Auteur/autrice : Notre affaire à tous

  • CP / L’Affaire du siècle est désormais entièrement entre les mains du juge

    Communiqué de presse – Lundi 20 mai 2019

    Les quatre ONG requérantes déposent aujourd’hui devant le tribunal administratif de Paris leur mémoire complémentaire.

    Après la requête déposée pour l’Affaire du Siècle devant le tribunal administratif de Paris le 14 mars dernier, les avocats de Notre Affaire à Tous, la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme, Greenpeace France et Oxfam France ont transmis au juge un “mémoire complémentaire” détaillant l’ensemble des arguments présents dans le recours en responsabilité contre l’État français pour inaction climatique.

    Présentation au juge de tous les arguments détaillés des ONG

    Pour Notre Affaire à Tous, la Fondation Nicolas Hulot, Greenpeace France et Oxfam France :

    « Avec le dépôt de ce “mémoire complémentaire”, l’étude complète de l’Affaire du siècle peut enfin commencer. Le document transmis au tribunal administratif de Paris détaille les manquements de l’État en matière climatique depuis le premier rapport du GIEC en 1990 et le Grenelle de l’environnement. Le travail des avocats, juristes et experts de nos quatre organisations dévoile une quantité conséquente d’obligations non mises en oeuvre par l’État. Le document revient aussi sur le préjudice écologique et sur les préjudices moraux des associations.

    Les préoccupations de nos associations sont les suivantes : peut-on accepter que les gouvernements français successifs aient échoué à leur obligation générale de protéger les droits fondamentaux de leurs concitoyens, menacés par les changements climatiques ? Peut-on accepter qu’alors que les autorités étaient informées du dérèglement climatique au plus tard dès les années 1990, la première politique publique climatique ne date que de 2005 avec la loi dite “POPE” ? Peut-on accepter que parmi les obligations spécifiques que l’État s’est lui-même fixées depuis les années 2000, la majorité d’entre elles ne soient pas respectées ou pas mises en oeuvre ? Pour nos ONG, la réponse est trois fois non. »

    Par exemple :

    • En matière d’efficacité énergétique : L’objectif fixé pour la France pour 2020 au niveau européen ne serait atteint qu’en 2026. La loi Grenelle I (2009) fixait déjà l’objectif de 38 % de baisse des consommations d’énergie du parc des bâtiments existants d’ici à 2020, soit un objectif de 400 000 rénovations de logements chaque année à compter de 2013, rehaussé à 500 000 par la loi de transition énergétique de 2015. Or, il n’y a aucun dispositif de suivi mis en place par l’État. Actant le retard pris par la France sur la rénovation, le projet de nouvelle Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) évoque désormais 300 000 rénovations « équivalent complètes » par an.
    • En matière de transport : aucune stratégie cohérente n’a été mise en oeuvre pour atteindre les objectifs fixés par la loi pour renverser la prédominance du transport routier. Alors que la loi Grenelle prévoyait d’atteindre 25 % de hausse de la part modale du fret non routier et non aérien en 2022, la part du ferroviaire s’est effondrée depuis 2001 pour atteindre 10 % en 2017. Sur les 400 milliards d’euros investis dans les infrastructures de transport entre 1990 et 2015, 69,4 % l’ont été pour les routes (contre 19,6 % pour le réseau ferroviaire SNCF et 10 % pour les réseaux ferrés urbains).
    • En matière d’agriculture : en 2017, seule une portion de 6,5 % de la surface agricole utile était cultivée en France en agriculture biologique, loin de l’objectif fixé par la loi Grenelle I de 20 % en 2020. Les ventes d’engrais azoté (41 % des émissions du secteur) ont augmenté de 13 000 tonnes sur la période 2014-2016, en totale contradiction avec la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) qui prévoyait de réduire l’utilisation de ces engrais.

    Oui, nous pouvons remporter l’Affaire du Siècle

    Dans le monde, le mouvement pour la justice climatique remporte des victoires et une nouvelle jurisprudence est en train de voir le jour. Le juge peut reconnaître la responsabilité de l’État français et enjoindre au Premier ministre et aux ministres compétents d’adopter toutes les mesures nécessaires pour mettre un terme à l’ensemble des manquements de l’État et réparer les préjudices subis.

    Si malgré tout l’État ne se décidait pas à agir, il se mettrait hors la loi. Les ONG pourraient alors saisir à nouveau la justice et demander l’exécution forcée de la décision.

    Une procédure qui ne dédouane pas l’État d’agir pour le climat

    Alors que plus de deux millions de personnes ont apporté leur soutien à cette initiative juridique sans précédent en France, le gouvernement ne peut se contenter d’attendre l’audience qui pourrait intervenir dans 1 à 2 an(s), sans compter un éventuel appel. La crise climatique est telle que chaque jour qui passe doit être mis au service d’avancées structurantes. Nous appelons l’État à accélérer ses efforts sans attendre l’issue de l’instruction.

    Parallèlement au recours, les ONG de l’Affaire du Siècle ont ainsi proposé 6 catégories de solutions politiques pour commencer à endiguer la crise
    climatique en France :

    1. Instaurer une fiscalité socialement juste au service de la lutte contre le changement climatique. Par exemple : une taxation du kérosène des avions et une taxe carbone dont les recettes sont redistribuées aux ménages.
    2. Créer un service public local de la rénovation énergétique des logements dans tous les territoires, notamment pour éliminer les passoires énergétiques.
    3. Donner la possibilité à toutes et tous de se déplacer plus proprement. Par exemple, en investissant dans les transports en commun, le train et en interdisant la vente de véhicules diesel et essence à horizon 2030.
    4. Instaurer le droit à une alimentation saine et durable pour toutes et tous. Par exemple, en soutenant les repas bios et végétariens dans les cantines.
    5. Développer massivement des énergies renouvelables.
    6. Mettre fin aux cadeaux qui encouragent les entreprises dans leurs actions climaticides. Par exemple, en supprimant les niches fiscales aux activités et industries les plus polluantes.

    Pour les porter, et contraindre l’État à agir dès maintenant en matière climatique, l’ensemble des leviers doit être mobilisé. Par conséquent, les organisations de l’Affaire du Siècle apportent leur soutien à la mobilisation de la jeunesse le 24 mai prochain, qui, pour la deuxième fois en quelques mois, prendra place partout dans le monde pour assurer leur avenir.

    Contacts presse :

    • Fondation Nicolas Hulot : Manuela Lorand – 06 98 45 46 91 / m.lorand@fnh.org
    • Greenpeace France : Aude Schmuck – 06 33 58 39 46 / aude.schmuck@greenpeace.org
    • Oxfam France : Noélie Coudurier – 06 17 34 85 68/ ncoudurier@oxfamfrance.org
    • Notre Affaire à Tous : Marie Pochon – 06 52 26 19 41 / marie@notreaffaireatous.org

  • Notre Affaire à Tous est fière d’avoir contribué au Journal de l’Année Climat de Place To B

    Avec le premier Journal de l’Année Climat, l’association Place To B s’associe à 7 ONGs pour vous raconter l’année climatique !

    • Le Journal de l’Année Climat, c’est quoi ?

    Ce journal est engagé et collaboratif, et tire le bilan d’une année de changements climatiques. Il est dédié à l’information sur la lutte contre le changement climatique et aux négociations climatiques ! Pour ce premier numéro de mai 2019, Humans & Climate Change Stories, le REFEDD, CliMates, le GERES, Nature Rights, Climate Chance et Notre Affaire à Tous ont apporté leurs contributions sur les actualités climatiques de 2018.

    Que s’est-il passé de la #COP23 à la #COP24 ? Quels ont été les grands événements de la lutte contre le changement en climatique de 2018 à 2019, en France et hors de nos frontières ? Quels sont les visages et les thèmes qui ont marqué le traitement médiatique du climat lors de l’année écoulée ?

    • Télécharger le premier numéro
  • INVITATION PRESSE / Rencontre croisée mercredi 15 mai

    INVITATION PRESSE : Anuna De Wever et Kyra Gantois, du mouvement jeunes pour le climat de Belgique, aux côtés de Notre affaire à tous pour présenter leur Manifeste “Nous sommes le climat”

    « Nous avons commencé petit – plus petit est presque impossible. Nous étions deux. « Maintenant, on fait quelque chose », s’est-on lancé l’une à l’autre. »

    Ce mercredi 15 mai, deux mois exactement après le lancement de son manifeste pour une justice climatique “Comment nous allons sauver le monde”,  Notre Affaire à Tous accueillera lors d’une rencontre exceptionnelle les initiatrices des marches pour le climat qui ont mobilisé jusqu’à 70 000 personnes à Bruxelles, Anuna de Wever et Kyra Gantois, pour présenter leur manifeste “Nous sommes le climat”, récemment publié le 9 mai aux éditions Stock.

    Cette rencontre se tiendra à la Base d’action sociale et écologique, 31 rue Bichat, Paris 10, ce mercredi 15 mai, à partir de 19h30

    En présence de : Anuna De Wever, Kyra Gantois, auteures du manifeste Nous sommes le climat ; Judith Perrignon et Marie Toussaint, porteuses du Manifeste Comment nous allons sauver le monde; soirée animée par Hugo Viel, de Youth for Climate et en présence de nombreux-ses militant-es de Notre Affaire à Tous et du mouvement de la jeunesse pour le climat.

    Notre affaire à tous est ravie d’accueillir, une fois de plus, la jeunesse qui réclame son droit à un avenir, par-delà les frontières, et rappelle que l’action est encore possible !

    A la suite des batailles pour les droits civiques, auxquelles ont succédé, à l’ère industrielle, celles pour les droits sociaux, la bataille du XXIe siècle sera celle qui consacrera un nouveau rapport au vivant, en protégeant les pollués des pollueurs. Associations de la justice sociale, de protection de l’environnement, syndicats, collectivités, mouvements de jeunesse… nous sommes tou.te.s des avocat.e.s d’une planète qui meurt de ne pas avoir de voix. Nos manifestes portent cet appel à la révolte et à l’action, pour la protéger et faire valoir la justice climatique.

    Contacts presse

    • Marie Pochon, Coordinatrice Générale Notre Affaire à Tous 06 52 26 19 51 marie@notreaffaireatous.org
    • Vanessa Retureau, attachée de presse du manifeste “Nous sommes le climat” VRETUREAU@editions-stock.fr
  • Climat : Maintenant, on fait quelque chose !

    « Nous avons commencé petit – plus petit est presque impossible. Nous étions deux. « Maintenant, on fait quelque chose », s’est-on lancé l’une à l’autre. »

    Notre Affaire à Tous et la Fondation de l’Ecologie Politique sont heureuses de vous accueillir mercredi 15 mai à partir de 18 heures pour une double-soirée exceptionnelle #NousSommesLaNatureQuiSeDefend 🌱

    Ce mercredi 15 mai, rendez-vous à La base à partir de 19h30 pour une rencontre croisée entre les autrices du Manifeste pour une justice climatique « Comment nous allons changer le monde » par Notre affaire à tous et Kyra Gantois et Anuna De Wever, les initiatrices des grèves pour le climat en Belgique et autrices du manifeste « Nous sommes le climat ». Après une courte discussion croisée sur les mobilisations historiques de la jeunesse autour de la #JusticeClimatique de cette dernière année, en grande majorité menées par des jeunes femmes à travers le monde, cette soirée sera l’occasion d’un temps d’échanges informels avec les autrices de ces manifestes porteurs d’immenses combats, pour inspirer et construire ensemble les victoires à venir. ✊🌍

    Programme :

    18H00 Rencontre « Défendre la forêt » par la Fondation de l’Ecologie Politique
    Animée par Alice Canabate, avec :
    👉 Julien REVENU, auteur de la bande dessinée ZONE DÉFENSIVE ( éditions Vraoum, 2019) http://julienrevenu.blogspot.com/
    👉 Gaspard D’ALLENS, journaliste, auteur de l’essai MAIN BASSE SUR NOS FORÊTS (Reporterre/Seuil, 2019)

    20H00 Discussion croisée, modérée par Hugo Viel, Youth for Climate France
    Avec 👉 Judith Perrignon, « Comment nous allons sauver le monde » Notre affaire à tous, aux EditionsMassot
    👉 Anuna De Wever et Kyra Gantois, « Nous sommes le climat », aux Editions Stock
    ➡ 21H00 Questions et temps d’échanges informels avec les participant-es à la soirée autour d’un verre !

    Adresse : 31, rue Bichat 75010 Paris

    Événement ouvert et gratuit à tou-tes les adhérent-es (à prix libre) de La base ! Des dédicaces et achats de ces manifestes seront possibles sur place.

    Plus d’informations sur le Manifeste pour une justice climatique

    Plus d’informations sur l’événement « Défendre la Forêt » de la Fondation de l’Ecologie Politique

  • L’Affaire Climat : La Belgique a également son Affaire du Siècle !

    Dans le sillon de l’affaire Urgenda, les citoyen-nes belges ont recours aux tribunaux pour exiger une politique climatique ambitieuse à travers l’Affaire climat (Klimaatzaak) ! Et chaque citoyen-ne belge peut prendre part, juridiquement, à cette action, en devenant co-demandeur aux côtés de Klimaatzaak et de ses avocat-es. Déjà plus de 58 000 citoyen-nes ont rejoint le recours pour le porter, ensemble, et faire reconnaître la responsabilité de l’Etat Belge pour la protection de leurs droits. Et il est encore temps de les rejoindre !

    Nos voisin-es demandent à l’Etat fédéral et aux trois Régions (la Région flamande, la Région wallonne et la Région Bruxelles-Capitale) de tenir leurs engagements, à savoir la réduction, d’ici à 2020, de 40 % des émissions de gaz à effet de serre en Belgique par rapport à celles émises en 1990.

    Après une première mise en demeure en 2014, suivie d’une absence de réponse de la part des ministres compétents, l’Affaire climat assigne en justice les quatre autorités belges en 2015. La procédure s’éternise pour des questions linguistiques, chaque région plaidant pour que le procès soit tenu dans leur langue respective. Le 20 avril 2018, l’Affaire climat peut enfin commencer ! 2019 est l’année du dépôt des conclusions de chaque partie prenante. En 2020 débuteront les plaidoiries !

    A l’image de l’Affaire du siècle, Klimaatzaak a ouvert une procédure unique : la possibilité pour chaque citoyen-ne belge de s’associer juridiquement à ce recours inédit pour déposer, ensemble, l’affaire qui peut tout changer en matière climatique, avec déjà plus de 58 000 co-demandeurs ! Plus le nombre de signataires sera élevé, plus la pression exercée sur les gouvernements sera forte !

    Les recours contre l’Etat se multiplient dans le monde. Notre Affaire à tous est partie prenante d’un véritable mouvement mondial, qui exige que les différents gouvernements tiennent leurs responsabilités et leurs engagements en matière climatique et protègent les droits de leurs citoyen-nes, qu’ils soient inscrits dans les textes de loi ou les sommets internationaux.

    Ce mouvement n’a pas de frontières, ensemble nous sommes une force immense !

  • CP / 17 acteurs de la société civile dénoncent la montée de “l’inégalo-scepticisme” dans un rapport

    Dans un contexte marqué par de fortes tensions sociales, exprimées par le mouvement des Gilets jaunes, dont les issues restent incertaines (retombées politiques du Grand Débat National, percée de l’extrême droite dans les sondages pour les élections européennes), 17 acteurs de la société civile, rassemblant des associations environnementales, sociales, de solidarité internationale et de défense des droits de l’Homme, des organismes de recherche et des syndicats, dont la CFDT et Notre Affaire à Tous, dénoncent la montée de ce qu’ils nomment « l’inégalo-scepticisme » en France, dans un rapport à paraître le 14 mai.

    Nombre d’analystes, focalisés sur les indicateurs économiques classiques, comme la croissance économique, les baisses d’impôts ou le pouvoir d’achat, occultent une réalité accablante : 20% des français ne peuvent pas faire trois repas par jour, portant ainsi à 5 millions le nombre de personnes ayant recours à l’aide alimentaire (CFSI). En 2019, la France compte 3 millions d’enfants pauvres (Les Petits Débrouillards). 30% des agriculteurs ont un revenu inférieur à 350 euros par mois (Max Havelaar). Si cela est encore insuffisant, notons également que les très riches émettent 40 fois plus de carbone que les plus pauvres alors qu’en pourcentage de leurs revenus, ces derniers paient 4 fois plus de taxe carbone ! (Notre Affaire à Tous).

    ● La doxa traditionnelle nourrit les « inégalo-sceptiques »

    Nos organisations, fortes d’une expertise académique et de terrain, se saisissent de la grille de lecture des Objectifs de Développement Durable (ODD) pour révéler l’ampleur des inégalités en France et leur caractère multidimensionnel. Les chiffres que nous avons évoqués prouvent que les inégalités concernent, bien entendu, les revenus, mais également l’accès à l’alimentation, aux soins (incluant des écarts d’espérance de vie de 13 ans entre les plus pauvres et les plus aisés), le genre, le numérique et sa diffusion inégale qui prive certains individus de leur pouvoir d’agir, l’accès aux ressources (notamment énergétiques) ou à l’eau et à l’assainissement (650 000 français n’ont pas un accès physique permanent à de l’eau potable), l’accès à un travail décent et à un environnement sain et sûr.

    Souvent, ces inégalités se superposent et se renforcent entre elles, conduisant les plus vulnérables dans une spirale inégalitaire dont ils peinent à s’extraire en l’absence de politiques cohérentes et d’ampleur de lutte contre les inégalités. Le cumul de ces inégalités sociales et environnementales conduit à l’ultime inégalité : celle face à la mort. En effet, l’écart entre l’espérance de vie des hommes les plus pauvres et les plus aisés en France est de 13 ans (71,1 ans contre 84,4 ans). En ne s’attaquant aux inégalités que pour engranger des points de PIB, la puissance publique passe à côté de son objectif premier : le bien-être de ses citoyens. Cette vision, conjuguée à l’idée que la France est en pointe concernant la redistribution, nourrit l’idée que la France est sur la voie de la réduction des inégalités. Nos alertes multidimensionnelles se heurtent ainsi à un phénomène d’« inégalo-scepticisme ».

    ● La situation n’est pas insoluble mais passe par un changement de paradigme

    C’est pourquoi, afin de faire tomber les œillères qui aveuglent les « inégalo-sceptiques » et résorber les inégalités, l’engagement des acteurs de la société civile sur le terrain est essentiel. Ce rapport met en exergue l’importance de la cohésion sociale pour atténuer les multiples vulnérabilités socioéconomiques et environnementales, ainsi que les solutions que nos organisations doivent déployer et porter au quotidien, pour ne laisser personne de côté et enrayer les corrélations négatives des inégalités. Ecoute, dialogue, accompagnement de proximité sont nécessaires pour permettre à toutes et tous de prendre part à des approches en coresponsabilité.

    La lutte contre les inégalités est un combat devant être mené par tous les acteurs, à tous les niveaux. L’Association 4D a ainsi développé un flyer regroupant des actions individuelles permettant à chacun de prendre part à la réduction des inégalités ; celui-ci est mis à disposition chez les commerçants parisiens du réseau Le Carillon. Au niveau collectif, nous exhortons les acteurs publics et privés à s’engager pour définir des orientations politiques et stratégiques plus justes et ambitieuses en matière de fiscalité, d’investissements publics et privés, ou de lutte contre les pressions environnementales et les dérèglements climatiques.

    Une Europe pour le bien-être de tous sur une planète vivante

    Pour déployer les conditions d’un bien-être pour tous sur une planète vivante, tel que prôné par les ODD, on ne saurait se contenter de solutions partielles et cloisonnées. En collaboration avec la société civile, le gouvernement français finalise actuellement une feuille de route nationale pour la mise en œuvre des Objectifs de Développement Durable, qui sera présentée par Emmanuel Macron lors de la prochaine Assemblée générale des Nations unies en septembre 2019. Cette feuille de route, future stratégie de développement durable pour la France, devra proposer des réponses concrètes en matière de lutte contre les inégalités dans toutes leurs dimensions, comme ce rapport en témoigne. Coordonné par 4D et WECF France, ce document s’inscrit dans une initiative pan-européenne réunissant des rapports similaires de 25 ONG pour 15 pays de l’Union européenne, publiés en amont des élections européennes.

    Contacts presse

    Association 4D : Vaia Tuuhia, +33 (0)6 67 91 69 75

    WECF France : Mathilde Poccard-Marion, +33 (0)4 50 83 48 16

    Notre Affaire à Tous : Marie Pochon, +33 (0)6 52 26 19 41

    Coordination SUD : Bénédicte Bimoko, +33 (0)1 44 72 03 78

    SDSN France : Alexandre Pasche, +33 (0)6 85 46 55 29, ap@ecoandco.com

    Surfrider Foundation Europe : Jacques Beall, +33 (0)6 12 17 17 93

    Coalition Eau : Edith Guiochon, +33 (0)1 70 91 92 37, edith.guiochon@coalition-eau.org

    ATD Quart Monde : Emilie Perraudin, +33 (0)6 28 61 69 05

    Max Havelaar France : Valeria Rodriguez, +33 (0)6 07 37 74 81

  • « Nous devons reconnaître le devoir de l’humanité de protéger la vie à long terme »

    Discours de Valérie Cabanes, membre fondatrice et présidente d’honneur de Notre Affaire à Tous, sur les liens entre reconnaissance des droits de la nature, l’Affaire du Siècle et la reconnaissance des droits climatiques, prononcé à l’occasion du wébinaire de l’ELGA (Ecological Law and Governance Association) en avril 2019.  

    Sénèque le Jeune aurait dit:
    « Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles.« 

    Nous sommes tous conscients des effets du changement climatique et de ses conséquences effrayantes. Nous sommes maintenant capables d’identifier les raisons de ce changement, nous savons ce qu’il faut faire et comment limiter l’élévation des températures et les catastrophes naturelles. On nous dit comment changer notre comportement individuel et comment, collectivement, nous devrions nous attaquer au problème, mais nous croyons toujours que les moyens d’action collectifs sont uniquement entre les mains de nos représentants. Nous les regardons en tant que spectateurs, nous constatons qu’ils ne respectent pas leurs engagements, que leurs actions sont lentes et faibles. Mais alors…. devrions-nous attendre que le ciel nous tombe sur la tête?

    Face aux périls qui nous menacent, chacun de nous, comme le colibri, doit intervenir pour éteindre le grand feu. Mais il est également essentiel de nous connecter afin d’agir de manière universelle. C’est la « synchronicité » de nos actions qui amènera le changement. Plus nous agirons en synchronicité, plus nous aurons confiance dans nos capacités collectives, plus nous pourrons agir comme une grande vague.

    Nous ne pouvons pas simplement l’espérer, nous devons aussi l’incarner. Le philosophe Jiddu Krishnamurti l’explique différemment: «La révolution doit commencer avec vous et moi. Cette révolution, cette transformation individuelle, ne peut avoir lieu que lorsque nous comprenons la relation, ce qui est un processus de connaissance de soi ». Ce dont nous avons besoin maintenant, c’est de ressentir des émotions. Dans notre vie, ce sont en effet nos pensées et nos émotions qui alimentent nos actions, qui à leur tour produisent nos résultats.

    Nous devrions ouvrir notre cœur à l’empathie pour ceux qui souffrent déjà de sécheresses ou d’inondations et nous devrions aussi croire que nous pouvons réussir ensemble pour éviter le grand effondrement. Nous sommes comme un arbre: nos pensées et nos émotions correspondant aux racines. Nos actions correspondant au tronc. La densité de nos actions est proportionnelle au diamètre du tronc. Nos résultats correspondant aux fruits. La quantité de fruits symbolise celle des résultats. En France, nous avons décidé de devenir un grand arbre.

    Depuis les années 60, les gouvernements français successifs ont toujours différé les décisions courageuses nécessaires pour lutter contre le changement climatique. Dans ce contexte, avant la COP21, j’ai co-fondé en août 2015 une ONG appelée Notre Affaire à Tous pour promouvoir la justice climatique, les droits de la nature et la reconnaissance de l’écocide actuel.

    Étant donné que les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté depuis l’accord de Paris en 2015 en France, nous avons lancé le 18 décembre 2018 avec 3 autres ONG, la Fondation pour la nature et l’homme, Greenpeace France et Oxfam France, une campagne citoyenne intitulée « L’Affaire du Siècle » pour soutenir notre décision commune de poursuivre l’Etat français pour ne pas avoir fait assez pour le climat depuis des décennies et pour son incapacité à respecter ses engagements internationaux.

    En 3 jours seulement, la pétition en ligne a été signée par 1 million de personnes, atteignant plus de 2 millions de signatures un mois plus tard, ce qui en fait la pétition la plus signée de l’histoire française. Nous avons ensuite adressé au gouvernement une demande préliminaire démontrant que l’État était inactif face au changement climatique. Ouvrant une période de deux mois pendant laquelle l’État peut choisir de répondre ou non.

    Dans notre déclaration, nous avons évoqué les effets du changement climatique sur l’environnement, la santé humaine, le respect des droits fondamentaux et l’égalité sociale, tels que décrits par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) dans son dernier rapport.

    Parmi les actions jugées nécessaires pour atteindre notre objectif, nous demandons au gouvernement de réduire l’empreinte carbone de la France, d’abandonner l’utilisation de l’énergie fossile et nucléaire, tout en passant aux énergies renouvelables, d’améliorer l’efficacité énergétique et de préparer un plan national d’adaptation et d’atténuation des changements climatiques. Le 15 février, nous avons reçu une lettre officielle du ministère de la transition écologique et solidaire à l’attention des 2 millions de signataires de «L’affaire du siècle», dans laquelle nous lisions, et je cite: «Les moyens nécessaires pour répondre à cette urgence sont loin d’obtenir une adhésion évidente et systématique des citoyens ». De plus, cette lettre appellait à un changement de comportement individuel.

    Pour nous, cette rhétorique semblait être de mauvaise foi et irresponsable envers les générations futures. En fait, les citoyens sont bien conscients des menaces liées au changement climatique, en particulier les jeunes, qui savent qu’ils seront ceux qui subiront les conséquences du changement climatique dans quelques décennies.

    Je tiens à souligner qu’une vidéo à l’appui de «L’affaire du siècle» a été réalisée en collaboration avec deux collectifs de français YouTubers intitulés «On Est prêt» et «Il est encore temps» et elle a été visionnée plus de 14 millions de fois en ligne en un seul mois. Il est important de le mentionner car le public ciblé était principalement composé d’adolescents et de jeunes adultes. Aujourd’hui, cette même population, qui se sent de plus en plus concernée par ces questions, n’a pas non plus les moyens de faire entendre sa voix et d’influencer les décisions politiques. Devant l’inaction de leurs gouvernements, ils perdent même confiance en leurs représentants élus.
    Pour cette raison, «L’Affaire du Siècle» a été perçue comme un moyen très concret et efficace de demander une action immédiate du gouvernement. À la suite de cet appel, les jeunes se sont massivement joints à la Grève climatique mondiale pour le futur, inspirée par Greta Thunberg le 15 mars de cette année, qui a mobilisé plus de 1 million et 400 000 personnes dans le monde – la plus grande marche climatique de l’histoire. Ils ont également participé à la «Marche du siècle» organisée le 16 mars en France à l’intention de tous les citoyens et réunissant 350 000 personnes.

    Stimulés par ce soutien massif de la société civile et après la réponse décevante reçue du gouvernement français, nous avons pris la décision de porter l’affaire devant le tribunal administratif de Paris le 14 Mars dernier. Nous suivons clairement la voie ouverte par d’autres citoyens du monde, profondément inspirés par leur succès. Je pourrais mentionner le cas du recours de la fondation Urgenda aux Pays-Bas, où le pouvoir judiciaire a ordonné au gouvernement néerlandais de revoir à la hausse ses objectifs en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, ou celui des 25 jeunes en Colombie.

    Comme vous en avez entendu parler, la Cour suprême colombienne a ordonné à la présidence et aux ministères de l’Environnement et de l’Agriculture de créer un «pacte intergénérationnel pour la vie de l’Amazonie colombienne», mais a également reconnu que l’Amazonie colombienne était un moyen de protéger cet écosystème vital comme «Entité faisant l’objet de droits». Ce jugement nous montre tout le chemin à faire pour traiter efficacement la question du changement climatique mais également d’autres questions écologiques telles que l’effondrement de la biodiversité, la pollution globale, la rareté de l’eau douce, l’acidification de l’océan. Les conditions de vie sur Terre telles que nous les connaissons depuis 10 000 ans sont menacées, mettant en péril la vie des générations à venir.

    En France, notre prochain objectif est d’obtenir du gouvernement un amendement à la Constitution qui stipule dans son premier article que «La République garantit une utilisation durable et équitable des ressources naturelles, garantit la préservation de la diversité biologique et lutte contre le changement climatique au sein de la société. le cadre des limites planétaires. Il assure la solidarité entre les générations. Une génération ne peut pas soumettre les générations futures à des lois moins protectrices de l’environnement que celles en vigueur ».

    Nous préconisons également la reconnaissance des droits sur les écosystèmes naturels. Convaincus par l’ampleur du mouvement de nos citoyens, les membres du Sénat français ont accepté de présenter un avant-projet de loi sur le crime d’écocide. En tant que membre de l’Alliance mondiale pour les droits de la nature, j’ai été invitée à une audition devant la Commission des lois. Je pense vraiment que nous devons discuter des avantages de la reconnaissance des droits des générations futures et des droits de la nature pour protéger tous les êtres vivants de l’extinction massive et des catastrophes climatiques.

    Si les conditions de vie elle-même sont menacées sur Terre, comment pourrions-nous garantir la réalisation de droits humains fondamentaux tels que le droit à l’eau, à la nourriture, au logement ou à la santé?

    Comment pouvons-nous espérer maintenir la paix entre les peuples et les nations?

    Nous devons reconnaître le devoir de l’humanité de protéger la vie à long terme, c’est le seul moyen de garantir sa sécurité.

    Nous devons également reconnaître que les écosystèmes et les communautés naturelles ont le droit d’exister et de s’épanouir, de jouer leur rôle dans la communauté de la vie sur Terre. Nous ne pouvons plus nier notre parenté avec les animaux, les plantes et les arbres, ni éviter la réalité biologique selon laquelle nous sommes des êtres de la nature.

    Si notre capacité à prendre conscience de nous-mêmes nous a conduits, insidieusement, à nous imaginer extérieurs à la réalité, cette conscience individuelle devra alors s’orienter vers une conscience universelle dans laquelle tout le monde accepte d’être une simple note dans cette grande symphonie de la vie et de la société, et, au-delà, le cosmos. Tout en restant enracinés au sol.

    Et cela ne peut être fait que par une conscience profonde du principe d’interdépendance qui nous lie à tous, qui nous lie à la Terre et à tous les autres êtres vivants. Nous devrions incarner une vision du monde profondément égalitaire en ce sens que chacun est reconnu dans sa fonction vitale et que chacun sait qu’il est nécessaire aux autres.

    Le philosophe persan Rumi l’a résumé simplement: « Vous n’êtes pas une goutte d’eau dans l’océan, vous êtes tout un océan dans une goutte d’eau. » Cette pensée holistique est commune à de nombreuses traditions spirituelles et trouve sa source dans la sagesse des peuples autochtones. Cela leur a permis de trouver la place qui leur revient et de vivre pendant des millénaires en harmonie avec la nature.

     

  • Lettre au Président de la République

    Monsieur le Président de la République,

     

    Nous sommes une famille de lavandiculteurs dans la Drôme. Ces six dernières années, nous avons subi une perte de 44% de nos revenus à cause de l’intensification des excès climatiques dans le sud de la France. Le manque d’ambition climatique, à la fois des politiques françaises et  européennes menace nos droits fondamentaux. Mais cela ne concerne pas seulement notre famille.

    Nous vous écrivons de la part de tous les citoyens européens qui subissent aujourd’hui, et depuis des années, les impacts du changement climatique. Avec 10 familles d’Europe et du monde, nous nous sommes unis pour que notre vulnérabilité cesse de nous accabler, et pour former ensemble, une communauté de citoyens qui se mobilisent pour leur avenir. Nous menons le combat pour que l’inaction climatique cesse, pour que nos droits et ceux des générations futures soient protégés. Nous sommes des agriculteurs, des bergers, des forestiers, des propriétaires d’hôtels ou de restaurants. Ce sont nos maisons, nos métiers, nos modes de vie, nos cultures, le futur de nos enfants qui sont menacés par le dérèglement climatique. Nous défendons nos droits humains fondamentaux à la vie, à la santé, au travail, au logement. Ensemble, nous ferons tout et utiliserons tous les moyens pour que l’Union Européenne protège nos droits.

     

    Avec la famille Carvalho, qui a perdu ses terres forestières dans l’incendie ravageur d’octobre 2017 au Portugal, avec Sanna, gardienne d’un troupeau de rennes en Suède et représentante de l’Association de jeunesse Saami, dont la culture même est menacée par le dérèglement climatique. Avec Petru, agriculteur roumain dans la chaîne montagneuse des Carpates, qui risque de perdre sa ferme familiale à cause de la perte des ressources en eau.

     

    En mai 2018, c’est ensemble que nous avons lancé une action en justice face aux institutions de l’Union Européenne. Ce que nous demandons est simple : le respect des engagements pris, pour la protection de nos droits. Depuis la signature de l’Accord de Paris en 2015, aucun pays de l’Union Européenne n’a adopté de lois contraignant leur action aux engagements pris. L’objectif actuel de réduction de 40% des émissions comparé aux niveaux de 1990, d’ici 2030, ne permet pas de prévenir la catastrophe climatique qui se profile sous nos yeux. La trajectoire prise par l’UE nous mène tout droit vers une augmentation de la température mondiale de plus de 3,2°C. Et l’importance de notre demande est reconnue : depuis le lancement de notre action, le Parlement européen a voté deux résolutions pour que les objectifs d’ici 2030 passent de 40 à 55% de réduction des émissions et la Commission a reconnu que les ambitions actuelles ne permettront pas d’atteindre les objectifs de l’Accord de Paris.

    Ce que nous disons, c’est que les 1°C de hausse des températures que nous avons déjà atteint nous affecte déjà considérablement. Que ces droits, pourtant reconnus par toutes nos institutions comme fondamentaux, sont aujourd’hui en danger. Et qu’il est de votre devoir et de votre responsabilité, en tant que représentant de la France au Conseil Européen, que de les protéger, comme il l’est de respecter vos engagements.

    Le 9 mai, vous serez aux côtés de tous les chefs d’Etats et de gouvernements, en Roumanie, pour discuter de l’avenir de l’Europe, lors du sommet de Sibiu. Nous vous demandons, à vous et vos confrères européens, de mettre l’action climatique et les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre au centre des débats, afin de prévenir des effets les plus graves du changement climatique.  

    Monsieur le président, parce que vous êtes considéré comme le « champion de la Terre » sur la scène internationale, nous voulons que vos mots se concrétisent en action. A l’heure où le grand débat prend fin et que vous exposez vos « solutions », la crise climatique est encore trop peu prise en considération, alors même que 62% des contributeurs se sentent touchés par le changement climatique et que des centaines de milliers d’entre eux, depuis des mois, se mobilisent en ligne et dans les rues, pour crier leur attente de changement.

    Nous n’avons plus le temps d’attendre, car le manque d’action est coupable et va inévitablement provoquer la 6e extinction de masse. Vous et vos confrères devez cesser de prendre des décisions qui vont à l’encontre des droits fondamentaux des citoyens français et européens, et favorisent les intérêts des plus riches, afin qu’ils puissent continuer à polluer en toute impunité. Le réveil climatique citoyen a émergé et s’est consolidé afin former un mouvement mondial pour la protection du vivant. Il est temps d’agir, ensemble.

    De meilleures politiques climatiques sont la seule et unique façon de protéger nos droits et garantir un futur viable pour toutes et tous. En tant que citoyens européens, nous pensons que notre futur dépend du futur de l’Europe.

     

    Avec nos salutations distinguées,  

    Maurice and Renaud Feschet, lavandiculteurs, France

  • « Les limites de la Terre doivent être respectées et ses droits protégés »

    Discours de Valérie Cabanes, Présidente d’Honneur de Notre Affaire à Tous, à la tribune de l’ONU, à l’occasion du Jour de la Terre le 22 avril 2019, New York.

    Voir la vidéo de l’intervention.

    Nous choisissons comme fondement de nos sociétés des valeurs et des modes de fonctionnement qui sont en contradiction avec le principe d’interdépendance propre à la vie. Nous créons des lois pour protéger « l’environnement » comme si l’écosystème terrestre nous était extérieur, indépendant, comme si la santé de notre planète ne conditionnait pas la nôtre. Notre ontologie occidentale opère une séparation entre Nature et culture, entre espaces sauvages et espaces humanisés.

    Comme l’explique l’anthropologue Philippe Descola, cette distinction est ignorée par d’autres peuples, souvent indigènes, qui considèrent que tous les êtres, humains, animaux ou inanimés, sont des sujets dotés d’intériorité et que tous les espaces naturels sont des lieux habités. Ils ne dissocient pas leurs ancêtres, leur existence et leur destin de tous les êtres vivants et des écosystèmes dans lesquels ils vivent. La pensée autochtone se rapproche plutôt des sciences de la nature dans la mesure où elle comprend la nature comme l’ensemble des systèmes et des éléments constitutifs du monde vivant, une réalité tangible dont l’humanité est l’une des composantes et dont la science peut étudier les lois.

    Environ cinq siècles avant notre ère, Lao Tzu avait déjà résumé cette façon de voir le monde: «Le tout est plus que la somme de ses parties». Dans chaque écosystème, chacun des composants du vivant, quelle que soit sa taille, est essentiel au fonctionnement de l’ensemble. Cette interaction et cette interdépendance entre les espèces naturelles permettent à tout système ainsi constitué de se réguler sans qu’il soit nécessaire d’apporter des éléments extérieurs. Mais aucun système n’est pour autant pleinement autonome. Il reste dépendant du fonctionnement des autres systèmes auxquels il appartient.

    En d’autres termes, en regardant à travers ce prisme, une perspective et une compréhension différentes de notre monde nous sont exposées. En effet, l’écosystème terrestre se révèle fondé sur un ensemble complexe d’échanges soumis à des règles d’équilibre extrêmement délicates et fragiles. Nous ne pouvons pas regarder et aborder le changement climatique sans prendre en compte le fonctionnement des autres systèmes écologiques.

    Notre écosystème mondial est menacé par les rejets excessifs de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, mais aussi par la pollution massive, la déforestation, la dégradation des sols, la surexploitation de l’eau douce, l’acidification de l’océan. Lorsque la biosphère est endommagée, son érosion a un impact sur le climat. Dans ce cas, la végétation et les sols n’assument plus leur rôle crucial de régulateur climatique, en plus du stockage et du recyclage du carbone. La déforestation entraîne la disparition permanente des nuages et de la pluie. La perte de plancton marin bloque la pompe à carbone qu’est l’océan.

    Nous sommes maintenant engagé-es dans une sixième extinction de masse mettant en péril la vie des générations à venir. Comment en sommes-nous arrivés là? Notre rêve dmillénaire de nous affranchir des contraintes «naturelles» et de graviter comme hors-sol dans un système conceptuel qui ne se préoccupe que de nous-mêmes nous mène à notre perte. La plupart des êtres humains semblent vivre déconnectés de la matrice, incapables de vivre en harmonie avec les quelques espaces naturels qui les entourent, car le seul regard qu’ils portent sur eux est rempli d’avidité. Dans le système juridique en vigueur dans presque tous les pays, la Nature est considérée comme une propriété. Quelque chose qui est considéré comme une propriété donne au propriétaire le droit de l’endommager ou de le détruire. Les personnes et les entreprises qui « possèdent » des écosystèmes naturels sont largement autorisées à les utiliser à leur guise, même si cela signifie la destruction de la santé et du bien-être de la Nature.

    En outre, depuis la montée en puissance de compagnies multinationales dans les années 70, le droit des sociétés et les règles du commerce mondial ont eu tendance à prévaloir de plus en plus sur les droits de l’homme et ne respectent pas les écosystèmes. Nos activités industrielles manquent d’un cadre juridique nécessaire et solide, celui que notre planète offre pour garantir notre sécurité. L’âge d’or du matérialisme a manifestement atteint ses limites, celles que la Terre nous impose de respecter afin de laisser la vie perdurer.

    Une équipe internationale de 26 chercheurs, dirigée par Johan Rockström du Stockholm Resilience Centre et Will Steffen de l’Australian National University, a identifié en 2009 neuf processus et systèmes régulant la stabilité et la résilience du système terrestre – les interactions de la terre, de l’océan, de l’atmosphère et de la vie qui, ensemble, fournissent les conditions d’existence sur lesquelles reposent nos sociétés. Des valeurs seuils ont été définies pour chacun de ces processus ou systèmes. Ces limites ne doivent pas être dépassées si l’humanité aspire à se développer dans un écosystème sûr, c’est-à-dire en évitant les changements brusques et difficiles à prévoir de l’environnement mondial.

    Selon les scientifiques, le changement climatique et l’intégrité de la biosphère sont des « limites fondamentales » et interagissent les unes avec les autres. Leur franchissement mène à un « point de basculement » caractérisé par un processus d’extinction irréversible des espèces et des conséquences catastrophiques pour l’humanité.

    À présent, les équipes de Steffen et de Rockström mettent davantage en garde sur le fait que depuis 2015, d’autres limites, en plus du changement climatique et de la perte de biodiversité, sont dépassées ou sur le point de l’être. Il s’agit de la modification d’usage des sols, des flux de cycles biogéochimiques (azote et phosphore) et d’autres limites, telles que l’utilisation de l’eau douce, l’acidification des océans, l’appauvrissement de la couche d’ozone, les aérosols atmosphériques, la pollution chimique (introduisant largement de nouvelles entités dans la biosphère). Elles aussi sont liées; ce qui signifie que la transgression de l’une d’entre elles peut augmenter les chances de se rapprocher d’autres limites.

    Ban Ki Moon, Secrétaire général des Nations Unies, a évoqué lors de l’Assemblée générale de 2011 les limites planétaires comme outil de mesure scientifique. S’adressant aux dirigeants du monde, il a déclaré: «Utilisez chaque once de votre expérience, de vos compétences et de votre influence pour faire progresser les actions relatives au changement climatique. Aidez-nous à défendre la science qui montre que nous déstabilisons notre climat et que nous repoussons les limites planétaires à un degré périlleux ». Cette déclaration a été appuyée par le Groupe de haut niveau des Nations Unies sur la durabilité mondiale, qui a reconnu le concept de limites planétaires comme cadre pertinent pour déterminer et mesurer les objectifs du développement durable.

    Mais je pense que nous devrions aller plus loin et élever les limites planétaires au rang de normes juridiques, ce qui contribuerait à réguler les activités industrielles et à faire évoluer le droit vers une meilleure approche écosystémique, en reconnaissant notre interdépendance avec le système Terre afin de vivre en harmonie avec la nature. L’anthropocentrisme juridique est l’une des causes principales de la crise écologique et climatique. Il est temps de repenser notre rôle au sein de la communauté plus large tissée par les relations entre espèces et écosystèmes qui soutiennent la vie et d’adapter notre droit et notre gouvernance en fonction des règles et des limites de la Terre nourricière.

    Un autre défi consiste à trouver un moyen d’intégrer et de réconcilier les droits respectifs de toutes les espèces et de toutes les composantes de la vie et de savoir comment les respecter en vertu de lois humaines. Nous ne pouvons pas survivre sans garantir aux autres espèces et aux systèmes vivants leur droit d’exister et de prospérer.

    En 1972, année du premier Sommet de la Terre, l’avocat Christopher Stone, préoccupé par la préservation d’une forêt de séquoias menacée par un projet de la Walt Disney Company, se demandait « Les arbres doivent-ils pouvoir plaider? » . Il a proposé une nouvelle approche juridique consistant à octroyer des droits à l’environnement naturel dans son ensemble et à désigner un tuteur ou un représentant pour l’objet naturel tout en devenant également le tuteur des générations futures.

    Aujourd’hui, de nombreux pays et municipalités qui ont déjà reconnu les droits de la Nature dans leur constitution ou leur législation locale ont compris la nécessité de reconnaître la valeur intrinsèque des non-humains pour résoudre la crise écologique. Cette approche juridique a été adoptée pour la première fois par des pays comptant de grandes communautés autochtones. En Amérique latine, l’Équateur a été le premier pays à reconnaître les droits de la nature dans sa constitution en 2008. Dans ce pays, la nature a le droit au respect intégral de son existence. Elle a le droit au maintien de ses cycles vitaux et de tous les éléments qui forment un écosystème. Le principe de précaution est constitutionnalisé de façon à prévenir toute extinction d’espèces, toute destruction d’écosystèmes ou à en altérer de façon permanente ses cycles naturels. La nature peut être représentée et défendue en justice par tout individu, communauté, peuple ou nation et dispose d’un droit inaliénable à la restauration. En dix ans, l’Équateur a ouvert la voie dans l’application de ces droits. 25 procès ont été menés au nom des éléments naturels et 21 ont été gagnés. Puis, en 2010, la Bolivie a adopté une loi annexée à sa Constitution et intitulée « Loi des droits de la Terre Mère ».

    Depuis lors, la nécessité de reconnaître la valeur intrinsèque des êtres non humains pour résoudre la crise écologique s’est répandue dans le monde entier. En 2017, la ville de Mexico a reconnu les droits de la Nature dans sa nouvelle constitution et au Brésil, la municipalité de Bonito a procédé à une modification de sa loi organique en ce sens, suivie par la municipalité de Paudalho en 2018. Plus de trente municipalités aux États-Unis ont adopté de nouvelles chartes reconnaissant les droits de la Nature en plus de dix ans. Plus récemment, la ville de Toledo, dans l’Ohio, a voté par référendum en février 2019 en faveur d’un projet de loi reconnaissant au lac Érié son droit d’exister, de s’épanouir et d’évoluer naturellement. Au-delà de sa signification symbolique, ce référendum a également une portée juridique: en donnant des droits légaux au lac, les habitants de Toledo peuvent intenter une action en justice contre les pollueurs au nom du lac.

    Les parlements et les juges se prononcent également de manière ciblée sur des écosystèmes en danger et emblématiques sur leur territoire. En juillet 2014, une loi a été adoptée en Nouvelle-Zélande reconnaissant le parc national Te Urewera, territoire ancestral de la tribu Tuhoe Maori, en tant qu’« entité juridique » avec « tous les droits, pouvoirs, devoirs et responsabilités d’une société ». En 2017, le parlement néo-zélandais a ensuite signé divers accords avec d’autres tribus et clans maoris reconnaissant le fleuve Whanganui et le mont Taranaki comme des entités vivantes et juridiques.

    Quelques jours plus tard, dans l’État d’Uttarakhand, dans le nord de l’Inde, compte tenu de l’inefficacité des mesures prises pour lutter contre la pollution du Gange, la Haute Cour de justice a également décidé de reconnaître le fleuve comme entité vivante, ainsi que son affluent, la Yamuna. La Cour leur a donné une personnalité juridique. Dans un second jugement, elle a également reconnu comme sujets de droit tous les écosystèmes himalayens sur son territoire: les glaciers Gangotri et Yamunotri menacés par le changement climatique, mais aussi les rivières, ruisseaux, lacs, sources et cascades, prairies, vallées, jungles, forêts et au-delà l’air . Puis en 2018, elle a reconnu les droits du règne animal, aquatique et aviaire (oiseaux) inclus. Ces décisions ont eu un effet boule de neige aux niveaux national et régional. Le 4 mai 2017, réunie en session extraordinaire l’Assemblée de l’État du Madhya Pradesh a adopté une résolution déclarant le fleuve Narmada eentité vivante et affirmant que le fleuve est la ligne de vie de l’État. Au Bangladesh, le 30 janvier 2019, la Haute Cour a accordé à la rivière Turag le statut de personne morale pour la protéger de tout empiétement et a déclaré que ce statut serait applicable à toutes les rivières du pays.

    Mais là où les juges semblent les plus innovants, c’est probablement en Colombie. En 2016, la Cour constitutionnelle a reconnu les droits de la rivière Atrato endommagée par l’extraction d’or illégale qui détruit les forêts et les écosystèmes fluviaux, polluant la rivière et rendant malades les communautés qui vivent sur ses rives. En 2017, le tribunal administratif de Boyacá a déclaré que Páramo Pisba (hautes terres de Pisba) avait des droits, puis la Cour suprême a établi que les animaux étaient des sujets protégés et a appliqué cette mesure en accordant des droits à l’ours andin, également appelé l’ours à lunettes. En 2018, le premier tribunal pénal de Carthagène a ordonné à l’État colombien de protéger et de préserver la vie des abeilles en tant qu’agents pollinisateurs.

    Enfin, en mai 2018, comme vous l’avez peut-être entendu, la Cour suprême colombienne a reconnu l’obligation pour l’État de protéger les citoyens de la menace climatique. Sa décision est historique de deux manières. Elle reconnait deux nouveaux sujets de droit: les générations futures et les êtres non humains. En droit occidental, les enfants à naître n’ont pas encore de droits et ne sont donc pas protégés contre les conséquences des décisions que nous prenons aujourd’hui et dans un proche avenir. Les droits transgénérationnels confèrent aux générations actuelles le devoir de protéger les générations suivantes, c’est ce que la Cour suprême de Colombie a compris. Mais elle a également compris que pour prévenir de nouvelles catastrophes, nous devons protéger les droits de la nature et sa valeur intrinsèque. Reconnaître les droits de la nature nous donne l’occasion de protéger ceux des générations futures, qu’elles soient humaines ou non.

    Maintenant, j’espère que d’autres pays d’Amérique latine reconnaîtront toute la forêt amazonienne en tant qu’entité vivante dotée de droits afin d’empêcher sa destruction. C’est un écocide en cours qui représente une énorme menace pour la sûreté de la planète.

  • CP / Notre Affaire à Tous lance IMPACTS – La revue de presse sur les inégalités climatiques

    Le 19 avril 2019 – A la suite de la création du collectif du JIEC – Journalistes d’Investigation sur l’Écologie et le Climat, l’association Notre Affaire à Tous – agir ensemble pour la justice climatique lance une revue de presse mensuelle sur les impacts du changement climatique en France. Son objectif ? Mettre en lumière les conséquences du dérèglement du climat sur les territoires et populations français-es. En effet, en France aussi, dès aujourd’hui, les dégradations environnementales et climatiques exacerbent les vulnérabilités, renforcent les inégalités sociales, économiques, territoriales, existantes, et bouleversent les équilibres de notre planète.

    Il y a plus d’un an, Notre Affaire à Tous, travaillant à la fois sur les responsabilités juridiques des acteurs publics et privés en matière climatique, et la protection des droits des premières victimes des changements climatiques,  accompagnait Mr Feschet, lavandiculteur, dans son combat pour la défense de ses droits “climatiques” face à la Cour de Justice de l’Union Européenne dans le cadre du People’s Climate Case. Inspirée par son exemple, l’association  initiait un travail d’investigation autour des victimes du changement climatique en France. Ce travail a mené l’association à entamer, il y a près d’un an, une collaboration inédite aux côtés de journalistes de différents médias (Politis, Mediapart, La Revue Projet, Bastamag et Reporterre) d’enquête et de documentation sur celles et ceux qui voient, aujourd’hui, leurs droits et leurs vies affectées par les dérèglements climatiques et environnementaux sur nos territoires. Le 18 avril 2019, ce collectif unique a pris un nom : le JIEC, pour Journalistes d’Investigation sur l’Écologie et le Climat.

    L’enquête et la documentation autour des inégalités climatiques ne peut s’en arrêter là. Notre Affaire à Tous l’affirme : Les questions sociales, civiques et climatiques sont inextricablement liées, aussi, la bataille pour le climat, c’est notre affaire à tous.

    Il nous importe alors de continuer à collecter, et rassembler, les témoignages de celles et ceux qui voient aujourd’hui leurs droits au travail, au logement, à la santé, à un avenir menacés par les changements climatiques sans pour autant n’avoir aucun moyen de défense à l’heure actuelle en France. A cette fin, nous relançons aujourd’hui notre appel à témoins de ces dérèglements climatiques, afin d’accompagner celles et ceux qui le souhaitent à faire connaître leur histoire, à renforcer le travail de recherche sur ces enjeux, et à faire valoir leurs droits.

    En parallèle, cette revue de presse mensuelle viendra en appui à la diffusion et la prise en compte de ces différents impacts du changement climatique, à la fois sur nos droits sociaux, civiques et économiques, et sur les différents territoires. De cette revue de presse mensuelle, nous voulons faire l’instrument de chacune et chacun, afin d’amplifier la nécessité de la bataille pour la justice climatique et sociale. Car l’information sur les impacts existants du dérèglement climatique en France reste trop rare, trop cantonnée; et le croisement des impacts subis sur les différents territoires trop peu effectué. Car les personnes impactées par les dérèglements climatiques se rassemblent et font porter leur voix, notamment au travers d’actions en justice visant les responsables de leurs préjudices ; Car les territoires se mobilisent aujourd’hui pour réclamer la justice et que chacun paie sa juste part de sa contribution au changement climatique ; Car, enfin, les premières victimes de ce silence sont celles et ceux qui ont déjà peu de voix dans la décision publique : ce sont les plus précaires, les plus fragiles, qui subissent les premiers les impacts des changements climatiques, souvent sans faire la une des journaux.

    La première édition de notre revue de presse dresse un état des lieux des impacts du réchauffement planétaire, mais aussi des dégradations environnementales en France, qui perturbent affectent les droits fondamentaux, économiques et sociaux. Dans deux semaines, elle reviendra sur les impacts ressentis sur les différents territoires. Enfin, à la suite de cet état des lieux et à partir du 14 mai, la revue de presse prendra un rythme mensuel, pour informer chacun et chacune de la manière dont le dérèglement climatique affecte nos vies.

    Nous souhaitons donner les clés à toutes et tous, pour saisir les enjeux liés à la crise climatique, qui menace à la fois les humains et la planète. Car c’est ensemble, dans la compréhension de tous les enjeux, que nous pouvons établir la justice climatique.

    Pour vous abonner à cette revue de presse, cliquez sur ce lien  

    Contact presse : Marie Pochon, 06 52 26 19 41 marie@notreaffaireatous.org