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  • « L’histoire se répète » : les entreprises du secteur des énergies fossiles mènent un lobbying acharné contre la réglementation européenne dans les années 1990 et aujourd’hui

    Article rédigé par Justine Ripoll, responsable des campagnes de Notre Affaire à Tous.

    Les informations contenues dans cet article sont basés sur l’excellent travail de recherche de Fabienne Jouty et Christophe Bonneuil publié le 14 Novembre 2025 “Undermining Climate Action: The Fight by European Oil Companies Against the European Carbon Tax” dans la International History Review. 

    Publié au lendemain du vote du Parlement européen visant à édulcorer les ambitions de la directive sur le devoir de diligence des entreprises en matière de durabilité, sous la pression des industries européennes et américaines, un article de recherche universitaire révèle comment des stratégies de lobbying et des arguments fallacieux similaires avaient déjà été utilisés par les entreprises européennes du secteur des énergies fossiles pour enterrer le projet de taxe européenne sur le carbone au début des années 1990.

    À la fin de l’année 1989, les trois principales institutions européennes avaient officiellement reconnu la menace du changement climatique et la nécessité d’une stratégie européenne pour y faire face. Le Conseil [des Ministres de l’Environnement] a souligné le rôle des instruments économiques et fiscaux « dans la modification du comportement des acteurs économiques [afin] de réduire les dommages environnementaux ».

    Les dirigeants d’entreprises ont considéré que les progrès rapides du projet d’écotaxe constituaient une menace majeure pour leurs profits, ce qui a conduit au « lobbying le plus féroce jamais vu à Bruxelles ».

    Sur la base d’une analyse de documents publics et de correspondances adressées aux autorités nationales et européennes par les compagnies pétrolières ou leurs organisations représentatives, l’article détaille les arguments et les stratégies discursives utilisés par les acteurs du secteur pétrolier pour plaider en faveur de « l’abandon complet et immédiat de l’écotaxe » et promouvoir leur propre définition d’une politique climatique publique efficace.

    Une science incertaine

    La première stratégie consistait à minimiser les avantages environnementaux de la réglementation climatique. Les compagnies pétrolières et gazières (BP, Elf, Total, ENI, Shell) ont délibérément mis l’accent sur les « incertitudes scientifiques », tout en ignorant le consensus scientifique dominant exprimé dans le premier rapport du GIEC en 1990, reflétant ainsi une stratégie visant à semer le doute. Un ancien dirigeant d’Elf a admis rétrospectivement que «oui, les compagnies pétrolières savaient (1)». Pourtant, juste avant le sommet de Rio prévu en 1992, elles tenaient un discours complètement différent aux décideurs européens.

    British Petroleum « reconnaît que de nombreuses questions essentielles doivent encore être étudiées plus en détail. Parmi celles-ci figurent deux questions fondamentales : la relation entre les émissions de gaz à effet de serre et le réchauffement climatique, et l’effet d’une augmentation de la température terrestre sur les différentes régions du monde. Il existe encore de nombreuses incertitudes. Par exemple, il n’est pas encore clair que l’effet du réchauffement climatique mondial sur le Royaume-Uni serait entièrement néfaste. » – Document de synthèse de BP de 1989, soumis à la commission spéciale de l’énergie de la Chambre des communes britannique.

    « Il existe certes un lien entre la température et la teneur en dioxyde de carbone de l’atmosphère, mais ce lien ne permet pas d’extrapoler des scénarios plus ou moins catastrophiques sur le réchauffement climatique de la planète (…). Et surtout, il n’y a aucune certitude quant à l’impact des activités humaines, y compris la combustion des énergies fossiles. (2) » – Directeur Environnement de Total.

    « Avant même de prendre des décisions politiques, telles que l’adoption d’une taxe carbone, qui aurait des conséquences désastreuses et inattendues sur le plan économique, il est nécessaire d’obtenir des données scientifiquement fiables et de confirmer plusieurs points controversés, tels que le rôle des océans et des nuages dans le changement climatique (…). (3) » – Responsable du bureau Sécurité, Qualité et Environnement d’ENI.

    « Le monde politique soutient fortement l’idée que les émissions anthropiques sont susceptibles d’augmenter l’effet de serre et d’entraîner un certain réchauffement climatique. Mais le débat reste ouvert parmi les personnalités et les groupes faisant autorité sur les questions scientifiques fondamentales. » – Lodewijk van Wachem, PDG de Shell.

    Nécessité de mener d’autres études économiques pour explorer différentes options politiques

    Le deuxième argument avancé par l’industrie des combustibles fossiles concernait le coût économique d’une taxe carbone, que le secteur pétrolier européen estimait sous-estimé par la Commission. Par exemple, l’EUROPIA (4) a réagi à la consultation de la Commission en 1991 en affirmant que « la Commission et les gouvernements nationaux devraient approfondir l’évaluation de cette option, ainsi que d’autres instruments économiques non fiscaux (par exemple, les permis négociables, les incitations, etc.) ». De plus, l’industrie pétrolière a vigoureusement mis en garde contre le fait qu’une écotaxe « unilatérale » qui ne serait pas étendue au minimum aux autres pays de l’OCDE «pourrait compromettre la compétitivité [de l’Europe]».

    Le marché sait mieux que quiconque

    Lescompagnies pétrolières et gazières ont fait pression pour privilégier les engagements volontaires et les instruments basés sur le marché plutôt qu’une taxe. Cette vision néolibérale était partagée par «la plupart des représentants des industries à forte intensité énergétique (sidérurgie, chimie, ciment, automobile, verre, céramique, etc.) [qui] ont manifesté (…) un vif intérêt pour une alternative non fiscale qui impliquerait la mise en place d’accords volontaires au niveau communautaire (5) ».

    Jouer la carte des « énergies fossiles propres »

    Enfin, un quatrième argument avancé par les compagnies pétrolières européennes consistait à promouvoir les « carburants propres » et le gaz comme solutions pour limiter les émissions. Elles ont également présenté le méthane comme « l’énergie propre de l’avenir » en 1989, alors que la Commission européenne signalait, au cours de la même période, que le gaz naturel représentait un cinquième des émissions de CO2 de la Communauté Européenne et que le GIEC identifiait le méthane comme un gaz à effet de serre important.

    « Le lobbying le plus féroce jamais vu à Bruxelles »

    Le secteur pétrolier européen a répété ces arguments interdépendants contre la taxe carbone et s’est impliqué dans le processus décisionnel de la Communauté économique européenne. L’industrie pétrolière a établi un front commun avec « la plupart des représentants des industries à forte intensité énergétique (acier, produits chimiques, ciment, automobile, verre, céramique, etc.) », qui représentaient ensemble les deux tiers des émissions industrielles de CO2 en Europe. Quelques jours seulement avant une réunion de la Commission, elle a déclaré que « l’industrie européenne exhorte la Commission à explorer d’autres options que les taxes pour réduire les émissions de CO2 (6) » et a publié un communiqué de presse commun pour « faire pression une fois de plus en faveur du retrait de ce projet (7) ».

    Entre octobre 1991 et le printemps 1992, ENI, BP, Elf, Total et Shell, soit indépendamment, soit par le biais de leur participation commune à des organisations professionnelles, ont mené une campagne marathon pour empêcher l’adoption d’une taxe européenne sur le carbone avant le Sommet de la Terre à Rio en juin 1992.

    Par exemple, en mars 1992, Elf a écrit au ministre de l’Industrie Strauss-Kahn que « l’effet de serre n’est peut-être pas le seul facteur » expliquant le réchauffement climatique et que « le chômage serait considérablement aggravé (8) » par l’écotaxe. Dans le même temps, les dirigeants de 15 grandes entreprises, dont Elf et Total, ont créé une nouvelle association professionnelle, Entreprises pour l’environnement, qualifiant ouvertement l’écotaxe d’« aberration », voire de « péché » (9). Peu après, d’éminents chefs d’entreprise français ont rencontré le Premier ministre Pierre Bérégovoy et lui ont présenté un graphique illustrant l’impact potentiel d’une telle taxe sur la compétitivité française (10).

    C’est le revirement de la France, qui est passée d’un soutien vigoureux en 1988-1991 à une opposition en mai 1992, qui a finalement marqué un tournant.

    La taxe européenne sur le carbone a ensuite été retirée par la Commission et n’a pas été adoptée avant la date critique du Sommet de Rio. En réponse, Carlo Ripa di Meana, commissaire chargé de l’environnement, a refusé d’y participer, qualifiant ce sommet d’« hypocrite » et de simple « blabla », avant de démissionner en juin. Cette décision a privé l’Europe de son rôle de leader à Rio, affaibli les négociations internationales sur le climat et retardé l’adoption d’instruments économiques contraignants en matière de climat.

    Notes

    (1) Courriel de Jean-Paul Boch à Sandrine Feydel, 22 octobre 2021, aimablement fourni par France Tv. Boch était responsable des questions climatiques chez Elf dans les années 1990.

    (2) Jean-Philippe Caruette, ‘Environnement – Lucidité et Pragmatisme’, ÉnergieS, 9 (1992), 13-14.

    (3) Ennio Profili, ‘Closing Remarks’, in Brian P. Flannery and Robin Clarke (eds.), Global Climate Change: A Petroleum Industry Perspective (London: IPIECA, 1992), 259.

    (4) Consciente que les activités de lobbying habituelles ne suffisaient pas à empêcher « des aberrations telles que le célèbre projet de taxe sur le CO2 », l’industrie pétrolière a créé en 1990 l’Association européenne de l’industrie pétrolière (EUROPIA). Celle-ci a été formée pour défendre ses intérêts auprès de « la Commission européenne, du Parlement et, plus largement, des leaders d’opinion influents ».

    (5) ‘Accords volontaires une alternative à la fiscalité. La position de l’industrie’, note from DG III (Internal Market and Industrial Affairs), 09/08/1991, HACE, BAC 443/1998 2. 

    (6) EUROPIA (Gilbert Portal) to M. Bangemann, 18 July 1991, HACE, BAC 443/1998 2.

    (7) European Industry Urges the Commission to Find Other Solutions than Taxes for Reducing CO2 Emissions’, Press Release. CEFIC, 23 September 1991, HACE, BAC 443/1998 2; HistCom3: History of the European Commission, 1986-2000; HAEU, INT968, Interview with Laurens Jan Brinkhorst by Jan-Henrik Meyer, on 24 April 2017, p. 21.

    (8) SNEA, ‘Effet de serre et écotaxe’, 20 March 1992, 1, 3 and 4, AN 19940662/9.

    (9) Les citations des représentants de l’EpE sont à retrouver dans Bonneuil, ‘Genèse et abandon’, 92.

    (10) Interview with Jean-Charles Hourcade, 26/10/2020, 29/01/2022, 16/12/2022.

  • « Cinq ans de Pôles Régionaux Environnementaux : état des lieux d’un nouveau pôle judiciaire spécialisé pour la protection du Vivant »,  à l’heure de la transposition de la directive sur la criminalité environnementale

    Communiqué de presse, 10 décembre 2025Notre Affaire À Tous-Lyon publie son premier rapport : « Cinq ans de Pôles Régionaux Environnementaux : état des lieux d’un nouveau pôle judiciaire spécialisé pour la protection du Vivant » et propose 10 recommandations pour l’amélioration de la justice pénale et civile environnementale en France !

    La délinquance verte est la 4ème source de revenus criminels après la drogue, la contrefaçon et la traite d’êtres humains, et pourtant la majorité des infractions environnementales poursuivies par les tribunaux français en 2019 se soldaient par un classement sans suite ou un simple rappel à la loi.

    Pour faire face à cette invisibilisation de la justice environnementale, le législateur a créé 37 Pôles régionaux environnementaux, dits « PRE » , répartis sur tout le territoire  en adoptant la loi du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée.

    Mais 5 ans plus tard, le résultat n’est toujours pas à la hauteur ! Une institution méconnue, aucun·e magistrat·e spécialisé·e à 100% sur le contentieux environnemental, des assistant·es spécialisé·es environnement contractualisé·es, des services d’enquêtes en sous-effectifs et visés par des velléités de coupes budgétaires, une absence de transparence sur le budget alloué à l’institution …

    Il est plus que temps d’agir et d’assurer aux PRE les moyens de rendre sereinement la justice environnementale !

    Notre Affaire À Tous Lyon recommande ainsi de :  

    • Informer et sensibiliser les avocat·es et le grand public à l’existence des PRE pour favoriser l’accroissement du volume du contentieux environnemental
    • Spécialiser des magistrat·es à 100% sur le contentieux environnemental
    • Pérenniser le statut des assistant·es spécialisé·es et des attaché·es de justice environnement
    •  Renforcer les effectifs et les moyens matériels au sein des services d’enquête spécialisés
    • Répartir plus clairement les compétences entre les services d’enquête environnementaux, favoriser la cosaisine, renforcer le dialogue entre les juridictions judiciaires et administratives
    • Prévoir suffisamment de créneaux pour des « audiences environnementales dédiée » au sein des tribunaux
    • Allouer un budget adapté et transparent aux PRE
    • Assurer la participation active de tous les services d’enquête en COLDEN et renforcer leur communication avec les PRE
    • Doter tous les PRE des territoires dits ultramarins d’assistant·es spécialisé·es environnement ou d’attaché·es de justice environnement ainsi que de parquetier·es référent·es
    • Mener des études statistiques approfondies sur les PRE et favoriser les échanges entre les parties prenantes des PRE pour évaluer et améliorer leur efficacité

    La prochaine étape ? D’ici au 21 mai 2026, la France a l’obligation de transposer effectivement la directive 2024/1203 du 11 avril 2024 relative à la protection de l’environnement par le droit pénal. Elle doit pour ce faire « veiller à ce que les autorités nationales chargées de détecter les infractions pénales environnementales, d’enquêter sur celles-ci, de les poursuivre ou de les juger disposent d’un personnel qualifié en nombre suffisant et de ressources financières, techniques et technologiques suffisantes pour l’exercice effectif de leurs fonctions liées à la mise en œuvre de la directive. »  Soyons ambitieux·ses et renforçons nos PRE !

    Contact presse

    Léna Curien, administratrice de NAAT Lyon, lyon@notreaffaireatous.org

  • TOUS HUMAINS – 10 décembre – Journée internationale des droits humains : Un recours en justice pour exiger le respect des droits humains de 3 millions d’ « Ultramarin·es » 

    Communiqué de presse de Kimbé Rèd F.W.I. et Notre Affaire à Tous, 10 décembre 2025En cette journée internationale des droits humains, rappelons que la France exclut d’un traité des droits humains, la Charte sociale européenne,  trois millions de personnes qui ne peuvent y faire appel pour demander le respect de leur droit du travail, à l’éducation, au logement, à la santé, ou encore à l’eau potable et à un environnement sain. L’association antillaise Kimbé Rèd F.W.I., membre de la Fédération Internationale des Droits Humains (FIDH) et l’association Notre Affaire à Tous, engagées contre les discriminations d’accès à l’eau potable dans les territoires dits d’Outre-mer, déposent ce-jour une demande indemnitaire préalable réclamant réparation pour les préjudices liés à cette discrimination et à la privation de recours en matière de droits humains.

    Depuis l’adoption de la Charte sociale européenne en 1961 (1), la France n’a jamais acté l’applicabilité de ce texte jumeau de la Convention européenne des droits de l’Homme aux populations des «Outre-mer ». Cela est permis par une clause limitant l’application de ce traité au seul territoire «métropolitain », héritage colonial qui persiste dans ce texte dont la portée est censée être universelle.

    Très concrètement, c’est pour cette raison qu’en mars 2025, le Comité européen des droits sociaux, d’une part, a déclaré irrecevable le recours de Kimbé Rèd F.W.I. porté par la FIDH sur l’accès à l’eau potable et la contamination au chlordécone aux Antilles et, d’autre part, a écarté le rapport de Kimbé Rèd FWI sur la crise du coût de la vie dans les « Outre-mer ». 

    La Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), dans une déclaration officielle publiée en septembre 2024, avait pourtant estimé cette situation contraire au droit international des droits humains et à la Constitution française. Suite à une levée de boucliers des parlementaires, le Gouvernement s’est alors engagé à trois reprises (2) devant le Parlement à résoudre la situation avant la fin du mois d’avril 2025, ce qui ne nécessiterait que l’envoi d’un paragraphe écrit par la France au Conseil de l’Europe. Pourtant, ces communications politiques n’ont pas été suivies d’action.

    Le sujet sera évoqué à la conférence de haut niveau sur la Charte sociale européenne prévue à Chișinău, les 18-19 mars 2026, à laquelle la France participera. Nous donnons donc trois mois à l’État pour notifier officiellement l’inclusion des territoires dits d’Outre-mer au périmètre intégral de la Charte sociale européenne. Pour Jérémie Suissa, délégué général de Notre Affaire à Tous, « cette discrimination n’est pas un problème local : elle porte atteinte à notre conception même d’égalité nationale ».

    « Priver quelqu’un de ses droits humains revient à le déposséder de son humanité » – Nelson Mandela. Pour Sabrina Cajoly, fondatrice de Kimbé Rèd FWI, qu’en 2025, France et Europe puissent encore exclure des millions de personnes — en majorité Afrodescendant·es et autochtones — d’un traité des droits humains est intolérable car cela revient à nier leur humanité. Sur le sujet, la campagne « Tous humains », portée par Kimbé Rèd FWI, a rassemblé des dizaines de personnalités, et plus de 3000 signatures soutien, pour visibiliser cette discrimination. 

    Notes

    (1) Ratifiée par la France en 1973.

    (2) Les 19 mars, 8 avril et 9 avril 2025. Cet engagement a été renouvelé au Secrétaire général du Conseil de l’Europe le 11 avril, lors de la visite de ce dernier à l’Élysée et au Quai d’Orsay.

    Contacts presse

    Sabrina Cajoly, Kimbé Rèd F.W.I., Guadeloupe : kimberedfwi@gmail.com

    Emma Feyeux, Notre Affaire à Tous : emma.feyeux@notreaffaireatous.org

  • Noël avant l’heure pour les multinationales et l’extrême droite : l’UE s’accorde pour démanteler le devoir de vigilance européen

    Communiqué de presse, Paris, 9 décembre 2025 Les représentant·e·s des États membres de l’Union européenne et du Parlement européen ont trouvé cette nuit un accord sur l’Omnibus I, une directive destinée à affaiblir le devoir de vigilance européen (CSDDD). À la suite d’une alliance historique entre droite et extrême droite au Parlement européen, et confrontés à des ingérences étrangères (États-Unis, Qatar…) et industrielles incessantes, les États membres et la Commission ont fait le choix de la capitulation. Le compromis trouvé éloigne fatalement la CSDDD de son objectif : prévenir et réparer les atteintes aux droits humains et à l’environnement commises par les multinationales. L’accord politique doit désormais être formellement voté par le Conseil et le Parlement européen dans les prochains jours.

    Le cocktail était explosif : de nombreux acteurs alertaient sur les reculs envisagés par l’Omnibus I, l’irrégularité de la procédure législative engagée, un lobbying agressif contre les textes du Pacte Vert, et l’alliance politique historique de la droite européenne avec l’extrême droite contre ce texte. Le Conseil de l’UE et le Parlement européen auraient pu résister tout le long du processus législatif. Las, cette nuit, les États membres et le Parlement se sont mis d’accord pour démanteler le devoir de vigilance européen :

    • Le compromis acte le relèvement des seuils d’application du devoir de vigilance européen afin que ce dernier ne s’applique qu’aux sociétés de plus de 5 000 salarié·e·s et réalisant plus d’1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires. Le nombre de sociétés concernées s’en trouverait réduit à peau de chagrin. 
    • Le compromis entérine la suppression pure et simple du volet climatique de la directive sur le devoir de vigilance européen. L’extrême droite européenne et les lobbies ont obtenu que les entreprises n’aient plus pour obligation d’adopter des plans de transition climatique visant à garantir la compatibilité de leur modèle et de leur stratégie économiques avec les objectifs de l’Accord de Paris.
    • Le compromis n’épargne pas la responsabilité civile, pilier fondamental du devoir de vigilance. Très loin d’une simplification, le compromis acte le fait de ne plus harmoniser le régime de responsabilité civile, conduisant à une fragmentation des régimes juridiques selon les États membres, au détriment à la fois des victimes et des entreprises.
    • Enfin, le délai pour la transposition est à nouveau repoussé d’un an, à juillet 2028. Les nouvelles obligations ne s’appliqueront aux entreprises qu’à partir de juillet 2029. A nouveau les multinationales gagnent du temps. 

    Ces reculs auront des effets néfastes très concrets pour les personnes affectées par les activités des multinationales, en Europe et ailleurs. 

    Au-delà de ses impacts environnementaux et sociaux, l’issue de ce trilogue marque un tournant historique : les institutions européennes ont rompu le cordon sanitaire et accepté que l’extrême-droite et les lobbies européens mais aussi étrangers tiennent la plume pour légiférer en Europe.

    Il s’agit du premier texte de dérégulation d’une série annoncée par la Commission européenne, présageant du pire pour l’avenir du droit européen.

    Face à ces avancées funestes, nos organisations appellent la France à se montrer à la hauteur des enjeux et de ses engagements passés en refusant fermement ce compromis réactionnaire.

    Contacts presse

    ActionAid France – Chloé Rousset – chloe.rousset@actionaid.org

    Amis de la Terre France – Marcellin Jehl : marcellin.jehl@amisdelaterre.org

    BLOOM – Pauline Bricault : paulinebricault@bloomassociation.org

    CCFD-Terre solidaire – Sophie Rebours : s.rebours@ccfd-terresolidaire.org

    Notre Affaire à Tous – Justine Ripoll : justine.ripoll@notreaffaireatous.org

    Oxfam France – Lea Guerin : lguerin@oxfamfrance.org

    Reclaim Finance – Olivier Guérin : olivier@reclaimfinance.org

    Sherpa – Lucie Chatelain : lucie.chatelain@asso-sherpa.org 

  • Climat – La France de nouveau face à la justice pour non-respect de sa “part juste” dans l’effort mondial

    Communiqué de presse, Notre Affaire à Tous, Paris, 4 décembre 2025 À l’issue d’une COP30 jugée insuffisante sur le partage équitable de l’effort climatique, Notre Affaire à Tous saisit la justice et dévoile un nouveau recours contre l’État français : le “Procès pour la Part Juste”. L’association demande à la justice de reconnaître que la France accuse un retard persistant dans la réduction de ses émissions de gaz à effet de serre, et ne respecte pas sa contribution équitable à la lutte contre le changement climatique, au regard de son impact réel, bien au-delà de ses seules émissions territoriales.

    Dans la continuité de l’Affaire du Siècle et du recours Grande-Synthe, deux décisions judiciaires ayant reconnu la carence de l’État français face à l’urgence climatique, ce nouveau Procès pour la Part Juste marque une nouvelle étape.
    Porté par des fondements juridiques renforcés, notamment la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) des “Aînées suisses pour le Climat” d’avril 2024 et l’avis consultatif de la Cour internationale de justice (CIJ) de juillet 2025, et par les nouveaux objectifs climatiques de l’Union européenne (paquet Fit for 55), ce recours entend établir les obligations de la France au regard de son impact réel dans la crise climatique.Pour Jérémie Suissa, délégué général de Notre Affaire à Tous, “Ce recours porte devant la justice une question jusque-là essentiellement débattue dans les espaces politiques et diplomatiques : le principe d’équité, qui impose à chaque pays d’assumer sa part juste dans l’effort climatique mondial. C’est une obligation légale à laquelle la France est soumise, comme l’a rappelé la Cour internationale de justice, et nous en demandons l’application devant le Conseil d’Etat.”

    Un retard grandissant dans l’action climatique de la France

    Malgré des obligations juridiques en la matière, la France n’est toujours pas à la hauteur pour atteindre ses objectifs climatiques, notamment celui de neutralité carbone en 2050. 

    Alors que l’Union européenne a relevé son ambition climatique en 2021 via le paquet Fit for 55, fixant une réduction des émissions de -55% d’ici 2030 (contre -40% auparavant), la France continue de prendre du retard.

    En 2024, les émissions françaises de gaz à effet de serre ont ainsi diminué de seulement 1,8%, alors que l’objectif est fixé à environ 5% par an. Les premières estimations pour 2025 font état d’un ralentissement encore plus inquiétant, avec une baisse prévue pour l’heure à seulement 0,8% (1). Les dernières annonces politiques et budgétaires sont loin d’être rassurantes et entérinent encore davantage le manque d’ambition de la France : réduction du périmètre de MaPrimeRénov, baisse du Fonds Vert, etc. Ce ralentissement se couple à une fragilisation de plus en plus forte des puits de carbone, rendant d’autant plus incertaine l’atteinte de la neutralité carbone (2). 

    Le recours montre ainsi que la trajectoire de la France est incompatible avec l’objectif de limiter le réchauffement à 1,5°C, pourtant jugé essentiel par la CEDH (3) et la CIJ (4) pour protéger les droits fondamentaux.

    L’effort climatique doit être équitable

    L’effort climatique ne peut pas être réparti de manière strictement égale entre les pays. Les États qui ont historiquement le plus contribué au réchauffement et qui disposent des moyens économiques les plus importants doivent réduire leurs émissions plus vite et plus fortement que les autres. C’est le principe des “responsabilités communes mais différenciées” de la diplomatie climatique, précisé par l’avis récent de la CIJ et par la décision des “Aînées suisses pour le Climat” de la CEDH. Cette dernière établit l’obligation des États à adopter une trajectoire de réduction équitable, intégrant leurs émissions historiques et leur niveau de développement économique.

    “Responsabilités communes mais différenciées” : reconnaître le véritable impact de la France

    Ce nouveau contentieux diffère des précédents recours climatiques, qui portaient essentiellement sur les émissions territoriales récentes. Il intègre ainsi l’équité entre les pays pour déterminer la responsabilité réelle de la France. Sur la base de travaux scientifiques, le Procès pour la Part Juste prend ainsi en compte :

    • les émissions historiques (depuis 1990 pour ce recours),
    • les émissions importées,
    • les émissions nettes (et non brutes),
    • le niveau de développement économique de la France.

    Il apparaît de cette analyse que la France est très en deçà de sa contribution équitable à la lutte contre le changement climatique. La France a ainsi déjà consommé la quasi-totalité de sa « part juste » du budget carbone mondial compatible avec l’objectif de 1,5°C.

    La France a l’obligation et la capacité de faire baisser les émissions mondiales

    Cette situation n’est pas une fatalité. La France peut adopter des objectifs plus ambitieux et se donner les moyens de les atteindre : selon le Haut Conseil pour le Climat, “le renforcement des politiques publiques existantes permettrait de relancer la dynamique de baisse des émissions” (5).

    Outre la réduction accélérée de ses émissions territoriales, qui doit être faite de façon juste, la France peut :

    • réduire ses émissions importées ;
    • réglementer les entreprises françaises, y compris les multinationales ;
    • contribuer de manière ambitieuse aux financements internationaux et à la transition juste à l’étranger via des dons.

    L’équité dans la lutte contre le changement climatique a marqué l’année 2025 : avis consultatifs de la CIJ et de la Cour interaméricaine des droits de l’homme sur les obligations climatiques des Etats, COP30 à Belém, 10 ans de l’Accord de Paris. Ce procès place désormais la France face à la justice : elle doit agir de manière plus conséquente et équitable pour respecter ses obligations climatiques.

    Crédit : Rémy El Sibaïe
    Conférence de presse de Notre Affaire à Tous – annonce du Procès pour la Part Juste à l’Académie du Climat

    Notes

    (1) Baromètre du CITEPA

    (2) Haut Conseil pour le Climat, Rapport Annuel 2025, p.5

    (3) Décision de la CEDH, Affaire Verein KlimaSeniorinnen Schweiz et autres c. Suisse, 09/04/2024

    (4) Avis consultatif de la CIJ sur les Obligations des États en matière de changement climatique, 23/07/2025

    (5) Haut Conseil pour le Climat, rapport annuel 2025, p.19

    Contact presse

    Marine Coynel, Chargée de communication chez Notre Affaire à Tous : marine.coynel@notreaffaireatous.org

  • La Médiatrice de l’Union Européenne dénonce la gestion anti-démocratique de l’Omnibus I par la Commission 

    Communiqué de presse, 27 novembre 2025 – Le 18 avril 2025, une coalition de huit ONG (ClientEarth, Notre Affaire à Tous, Anti-Slavery International, Clean Clothes Campaign, European Coalition for Corporate Justice, Friends of the Earth Europe, Global Witness et Transport & Environment) avait déposé une plainte auprès de la médiatrice de l’Union Européenne concernant le processus d’adoption du premier paquet Omnibus, qui visait à affaiblir les principales lois sur la responsabilité des entreprises, notamment la directive sur le devoir de vigilance des entreprises (CSDDD).

    La Médiatrice Teresa Anjinho a conclu aujourd’hui que la gestion par la Commission européenne de l’Omnibus I sur les règles de durabilité des entreprises violait les principes fondamentaux de bonne administration, notamment la transparence, l’inclusivité et l’élaboration de lois fondées sur des preuves.

    Dans les résultats de son enquête, la Médiatrice critique vivement plusieurs manquements de la Commission aux règles démocratiques :

    – La Commission a omis de réaliser l’évaluation d’impact requise pour affaiblir la loi, affirmant que l’« urgence » justifiait de contourner ces évaluations.

    – Elle a limité la consultation des parties prenantes requise par les traités de l’UE, en organisant des réunions dominées par les représentants de l’industrie tout en excluant de fait la plupart des acteurs de la société civile.

    – Elle n’a pas fourni la preuve qu’elle avait procédé à une étude d’impact climatique pourtant requise par la loi européenne sur le climat.

    « La décision d’aujourd’hui porte un coup sérieux à l’Omnibus I. La Commission n’a pas respecté les normes de transparence, de preuve et de consultation requises par le droit européen. L’adoption d’une loi fondée sur une base aussi imparfaite soulèverait de sérieux doutes quant à sa validité juridique. Les décideurs politiques doivent désormais veiller à ce qu’une analyse d’impact complète soit réalisée et à ce que tout accord politique soit fondé sur des preuves et conforme aux objectifs climatiques de l’UE. Si cela ne peut être garanti, la Commission devrait retirer sa proposition. Cela vaut non seulement pour le premier Omnibus, mais aussi pour tous les autres paquets proposés ou prévus. », déclarent les ONG de la coalition. 

    À la lumière de ces conclusions, les ONG avertissent que la Commission doit mettre fin à l’utilisation de processus antidémocratiques pour affaiblir les garanties, notamment par le biais des paquets de simplification Omnibus en cours.

    « La Médiatrice indique clairement que la Commission européenne ne peut pas revenir sur les normes environnementales en toute impunité et que les décisions doivent être étayées par des données scientifiques et des faits objectifs. Nous ne sommes pas dans le Far West : les institutions européennes doivent respecter les principes démocratiques fondamentaux. »

    À l’heure où les dirigeants politiques de l’UE subissent la pression des puissances étrangères et des lobbies des entreprises pour démanteler les protections qui garantissent que nous, et nos enfants, puissions vivre en bonne santé dans un environnement sain, cette décision rappelle de manière cruciale que la Commission n’est pas au-dessus des lois. Elle confirme qu’elle doit se conformer aux lignes directrices pour une meilleure réglementation, à la loi européenne sur le climat et procéder à des évaluations appropriées. La société civile et la partie progressiste de l’industrie ne doivent pas être mises à l’écart : elles doivent avoir la possibilité d’apporter une contribution significative. » déclare Anaïs Berthier, directrice de ClientEarth à Bruxelles.

  • Post-COP30 : des sinistré·es climatiques pressent l’État d’agir enfin sur l’adaptation

    Post-COP30 : des sinistré·es climatiques pressent l’État d’agir enfin sur l’adaptation

    Communiqué de presse, Paris, le 26 novembre 2025Quelques jours après une COP30 jugée
    d’« occasion manquée » sur de nombreux enjeux – dont l’adaptation – des sinistré·es climatiques ont pris la parole cet après-midi à l’Assemblée nationale lors d’un colloque transpartisan co-organisé par l’Affaire du Siècle et le député Nicolas Bonnet (EELV). Leurs témoignages rappellent qu’en France aussi, l’adaptation reste largement en retard, alors même que les impacts du changement climatique s’intensifient déjà sur les territoires.

    À l’Assemblée nationale, les premier·es concerné·es prennent la parole

    Pour la première fois, des citoyen.nes directement touché·es – canicules, logements « bouilloires thermiques », retrait-gonflement des argiles et absence d’accès à l’eau – ont exposé leurs situations et appelé l’État à combler le retard considérable du pays en matière d’adaptation.

    Deux tables rondes ont permis d’aborder :

    • les inégalités sociales et territoriales face aux impacts climatiques ;
    • le financement de l’adaptation, alors que les moyens prévus par l’Etat sont largement inférieurs aux besoins identifiés, et que le Fonds vert –  passé de 2,5 milliards en 2024 à 650 millions prévus pour 2026 – continue d’être réduit.

    L’adaptation est politique car elle soulève trois enjeux. Un enjeu d’action collective pour adapter nos modes de vie. Un enjeu de solidarité pour lutter contre les inégalités climatiques. Un enjeu de sincérité pour faire face aux choix d’adaptation.” 
    Nicolas Bonnet, député EELV, co-organisateur du colloque. 

    Des inégalités climatiques de plus en plus criantes

    En France, 62 % de la population vit aujourd’hui dans des zones fortement exposées aux risques climatiques. Les populations les plus précaires, déjà fragilisées socialement, sont aussi les plus touchées  au cœur de leur logement, sur leur santé, à leur travail, dans leur mobilité.
    Les participant.e.s ont rappelé que l’adaptation ne peut être efficace que si elle est juste socialement et territorialement.

    «  À Mayotte, pour que nos enfants puissent simplement aller à l’école, nous devons apporter nous-mêmes des bouteilles d’eau. Imaginez des parents parisiens transportant 6 litres d’eau dans le métro chaque matin : l’État aurait réagi immédiatement.  »
    Racha Mousdikoudine, co-requérante, et présidente du collectif Mayotte à Soif

    Adaptation : entre alertes internationales et retard français

    Cinq jours après la clôture de la COP30, le constat est sévère : malgré quelques avancées (création d’un mécanisme mondial pour une transition juste, initiative contre la désinformation climatique et plan d’action sur le genre) le sommet laisse une impression d’occasion manquée de protéger les communautés qui vivent au quotidien les événements climatiques extrêmes . 

    Sur le financement de l’adaptation, l’accord est largement en dessous des enjeux : l’objectif de triplement des fonds annoncé n’a pas de base de calcul claire, risque d’inclure des prêts, et reste très loin des besoins estimés par l’ONU. 

    Dans ce contexte international défaillant, la France est loin d’être une bonne élève. Sur la question de l’adaptation, elle ne dispose toujours pas d’une stratégie à la hauteur. Le PNACC-3, présenté en mars, souffre d’insuffisances structurelles : pas de financements dédiés  (sur 310 actions proposées, seules 48 font l’objet d’un chiffrage ou d’une évaluation budgétaire), pas de mesures contraignantes, pas de cadre de suivi solide, une prise en compte insuffisante des inégalités sociales et territoriales.

    Et à cela s’ajoutent des choix budgétaires qui interrogent : nouvelles coupes dans le Fonds vert, absence de soutien adapté aux territoires dits ultra-marins déjà frappés de plein fouet, et collectivités locales laissées sans moyens suffisants.

    Dans un contexte instable, ces arbitrages confirment que l’adaptation reste reléguée en marge des priorités politiques, alors même que les impacts climatiques s’intensifient sur tout le territoire.

  • Les négociations Omnibus I à la lumière de l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice sur le changement climatique

    Briefing juridique et politique destiné aux négociateurs de l’article 22 CS3D sur les plans de transition climatique

    Cette note d’information traite de la proposition de directive « Omnibus I », en mettant l’accent sur l’article 22 de la directive sur le devoir de diligence en matière de durabilité des entreprises (CS3D). Elle examine les implications de l’avis consultatif de la Cour internationale de justice (23 juillet 2025), qui constitue une avancée majeure dans l’évolution du cadre juridique international en matière de changement climatique.

    S’appuyant sur la jurisprudence récente de la CEDH, du TIDM et de la CIDH, l’avis de la CIJ clarifie et renforce les obligations des États en vertu du droit international, avec des conséquences directes sur la réglementation des entreprises. Il souligne la nécessité de plans de transition climatique (PTC) obligatoires et exécutoires pour les entreprises, alignés sur l’objectif de 1,5 °C de l’accord de Paris, tout en mettant en évidence le risque accru de litiges tant pour les États que pour les acteurs privés.

    Les principales recommandations pour la directive omnibus finale comprennent :

    1. Préserver l’obligation comportementale prévue à l’article 22 d’adopter et de mettre en œuvre des plans de transition (et pas seulement de les divulguer !).
    2. Inclure une norme claire en matière d’efforts reflétant l’ampleur et l’urgence de la crise climatique : les entreprises doivent être tenues de démontrer qu’elles prennent des mesures efficaces et fondées sur des données scientifiques pour atteindre les objectifs de réduction des émissions fixés dans leurs plans de transition.
    3. Les entreprises doivent être tenues de veiller à la compatibilité de leur modèle économique avec la loi européenne sur le climat et l’Accord de Paris, y compris la limite de température de 1,5 °C et les objectifs intermédiaires pour 2030 et 2040.

  • Pesticides : Le gouvernement ne compte pas revoir les procédures d’autorisation des pesticides et se pourvoit en cassation devant le Conseil d’État

    Pesticides : Le gouvernement ne compte pas revoir les procédures d’autorisation des pesticides et se pourvoit en cassation devant le Conseil d’État

    Communiqué de presse, Paris, 20 novembre 2025 Après leur victoire historique devant la cour administrative d’appel de Paris le 3 septembre 2025, les associations de Justice pour le Vivant (Notre Affaire à Tous, POLLINIS, Biodiversité sous Nos Pieds, ANPER-TOS et l’ASPAS) ont lancé en octobre une vaste campagne d’interpellation des pouvoirs publics – à commencer par Monsieur le Premier ministre, Sébastien Lecornu – afin qu’ils mettent en oeuvre la révision des protocoles de l’ANSES et la réévaluation des autorisations de mise sur le marché des pesticides, prescrites par la cour administrative d’appel de Paris dans son arrêt du 3 septembre 2025.

    Cette mobilisation citoyenne, portée par un mouvement d’ampleur nationale (notamment contre les pesticides), a conduit Matignon à recevoir aujourd’hui une délégation des associations requérantes.

    Le gouvernement se pourvoit en cassation, mais reste tenu d’exécuter la décision de justice

    Une semaine avant le rendez-vous à Matignon, les associations ont appris que le gouvernement avait décidé de se pourvoir en cassation contre la décision Justice pour le Vivant et ont demandé des explications quant à ce choix mortifère pour la biodiversité et la santé humaine. Les associations ont également interrogé le rôle de Phytéis, omniprésent depuis le début de la procédure en soutien à la défense de l’État. En effet, le principal lobby de l’agrochimie françaisea également formé un second pourvoi en cassation en complément de celui de l’Etat pour tenter de casser la décision de justice.

    Néanmoins ces pourvois n’ont aucun effet suspensif : l’État reste tenu d’exécuter la décision de la cour administrative d’appel dans les délais qui lui ont été imposés. Pour rappel gouvernement a jusqu’au 4 mars 2026 pour publier un calendrier de révision des autorisations de mise sur le marché (AMM) problématiques, tandis qu’il a jusqu’au 3 septembre 2027 pour réformer les protocoles d’évaluation et d’autorisation des pesticides, actuellement conduits par l’ANSES. La décision de justice suppose également de suspendre toutes les procédures d’autorisation de pesticides en cours. Or, à ce jour, quatre nouveaux produits ont déjà été autorisés. 

    Un message fort porté à Matignon : détermination intacte pour une vigilance totale 

    Les associations ont réaffirmé qu’une vigilance de chaque instant accompagnera toutes les étapes de la mise en œuvre de l’arrêt. Malgré le pourvoi annoncé, leur détermination demeure intacte : l’État devra se conformer à l’ensemble des obligations fixées par la cour administrative d’appel de Paris. Il n’est pas acceptable de continuer à laisser de nouveaux produits arriver sur le marché sans prendre en compte les connaissances scientifiques actuelles. Une feuille de route et une liste prioritaire des pesticides à réexaminer ont été présentées. 

    Cette vigilance ne relève d’ailleurs plus seulement des cinq organisations requérantes : un vaste mouvement citoyen suit désormais de près les décisions du gouvernement et se tient prêt à se mobiliser.

    Quant aux deux pourvois en cassation – qui ne modifient en rien les obligations juridiques, notamment européennes, imposées à l’État – les associations l’ont rappelé sans ambiguïté : elles resteront pleinement mobilisées pour faire prévaloir la science, la biodiversité et la santé publique sur les intérêts économiques de quelques acteurs privés.

    Pour les associations : « Nous sortons de ce rendez-vous profondément préoccupés, tant sur le plan environnemental que démocratique. La place accordée à l’expertise scientifique n’est pas à la hauteur des enjeux, qui sont majeurs pour la biodiversité et l’avenir du monde agricole. Après avoir ignoré l’alerte de plus de deux millions de citoyens opposés à la loi Duplomb, le gouvernement ne semble pas prendre la mesure des actions imposées par la décision de justice et la loi en vigueur – et continue à céder aux intérêts économiques des firmes agrochimiques. En l’absence d’action concrète de la part de l’État d’ici le 4 mars 2026, la coalition Justice pour le Vivant sera au rendez-vous pour engager la procédure d’exécution de la décision. »

    Contacts presse

    Notre Affaire à Tous : Emilien Capdepon, chargé de campagnes
    emilien.capdepon@notreaffaireatous.org

    POLLINIS : Hélène Angot, chargée de communication
    helenea@pollinis.org

    Biodiversité sous nos pieds : Dorian Guinard, co-président 
    biodiversitesousnospieds@gmail.com

  • COP 30 : BNP Paribas rappelé à l’ordre sur son engagement d’exclure fin 2025 les entreprises impliquées dans la déforestation au Brésil

    Communiqué de presse – Paris 20 novembre 2025 – Alors que la COP 30 se déroule en ce moment au Brésil, 6 ONG (ActionAid France, Canopée, Envol Vert, Global Witness, Mighty Earth et Notre Affaire à Tous) publient aujourd’hui une lettre ouverte interpellant BNP Paribas sur le non-respect de son engagement à ne plus financer, d’ici fin 2025,  les entreprises de l’industrie bovine et du soja au Brésil impliquées dans la déforestation de l’Amazonie, un écosystème clé pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Cette lettre intervient alors que l’association Canopée publie aujourd’hui un rapport qui montre que les négociants de soja parmi les plus exposés au risque de déforestation continuent d’être financés par les principales banques françaises.

    En 2021, BNP Paribas s’est engagée à exclure de son portefeuille certains acteurs impliqués dans la déforestation d’ici fin 2025 (1). A quelques mois de cette échéance, aucune publication publique ne permet de vérifier l’état d’avancement de cet engagement. 

    Canopée et Reclaim ont donc mené leurs propres analyses, fondées sur les  transactions financières de la banque et les soutiens financiers identifiés aux entreprises les plus impliquées dans la déforestation de l’Amazonie. 

    Conclusion : BNP Paribas contrevient à ses propres engagements, pourtant contraignants et inscrits dans son plan de vigilance. 

    Cas emblématique : Bunge, symbole du double discours

    Depuis janvier 2024, BNP Paribas a participé à quatre transactions de financement avec Bunge, géant mondial du négoce d’oléagineux, considéré comme le négociant de soja le plus à risque de déforestation au Brésil (2). 

    Entre août 2022 et juillet 2023, l’entreprise était exposée au risque de déforestation de 8 018 hectares au cœur du Cerrado et de l’Amazonie (3). Entre 2015 et 2018, ses activités ont contribué à la destruction d’une surface équivalente à 4/5 de la taille de Chicago, selon Global Witness (4). Ces destructions ont aussi des conséquences sociales dramatiques sur les populations locales : pollution de l’eau, perte de l’accès aux ressources forestières, accaparements fonciers et parfois intimidation. 

    Les ONG demandent à BNP Paribas d’enquêter sur ses clients et de cesser immédiatement tout financement à Bunge, Marfrig ainsi qu’à tout autre acteur identifié comme non conforme à ses propres politiques, conformément à sa politique d’exclusion, à effet du 31 décembre 2025. 

    Des engagements parcellaires : l’exemple de Cargill en Amazonie

    Les organisations dénoncent également les zones d’ombre de la politique “zéro déforestation” de BNP Paribas, limitée à certaines zones géographiques. 

    BNP Paribas n’inclut par exemple pas la Bolivie dans sa politique zéro-déforestation et ne vise donc qu’une partie des entreprises impliquées dans la déforestation. Ainsi, la BNP continue à soutenir Cargill, multinationale étasunienne pointée du doigt dès 2023 par l’organisation Global Witness pour l’achat de soja issu de zones déforestées dans la forêt du Chiquitano en Bolivie, pays devenu le deuxième au monde derrière le Brésil en termes de perte de forêt primaire (5).

    Dans sa toute dernière investigation datant d’octobre 2025, Global Witness montre que BNP Paribas est la banque européenne qui a tiré le plus de revenus des 50 entreprises accusées de déforestation, avec 810 millions de dollars entre 2016 et 2024, dont près de 90% issus du financement du secteur de la pâte à papier et du papier (6). Ce chiffre illustre la dépendance persistante du modèle économique de la banque à des activités destructrices pour les forêts et le climat.

    Les 6 ONG appellent à une mise en conformité immédiate : 

    “Il est urgent d’adopter et d’appliquer une politique de de financement et d’investissement claire, contraignante et vérifiable. En finançant des activités causant une déforestation massive, BNP Paribas alimente un système économique non-soutenable qui contribue directement à la déstabilisation du climat, à la destruction de la biodiversité et à des violations des droits humains”, concluent les ONG dans leur lettre aux dirigeants de BNP Paribas. 

    Lien vers la lettre. 

    Lien vers le rapport de Canopée

    Notes

    (1) Document d’enregistrement universel de BNP Paribas, p.889, mars 2025.

    (2) Brazil soy – Supply chain – Explore the data – Trase

    (3) Somme des cas identifiés par Mighty Earth pour lesquels ils sont présents dans un rayon de 50km. RapidResponse4-Soy-Eng-Dec2024.pdf

    (4) Global commodity traders are fuelling land conflicts in Brazil’s Cerrado | Global Witness

    (5) Fires drove record loss of world’s forests last year, ‘frightening’ data shows, The Guardian, 21 mai 2025

    (6) https://globalwitness.org/fr/campaigns/forests/en-dix-ans-les-banques-ont-genere-26-milliards-de-dollars-grace-au-financement-dentreprises-responsables-de-la-deforestation/

    Contact presse

    Justine Ripoll, Responsable des campagnes – justine.ripoll@notreaffaireatous.org