Auteur/autrice : Notre affaire à tous

  • CP / L’Affaire du Siècle : l’inaction climatique de l’État chiffrée et versée au dossier

    L’Affaire du Siècle, communiqué de presse, le 3 novembre 2023. L’Affaire du Siècle présente aujourd’hui au juge un rapport d’expertise et un mémoire juridique visant à apporter de nouvelles preuves chiffrées de l’inaction climatique de l’Etat depuis la condamnation d’octobre 2021 et à justifier la demande d’astreinte d’un milliard d’euros formulée par les associations en juin dernier.

    Le rapport, produit par le collectif d’experts éclaircies (version intégrale et résumé disponibles ici), vient apporter des preuves quant au non-respect du jugement de 2021 par l’Etat. Celui-ci entend compléter, d’une part les données quantitatives produites par le CITEPA qui permettent une analyse arithmétique de la compensation du préjudice écologique, et d’autre part les analyses du Haut Conseil pour le Climat (HCC) et de la Cour des comptes européenne qui s’interrogent tous deux sur l’origine et la durabilité des récentes baisses d’émissions. 

    Exécution du jugement de 2021 : le compte n’y est définitivement pas

    Les baisses d’émissions observées en 2022 sont dues principalement à des effets purement conjoncturels, à savoir un hiver particulièrement doux et la crise énergétique déclenchée par la guerre en Ukraine. Cette affirmation est désormais confirmée par les calculs du rapport d’expertise produit ce jour selon lequel 92% des émissions en baisse pour l’année 2022 dans le secteur de l’industrie manufacturière et de la construction et 66% dans le secteur de l’usage des bâtiments sont dues aux facteurs purement circonstanciels. En l’absence de politiques structurelles de l’Etat, hors baisses conjoncturelles sur 2022, les émissions auraient, au contraire, augmenté dans ces deux secteurs, et au global, entre 2021 et 2022.

    En s’attribuant le mérite de ces baisses d’émissions, le gouvernement et le chef de l’Etat mentent aux français.e.s et cherchent à tromper les juges. C’est irresponsable car cela entretient l’illusion d’une action suffisante alors que les conséquences de leur inaction seront catastrophiques.

    Des baisses d’émissions subies et injustes pour les plus vulnérables

    Depuis la condamnation de 2021, les seuls leviers structurants de baisses d’émissions qui ont été activés relèvent de la sobriété. Cependant, il s’agit majoritairement d’une « sobriété subie » et pas du résultat de politiques publiques. Ainsi, les baisses d’émissions découlent de la baisse du pouvoir d’achat des ménages causé par l’inflation des prix. Pour L’Affaire du Siècle, cette sobriété subie n’est pas acceptable car elle n’est pas pérenne et est socialement injuste.

    Une analyse purement arithmétique de la mise en œuvre du jugement ne peut suffire

    L’intérêt du rapport réside aussi dans le fait qu’une approche arithmétique seule ne permettrait pas de comprendre si ce sont les mesures sectorielles prises par la Première Ministre et les ministres compétents, telles qu’ordonnées par le tribunal – qu’elles soient suffisantes ou non pour compenser le préjudice d’un point de vue arithmétique – qui sont à l’origine des baisses d’émissions constatées.  

    Dans la lignée des travaux réalisés par plusieurs acteurs institutionnels (CITEPA, HCC, Cour des comptes européenne), le rapport propose une approche qualitative des récents efforts climatiques de l’Etat, qui prend en compte non seulement l’éventuelle compensation arithmétique du retard pris, mais également l’incidence de facteurs extérieurs à l’action publique sur cette compensation. 

    Loin d’avoir pris en compte la gravité de la condamnation d’octobre 2021, les gouvernements successifs persistent à mener une politique de « sobriété subie », injuste socialement et peu pérenne, une politique inefficace et néfaste pour les engagements climatiques de la France

    La clôture d’instruction est fixée à ce vendredi 3 novembre, mais pourra être rouverte par le tribunal pour permettre aux ministères de répondre.

    Contacts presse

    Les équipes de Greenpeace, Oxfam et Notre Affaire à tous, les juristes et les experts d’éclaircies se tiennent disponibles pour interviews.

    Marika Bekier – Responsable presse, Oxfam France : mbekier@oxfamfrance.org
    Justine Ripoll – Responsable de campagne, Notre Affaire à Tous : justine.ripoll@notreaffaireatous.org

    Notes aux rédactions

    Le rapport d’éclaircies (avec un résumé exécutif et une explication de la méthodologie) en téléchargement.

    Les organisations de l’Affaire du siècle ont fait appel au collectif d’expert.e.s éclaircies.

    Le nouveau mémoire juridique en téléchargement.

  • L’État, condamné pour inaction climatique, pourrait finalement échapper à la justice

    Facteurs conjoncturels et contraintes extérieures

    Le rapport du collectif d’experts éclaircies venant étoffer le dossier de l’Affaire du siècle, se base sur les données quantitatives produites par le CITEPA (Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique) pour analyser les chiffres permettant de quantifier la trajectoire carbone de la France. L’idée étant de comprendre et identifier les actions qui influent sur le volume des émissions carbone afin de déterminer la responsabilité de l’État à qui le juge a demandé d’agir.

    Si certains calculs montrent effectivement une baisse des émissions en 2022 par rapport à 2021, les analyses montrent que les baisses d’émissions observées sont dues pour 74% d’entre elles à des facteurs conjoncturels, notamment la douceur des températures automnales et la hausse des prix de l’énergie (depuis la guerre en Ukraine) qui a réduit l’activité économique et la consommation des ménages. Ces baisses des émissions sont observées principalement dans deux secteurs, celui de l’industrie manufacturière avec 92% de baisse d’émission dues à des effets conjoncturels (températures douces et crise énergétique) et 66% dans le secteur du bâtiment.

    Selon le rapport, 11,9 MtCO2e des baisses d’émissions constatées ne sont pas imputables à une action de l’État, mais à des phénomènes conjoncturels.

    L’État entretient ainsi l’illusion d’une action suffisante alors que les conséquences de son manque d’ambition en matière de politique climatique seront catastrophiques et auront un fort impact sur la population.

    L’État condamné n’agit toujours pas

    Il reste très peu de temps pour modifier notre trajectoire carbone et respecter l’objectif de 1,5° de réchauffement climatique, afin que l’État respecte les engagements qu’il s’est lui-même fixé, dans le cadre de l’Accord de Paris. Pourtant sa réponse face à la crise climatique reste faible et inadaptée, loin des besoins réels. Et aujourd’hui il pourrait réussir à cacher son inaction climatique sous des chiffres qui semblent flatteurs.

    Pourtant, le rapport du collectif éclaircies montre en réalité que les émissions de la France seraient même en hausse entre 2021 et 2022 (sans la baisse conjoncturelle induite par un hiver doux, la crise énergétique et l’inflation).

    D’autres part, il démontre également l’aggravation du préjudice écologique depuis la condamnation en 2021 car l’État n’a pas du tout respecté ses engagements, et sur la période 2019-2022, ce sont entre 83 millions de tonnes en équivalent CO2 (MtCO2eq) et 92 MtCO2eq qui n’ont pas fait l’objet d’une absorption par les puits de carbone générant un nouveau surplus d’émissions.

    “Qu’elles soient suffisantes ou non, les baisses récentes d’émissions ne sont pas dues à des mesures sectorielles propres à réparer le préjudice causé par l’inaction persistante des ministères.”

    Rapport éclaircies, novembre 2023, l’Affaire du Siècle.

    Quels scénarios possibles pour le verdict ?

    Pour rendre sa décision, le tribunal administratif va analyser les chiffres et, nous l’espérons, examiner si cette baisse des émissions est imputable à des actions structurelles de l’Etat ou non.

    Par exemple, certains secteurs ont vu leur émissions baisser, très majoritairement à cause de facteurs conjoncturels. D’autres secteurs ont vu leurs émissions augmenter (transport et industrie de l’énergie), la crise énergétique ayant poussé le gouvernement à soutenir la consommation d’énergies fossiles avec un recours important au gaz et au charbon, tandis que les mesures censées réduire les émissions dans ces secteurs n’ont pas eu d’impact significatif. Pour d’autres secteurs encore, les émissions ont stagné, c’est le cas de l’agriculture où les conditions socio-économiques difficiles et l’augmentation des prix des engrais azotés (due à celle des prix de l’énergie) expliquent la très légère baisse des émissions.

    Après une première victoire pour le climat en 2021 et la condamnation de l’État pour inaction climatique, nous ne baissons pas les bras et continuons, grâce à votre aide, à contribuer au travail de recherche et aux batailles judiciaires pour permettre à la France de rester sur une trajectoire alignée avec l’Accord de Paris.

    Continuons à nous mobiliser pour une justice climatique.

  • Crise climatique et Droits Humains : le plaidoyer de Notre Affaire à Tous au coeur des institutions

    La crise climatique favorise des violations massives des droits humains et renforce les inégalités entre les territoires et entre les populations. L’absence d’action climatique systémique de la part des Etats, et leur manque de prise en compte des impacts différenciés sur les citoyens et citoyennes dans les politiques publiques mises en œuvre, constituent de graves défaillances démocratiques – susceptibles d’être reconnues devant les tribunaux. Dans une période qui s’annonce déterminante pour la justice climatique et sociale, Notre Affaire à Tous s’engage chaque jour à documenter les impacts de la crise climatique, renforcer les obligations des Etats et soutenir les procès climatiques les plus ambitieux.

    La crise climatique impacte nos droits humains

    Bien que nous n’en ayons pas toujours conscience, le changement climatique met à l’épreuve nos droits humains, dits aussi droits fondamentaux. Ceux-ci couvrent les besoins les plus essentiels de l’humain, comme le droit à l’eau, au logement ou encore au respect de sa culture (dits droits économiques, sociaux, et culturels), mais aussi le droit d’être en sécurité, de s’exprimer librement ou de participer à la vie publique (dits droits civils et politiques) ou encore des droits dits collectifs (droit à un environnement sain et durable, droits de générations futures ou encore les droits des peuples autochtones) – tout ce qui, traduit juridiquement, permet à l’humain de vivre une vie digne et épanouie, et que nos Etats ont la responsabilité de protéger. 

    Dans une importante déclaration commune en 2019, cinq comités onusiens de protection des droits humains énoncent que « le changement climatique présente des risques importants pour la jouissance des droits humains […]. Les impacts négatifs identifiés dans le rapport [du GIEC d’octobre 2018] menacent, entre autres, le droit à la vie, le droit à une alimentation adéquate, le droit à un logement convenable, le droit à la santé, le droit à l‘eau et les droits culturels. […] De tels effets négatifs sur les droits de l‘homme se produisent déjà à 1 °C de réchauffement et chaque augmentation supplémentaire des températures compromettra encore la réalisation des droits”.
    Voir aussi l’étude de 2021-2022 de Notre Affaire à Tous et des étudiants de Clinique juridique de l’Université Paris Nanterre « Le dérèglement climatique : Quel impact sur nos droits ? ».

    La crise climatique est un incubateur et exacerbateur d’inégalités

    Plus grave :  comme nous ne sommes, déjà, pas toutes et tous égaux dans le respect de nos droits par l’Etat et les grandes entreprises, la crise climatique va encore accentuer ces inégalités d’accès à une vie digne et saine. Certains territoires (territoires montagneux, les littoraux, les territoires d’Outre-mer) seront plus exposés et plus vulnérables aux conséquences des changements climatiques. Certaines populations, déjà soumises à des structures sociales inégalitaires (inégalités socio-économiques, rapports de domination hommes/femmes, discriminations raciales etc), ayant une plus faible capacité à s’adapter aux impacts du dérèglement climatique, subiront plus de violations de leurs droits et libertés. 

    Pour aller plus loin : Rapport “Un climat d’inégalités” +lien et nos newsletter IMPACTS

    L’inaction des Etats face à la crise climatique constitue une grave défaillance de nos institutions démocratiques, censées protéger les droits humains

    En n’agissant pas suffisamment pour lutter contre le réchauffement planétaire, et en soutenant des activités climaticides et polluantes, les Etats exposent leur population à une atteinte à ce socle de droits fondamentaux – et notamment ceux des populations les plus modestes qui subissent de plein fouet les impacts de la crise climatique qu’ils soient directs (logements invivables) ou indirects (inflation des prix). Les politiques publiques visant à lutter contre le dérèglement climatique doivent donc prendre en compte ces enjeux de justice sociale et d’équité si elles veulent être efficaces et pertinentes. L’Accord de Paris de 2015 prévoit notamment que « [c]onscientes que les changements climatiques sont un sujet de préoccupation pour l‘humanité tout entière et que, lorsqu‘elles prennent des mesures face à ces changements, les [États] devraient respecter, promouvoir et prendre en considération leurs obligations respectives concernant les droits de l‘Homme ».

    Notre Affaire à Tous s’engage chaque jour à documenter les impacts de la crise climatique, renforcer les obligations des Etats et soutenir les procès climatiques les plus ambitieux

    Documenter les liens entre obligations climatiques et obligations de protection des droits humains auprès des institutions internationales

    Examen Périodique Universel de la France par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU

    L’EPU est un mécanisme du Conseil des droits de l’homme unique en son genre : il incite chaque État Membre à procéder tous les 4 ans et demi à une évaluation de son bilan en matière de droits humains. Cet examen est réalisé par les pairs (États) mais les ONG ont également un rôle à jouer et peuvent émettre des recommandations que certains États peuvent reprendre pour pousser la France à aller plus loin. En octobre 2022, Notre Affaire à Tous a rédigé une contribution dans le cadre de l’Examen Périodique Universel (EPU) de la France. Nous y proposons notamment plusieurs axes d’amélioration du cadre constitutionnel, législatif et réglementaire français.

    Comité des Droits de l’Homme

    2021 : Notre Affaire à Tous a déposé un rapport auprès du CDH, le comité d’experts en charge de superviser l’application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques par les États parties. Ce rapport démontre que l’action climatique de la France est inadaptée à bien des égards. D’une part, elle ne met pas en œuvre ses objectifs de réduction des GES – par ailleurs nettement insuffisants au regard des principes de l’Accord de Paris et du principe de part juste (fair share) dans les efforts climatiques mondiaux. D’autre part, la stratégie de la France en matière d’émissions extraterritoriales (liées au commerce international et aux entreprises transnationales) est quasi inexistante et contrevient clairement à ses devoirs en matière de droits humains.

    2024 : En amont du nouvel examen de la France par le comité des droits de l’homme des Nations Unies d’octobre 2024, Notre Affaire à Tous a rendu une contribution pour mettre en avant quelques liens entre problématiques climatiques/environnementales et droits de l’Homme, et surtout les manquements de la France qui leur sont relatifs. Ce rapport s’est concentrés sur trois parties, s’attachant à démontrer les violations des droits de l’Homme par la France du fait :
    – de l’absence de politique d’atténuation suffisante, en matière climatique et de santé environnementale ;
    – de l’absence de respect de ses obligations positives, illustrée par les problématiques de vulnérabilités climatiques et environnementales des prisons et de l’accès à l’eau potable dans les Outre-mer ;
    – de l’absence de respect des normes d’information, de participation démocratique et des libertés associatives.

    Comité des droits économiques, sociaux et culturels 

    Le CEDESC est un organe d’experts chargés de surveiller l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels par ses États parties. En août 2023, Notre Affaire à Tous a soumis un rapport au CEDESC visant à évaluer les mesures prises par la France en matière d’atténuation des effets du changement climatique et d’adaptation. Il met en évidence de nombreux problèmes dans les territoires français d’outre-mer en ce qui concerne l’accès à l’eau, mais aussi son coût et sa qualité, qui deviennent encore plus problématiques avec l’aggravation du réchauffement climatique. Ce rapport fait état d’une discrimination claire à l’égard des régions d’outre-mer.

    Archives : Rapport soumis par Notre Affaire à Tous et CIEL au CEDESC en mars 2020. 

    CEDEF

    Le Comité pour l’Elimination de la Discrimination à l’Egard des Femmes également composé d’experts est responsable du suivi des engagements des Etats parties à la Convention du meme nom. En septembre 2023, Notre Affaire à Tous a soumis un rapport au CEDEF qui vise à alerter sur l’absence de prise en compte des inégalités de genre dans les politiques d’adaptation au changement climatique. Dans le domaine de la santé par exemple, les conséquences des changements climatiques interviennent alors que les femmes sont déjà discriminées dans l’accès aux soins en France. Ces conséquences sont déjà visibles depuis plusieurs années. Lors de la canicule de 2003 en France, la surmortalité des femmes s’est élevée à +70% contre +40% pour les hommes.

    Obtenir des plus hautes cours qu’elles se positionnent en faveur de la justice climatique

    Si jusqu’à présent les juridictions internationales étaient tenues à l’écart des questions climatiques, l’actualité récente prouve que nous sommes à l’aune d’un basculement. En effet, trois procédures pour obtenir des avis consultatifs ont été lancées devant : le Tribunal international du droit de la mer le 12 décembre 2022, la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme le 9 janvier 2023 et la Cour internationale de Justice le 29 mars 2023. Le but de ces avis consultatifs est de clarifier les obligations des États au regard du droit international en vigueur concernant la lutte contre le changement climatique. Notre Affaire à Tous et ses partenaires, tels que CIEL ou la World Youth for Climate Justice, sont engagés pour assurer des avis ambitieux et garantir que la France joue un rôle à la hauteur des attentes citoyennes. 

    Soutenir les procès climatiques les plus ambitieux devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme

    Pour la première fois, la Grande Chambre de la CEDH a décidé de se saisir des affaires climatiques. Elle se basera sur trois affaires pour définir sa jurisprudence en matière de changement climatique et de droits humains, ce qui aura de larges conséquences pour de nombreux autres dossiers en justice contre des Etats pour inaction climatique – en cours ou futurs ! Les audiences concernant les deux premières affaires, l’affaire des Aînées Suisses et le cas de Damien Carême, ont eu lieu le 29 mars 2023. L’audience publique de la troisième affaire, l’affaire Duarte Agostinho, a eu lieu le 27 septembre de la même année. Après avoir examiné les trois affaires, la CEDH rendra un arrêt de référence que les Etats membres du Conseil de l’Europe devront suivre. Des décisions positives créeraient un précédent pour les 46 États membres du Conseil de l’Europe. 
    Dans l’affaire Duarte Agostinho, portée par 6 jeunes plaignants portugais contre le Portugal et 32 États autres européens, Prof. Christel Cournil et l’association Notre affaire à tous ont présenté des observations écrites en tant que tierces parties. Ce procès se distingue par le nombre d’États défendeurs, l’ambition des arguments soulevés et la rapidité de son traitement procédural. Les observations visent à éclairer le juge européen sur la pertinence du concept d’interprétation harmonieuse de la Convention avec d’autres normes internationales. De plus, les auteurs défendent une marge d’appréciation restreinte des États en matière de protection de l’environnement ainsi qu’une lecture étendue de leurs obligations territoriales et extraterritoriales. Pour ce faire, ils s’appuient en particulier sur les avancées en matière de protection internationale des droits humains et des principes du droit international de l’environnement.

    Construire les droits de demain : reconnaissance du droit à un environnement sain

    En 2020-2021, Notre Affaire à Tous et des étudiants de Clinique juridique de l’Université Paris Nanterre, dans le cadre de la campagne internationale de plaidoyer en faveur de la reconnaissance du droit à un environnement sain auprès des Nations Unies, ont produit une étude destinée à faire un état des lieux des éléments de définition du droit à un environnement sain au regard du droit international, européen et national ainsi que son articulation avec d’autres concepts mis en place pour assurer la protection de l’environnement.

    En juillet 2022, dans une décision attendue depuis longtemps, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté la résolution visant à reconnaître universellement un nouveau droit humain nécessaire face à la triple crise planétaire (crise climatique, pollution, effondrement de la biodiversité) : le droit à un environnement propre, sain et durable.

    En 2023, la Coalition mondiale pour la reconnaissance universelle du droit humain à un environnement propre, sain et durable, dont Notre Affaire à Tous fait partie, s’est vu décerner le prestigieux Prix des droits de l’homme des Nations unies.

    Rapport Planète Brûlée Droits Bafoués

    Découvrez notre rapport, qui a pour but d’outiller les lecteur·rices en expliquant en des termes pédagogiques le lien entre changement climatique et droits fondamentaux, et en les sensibilisant à un des leviers d’action efficaces pour agir : la justice climatique.

  • Audience du recours contre la dissolution des Soulèvements de la Terre et appel à rassemblement, le vendredi 27 octobre à midi, devant le Conseil d’Etat

    Communiqué commun à un ensemble d’organisation co-requêrantes ou intervenantes volontaires contre la dissolution.

    L’audience au fond du recours de dissolution des Soulèvements de la terre devant le Conseil d’État aura lieu le vendredi 27 octobre à 14h00. Cela va évidemment être un moment majeur pour l’histoire du mouvement et une audience aussi singulière qu’emblématique pour l’avenir des libertés publiques et politiques [1]. Nous appelons donc à un rassemblement de soutien dès midi devant le Conseil d’État (1 place du Palais Royal, 75001 Paris) avec pancartes et banderoles !

    Des milliers de personnes, ainsi que des organisations syndicales, politiques et environnementales [2] se sont portées co-requérantes contre la dissolution de la coalition que constitue les Soulèvements de la terre, affirmant ainsi le caractère composite, massif, multiple et indissoluble du mouvement ! 

    Elles porteront ainsi la voix des 150 000 personnes et 200 comités locaux, pour qui le maintien d’un mouvement de défense des terres et de l’eau est absolument vital. Toutes considèrent qu’il est urgent d’agir et nécessaire de pouvoir désobéir quand les choix politiques et la défense d’intérêts privés aggravent la catastrophe environnementale et compromettent à ce point les conditions d’existence sur Terre.  

    Un certains nombre d’autres organisations [3] se sont portées quant-à-elles intervenantes volontaires et affirment ainsi que la dissolution des Soulèvements de la terre constituerait une grave violation de la liberté d’expression et d’association, dans un contexte de répression accrue des mouvements sociaux. 

    Nous attendons évidemment à l’issue du délibéré de cette nouvelle audience que les juges du Conseil d’État confirment les arguments de fond qui les ont amenés à suspendre la dissolution en août [4], c’est à dire, entre autres :

    • que la légalité du décret de dissolution présente un « doute sérieux » ;
    • que « ni les pièces versées au dossier, ni les échanges lors de l’audience, ne permettent de considérer que le collectif cautionne d’une quelconque façon des agissements violents envers des personnes » ;
    • que nos actions « ne peuvent pas être qualifiées de provocation à des agissements troublant gravement l’ordre public de nature à justifier l’application des dispositions précitées du 1° de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure » permettant une mesure de dissolution en Conseil des ministres.

    Gageons que les juges du Conseil d’État continueront à condamner l’inaction gouvernementale face à l’urgence climatique et à l’éffondrement de la biodiversité plutôt que de prohiber les mouvements qui assument la nécessité d’agir en conséquence. 

    Bien que le Conseil d’État ait suspendu la dissolution en août avec des motivations sans ambiguïté, rien n’est assuré : un soutien large et attentif reste de mise. Soyons nombreuses et nombreux à nous retrouver devant le Conseil d’État avant l’audience !

    Ce qui repousse partout ne peut être dissout. On ne dissout pas un soulèvement ! 

    Organisations co-signataires

    • Ingénieurs sans frontières Agrista
    • L’Atelier Paysan
    • Solidaires
    • La Confédération Paysanne
    • Fédération Terre de Liens
    • BLOOM
    • Amis de la Terre France
    • Greenpeace France
    • Notre Affaire à Tous
    • Alternatiba
    • Action Non-Violente COP21
    • Attac France

    [1] Cette audience aura un caractère très particulier puisqu’elle se fera pour l’occasion devant la section du contentieux, une section du Conseil d’État qui réunit 17 juges et « où sont jugées les affaires qui présentent une importance remarquable ». Mais aussi parce que des recours au fond contre des dissolutions d’autres structures aux engagements politiques divers et pour certains profondément antinomiques y seront étudiés à la suite, celle du groupe antifasciste lyonnais la GALE, de la Coordination contre le Racisme et l’Islamophobie (CRI) , mais aussi de l’Alvarium une organisation néo-fasciste.

    [2] Liste des organisations co-requérantes : Bloom, Longitude 181, Ingénieurs sans frontières Agrista, Polinis, One Voice, Bio Consom’acteurs, L’Atelier Paysan, EELV, LFI

    [3] Liste des intervenants volontaires : Agir pour l’environnement, Union syndicale Solidaires, Collectif des associations citoyennes, Centre Athenas, Intérêt à Agir, Terre de liens, Vous n’êtes pas seuls, Métamorphoses, Zéro Waste France, Extinction Rebellion, Notre Affaire à tous, Greenpeace, les Amis de la Terre, ATTAC, Alternatiba, ANV COP21, la Confédération Paysanne, SAF, Gisti, Dal, Benoît Biteau, Philippe Descola, Cyril Dion, Julie Ferrua, Youlie Yamamoto

    [4] Rendu de décision du Conseil d’État sur la suspension de la dissolution des SDT, 11 aôut 2023 : https://www.conseil-etat.fr/actualites/le-conseil-d-etat-suspend-en-refere-la-dissolution-des-soulevements-de-la-terre

  • CP / Lancement du projet “Vers une internationale des rivières et autres éléments de la nature…”

    L’Institut d’Etudes Avancées (IEA) de Nantes et le Lieu Unique viennent de lancer le projet de recherche scientifique “Vers une internationale des rivières et autres éléments de la nature…”. Camille de Toledo, écrivain et chercheur associé à l’IEA de Nantes, poursuit ici son travail sur les droits de la nature et la personnalisation juridique des écosystèmes, en collaboration avec Notre Affaire à Tous.

    “Vers une internationale des rivières…” est un processus citoyen qui sera ponctué de trois temps forts sur trois ans. Il s’agira de définir, à travers des auditions publiques, les contours d’une transition vers une « économie politique terrestre », en suivant l’hypothèse d’une extension des droits de la nature au XXIe siècle.  

    Si la rivière ou la forêt obtiennent le statut de sujet de droit, ne serait-on pas en train de basculer du droit de l’environnement vers un droit du travail de la nature ? Des rivières pourraient-elles s’associer pour refuser de travailler, pour faire la grève, pour remettre en cause leurs employeurs humains ? Si, dans le cadre des procès contre des intérêts humains, nos nouveaux sujets de droit obtiennent des dommages et intérêts, où ira l’argent ? Autant de réflexions qui seront menées et permettront d’esquisser  un “scénario de bifurcation”  pour et avec les droits de la nature.

    Dans le sillon des auditions du Parlement de Loire, Camille de Toledo propose ici une réflexion transdisciplinaire et citoyenne sur le travail de la nature pour accompagner la transformation des imaginaires et soutenir l’émergence des droits de la nature.

    Le premier temps fort a eu lieu le 18 novembre 2023 au Lieu Unique à Nantes et tournait autour de la question “Comment la nature travaille?” Accessible en streaming live ici.


    Plus d’informations  sur le site de l’IEA et accès au dossier de presse sur le site du Lieu Unique.

    Contacts presse

    Notre Affaire à Tous : Marine Yzquierdo –  marine.yzquierdo@notreaffaireatous.org 

    Institut d’Etudes Avancées de Nantes : Caroline Lanciaux –  caroline.lanciaux@iea-nantes.fr

    Lieu Unique : Aurélie Garzuel – aurelie.garzuel@lieuunique.com

  • Numéro 18 de la newsletter des affaires climatiques – Le projet de directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises

    Chères lectrices, chers lecteurs,

    En cette rentrée déjà bien avancée, nous vous proposons un panorama riche des dernières actualités des contentieux climatiques et environnementaux en France et à travers le monde.

    D’abord, en focus, le projet de directive européenne sur le devoir de vigilance qui pourrait être utilisé comme nouveau fondement à des recours contre les sociétés qui ne respecteraient pas ce devoir.

    Ensuite, vous trouverez un état des lieux des procès climatiques aux USA, la derivative action de l’ONG Client Earth contre la société Shell, et les premiers recours pour greenwashing en Grande-Bretagne.

    En matière de contentieux environnementaux, enfin, dans le troisième chapitre de notre série sur le sujet, nous aborderons la place de la consultation des communautés autochtones dans le triangle du lithium. Également, le recours victorieux de membres d’une population autochtone d’Australie contre  l’autorisation gouvernementale d’un projet d’extraction de gaz offshore.

    Enfin, en contentieux environnemental interne, le recours justice pour le vivant ; la première condamnation de l’Etat en matière de dommage causé par la pollution de l’air et une question prioritaire de constitutionnalité qui accepte la limitation de la liberté d’entreprendre pour la mise en œuvre de l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement.

    Très bonne lecture à toutes et tous,

    Et, si vous souhaitez participer à la rédaction de la prochaine newsletter, c’est par ici.

    Sandy Cassan-Barnel, référente du groupe de travail veille-international.

    Focus : La directive sur le devoir de vigilance – CSDDD

    Depuis la publication des Principes Directeurs pour les droits humains et les entreprises, ou le guide OCDE à l’attention des entreprises multinationales en 2011, on assiste à une volonté de développer des standards et d’édicter des normes contraignantes pour aligner les activités économiques avec les objectifs de développement durable du XXIs. La France en 2017 durant la présidence de François Hollande, et par la suite l’Allemagne ont été à l’initiative de lois nationales sur le devoir de vigilance des entreprises en matière environnementale et de protection des droits humains. Ces législations ont imposé des obligations de vigilance aux entreprises afin qu’elles identifient et préviennent les risques d’atteinte à l’environnement et des violations de droits humains qui peuvent être causés par leurs activités économiques. 


    La Commission, le Conseil européen ont adopté, entre février 2022 et juin 2023, trois versions différentes d’une directive sur le devoir de vigilance (ci-après CSDDD) qui a vocation à s’appliquer aux grandes entreprises européennes. Ces textes poursuivent le même objectif, celui d’imposer des obligations de vigilance raisonnables aux grandes entreprises en matière de protection de l’environnement et des droits humains. En revanche, leur contenu diffère sur certaines dispositions.

    Affaires climatiques

    Le directeur de Shell poursuivit pour sa stratégie climatique

    Il s’agit de l’une des affaires les plus innovantes et commentées en droit du changement climatique cette année. En février 2023, l’organisation ClientEarth engage une action contre le conseil d’administration de Shell PLC (‘Shell’) et contre 11 directeurs à titre individuel. L’innovation réside en ce qu’il s’agit d’une derivative action, à savoir une action exercée par ClientEarth en tant qu’actionnaire de Shell. Pour l’instant, l’action a échoué à un stade préliminaire, mais ClientEarh a fait appel.

    Les villes américaines demandent des comptes aux compagnies pétrolières

    Depuis 2017, plus d’une dizaine de procès ont été intentés par des États et localités américains à l’encontre des principales compagnies pétrolières, telles que BP, Chevron, ConocoPhillips, Exxonmobil et Shell… La voie contentieuse devient un moyen d’expression alternatif afin de dénoncer l’incapacité des gouvernements à répondre aux vulnérabilités des populations et des territoires qui sont directement confrontés aux effets des changements climatiques. Ce recours au prétoire s’inscrit dans une démarche que l’on pourrait qualifier de « bottom up » permettant de faire émerger de nouveaux mécanismes de lutte contre le dérèglement climatique.

    Décisions de l’autorité de régulation de la publicité anglaise sur le greenwashing d’entreprises pétrolières : Shell, Petronas, Repsol

    L’autorité britannique de publicité (ASA) a rendu trois avis le 7 juin 2023 sanctionnant des publicités de Shell, Repsol et Petronas du fait de l’omission d’informations matérielles importantes sur leurs activités dans les énergies fossiles. En effet, les trois publicités faisaient référence à des énergies renouvelables et/ou à des mesures de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre sans mentionner que leur activité principale et leur business model correspondaient au développement des énergies fossiles. Le jury a conclu que cela pouvait induire les consommateurs en erreur sur la nature des activités des trois entreprises fossiles.

    Affaires environnementales

    Chapitre 3 : la licence sociale dans le triangle du lithium

    Dans les articles précédents, les risques environnementaux résultant de l’exploitation de lithium dans les trois pays du triangle de lithium ont été abordés. Le défi d’articuler les modèles de développement a été constaté entre les tenants de la promotion des projets miniers, et ceux du développement d’autres activités telles que le tourisme.

    1ere condamnation Etat responsabilité pollution de l’air

    Dans un jugement avant-dire droit du 7 février 2022, le tribunal administratif de Paris avait ordonné une expertise afin de déterminer l’existence d’un lien de causalité entre la pollution de l’air et les dommages des victimes. Le 16 juin 2023, en se fondant sur cette expertise reconnaissant l’existence de ce lien de causalité, le Tribunal administratif de Paris a condamné l’État à indemniser une enfant victime de la pollution de l’air. Il s’agit, ici, du premier cas de condamnation à la réparation de préjudices subis par des particuliers qui résultent d’une pollution de l’air.

    Application par CC de l’OVC de protection de l’environnement

    Le Conseil constitutionnel était saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité dans laquelle était invoquée, notamment, l’atteinte à la liberté d’entreprendre. En procédant à un contrôle de proportionnalité, il constate que cette atteinte est limitée et justifiée par la mise en œuvre de l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement.

    Recours Justice pour le Vivant

    Après le climat et la pollution de l’air, l’État français est désormais aussi condamné en matière de biodiversité, dans le cadre du recours baptisé « Justice pour le Vivant », qui oppose cinq associations environnementales à l’État et Phyteis, le syndicat de l’agrochimie en France. 

    Par un jugement historique rendu le 29 juin 2023, le Tribunal administratif de Paris reconnaît l’existence d’un préjudice écologique lié à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, dont l’État est responsable. Une première mondiale. Il reconnaît également les insuffisances du processus d’évaluation et d’autorisation des pesticides, qui ne permettent pas une réelle protection de la biodiversité, ainsi qu’un lien de causalité direct entre celles-ci et le préjudice écologique constaté. Les juges n’ont toutefois pas suivi la principale demande des ONG et les recommandations de la rapporteure publique. En effet, le tribunal n’ordonne pas à l’État de revoir les méthodologies d’évaluation des risques qui, pourtant, souffre de nombreuses lacunes. Bien que l’État n’ait pas été condamné sur ce dernier point, cette décision marque un véritable tournant dans la lutte contre l’effondrement de la biodiversité en France.

    Recours victorieux d’australiens contre l’autorisation gouvernementale pour un projet d’extraction de gaz offshore

    Le 21 septembre 2022, la Cour fédérale d’Australie énonce que la validation du plan environnemental développé par une entreprise dans le cadre d’un projet gazier est illégale si toutes les parties prenantes  affectées par ledit projet n’ont pas été préalablement consultées. Cette décision est rendue à la suite de l’action en justice intentée par un leader de la communauté autochtone Munupi des îles Tiwi contre la  National Offshore Petroleum Safety and Environmental Management Authority (NOPSEMA) et Santos  Ltd, car un projet gazier développé par l’entreprise n’a pas fait l’objet d’une consultation des membres  du clan Munupi, une communauté autochtone qui vit sur les terres concernées.

  • Nos propositions pour une meilleure prise en compte de la santé environnementale par la justice française

    Publication d’un livre blanc

    Une cinquantaine de personnes, avocats, étudiants, professionnels du droit ou de la santé environnementale, était réunie ce jeudi 5 octobre au tribunal judiciaire de Paris à l’occasion de la publication d’un livre blanc proposant de nouvelles pistes pour améliorer la prise en charge judiciaire des victimes de problématiques de santé environnementale.

    LE CONSTAT : SANTÉ ET ENVIRONNEMENT SONT INTERDÉPENDANTS, LA JUSTICE MANQUE DE MOYENS

    Il est aujourd’hui clair que les dégradations et pollutions environnementales ont de forts impacts sur la santé humaine. A l’heure où près d’une personne sur quatre dans le monde décède en raison de facteurs environnementaux (source : OMS), il est impératif que la justice trouve les moyens de mieux comprendre ces situations et de les prendre en charge. Les principaux responsables de ces pollutions arrivent encore trop souvent à échapper à leurs responsabilités faute d’une réponse judiciaire suffisante.

    DES VICTIMES DE POLLUTIONS CONFRONTÉES À DE MULTIPLES PROBLÈMES JURIDIQUES

    Or, il reste très compliqué de faire reconnaître ce lien de causalité auprès du juge, et donc de faire avancer la problématique de la santé environnementale devant la justice. Les victimes des pollutions diffuses et multifactorielles sont particulièrement mal prises en compte, puisqu’à cette complexité de l’établissement du lien de causalité, s’ajoutent le coût exorbitant des expertises, la rareté des sachants en matière de santé environnementale et le manque de formation des juges à ces enjeux. Pourtant, des premières avancées sur les maladies professionnelles à la récente décision prévoyant  l’indemnisation d’enfants victimes de pollution de l’air, il semble que la justice a les moyens de se saisir du sujet.

    Pour contribuer à une meilleure prise en compte de la santé environnementale, Notre Affaire à Tous – Lyon, Kaizen Avocat et le Réseau Environnement Santé publient un livre blanc à destination des professionnels du droit et de la santé environnementale, afin que ceux-ci puissent se saisir plus facilement de cette question, en comprendre les enjeux et utiliser les jurisprudences et réflexions dans leurs dossiers.

    Sept recommandations qui iraient dans le sens d’une meilleure prise en compte juridique des enjeux de santé environnementale y sont formulées, issues d’expériences contentieuses et d’entretiens réalisés auprès d’avocats, de magistrats et d’autres professionnels du droit et de la santé environnementale. 

    #1 : Appliquer les principes de précaution et d’action préventive à l’ensemble des politiques, européenne et nationale,

    #2 : Réduire l’exposition de l’ensemble des citoyens à tous les polluants,

    #3 : Améliorer la réparation des préjudices subis par les victimes de pollutions et prévoir un suivi médical sur le long-terme,

    #4 : Octroyer des provisions aux victimes de pollution pour les frais de justice,

    #5 : Rendre effectif l’accès aux informations de santé environnementale,

    #6 : Augmenter les moyens des services d’inspection et des magistrats dédiés à la justice environnementale,

    #7 : Intégrer les toxicologues en qualité d’experts judiciaires.

    A l’heure où les dégâts sanitaires dus à la crise écologique vont être de plus en plus graves et coûteux, il est urgent que l’institution judiciaire évolue dans le sens d’une meilleure prise en charge de la santé environnementale, et que les moyens de cette évolution lui soient donnés rapidement.

    Pour plus d’informations : consulter le livre blanc ou sa synthèse.

    Contacts presse : 

    Emma Feyeux, Présidente de Notre Affaire à Tous – Lyon : emma.feyeux@notreaffaireatous.org

    Pour les questions juridiques sur le livre blanc :
    Me Louise Tschanz, Kaizen avocat : louise.tschanz@kaizen.avocat.fr

  • CP / Droits de la nature : les Salines en Martinique dotées d’une Déclaration de droits pour protéger cet écosystème unique

    Une coalition d’associations martiniquaises regroupées dans le collectif Sové Lavi Salines, et assistée par Notre Affaire à Tous, lance aujourd’hui la Déclaration des droits des Salines en Martinique, afin de soutenir sa reconnaissance en tant qu’entité naturelle juridique (ENJ).

    Le site des Salines est situé à la pointe Sud de la Martinique.  Il abrite la lagune la plus importante de la Petite Caraïbe, d’une superficie de 97 hectares et alimentée en eau salée par la mer des Caraïbes et l’océan Atlantique. Ce site, composé de la lagune mais aussi d’espaces littoraux, de la Savane des Pétrifications, de mornes calcaires, d’une forêt sèche et de marais salants, est le berceau géologique et archéologique de la Martinique, épicentre de la biodiversité de la Caraïbe orientale. C’est ainsi un écosystème clé pour la biodiversité et les populations locales avec qui il est en relation. 

    L’importance des Salines est reconnue  officiellement par son classement comme zone humide d’importance mondiale (site Ramsar), par le classement de deux sites du périmètre comme Zones Naturelles d’Intérêt Ecologique, Faunistique et Floristique (ZNIEFF), et par son inscription comme site classé au titre de la loi de 1930, avec une opération Grand site en cours en vue d’obtenir le label Grand site de France.

    Le site des Salines est pourtant menacé depuis des siècles, et de façon aggravée et régulière depuis les années 1960, par des usages abusifs et par des projets fonciers, agricoles et touristiques nocifs.

    Le taux de fréquentation (2,5 millions de visiteurs par an) place ce site en tête du classement des destinations préférées des Martiniquais et des touristes, ce qui contribue à dégrader fortement cet écosystème. Par exemple, cette année encore, les lieux de pontes de tortues luth ont été menacés par de nombreuses activités de loisirs illégales sur un site classé  sans qu’aucune collectivité ou organisme public compétent ne prenne les mesures de sécurisation des périmètres concernés jusqu’à l’éclosion des œufs.

    Depuis de nombreuses années, des citoyens et des associations, soutenus historiquement par Garcin Malsa (Maire Honoraire de Sainte-Anne, Ancien Administrateur du Conservatoire du Littoral, Ancien Président du Conseil des Rivages Lacustres français d’Amérique), et aujourd’hui par Marcellin Nadeau (député de Martinique) et David Zobda (maire du Lamentin), dénoncent ces atteintes, expertises à l’appui, et s’organisent afin de protéger ce  site unique mais restent malgré tout démunis face à l’ineffectivité de la protection juridique existante.

    Une nouvelle étape s’acte aujourd’hui avec la proclamation de la Déclaration des droits des Salines par le collectif Sové Lavi Salines. Le collectif a bénéficié de l’expertise et de l’assistance de Notre Affaire à Tous et de celles de Victor David, chercheur en droit de l’environnement à l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), qui a accompagné la Province des Îles Loyauté (PIL) en Nouvelle-Calédonie à rédiger son Code de l’environnement  (CEPIL). 

    Le CEPIL fait référence au principe unitaire de vie et prévoit la possibilité de reconnaître une personnalité juridique à des éléments de la nature. Récemment, une nouvelle étape a été franchie par la PIL avec l’adoption d’une réglementation qui crée les entités naturelles juridiques (ENJ), une nouvelle catégorie de personnes juridiques dont s’inspire la présente Déclaration.

    « La Martinique, comme pour toute la surface de la terre, subit les conséquences du réchauffement climatique avec sa ligne de côte qui se réduit » rappelle Line Rose Ursulet, présidente de l’APNE. « À ce phénomène s’ajoute la convoitise humaine. Le site des Salines est le berceau de la Martinique qui doit être respecté et protégé. À ce titre, l’ENJ s’avère être un excellent outil de sauvegarde de ce patrimoine ». 

    Pour Marine Yzquierdo, avocate et administratrice de Notre Affaire à Tous: “ Nous constatons que de plus en plus de collectifs, soutenus par des élus locaux, souhaitent déployer les droits de la nature sur leur territoire afin de reconsidérer le vivant et mieux le protéger. Nous sommes heureux d’accompagner Sové Lavi Salines dans cette initiative pionnière aux Antilles qui vient renforcer le mouvement des droits de la Nature en France. ”

    Le lancement de cette Déclaration en Martinique constitue une première étape. Citoyens, associations et élus locaux sont invités à soutenir cette Déclaration en signant la pétition en ligne à l’adresse suivante : www.sove-lavi-salines.com

    La Collectivité Territoriale de Martinique, la  communauté d’agglomération Espace Sud et les  communes sont en outre invitées à soutenir cette Déclaration par voie de délibérations afin de lui donner plus de portée et pouvoir l’inscrire dans le cadre réglementaire local.

    Pour en savoir plus, téléchargez le dossier de presse sur le site  : www.sove-lavi-salines.com 

    Les associations fondatrices du collectif Sové Lavi Salines : APNE ; ASSAUPAMAR ; Association des Commerçants des Salines ; BIOS-FAIR ; CD2S La Martinique est Vivante ; NOU LA ; Planteuses Maronnes ; Reflet D’Culture ; Renaissance Ecologique ; Vous n’êtes Pas Seuls ; SEPANMAR.

    Contacts presse

    Sové Lavi Salines : Aude Goussard | sovelavisalines972@gmail.com

    Notre Affaire à Tous : Marine Yzquierdo | marine.yzquierdo@notreaffaireatous.org

  • CP / Bercy, pas de profits sur le dos des droits humains !

    Une statue gonflable de plus de 10 mètres de haut, représentant la justice poignardée dans le dos, est érigée devant Bercy, pour demander au gouvernement français de cesser de faire primer les profits économiques sur les droits humains et l’environnement : ces derniers mois, le ministère de l’économie a en effet fait pression pour affaiblir le projet de directive européenne sur le devoir de vigilance, notamment en ce qui concerne le secteur financier et les obligations climatiques des entreprises.

    Via cette action, nos associations et syndicats se mobilisent pour sauver l’ambition de cette directive qui pourrait enfin réguler les multinationales et apporter plus de justice aux personnes affectées dans le monde, en leur donnant accès aux tribunaux européens. 

    Paris est la première étape d’un tour d’Europe qu’effectuera la statue dans le cadre de la campagne européenne “Justice is everybody’s business”, dont la majorité de nos organisations sont membres. 

    Le choix du lieu est bien sûr hautement symbolique : les voix des personnes demandant aux décideur.ses politiques de ne pas vider de son sens la directive sur le devoir de vigilance des entreprises s’élèvent devant Bercy, représentation du pouvoir et des décisions économiques. 

    En février 2022 s’ouvrait un moment historique pour lutter contre l’impunité des multinationales, lorsque la Commission Européenne publiait enfin une proposition de directive pour imposer des obligations contraignantes aux entreprises européennes pour prévenir et faire cesser les violations des droits humains et les dommages environnementaux qui se produisent dans leurs chaînes de valeur mondiales.

    Alors que les négociations en trilogue – entre la Commission, le Conseil et le Parlement – ont commencé cet été, ce temps fort de justice est en danger du fait de la position de certains Etats membres dont la France.

    Bien que pionnière avec la loi sur le devoir de vigilance adoptée en 2017, la France fait pression pour affaiblir différents aspects du texte : elle a notamment poussé le Conseil à adopter une exclusion de facto du secteur financier (1), ce qui empêcherait d’autres pays de tenir légalement responsables des banques comme BNP Paribas, qui financent impunément l’expansion des énergies fossiles. La France est également parmi les Etats demandant de rejeter les améliorations apportées au texte par le Parlement européen en termes de renforcement des obligations climatiques et de la responsabilité juridique à y associer.

    La présidence espagnole du Conseil de l’UE sera chargée dans les prochaines semaines de demander aux Etats membres ce qu’ils sont prêts à concéder au Parlement mais aussi leurs lignes rouges. Alors que dans quelques jours les ministres européens de l’économie et des finances se réunissent à Santiago de Compostela, nous nous mobilisons à Paris pour appeler les Etats membres dont la France, à réhausser l’ambition qu’ils portent dans les négociations. 

    A cette occasion, nos organisations publient aujourd’hui un document d’analyse (2) détaillant les failles du projet de directive européenne à la lumière des premières actions en justice fondées sur la loi française sur le devoir de vigilance, et faisant des recommandations aux décideurs pour arbitrer au mieux entre les différentes versions du texte.

    Contacts

    Notes

    1. Voir l’enquête de l’Observatoire des multinationales : “La France a-t-elle torpillé le « devoir de vigilance » européen pour complaire au CAC40 et à BlackRock ?”, 4 juillet 2023
    2. Directive européenne sur le devoir de vigilance et contentieux français – Enseignements et recommandations, septembre 2023
  • CP / Justice pour le Vivant : après une victoire historique, les ONG font appel pour obliger l’Etat à revoir l’évaluation des risques des pesticides.

    Les 5 ONG environnementales de Justice pour le Vivant ont fait appel d’une partie du jugement rendu par le tribunal administratif de Paris le 29 juin dernier, afin d’obliger l’Etat à combler les failles des méthodes d’évaluation des risques des pesticides, reconnues de manière historique dans le premier verdict. L’Etat, condamné à respecter les objectifs des plans Ecophyto et à mieux protéger ses eaux, a lui-même fait appel de la décision, s’enfermant dans un refus d’agir pour enrayer l’effondrement de la biodiversité.

    Dans sa décision du 29 juin dans le cadre du recours Justice pour le Vivant mené par POLLINIS, Notre Affaire à Tous, Biodiversité sous nos pieds, ANPER-TOS et l’ASPAS, le tribunal administratif de Paris a reconnu pour la première fois l’existence d’un préjudice écologique résultant d’une contamination généralisée de l’eau, des sols et de l’air par les pesticides, ainsi que la faute de l’État français dans cette situation. Il a été condamné à prendre les mesures nécessaires pour respecter les objectifs des plans Ecophytos et pour protéger les eaux souterraines du pays.

    Les failles des procédures d’évaluation et d’autorisation de mise sur le marché des pesticides ont également été reconnues par le tribunal, mais la juridiction a choisi de ne pas contraindre l’Etat à agir sur ce point. Considérant que la révision du processus d’homologation des pesticides est la condition sine qua none d’une réduction systémique et urgente de l’utilisation des pesticides en France, les 5 ONG de Justice pour le Vivant ont fait appel de cette partie de la décision, en déposant une requête devant la cour administrative d’appel de Paris le 29 août 2023. Elles cherchent à obtenir un changement concret des méthodes d’évaluation des risques des pesticides, préalable indispensable pour enrayer l’effondrement de la biodiversité.

    « Dans sa décision de juin, le tribunal pointe clairement du doigt les failles de l’évaluation des risques des pesticides et leurs conséquences délétères sur le Vivant. Plutôt que d’en tirer les conséquences évidentes, les Ministres s’enferment dans un refus d’agir en faisant appel. Face à l’extrême urgence de la situation, notre appel vise à empêcher l’État de perdre plus de temps dans la lutte contre l’effondrement de la biodiversité » expliquent les ONG.

    Face à sa condamnation et à la reconnaissance historique de sa responsabilité dans l’effondrement de la biodiversité, l’Etat a lui aussi fait appel du jugement rendu.

    L’appel n’étant pas suspensif, l’Etat doit toujours, d’ici le 30 juin 2024 :

    • Prendre toutes les mesures utiles pour respecter les objectifs de réduction des pesticides prévus par les plans Ecophyto ;
    • Protéger réellement, comme la loi l’y oblige déjà, les eaux souterraines du territoire français des effets des pesticides et de leur résidus

    « C’est une véritable fuite en avant : même lorsque la justice le met devant le fait accompli et le condamne, l’Etat s’enferme dans l’inaction. En refusant de revoir sa gestion des pesticides, il refuse de protéger ses citoyens et l’ensemble du Vivant sur le territoire français. »  dénoncent les ONG.

    Dans le cadre de ces appels, Phyteis, qui était intervenu aux côtés de l’Etat et avait défendu les Ministères concernés, non représentés lors de l’audience, pourrait de nouveau demander à intervenir dans cette nouvelle étape du recours Justice pour le Vivant.

    Contact presse

    Justine Ripoll – Notre Affaire à Tous

    justine.ripoll@notreaffaireatous.org