Paris, le 10 février 2023 – Nouvelle étape dans l’action en justice engagée par 6 associations et 16 collectivités territoriales : la coalition répond à la stratégie de l’inaction climatique et aux manœuvres dilatoires de TotalEnergies et demande au juge d’ordonner à la multinationale de prendre des mesures de suspension des nouveaux projets pétroliers et gaziers dans l’attente du jugement du tribunal.
En janvier 2020, une coalition d’associations et de collectivités a assigné TotalEnergies devant le Tribunal judiciaire de Nanterre. Rejointe en septembre 2022 par trois collectivités supplémentaires et Amnesty International France, la coalition demande que la pétrolière soit contrainte de prendre les mesures nécessaires pour s’aligner avec les objectifs de l’Accord de Paris, conformément à la loi sur le devoir de vigilance(1).
Des années de retard dues à la multinationale
La procédure a tout d’abord été retardée par TotalEnergies qui a contesté, sans succès, la compétence du tribunal judiciaire au profit du tribunal de commerce. En 2022, le dossier a été confié à un juge unique du tribunal judiciaire de Paris, chargé de trancher certaines questions de procédure susceptibles de mettre fin au procès avant la décision du tribunal. Poursuivant sa stratégie dilatoire, TotalEnergies a soulevé un très grand nombre de moyens de défense tendant à faire déclarer l’action judiciaire irrecevable sans permettre d’entrer dans le cœur des débats devant le tribunal.
Des demandes de mesures concrètes face à l’inaction climatique de la multinationale
Les demandes de la coalition portent sur la confirmation de la recevabilité de l’action judiciaire et le rejet des moyens de défense soulevés par l’entreprise. Alors que TotalEnergies affiche son “ambition” d’atteindre la neutralité carbone en 2050 (2), la multinationale continue de développer des nouveaux projets pétroliers et gaziers(3) qui conduisent, selon de nombreux rapports(4), tout droit vers la catastrophe climatique(5).
Face à l’urgence climatique, les associations et collectivités demandent au juge de contraindre l’entreprise à adopter des mesures provisoires dans l’attente de la décision du tribunal sur le fond du dossier qui n’interviendra vraisemblablement pas avant de longs mois, parmi lesquelles :
la suspension des nouveaux projets pétroliers et gaziers, à savoir l’exploration de nouvelles réserves d’hydrocarbures et l’exploitation de nouveaux champs;
la mise en place de toutes les mesures nécessaires pour réduire les émissions de gaz à effet de serre liées aux activités mondiales de la pétrolière, afin de conserver une chance de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C, conformément à l’Accord de Paris.
(1) Loi du 27 mars 2017 sur le devoir de vigilance des sociétés mères et entreprises donneuses d’ordres. L’action judiciaire se fonde également sur la prévention des dommages à l’environnement (art. 1252 Code civil)
Paris, February 10, 2023 – New step in the legal action initiated by 6 NGOs and 16 local authorities: the coalition responds to TotalEnergies’ climate inaction strategy and delaying tactics and asks the judge to order the multinational to take provisional measures such as the suspension of new oil and gas projects pending the court’s ruling.
In January 2020, a coalition of NGOs and local authorities took TotalEnergies to the judicial court. Joined in September 2022 by three additional local authorities and Amnesty International France, the coalition is asking the judge to formally order the oil company to take the necessary measures to comply with the objectives of the Paris Agreement, in accordance with the Law on the Duty of Vigilance of March 27, 2017.
Years of delay due to the multinational’s tactics
The procedure was initially delayed by Total, which unsuccessfully challenged the jurisdiction of the judicial court in favour of the commercial court, a court composed of company directors and dealing with business-related disputes. In 2022, the case was assigned to a single judge of the Paris judicial court, responsible for deciding on certain procedural issues as well as events that could end the trial before the court’s decision. In line with its previous strategy, Total raised a large number of defenses to declare the action inadmissible without discussion on the merits of the case.
Demands for concrete measures to address the multinational’s climate inaction
The coalition is now asking the judge to confirm the admissibility of the legal action and to reject the defenses raised by the company. While TotalEnergies claims to be « committed » to carbon neutrality by 2050, the company continues to develop new oil and gas projects (1) that, according to numerous reports(2), are leading straight to climate disaster(3).
Faced with the climate emergency, the NGOs and local authorities are asking the court to order the company to adopt provisional measures while awaiting the court’s decision on the merits of the case, which is not expected before at least several months , including:
Suspension of new oil and gas projects, namely exploration of new hydrocarbon reserves and operation of new fields;
Implementation of all necessary measures to reduce greenhouse gas emissions from the company’s global operations in order to maintain a chance of limiting global warming to 1.5°C, in line with the Paris Agreement.
Le 5 octobre 2022,30 organisations et 28 députés, avaient mis en garde la Première Ministre, Elisabeth Borne, sous la forme d’une demande préalable, contre l’absence de procédures scientifiques permettant de s’assurer de l’innocuité des pesticides commercialisés en France, en particulier pour ce qui concerne l’étude de la toxicité chronique des mélanges de molécules au sein d’un même pesticide – connu également sous le nom d’« effet cocktail ». Cette demande était envoyée dans le cadre de la campagne Secrets Toxiques, portée par plus de 40 organisations.
Cette demande préalable n’ayant reçu aucune réponse dans le délai de deux mois dont disposait le gouvernement, les requérants procèdent maintenant au dépôt d’un recours devant le Conseil d’État.
La réglementation est claire : elle prévoit qu’un pesticide ne peut être autorisé que s’il est démontré qu’il n’a pas d’effet néfaste à court ou à long terme sur la santé humaine ou l’environnement.
Pourtant, dès 2019 la Cour de Justice de l’Union Européenne affirmait dans un arrêt que les « tests sommaires » réclamés par les autorités sanitaires « ne sauraient suffire à mener à bien cette vérification ». Un constat confirmé par de récentes expertises collectives de l’INSERM et de l’INRAE-Ifremer, qui démontrent, sur la base de milliers de publications scientifiques, l’existence de nombreux effets délétères des pesticides, tant sur la santé humaine que sur l’environnement, et cela malgré les exigences réglementaires européennes et nationales.
Malgré ces alertes scientifiques, le gouvernement français n’a toujours pas enclenché les réformes nécessaires pour se mettre en conformité avec la loi et protéger les populations. Par le dépôt de ce recours, les associations et parlementaires exigent l’application du règlement européen tel qu’interprété par la CJUE. Le gouvernement doit inclure, dans les dossiers de demande d’autorisation de mise sur le marché des pesticides, des analyses de toxicité à long terme et de cancérogénicité portant sur les formulations complètes – c’est-à-dire sur les pesticides tels qu’ils sont commercialisés. Les requérants demandent également que ces données soient présentées dans les rapports d’évaluation publics.Le dépôt de ce recours s’inscrit dans la continuité des efforts d’investigation de la coalition d’associations Secrets Toxiques depuis 2020, pour améliorer notre connaissance et la transparence des pratiques et processus d’évaluation de la toxicité des pesticides autorisés. Tant au niveau européen que français, cette campagne aura permis de mettre en lumière et démontrer dans le détail l’insuffisance des tests pratiqués par les autorités sanitaires.
Contacts presse
Organisations requérantes :
Agir Pour l’Environnement, Association Nationale pour la Protection des Eaux et Rivières, Alterna’bio, Arthropologia, Campagne glyphosate France, Collectif Alternatives aux Pesticides 66, Collectif anti-OGM 66, Comité Écologique Ariègeois, Confédération paysanne nationale (et ses groupes locaux Aveyron, Lot et Ariège), Environnement et Santé, Foll’avoine, Générations Futures, Halte OGM 07, Le Chabot, Nature & Progrès France (et ses groupes locaux Ardèche, Aveyron et Tarn), Nature Rights, Notre Affaire à Tous, PIG BZH, Santé Environnement Auvergne/Rhône-Alpes, Secrets Toxiques, SOS MCS, Syndicat National d’Apiculture, Terre d’abeilles, Union Nationale de l’Apiculture Française
Députés requérantes et requérants :
Gabriel Amard (LFI-NUPES), Ségolène Amiot (LFI-NUPES), Rodrigo Arenas (LFI-NUPES), Julien Bayou (Ecologiste-NUPES), Lisa Belluco (Ecologiste-NUPES), Manuel Bompard (LFI-NUPES), Sylvain Carrière (LFI-NUPES), Cyrielle Chatelain (Ecologiste-NUPES), Sophia Chikirou (LFI-NUPES), Jean-François Coulomme (LFI-NUPES), Catherine Couturier (LFI-NUPES), Alma Dufour (LFI-NUPES), Elsa Faucillon (GDR-NUPES), Marie-Charlotte Garin (Ecologiste-NUPES), Clémence Guetté (LFI-NUPES), Mathilde Hignet (LFI-NUPES), Jérémie Iordanoff (Ecologiste-NUPES), Julie Laernoes (Ecologiste-NUPES), Arnaud Le Gall (LFI-NUPES), Charlotte Leduc (LFI-NUPES), Pascale Martin (LFI-NUPES), Marie Pochon (Ecologiste-NUPES), Loïc Prud’homme (LFI-NUPES), Sandra Regol (Ecologiste-NUPES), Michel Sala (LFI-NUPES), Bénedicte Taurine (LFI-NUPES), Matthias Tavel (LFI-NUPES), Nicolas Thierry (Ecologiste-NUPES)
Secrets Toxiques est une campagne portée par 47 organisations et 17 groupes locaux.
Par deux jugements du 18 janvier, le tribunal administratif de Bordeaux annule le permis de construire ainsi que la dérogation “espèces protégées” du projet de pôle de santé “Human’Essence” en bordure du Lac Lacanau, mettant ainsi un coup d’arrêt à un projet qui menace un espace naturel remarquable et de nombreuses espèces protégées.
La commune de Lacanau ainsi que la société Moutchic avaient lancé un projet de pôle de santé en bordure du Lac Lacanau, prévu sur 12 hectares, entraînant le défrichement de près de 4 hectares de forêt, la destruction et la perturbation d’espèces protégées, et l’urbanisation anarchique d’une zone littorale.
Figure 5 de l’étude d’impact du projet
L’association Vive La Forêt ainsi que l’association des riverains du Lac Lacanau, soutenues par Notre Affaire à Tous, ont contesté les trois actes administratifs délivrés nécessaires au projet : l’autorisation de défrichement (qui a été annulée en octobre 2021), le permis de construire, ainsi que la dérogation “espèces protégées”.
Après une première victoire avec l’annulation de l’autorisation de défrichement en octobre 2021, l’annulation des permis de construire et dérogation “espèces protégées” marquent une étape décisive contre le projet “Human’Essence”. Ces décisions viennent reconnaître le bien fondé de la mobilisation des associations face à un projet d’un autre temps.
En annulant ce permis de construire, le tribunal administratif reconnaît, encore une fois, le caractère d’espace naturel remarquable du littoral du terrain sur lequel était prévu ce projet. Cette décision permet ainsi de protéger ce site naturel exceptionnel, et ce en dépit de sa classification en “zone à urbaniser” prévue par la commune dans son PLU..
Le tribunal administratif a également annulé la dérogation espèces protégées, décision visant à permettre de contourner les réglementations de protection des espèces protégées du territoire. Par cette décision, le juge constate que les besoins spécifiques de la commune de structures de santé d’une telle ampleur n’ont pas été démontrés, et que la recherche de solutions alternatives satisfaisantes n’a pas été sérieusement menée.
L’association Vive la Forêt rappelle ainsi l’absurdité du projet : “Le choix d’y exiler les aînés jusqu’alors hébergés en centre-ville nous paraissait aller à l’encontre des préconisations favorisant une intégration multigénérationnelle.
• Les tenants du projet ont tenté de faire croire que s’y opposer c’était renoncer à améliorer l’offre de santé en Médoc. En réalité, ce projet, misant sur des effets de concentration et de taille n’a pas apporté la démonstration de sa pertinence par rapport à une offre divisible qui aurait pu se déployer avec plus d’efficacité et moins d’impacts sur un territoire au-delà de Lacanau. En ce sens, Human’Essence fortement soutenu par la commune a été plutôt un frein à des initiatives locales.”
De son côté, Céline Le Phat Vinh, juriste de Notre Affaire À Tous qui a accompagné le collectif, rappelle que “si les collectivités ont évidemment besoin de proposer une offre de soins et d’accompagnement aux seniors partout sur le territoire, cela ne peut se faire au mépris de la protection de la nature, d’une analyse sérieuse des besoins du territoire, et en ne s’intéressant qu’aux opportunités de rentabilité immobilière”.
Les associations requérantes se félicitent de cette victoire, mais regrettent les dommages causés par le démarrage partiel des travaux et des arbres ainsi arrachés définitivement. Elles resteront vigilantes face aux éventuelles suites juridiques et lutteront pour le respect du droit et la préservation du littoral.
Contacts presse
Patrick Point – Vive la Forêt – 06 26 97 75 96
Céline Le phat vinh – Notre Affaire à Tous – 06 88 58 94 73
Quels impacts ces évènements climatiques extrêmes ont eu concrètement en France ? C’est cette question qui a intéressé le groupe de travail inégalités climatiques qui suit au sein de sa revue IMPACTS les impacts différenciés du changement climatique sur la population et le territoire français. Nous avons eu à cœur de dresser une synthèse à partir des nombreuses données chiffrées qui sont remontées ces dernières semaines afin de dresser un premier bilan de l’été 2022 et de vous le partager.
Cette synthèse montre que les impacts concernent tout le territoire français et perdurent dans le temps. Ainsi, en décembre, 20 départements étaient encore en alerte sécheresse. Ce bilan fait également apparaître que si toute la France a souffert des évènements climatiques extrêmes survenus pendant l’été, des parties de la population et des territoires ont été plus touché.e.s que d’autres dessinant des vulnérabilités différenciées qui nous permettent de mieux comprendre comment le changement climatique s’ancre en France. Elle met en évidence que des politiques d’adaptation sont à prendre dès maintenant pour limiter et anticiper ces impacts et protéger en priorité les territoires et les populations les plus impactées par le changement climatique pour des raisons d’équité.
Sommaire
I. Retour sur les évènements climatiques extrêmes de l’été 2022 en France II. Bilan humain de l’été 2022 III. Les impacts sur les sols et la biodiversité IV. Pertes et dommages : les sinistres pour les particuliers V. Autres pertes et dommages : les impacts importants sur l’agriculture et l’alimentation
I. Retour sur les évènements climatiques extrêmes de l’été 2022 en France
Cet été a été marqué par :
• 3 vagues de chaleur intenses. • 33 jours de canicule. • 2022 est le deuxième été le plus chaud enregistré après 2003, juste avant celui de 2018 et le mois de juin a été le plus chaud jamais enregistré (maximale à 36,2°C). • Cet été se classe parmi les 10 étés les plus secs sur la période 1959-2022. Cette sécheresse n’est pas un événement isolé, l’été 2019 et l’été 2020 avaient déjà été particulièrement secs.
• Tous les départements français ont été en alerte sécheresse, 57 départements étaient en crise, une vingtaine étaient encore en alerte en décembre. • Des ruptures de glacier se sont produits dans les Pyrénées et les Alpes.
Le saviez-vous ?
Strasbourg a connu 50 jours de chaleur consécutifs (plus de 25 °C) et Marseille 113 jours de chaleur consécutifs à partir du 9 mai. La température de la mer Méditerranée était de 4 à 5 degrés au-dessus des températures normales, c’est cette hausse des températures qui explique en partie la violence des orages survenus en Corse à la fin de l’été.
Quels impacts ont eu ces évènements au-delà de leur caractère hors-normes ?
II. Bilan humain de l’été 2022
Ces événements ont d’abord eu de graves conséquences sur la vie de nombreuses personnes.
Le chiffre le plus impressionnant est le nombre de décès suite aux trois vagues de chaleur qui auraient entraîné 10 420 décès supplémentairesentre le 1ᵉʳ juin et le 15 septembre 2022.
Suite aux orages et incendies, 7 personnes ont péri dans les orages et incendies, 49personnes ont été blessées, dont de nombreux pompiers, et au moins 45 000 personnes ont été évacuées. (Ces derniers chiffres ont été récoltés en réalisant une veille de plusieurs médias sur tout l’été.
Enfin, les recours aux soins aux urgences ont été multipliés par deux créant un effet d’engorgement dans les hôpitaux déjà fragilisés par les vagues successives de covid qui ont continué durant l’été.
Qui a été le plus touché ?
Les personnes les plus touchées ont été : les pompiers, les touristes, les travailleurs en extérieur et les personnes âgées de plus de 75 ans qui représentent 80 % des mort.e.s des vagues de chaleur. Les régions : Bretagne (+ 19,9 %), Grand Est (+ 25,7 %) et Île-de-France (+ 20,8 %) ont les excès de mortalité relatifs les plus importants Source : https://reporterre.net/Canicule-et-Covid-ont-cause-10-000-morts-en-plus
III. Les impacts sur les sols et la biodiversité
Le bilan des incendies
L’impact le plus saisissant sur les paysages et les écosystèmes est celui laissé par les incendies qui ont été 7 fois plus importants en France que la moyenne des 15 dernières années. Cette augmentation du nombre d’incendies a touché tous les pays d’Europe.
En plus des vies touchées par les feux de l’été, c’est 61 289 hectares qui ont brûlé, soit 6 fois la taille du département de Paris.
En juillet 2022, ce sont 3 000 hommes qui ont été mobilisés, 2 000 au plus près du feu et 1000 pour gérer le déroulement des interventions. En termes de matériel, c’est 350 engins de lutte et 200 en appui qui ont été mobilisés, soit un coût global à plus de 100 millions d’euros. En plus de leur coût sur le terrain, l’indemnisation des véhicules défaillants représente un coût considérable. À titre d’exemple, les gros camions peuvent coûter jusqu’à 300 000 euros et 50 000 euros pour les 4×4.
Enfin et surtout, ces interventions ont de lourds impacts en terme de santé, car elles sont génératrices de stress intense comme ont pu l’indiquer les équipes de soin qui suivent les sapeurs-pompiers à la presse.
Les forêts ont été touchées aussi par les épisodes de grêle du début de l’été durant lesquels de nombreux arbres ont été blessés sur des dizaines voire des centaines d’hectares. Les plus forts dégâts en forêt se sont produits dans les régions de : Bourgogne-Franche-Comté, la Nouvelle-Aquitaine (Dordogne, Gironde, Landes, Deux-Sèvres, Vienne et Creuse), le Centre (Loir-et-Cher, Indre, Maine-et Loire) et l’Allier.
Impacts sur la faune
Malgré le manque de données chiffrées dont nous disposons pour le moment, la LPO, le CNRS, ou encore Eau de France, ont signalé les vulnérabilités qu’occasionnaient la sécheresse mais aussi les intempéries sur la population animale
Outre l’impact important de la sécheresse sur le bétail, les chercheur.se.s ont souligné que les milieux aquatiques ont été fortement perturbés par les vagues de canicules qui ont occasionné de faibles étiages ou des assecs, une hausse de la température de l’eau, une baisse de la quantité d’oxygène, et favorisé l’apparition de micro-algues. De nombreux sauvetages de poissons ont ainsi été effectués partout en France et de nombreuses populations de poissons sont mortes, par exemple dans la Loire ou au nord de Pau, sur le lac de Serre-Castets.
Les chercheur.se.s ont rapporté que les oiseaux, vulnérables à la déshydratation, ont souffert plus particulièrement des intempéries de juin ou du manque d’eau lié à la sécheresse.
Enfin, les incendies en Bretagne et en Gironde, ont tué ou privé de leur habitat de nombreux animaux sauvages : des insectes, des amphibiens, des reptiles et des mammifères.
Impacts sur les glaciers
L’enneigement historiquement bas dans les Écrins cet hiver et les fortes chaleurs persistantes, dès le printemps, ont eu des conséquences sur plusieurs glaciers des Hautes-Alpes, notamment pour le plus vaste glacier des Écrins, le glacier Blanc, dont la fonte a été exceptionnelle. D’autres glaciers sont en danger : les glaciers d’Ailefroide, de la Momie, des Violettes et du Pelvoux.
IV. Pertes et dommages : les sinistres pour les particuliers
Le terme « perte et dommage » est utilisé par les Nations Unies pour désigner les dommages causés par le changement climatique. Comme le résume le Réseau Action Climat, les pertes et dommages peuvent être de nature économique et non économique. Ils peuvent être la conséquence de phénomènes météorologiques extrêmes tels que des ouragans violents, ou de phénomènes à occurrence lente comme la montée du niveau des mers. Les populations les plus vulnérables des pays en développement, pourtant les moins responsables du changement climatique, sont les plus durement touchées et ont le moins de moyens pour faire face à ces impacts.
En 2022, en France, la sécheresse et les intempéries ont causé des millions de sinistres pour un coût total estimé entre 6 et 7 milliards d’euros.
La sécheresse a provoqué de nombreux phénomènes de retrait-gonflement des sols argileux provoquant de nombreuses fissures dans les maisons pour un coût entre 1,9 et 2,8 milliards d’euros.
Entre 2020 et 2050, la sécheresse pourrait coûter sans politique d’adaptation urgente et sérieuse au changement climatique 43 milliards d’euros.Ce sont 10 millions de maisons individuelles françaises concernées à cause notamment du phénomène de retrait-gonflement des sols argileux.
V. Autres pertes et dommages : les impacts importants sur l’agriculture et l’alimentation
Le secteur français le plus fortement impacté par les évènements climatiques extrêmes a été l’agriculture, et donc conséquemment les agriculteur.ice.s mais aussi notre alimentation.
Concrètement, qu’est-ce que cela signifie pour les agriculteurs ?
des récoltes détruites,
une trésorerie dégradée,
une baisse de revenu qui se fait ressentir sur l’année,
des licenciements dans un secteur soumis déjà à de fortes disparités sociales.
– production de maïs, -17,1% par rapport à la moyenne 2017-2021, ce qui veut dire que c’est la plus faible récolte de maïs depuis 1990.
– production d’herbe, – 33 % par rapport à la période de référence (1989-2018). C’est la production la plus faible depuis 2003.
Ces baisses de rendement peuvent avoir d’autres impacts sur une chaîne d’approvisionnement déjà soumise à une forte tension depuis la guerre en Ukraine, et sur d’autres produits réalisés à partir de maïs.
À titre d’exemple, une partie de la production mondiale de maïs est utilisée en alimentation animale mais aussi par les productions industrielles d’éthanol et d’amidon. Les firmes agro-alimentaires utilisent de plus en plus l’amidon du maïs comme substitut du sucre. C’est le cas pour la confiserie, la chocolaterie, la pâtisserie, la biscuiterie, la fabrication de confitures, de conserves defruits, de crèmes glacées, d’entremets, de plats cuisinés… Le maïs est aussi largement utilisé pour la fabrication de la bière, en complément du malt, ainsi que pour produire du whisky (bourbon).
Comme le soulignait le Ministère de l’Agriculture, d’autres effets décalés de la sécheresse pourraient se manifester dans les mois à venir, par exemple une baisse de la production laitière ou une décapitalisation du cheptel.
Qui a été le plus touché dans le secteur agro-alimentaire?
Les cultures les plus touchées ont été l’arboriculture, les vignes. Les bêtes ont fortement souffert du manque d’herbe. Les maraîchages conventionnels et agroécologiques ont été également durement touchés à l’ouest et dans le sud de la France. Pour exemple le plus symbolique, 11 départements victimes de la sécheresse ont été indemnisés au titre des calamités agricoles : l’Ardèche, l’Aveyron, le Cantal, la Drôme, la Loire, la Haute-Loire, le Lot, la Lozère, le Puy-de-Dôme, le Rhône et le Tarn. L’indemnisation prévisionnelle pour ces départements s’élève à 76,3 millions d’euros.
Mais la sécheresse n’a pas eu que des impacts sur l’agriculture, elle a eu aussi de forts impacts sur d’autres secteurs économiques :
– le tourisme, notamment dans les Hautes Alpes et les Alpes de Haute Provence, en Corse et en Gironde. Dans le bassin d’Arcachon, le tourisme aurait enregistré une baisse de chiffre d’affaires de 10 à 50%.
Ce premier bilan des impacts de l’été 2022 sur la France met en relief des vulnérabilités.
Pour les personnes :
– les personnes âgées de plus de 75 ans
– les travailleurs en extérieur : secteur touristique, construction, pisciculture, agriculture
– les pompiers
En terme de territoires :
– les zones littorales, en particulier la côte ouest et la côté méditerranéenne, marquées par les gros orages de l’été, les incendies et des périodes de canicule très longues ;
– les zones fluviales du Rhin, de la Loire et du Rhône fortement impactées par la sécheresse ;
– les départements du sud de la France marqués par de graves problèmes de sécheresse et d’approvisionnement en eau ;
– des villes comme Nantes ou Saint-Malo qui ont failli manquer d’eau potable ;
– la région Grand Est, qui compte le plus fort taux de surmortalité lié aux canicules (+ 25,7 %) ;
– les massifs forestiers exposés aux risques d’incendie, comme on l’a vu en Gironde ;
– les zones de plateaux, comme la Cantal, la Drôme, le Quercy, sensibles aux sécheresses ;
– et les zones argileuses exposées au risque de retrait-gonflement des sols argileux.
D’autres vulnérabilités existantes ont moins été relayées par la presse : les jeunes enfants, les femmes enceintes, les habitant.e.s des centres villes exposés au phénomène de fournaise urbaine en temps de canicule. D’autres personnes ont souffert aussi pendant l’été, notamment les personnes détenu.e.s dans les prisons françaises souvent condamnées pour leur surpopulation carcérale et leurs conditions indignes de détention.
Quatre ans après le lancement de l’Affaire du Siècle, et la condamnation de l’État en 2021 par la justice, ce bilan montre que les catastrophes climatiques sont amplifiées par l’inaction de l’État et le manque d’adaptation des territoires français au changement climatique.
Il montre aussi l’importance de mieux connaître les impacts du changement climatique pour penser et agir collectivement dans un souci d’efficacité et de justice dès aujourd’hui.
Permettez-nous de vous souhaiter nos meilleurs vœux pour cette année 2023. Elle promet d’être, encore, riche en jurisprudence en matière de contentieux climatique, notamment, avec les suites de l’affaire du siècle, le potentiel recours contre BNP Paribas (que nous traitons dans l’un des articles de la newsletter) ou bien les prochaines décisions de la Cour européenne des Droits de l’Homme dans différentes affaires climatiques. Plus généralement, le droit de l’environnement ne sera pas en reste, pour preuve, la décision de ce mois de janvier sur le Chlordécone. Fin janvier, nous organisons une conférence relative au Traité sur la Charte de l’énergie, à la fois en présentiel à l’Académie du Climat à Paris mais, également, via visioconférence (plus d’informations, très prochainement). Un article vous est proposé, dans cette newsletter, afin de vous partager les grandes lignes du sujet. Le dernier trimestre 2022 a connu une petite révolution en droit administratif puisque le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé en tant que liberté fondamentale a été reconnu par le juge administratif dans le cadre de la mise en œuvre du référé-liberté. Un article à plusieurs mains y est consacré dans cette lettre.
Comme à l’accoutumé, vous pourrez retrouver le commentaire des récentes décisions de justice en matière de contentieux climatique et environnemental français mais également, de droit étranger. Enfin, est joint à cette newsletter un lien vers un podcast enregistré par notre groupe de travail sur la prise en compte du critère environnemental dans la décision de refus de renouvellement d’un titre de séjour.
Bonne lecture,
Sandy Cassan-Barnel, juriste, référente du groupe veille-international.
Le Traité sur la Charte de l’énergie (TCE) est un traité international relatif aux investissements du secteur de l’énergie. Il est né à la suite de la chute de l’URSS et avait pour but de protéger les sociétés occidentales investissant dans les infrastructures et la production d’énergie dans les pays de l’ancien bloc de l’Est. Il a été signé en 1994 et est entré en vigueur en 1998. Le traité a actuellement 54 signataires : 52 États (principalement d’Europe et d’Asie centrale), l’Union européenne et Euratom. Deux États, l’Italie et la Russie, sont sortis du traité et d’autres États ont récemment annoncé se retirer.
Sandy Cassan-Barnel, juriste bénévole pour Notre Affaire à Tous, revient sur une décision rendue par le Conseil d’Etat, du 30 décembre 2021 à propos de la prise en compte du critère environnemental dans la décision de refus de renouvellement d’un titre de séjour.
Paris / Sao Paulo – 12 janvier 2023 – Alors qu’une audience se tiendra ce jour dans l’affaire Casino liée à la déforestation et à l’accaparement des terres des peuples autochtones, l’association Jupaú, représentante du peuple autochtone Uru-EU-Wau-Wau, a officiellement annoncé sa volonté de rejoindre la coalition internationale d’organisations ayant engagé une action en justice contre la chaîne de supermarchés.
Le 3 mars 2021, une coalition d’organisations de défense des droits de peuples autochtones brésiliennes et colombiennes (COIAB, CPT, FEIPA, FEPOIMT et OPIAC) ainsi que des associations internationales (Canopée, Envol Vert, FNE, Mighty Earth, Notre Affaire à Tous et Sherpa) ont assigné en justice la chaîne de supermarchés pour manquement à son devoir de vigilance. Elles reprochent à Casino de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour exclure de sa chaîne d’approvisionnement au Brésil et en Colombie la viande bovine liée à la déforestation illégale, à l’accaparement de terres et aux atteintes aux droits des peuples autochtones.
Il y a quelques mois, le Centre pour l’Analyse des Crimes Climatiques (CCCA) dévoilait dans un rapportles ravages provoqués par l’élevage bovin sur le territoire autochtone du peuple Uru-Eu-Wau-Wau. 25 482 bovins y sont présents illégalement et 13 411 hectares de forêts ont été déboisés pour le pâturage, soit davantage que la superficie de la ville de Paris.
Grâce à des documents officiels de transport d’animaux, trois fermes illégales localisées dans le territoire autochtone Uru-Eu-Wau-Wau ont été identifiées comme connectées à la chaîne d’approvisionnement d’un abattoir de l’entreprise brésilienne JBS qui fournissait les magasins du groupe Casino au Brésil.
Au vu de ce constat, le peuple Uru-Eu-Wau-Wau demande, par cette intervention, la réparation des dommages environnementaux et des violations des droits humains causés par la déforestation illégale et l’élevage bovin. Il apporte également des nouveaux éléments soulignant les liens avec le groupe Casino qui aurait manqué à son devoir de vigilance.
La population non indigène a établi un premier contact avec le peuple Uru-Eu-Wau-Wau en 1981, ce qui a entraîné d’importantes pertes au sein de la communauté, la réduisant à quelques centaines d’individus. Depuis, ils se battent pour préserver leur territoire et leur patrimoine culturel, qui s’étend sur plus de 18 000 km², partagés avec d’autres tribus, y compris des peuples isolés. Bien qu’ils aient des droits légaux sur leurs terres, ils sont constamment menacés, notamment par les éleveurs de bétail.
Bitaté Uru-Eu-Wau-Wau, représentant du peuple Uru-Eu-Wau-Wau espère « que le cas Casino puisse servir d’exemple à d’autres entreprises, et qu’il contribue à réduire la déforestation en Amazonie et à garantir les droits des peuples autochtones ».
Le 31 décembre 2022, le délai donné par le Tribunal Administratif de Paris à l’Etat français pour agir afin de limiter ses émissions de gaz à effet de serre expirera. Les associations de l’Affaire du Siècle constatent que l’Etat n’a pas agi suffisamment depuis le jugement du 14 octobre 2021 le condamnant. Elles envoient aujourd’hui un courrier officiel au Gouvernement et demanderont, début 2023, une astreinte financière.
Press conference for the Affair of the Century organized by GreenPeace in a forest damaged by fire in Gironde near Landiras. In presence of Jacques HAZERA (Forestry expert) Yann ROBIOU DU PONT (Climatologist), Jean-Francois JULLIARD (Director of Greenpeace FRANCE), Amandine LEBRETON (Director of advocacy and prospective at the Fondation pour la Nature et pour l’Homme (FNH)), Jeremie SUISSA (General Delegate of Notre Affaire a Tous), Cecile DUFLOT (Director General of Oxfam FRANCE). Conference de presse pour L’Affaire du siecle organiser par GreenPeace dans une forets sinistree par les incendie en Gironde pres de Landiras. En presence de Jacques HAZERA (Expert forestier) Yann ROBIOU DU PONT (Climatologue), Jean-Francois JULLIARD (directeur de Greenpeace FRANCE), Amandine LEBRETON (directrice du pole plaidoyer et prospective a la Fondation pour la Nature et pour l’Homme (FNH)), Jeremie SUISSA (delegue general de Notre Affaire a Tous), Cecile DUFLOT (directrice general d’Oxfam FRANCE).
Les mesures prises jusqu’à présent insuffisantes
Le 14 octobre 2021, le Tribunal Administratif condamnait l’Etat pour inaction climatique (1) et l’enjoignait à prendre “toutes les mesures nécessaires pour réparer les conséquences de sa carence en matière de lutte contre le changement climatique” avant le 31 décembre 2022. Plus de 14 mois plus tard, les organisations de l’Affaire du Siècle font le constat que l’Etat n’a pas agi suffisamment. Sur la base des nombreuses études et rapports publiés cette année (Haut Conseil pour le climat (2), l’observatoire Energie Climat (3), etc.), elles estiment que les mesures prises jusqu’à présent par l’exécutif ne sont pas assez ambitieuses et que la baisse effective des émissions de gaz à effet de serre de la France depuis le jugement est, par ailleurs, principalement conjoncturelle, due à la crise du Covid et à la crise énergétique. Les mesures structurelles mises en place sont largement insuffisantes.
Face à cette inaction, les organisations de l’Affaire du Siècle envoient aujourd’hui un courrier officiel au Gouvernement (4), lui demandant de détailler l’ensemble des mesures mises en oeuvre par l’Etat suite au jugement du tribunal administratif.
Une astreinte financière pour obliger l’Etat à agir
Dépassée l’échéance du 31 décembre, les organisations de l’Affaire du Siècle demanderont, début 2023, au Tribunal Administratif de Paris le versement d’astreintes financières afin de forcer l’Etat à agir. En septembre 2021, elles suggéraient au tribunal de prononcer une astreinte de 78 millions d’euros par semestre de retard (6). Le montant et la méthode de calcul de l’astreinte seront précisés ultérieurement par l’Affaire du Siècle.
L’Affaire du Siècle et l’Affaire Grande-Synthe, le même combat Dans l’affaire Grande-Synthe, les associations vont aussi intensifier leurs efforts en 2023 pour que l’Etat soit condamné à payer des astreintes financières afin d’être contraint à agir (5). Les organisations de l’Affaire du Siècle sont requérantes dans le cadre de la procédure d’exécution de ce jugement du Conseil d’Etat qui a également condamné l’Etat pour inaction climatique en estimant que les mesures nécessaires n’ont pas été prises pour que la France respecte sa feuille de route climatique à l’horizon 2030.
La mobilité aujourd’hui : accélératrice de précarité et polluante
La révolution industrielle a bouleversé la mobilité en Europe : à partir des années 1820, le chemin de fer et les transports urbains changent notre rapport au temps et à l’espace. Le réseau ferroviaire s’étend sur le continent pour permettre d’abord un échange accru des marchandises, puis le voyage. Aujourd’hui, la mobilité en France est centrée autour de la voiture, ce qui a des conséquences multiples et désastreuses .
Le Fonds social pour le climat a été proposé par la Commission européenne en juillet 2021. L’objectif était de permettre aux ménages vulnérables de faire face à l’augmentation du prix de l’énergie provoqué par l’extension du marché carbone aux transports routiers et aux bâtiments (notamment en versant des aides). En avril 2021, Leïla Chaibi propose d’inscrire dans la législation européenne le concept de “précarité mobilité” en lui donnant la définition suivante : “Une personne est considérée comme étant en situation de précarité mobilité quand : elle a des difficultés à se déplacer pour subvenir à ses besoins essentiels et/ou que les déplacements grèvent une bonne partie de son budget.” Entretien réalisé avec Pierre Marion, assistant parlementaire de la députée européenne Leïla Chaibi (LFI), juin 2022.
Paris / Bogota / Sao Paulo – 1er décembre 2022 – Les onze organisations ayant engagé une action en justice contre Casino ont refusé la médiation proposée par la juge lors de l’audience de juin dernier. Selon les organisations, ce contentieux ne se prête pas à une solution négociée avec l’entreprise, sans débat public sur sa responsabilité.
Le 3 mars 2021, une coalition d’organisations représentatives des peuples autochtones brésiliennes et colombiennes (COIAB, FEFIPA, FEPOIMT et OPIAC), et d’associations internationales (Canopée, CPT, Envol Vert, FNE, Mighty Earth, Notre Affaire à Tous et Sherpa) ont assigné Casino en justice pour manquement à son devoir de vigilance [1]. Elles reprochent à la chaîne de supermarchés de n’avoir pas pris les mesures nécessaires pour exclure la viande bovine liée à la déforestation et à l’accaparement de territoires autochtones de sa chaîne d’approvisionnement au Brésil et en Colombie [2].
Lors de l’audience du 9 juin dernier, la juge a proposé aux parties d’entrer dans une procédure de médiation – un mode de règlement alternatif d’un litige dans lequel un tiers (le médiateur) facilite la négociation d’une solution amiable entre les parties.
À la suite de la première réunion obligatoire avec les médiateurs désignés, les organisations ont annoncé leur refus d’engager une médiation.
Cette action en justice soulève des questions fondamentales quant à la responsabilité d’une entreprise dans la destruction des écosystèmes et la violation des droits des peuples autochtones en Amazonie. En raison de ces enjeux d’intérêt général, cette affaire doit impérativement faire l’objet d’un débat public et d’une décision de justice, en application des dispositions légales. Elle ne peut se résoudre par une solution négociée en huis-clos, qui plus est de façon confidentielle.
La loi sur le devoir de vigilance permet enfin de soumettre à la justice des cas d’atteintes aux droits humains et à l’environnement causées par les activités d’entreprises multinationales, là où récemment seules des négociations déséquilibrées ou des mécanismes non-judiciaires défaillants comme le Point de contact national de l’OCDE étaient accessibles aux victimes.
Alors que les peuples autochtones de l’Amazonie brésilienne et colombienne font face à des attaques et à une déforestation sans précédent, Casino s’est pour l’instant bornée à alléguer que son plan de vigilance était parfaitement conforme à la loi et que les demandes des organisations n’étaient pas adaptées. Face à l’urgence de la situation, il est crucial d’éviter de retarder inutilement une décision judiciaire, seule à même de contraindre le groupe Casino à prendre de réelles mesures aptes à faire cesser les dommages.
Dinamam Tuxa, coordinatrice de l’APIB déclare, “Nous nous engageons dans l’affaire Casino car, nous reprochons à l’entreprise d’acheter des produits issus de la déforestation et des conflits socio-environnementaux. Ces grands groupes qui achètent des matières premières du Brésil doivent respecter les principes de traçabilité, car nombre de ces produits proviennent de zones de conflit socio-environnementaux, où il y a de la déforestation et une violation des droits des peuples autochtones.” L’APIB est une organisation représentante des peuples autochtones du Brésil composée de plusieurs associations faisant partie de la coalition.
Notes :
[1] La loi du 27 mars 2017 sur le devoir de vigilance des sociétés-mères et entreprises donneuses d’ordre impose aux grandes entreprises françaises de mettre en oeuvre des mesures de vigilance effectives pour prévenir les atteintes aux droits humains, à la santé et à la sécurité des personnes, et à l’environnement, qui résultent des activités de leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs.
[2] Un rapport du Center for Climate Crime Analysis (CCCA) produit dans la procédure montre que l’un des fournisseurs de la filiale de Casino au Brésil s’est approvisionné en viande bovine dans le territoire protégé du peuple Uru Eu Wau Wau dans l’État de Rondônia au Brésil – dont les terres ont été envahies et détruites pour permettre l’élevage de bétail.
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