par la communauté internationale;
-Le Chapitre 3 : (à paraître en fin d’année) : les projets de lithium et le respect des droits des communautés autochtones;
-Le Chapitre 4 : (à paraître en fin d’année). Nous discuterons les différents standards ESG contraignants ou de droit souple qui pourraient s’appliquer aux projets miniers de lithium.
Ce mercredi 14 juin 2023, les organisations de l’Affaire du Siècle (Notre Affaire à tous, Greenpeace France et Oxfam France) ont déposé un nouveau mémoire au tribunal administratif de Paris. Elles constatent que l’État n’a pas pris toutes les mesures nécessaires pour réparer le préjudice écologique et demandent donc au tribunal de prononcer une astreinte financière de 1,1 milliard d’euros pour obliger l’État à agir.
L’État n’a pas pris les mesures structurelles à la hauteur des enjeux et des besoins pour faire face au dérèglement climatique. C’est pourquoi l’Affaire du Siècle apporte un nouvel élément à la procédure qui l’oppose à l’État, représenté par plusieurs ministères du gouvernement. Les organisations demandent au tribunal administratif de Paris d’exiger de l’État qu’il prenne des mesures supplémentaires et de payer une somme de 1,1 milliard d’euros pour les neuf premiers semestres de retard déjà cumulés (122 millions d’euros pour chaque semestre de retard supplémentaire). L’objectif : forcer le gouvernement à prendre des mesures structurelles pour que la France réduise durablement ses émissions de gaz à effet de serre.
Pour les organisations de l’Affaire du Siècle, « le gouvernement n’a pas exécuté la décision du juge prise en octobre 2021 puisqu’il n’a pas pris des mesures pour rattraper son retard. Or, plus la France tarde à mettre en place une véritable politique climatique à la hauteur des enjeux, plus la transition pour faire face aux impacts de l’inaction passée coûtera cher. En manquant à ses responsabilités aujourd’hui, le gouvernement vit à crédit des générations à venir. »
Pour établir ce montant, les organisations se sont reposées sur la méthode Quinet, dite aussi de la « valeur de l’action pour le climat », qui a été définie par une commission d’expertise présidée par le haut-fonctionnaire Alain Quinet, à l’époque économiste au sein du cabinet du Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin.
La valeur de l’action pour le climat évalue le coût au-dessus duquel il est plus cher de réparer l’impact de tonnes de CO2 émises que d’investir pour les éviter.
Le gouvernement a cependant affirmé à l’envi avoir bien rempli ses objectifs. Pourtant, il a refusé à l’Affaire du Siècle de consulter la liste des mesures mises en place, malgré l’intervention de la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada) qui plaide en faveur des organisations.
Dans un contexte où chacun peut désormais ressentir les impacts de la crise climatique, les organisations de l’Affaire du Siècle restent plus que jamais mobilisées et vigilantes pour faire en sorte que l’État prenne les mesures structurelles nécessaires pour protéger les citoyennes et les citoyens.
On Monday 12 June, Notre Affaire à Tous published its fourth 2023 edition of the Multinational Climate Vigilance Benchmark, which scrutinises the climate vigilance measures of 26 leading French companies in high-emission sectors.
Since the French Corporate Duty Vigilance Law of 27 March 2017, large French companies must adopt a due diligence plan to identify and prevent grave risks of human rights and environmental abuses, including those related to climate. Just as States can be attacked and condemned for climate inaction (like the French State in the Grande-Synthe and « Affaire du Siècle » cases), large companies also face legal and liability risks in this area (1).
This year, Notre Affaire À Tous is publishing its fourth consecutive annual report on climate vigilance, analysing the climate measures of 26 French multinationals that are among the biggest greenhouse gas (GHG) emitters.
Lessons from the 2023 Benchmark
In 2023, three years after the first edition of the Benchmark, almost all of France’s highest emitting multinationals now recognise that the duty of care applies to the climate (2). However, none of the companies analysed is able to demonstrate compliance with our climate vigilance criteria, which assess the transparency of companies and the credibility of their alignment with the Paris Agreement.
While commitments to align with the Paris Agreement are multiplying, none of the announcements is yet backed up by sufficiently credible concrete measures. More specifically, the climate targets publicly announced by the companies analysed would only enable them to reduce their emissions by 20% by 2030 compared with 2019, at best. However, these targets are seriously lacking in credibility, and there is still a significant gap with the target of -50% emissions by 2030, corresponding to the 1.5°C objective of the Paris Agreement.
More generally, French multinationals are still seriously speculating with the climate: they are developing uncertain decarbonisation technologies, making emission reductions dependent on regulations and state aid, while at the same time engaging in anti-climate lobbying. To justify their actions, many of them continue to try to limit their individual responsibilities by referring to collective responsibility and the global nature of global warming. These positions run counter to the obligations of vigilance to which they are individually bound. The manifest failings of Natixis, Société Générale, Carrefour, Casino, Bolloré, Auchan, TotalEnergies, Aéroport de Paris and BNP Paribas are particularly worrying in this respect.
With regard to the transparency of companies’ direct and indirect emissions, which is necessary in order to identify the levers for decarbonisation and the extent of each company’s individual responsibility, significant progress is still required in order to trace emissions accurately (particularly concerning “scope 3” emissions). We estimate that the 26 multinationals have the power to influence more than 10% of global emissions.
These results show that the draft European directive on corporate sustainability due diligence (CSDD), whose version in the European Parliament aims to explicitly include requirements to identify emissions and align with the 1.5°C objective, is necessary to clear up certain debates of principle.
Jérémie Suissa, General Delegate of Notre Affaire A Tous, concludes: “This year, we are once again seeing companies treating the duty of care as a ‘box to tick’ rather than as a lever for transforming their business models. As long as they fail to properly track their emissions, recognise their individual obligations and put in place measures to limit global warming to 1.5°C, they will continue to expose themselves to the risk of litigation.”
[1] Beyond the law on duty of vigilance, all public and private persons, and in particular large companies, must be prudent and vigilant in environmental matters and must also prevent ecological damage.
[2] Veolia is the only company to consider that the climate « does not fall within the scope of the law on the duty of vigilance » (Veolia, Plan de vigilance 2022, p. 11).
Lundi 12 juin, Notre Affaire à Tous publie sa quatrième édition 2023 du Benchmark de la vigilance climatique des multinationales qui passe au crible les mesures de vigilance climatique de 26 grandes entreprises françaises emblématiques issues de secteurs d’activités fortement émetteurs.
Depuis la loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance, les grandes entreprises françaises sont tenues d’adopter un plan de vigilance qui identifie les risques d’atteinte aux droits humains et à l’environnement ainsi que les mesures de vigilance raisonnables propres à éviter la survenance de ces risques, dont ceux liés au climat. Comme les Etats qui peuvent être attaqués et condamnés pour inaction climatique (à l’image de l’Etat français dans Grande-Synthe et l’Affaire du Siècle), les grandes entreprises font également face à des risques juridiques de responsabilité en la matière. (1)
Notre Affaire À Tous publie cette année un quatrième rapport annuel consécutif sur la vigilance climatique mesurant les performances climatiques de 26 multinationales françaises figurant parmi les plus émettrices de gaz à effet de serre (GES).
Les enseignements du Benchmark 2023
En 2023, trois ans après la première édition du Benchmark, les multinationales françaises les plus émettrices reconnaissent désormais presque toutes que le devoir de vigilance s’applique au climat (2). Cependant, aucune entreprise analysée n’est en mesure de démontrer sa conformité avec nos critères de vigilance climatique qui évaluent la transparence des entreprises et la crédibilité de l’alignement avec l’Accord de Paris.
Si les engagements d’alignement avec l’Accord de Paris se multiplient, aucune annonce n’est pour l’instant garantie par des mesures concrètes suffisamment crédibles. Plus précisément, les objectifs climatiques publiquement affichés par les entreprises analysées ne permettraient de réduire leurs émissions d’ici 2030 que de 20% par rapport à 2019, dans le meilleur des cas. Toutefois, ces objectifs manquent sérieusement de crédibilité, et un écart important subsiste avec la cible de -50 % d’émissions d’ici 2030, correspondant à l’objectif 1,5°C de l’Accord de Paris.
Plus généralement, les multinationales françaises continuent de sérieusement spéculer avec le climat : elles développent des technologies de décarbonation incertaines, font dépendre les réductions d’émissions de régulations et d’aides étatiques tout en effectuant du lobbying anti-climat. Pour se justifier, nombre d’entre elles continuent d’essayer de limiter leurs responsabilités individuelles en renvoyant à la responsabilité collective et au caractère global du réchauffement climatique. Ces positions vont à l’encontre des obligations de vigilance auxquelles elles sont tenues individuellement. Les manquements manifestes de Natixis, la Société Générale, Carrefour, Casino, Bolloré, Auchan, TotalEnergies, Aéroport de Paris et BNP Paribas sont à cet égard particulièrement préoccupants.
Concernant la transparence au niveau des émissions directes et indirectes des entreprises, nécessaire pour identifier les leviers de décarbonation ainsi que l’étendue de la responsabilité individuelle de chaque entreprise, des progrès importants sont encore attendus pour retracer de manière sincère les émissions (en particulier au niveau du “scope 3”). Nous estimons que les 26 multinationales ont le pouvoir d’agir sur plus de 10 % des émissions mondiales.
Ces résultats démontrent que le projet de directive européenne sur le devoir de vigilance (Corporate sustainability due diligence directive – CSDDD), dont la version du Parlement européen vise à intégrer explicitement les exigences d’identification d’émissions et d’alignement avec l’objectif 1,5°C, est nécessaire pour évacuer certains débats de principe.
Jérémie Suissa, délégué général de Notre Affaire A Tous, conclut : “Cette année, nous constatons à nouveau que les entreprises considèrent le devoir de vigilance comme une “case à cocher” et non comme un levier de transformation de leurs modèles. Tant qu’elles ne retraceront pas correctement leurs émissions, ne reconnaîtront pas leurs obligations individuelles et ne mettront pas en place des mesures pour limiter le réchauffement à 1,5 °C, elles continueront de s’exposer à des risques contentieux.”
[1] Au-delà de la loi sur le devoir de vigilance, toutes les personnes publiques et privées, et en particulier les grandes entreprises, doivent être prudentes et vigilantes en matière environnementale et doivent également prévenir les préjudices écologiques.
[2] Veolia est la seule entreprise à considérer que le climat « ne relève pas du champ d’application de la loi sur le devoir de vigilance » (Veolia, Plan de vigilance 2022, p. 11).
Contact presse
Marine Coynel,chargée de communication chez Notre Affaire à Tous : marine.coynel@notreaffaireatous.org
Paris, June 7, 2023 – Red card for FIFA. Notre Affaire A Tous and 5 other European organizations have just had FIFA’s greenwashing recognized by the Commission suisse pour la loyauté, the body responsible for controlling advertising in Switzerland. This decision follows several complaints filed simultaneously in November 2022 with certain European advertising regulatory authorities (Switzerland, France, the UK, Belgium and the Netherlands), targeting the carbon neutrality claims surrounding the 2022 World Cup in Qatar.
By November 2022, complaints against FIFA for unfair competition had been lodged by Notre Affaire A Tous (France), Alliance Climatique Suisse, Carbon Market Watch (Belgium), the New Weather Institute (UK) and Fossil Free Football and Reclame Fossietvrij (Netherlands) with the advertising regulators in each country. The plaintiff associations were astonished that FIFA could promote « a carbon-neutral World Cup ». The six associations relied in particular on a report by the NGO Carbon Market Watch (also a plaintiff), according to which the carbon neutrality claims made by the tournament organizers were grossly underestimated.
In particular, the associations claimed that in calculating its CO2 emissions, FIFA had failed to take into account the impact of shuttle flights, the hundreds of daily flights enabling fans to connect their hotels in Dubai, Riyadh and Kuwait with Qatar, where the stadiums were located. FIFA had also only accounted for a minority of the CO2 emissions generated by the construction of the seven stadiums built for the event.
In a decision notified to the parties on June 6, 2023[1], the advertising regulator dismissed FIFA’s objections, stating bluntly that « FIFA sometimes worked with messages formulated in absolute terms and thus created the erroneous and misleading impression that the Football World Cup 2022 in Qatar had already achieved climate neutrality or carbon neutrality before and during the tournament. »
The authority found that FIFA had not provided « credible evidence of how all CO2 emissions generated by the tournament could be offset in accordance with Swiss standards ».
FIFA was therefore asked to « refrain in future from the contested allegations, in particular that the 2022 Football World Cup in Qatar would be climate and C02 neutral ».
In pointing out the misleading nature of the advertising produced by FIFA, the Swiss Fair Trading Commission considered that the latter was in breach of the Federal Law on Unfair Competition, which could constitute a criminal offense. The decision may still be appealed by FIFA on grounds of arbitrariness. The associations are also considering what further action might be taken in other jurisdictions.
For Jérémie Suissa, General Delegate of Notre Affaire A Tous, « this sends a very strong signal to the organizers of major international competitions: it is no longer possible to design absurdly climatic events while claiming to be carbon neutral. It is imperative that future competitions be designed to seriously integrate climate issues. »
« This is an incredible decision! It sends out a strong message to all companies that would like to engage in Greenwashing, » enthuses Quentin Cuendet, a member of Avocats.e.s pour le Climat, the association that drew up the Swiss complaint. « This first victory is just the beginning, » adds Me Arnaud Nussbaumer, President of the association. « There are many climate-related battles to be fought, and we have considerable resources and support at our disposal to tackle them.
[1] including non-Swiss plaintiffs, as all complaints were handled by the Swiss authority via the European coordination mechanism.
Paris, 7 juin 2023 – Carton rouge pour la FIFA. Notre Affaire A Tous et 5 autres organisations européennes viennent de faire reconnaître le greenwashing de la FIFA devant la Commission Suisse pour la Loyauté, organisme chargé du contrôle de la publicité en Suisse. Cette décision fait suite à plusieurs plaintes déposées en novembre 2022 simultanément auprès de certaines autorités européennes de régulation de la publicité (Suisse, France, Royaume-Uni, Belgique et Pays-Bas), ciblant les allégations de neutralité carbone entourant la coupe du monde 2022 au Qatar.
En novembre 2022, des plaintes contre la FIFA pour concurrence déloyale avaient été déposées par Notre Affaire A Tous (France), l’Alliance Climatique Suisse, Carbon Market Watch (Belgique), le New Weather Institute (Grande-Bretagne) ainsi que Fossil Free Football et Reclame Fossietvrij (Pays-Bas) devant les instances de contrôle publicitaire de chaque pays. Les associations plaignantes s’étonnaient que la FIFA puisse promouvoir « une Coupe du Monde neutre en carbone ». Les six associations s’appuient en particulier sur un rapport de l’ONG Carbon Market Watch (plaignante elle aussi) selon lequel les allégations de neutralité carbone formulées par les organisateurs du tournoi sont largement sous-estimées.
Les associations soutenaient notamment que dans le calcul de ses émissions de CO2, la FIFA n’avait pas tenu compte de l’impact des shuttle flights, ces centaines de vols quotidiens permettant aux supporters de relier leurs hôtels à Dubai, Riyad ou encore au Kowait avec le Qatar où se trouvaient les stades. La FIFA n’avait aussi comptabilisé qu’une partie minoritaire des émissions de CO2 générées par la construction des sept stades construits pour l’événement.
Dans une décision notifiée aux parties le 6 juin 2023[1], l’organisme de contrôle de la publicité a écarté les objections formulées par la FIFA en estimant sans détour que « La [FIFA] a parfois travaillé en recourant à des messages formulés en termes absolus et a ainsi suscité l’impression erronée et fallacieuse selon laquelle la Coupe du monde de football 2022 au Qatar aurait déjà atteint la neutralité climatique ou la neutralité carbone avant et pendant le tournoi »
L’autorité a estimé que la FIFA n’a pas apporté la preuve « de manière crédible de quelle manière toutes les émissions de CO2 générées par le tournoi pouvaient être compensées conformément aux standards suisses ».
Aussi, il est demandé à la FIFA de « renoncer à l’avenir aux allégations contestées, en particulier que la Coupe du monde de football organisée en 2022 au Oatar serait neutre pour le climat et en C02 ».
En soulignant le caractère trompeur de la publicité produite par la FIFA, la Commission suisse pour la loyauté a considéré que cette dernière contrevenait à la Loi fédérale sur la concurrence déloyale, ce qui pourrait constituer une infraction pénale. La décision peut encore faire l’objet d’un recours pour arbitraire de la part de la FIFA. Les associations étudient également quelles suites pourraient être données à ce dossier devant d’autres juridictions.
Pour Jérémie Suissa, délégué général de Notre Affaire A Tous, “c’est un signal très fort qui est envoyé aux organisateurs de grandes compétitions internationales : il n’est plus possible de concevoir des événements climatiquement absurdes tout en prétendant être neutre en carbone. Les prochaines compétitions devront impérativement être conçues de manière à intégrer sérieusement les enjeux climatiques.”
« C’est une décision incroyable ! C’est un message fort pour toutes les entreprises qui voudraient se prêter au Greenwashing » se réjouit Me Quentin Cuendet, membre d’Avocat.e.s pour le Climat, l’association qui a élaboré la plainte helvétique. « Cette première victoire n’est qu’un début » rajoute Me Arnaud Nussbaumer, Président de l’association, « les combats climatiques sont nombreux, nous disposons d’importantes ressources et de soutiens pour les affronter ».
Lundi 5 juin 2023, Lyon – Notre Affaire à Tous – Lyon et le cabinet Kaizen Avocat ont déposé, aux côtés de 37 victimes et de 9 associations et syndicats, un référé pénal environnemental (L. 216-13 du code de l’environnement) au Tribunal judiciaire de Lyon le 25 mai 2023 à l’encontre d’ARKEMA FRANCE, entreprise chimique produisant et rejetant des PFAS à Pierre-Bénite. Nous demandons la limitation à 1kg/mois des rejets de PFAS dans l’eau par ARKEMA FRANCE, afin de réduire au maximum cette pollution et une étude des risques sanitaires visant à évaluer l’ampleur de la contamination.
Selon le rapport de l’IGEDD (Inspection générale de l’environnement et du développement durable) de décembre 2022, ARKEMA FRANCE rejette ainsi 3,5 tonnes par an de PFAS dans le Rhône, une pollution majeure documentée par l’ANSES depuis 2011 ! La société ARKEMA FRANCE exploite en effet une activité de fabrication de produits chimiques fluorés depuis 1957. En 2013, la DREAL, chargée de contrôler l’entreprise, avait d’ailleurs déjà demandé à ARKEMA de surveiller ses rejets en PFAS, ce que l’entreprise n’a pas fait. Ces rejets massifs causent de graves pollutions de l’eau, du sol, de l’air et du lait maternel exposant ainsi la population et les salarié.e.s de l’entreprise à des risques pour leur santé. On retrouve également des PFAS dans l’alimentation, ce qui impacte particulièrement les agriculteur.rice.s et les consommateur.trice.s.
Le 31 mai 2022, Notre Affaire à Tous – Lyon avait déposé un premier référé à l’encontre d’ARKEMA FRANCE ciblant déjà la pollution aux PFAS. Depuis, des citoyen.ne.s et associations se sont mobilisés pour demander la fin des rejets aqueux de PFAS, une véritable transparence sur la nature et l’ampleur de la pollution et et une étude des risques sanitaires pour mieux connaître la contamination. Nous nous sommes réunis pour agir en justice et faire appliquer le principe de pollueur-payeur.
Stop à l’impunité des pollueurs !
Plusieurs documents montrent qu’ARKEMA FRANCE devait surveiller les substances “susceptibles de s’accumuler dans l’environnement” depuis 2007 et que la DREAL avait demandé dès 2013 à la société de surveiller ses rejets. Cette obligation de surveillance n’a pas été respectée par ARKEMA FRANCE, malgré la publication du rapport de l’ANSES en 2011 indiquant l’existence d’une grave pollution aux PFAS à Pierre-Bénite. Ces pollutions ont bien été commises délibérément par ARKEMA FRANCE, au détriment de la qualité de l’eau, de l’air et des sols, et donc de la santé de la population locale.
Les solutions pour filtrer les PFAS étaient également connues, puisque les rejets du composé 6:2 FTS par ARKEMA sont en très nette diminution grâce à la mise en place en novembre 2022 d’un traitement par ultrafiltration puis par charbons actifs suite à un arrêté préfectoral.
Afin de stopper ce scandale sanitaire et environnemental, 37 victimes, 10 associations et syndicats demandent au procureur de la République du Tribunal judiciaire de Lyon de saisir le juge des libertés et de la détention afin de faire cesser ces pollutions et d’étudier les risques sanitaires encourus par la population aux frais du pollueur.
Plus de 17 000 sites sont contaminés en Europe et 2 100 le sont à des taux potentiellement dangereux pour la santé (source : “Forever pollution project”). Pierre-Bénite est l’un des sites les plus contaminés de France.
Liste des associations et syndicats requérants : Notre Affaire à Tous – Lyon, Notre Affaire à Tous, Agribio Rhône Loire, Alternatiba ANV Rhône, Réseau AMAP AURA, Bien-Vivre à Pierre-Bénite, Fédération Syndicale Unitaire, La Ruche de l’écologie, Les Amis de l’Ile de la Table-Ronde, le Réseau Environnement Santé
Contact presse
Camille Panisset, Notre Affaire à Tous – Lyon camille.panisset@notreaffaireatous.org
Pour les questions juridiques : Me Louise Tschanz – Cabinet Kaizen Avocat louise.tschanz@kaizen.avocat.fr
Ce jeudi 1er juin, les eurodéputé.e.s ont adopté le projet de directive sur le devoir de vigilance après de longs mois de discussion. Ce texte représente une avancée majeure en matière de réglementation des multinationales. Bien qu’il ne soit pas définitif, le texte voté par le Parlement Européen hier est, à bien des égards, plus ambitieux que les textes de la Commission et du Conseil notamment sur le volet climat.
Malgré les ultimes tentatives d’une partie des eurodéputés du Parti populaire européen (PPE), la version plus ambitieuse du Parlement a survécu à la plénière et pourrait permettre de renforcer le devoir de vigilance climatique. Ce compromis représente une victoire importante pour la société civile et le mouvement climat. Grâce à la directive, les entreprises seraient soumises à l’Accord de Paris et obligées d’aligner leur modèle économique sur l’objectif 1,5 °C. C’est une avancée décisive quand on sait que nous ne parviendrons pas à maintenir la température à 1,5 °C sans la contribution des entreprises les plus émettrices.
Pour entrer définitivement en vigueur, le texte doit désormais être adopté en « Trilogue », c’est-à-dire à l’issue de discussions entre les trois grandes institutions européennes (Le Conseil Européen, la Commission Européenne, le Parlement Européen). C’est donc un premier pas historique qu’il faudra encore défendre lors du Trilogue.
Par ailleurs, si nous célébrons cet acquis comme une étape vers une véritable victoire dans la bataille pour la vigilance climatique des entreprises, la directive comporte encore d’importantes lacunes sur :
le droit d’accès à la justice des victimes (pas de renversement de la charge de la preuve)
la limitation des « director duties » (l’article 26 a été supprimé)
l’approche restrictive du devoir de vigilance des acteurs financiers
Ces points feront l’objet de nouvelles batailles à mener à l’avenir, mais pour l’heure il importe avant tout d’éviter tout retour en arrière et de préserver un texte qui pourrait permettre à l’Union Européenne d’envoyer un signal fort aux acteurs économiques multinationaux.
Nous utilisons des cookies pour nos statistiques. Certains contenus éditoriaux (vidéos, contenus externes) peuvent également utiliser des cookies. Vous pouvez accepter ou refuser les cookies et continuer la visite de notre site. Votre choix est enregistré pendant 1 mois.J'accepteJe refusePolitique de confidentialité