Le 9 mars dernier, la conférence “L’Affaire du Siècle : la justice climatique démystifiée” revenait sur le recours en responsabilité contre l’État formé par Notre Affaire à Tous, Greenpeace France, OXFAM France, ainsi que la Fondation pour la Nature et l’Homme. Retour sur cette action de sensibilisation menée par le groupe local de Notre Affaire à Tous – Lyon avec Jean, bénévole à Notre Affaire à Tous – Lyon et étudiant en 3e année de droit public.
Alors que le caractère inédit de la mise en jeu de la responsabilité de l’État pour inaction climatique avait conduit à une médiatisation importante de l’Affaire du Siècle, Jean s’étonnait toujours de constater à quel point elle était méconnue dans son entourage, y compris parmi ses camarades juristes… C’est de ce constat qu’est née l’idée d’organiser une conférence portant sur l’Affaire du Siècle. Avec un public majoritairement composé de juristes professionnel.le.s et de juristes en herbe, l’objectif était avant tout d’inviter les participant.e.s à se saisir du droit comme moyen efficace de lutte face aux problématiques environnementales : “Le but était de faire de la conférence un tremplin d’actions, voire de susciter des vocations.” Pari réussi avec Mélissandre, étudiante en première année de droit, venue gonfler les rangs de NAAT Lyon après avoir assisté à la conférence : “Je connaissais l’association de loin, d’où ma présence à la conférence. Mais écouter ces intervenants décrypter la justice climatique et les leviers d’action de la société civile m’a tout bonnement donné envie de m’engager, de mettre en œuvre mon pouvoir d’action !”.
Pour autant, nul besoin d’être juriste ou apprenti.e juriste pour assister à la conférence et apprécier la qualité du discours des intervenant.e.s ! En effet, un tour d’horizon complet sur la justice climatique fut offert aux participant.e.s. C’est Marine Denis, doctorante en droit international public et juriste pour Notre Affaire à Tous qui ouvrit le bal, pour laisser place au Juge Marc Clément et Maître Antoine Le Dylio, intervenant tous deux dans la première partie de la conférence dédiée à la singularité de l’Affaire du siècle dans le paysage de la justice climatique. M. Clément évoqua ainsi d’abord les étapes de la procédure ayant conduit à la décision de l’Affaire du Siècle, avant de laisser Maître Le Dylio poursuivre sur l’impact de cette décision pour la justice climatique. Après ce focus sur l’Affaire du Siècle, il fut temps pour le public, guidé par Maître Antoine Clerc et Maître Hélène Leleu, de prendre un peu de hauteur sur la justice climatique. Qu’en est-il des recours européens et internationaux ? Quid des recours locaux ? Ce sont les questions auxquelles répondirent respectivement les Maîtres Clerc et Leleu.
Bien que plusieurs niveaux de lecture étaient possibles et malgré certaines parties plus techniques, reconnaît Jean, l’accessibilité du discours et la pédagogie étaient au cœur du projet, un enjeu de taille à l’heure où la communication est primordiale pour espérer sensibiliser et mobiliser la société sur les questions écologiques. Pour cet activiste de NAAT, “le droit ne se suffit pas à lui-même. D’ailleurs, le volet communicationnel dans l’Affaire du Siècle a été sa force.” C’est ainsi que dans le sillage du groupe national, NAAT Lyon a dédié un pan entier de son activité à la sensibilisation et l’éducation , pans dans lesquels s’investissent Jean et, plus récemment, Mélissandre. Bien que leur niveau d’étude en droit ne leur permette pour le moment pas de porter de recours, ils saluent la manière dont chacun peut mettre ses compétences au service de l’association. En l’occurrence, iels ont notamment pu mener des interventions au sein d’établissements scolaires de la région, car c’est aussi et surtout chez la génération à venir que se joue la société de demain !
En définitive, vous l’aurez compris, par le biais de conférences comme celle présentant l’Affaire du Siècle ou d’interventions en milieu scolaire, NAAT Lyon agit en vue du même objectif : démocratiser la justice climatique comme un outil de lutte accessible contre la crise écologique !
Le dérèglement climatique a des conséquences dévastatrices sur les conditions de vie de millions de personnes, particulièrement les plus vulnérables. Recentrer le discours sur les droits humains peut obliger les gouvernements et les entreprises à faire le lien entre préoccupations environnementales et justice sociale.
Nous sommes tous.tes concerné.es. En répondant à ces 5 questions simples, nous espérons vous donner un aperçu de l’impact du dérèglement climatique sur vos droits fondamentaux.
Ce test respecte le RGPD : vos réponses sont anonymes et ne sont ni utilisées ni conservées.
“Les inégalités de logement et de précarité énergétique aggravent les inégalités sociales. Résoudre ce problème, c’est résoudre des problèmes d’ordre climatique et d’ordre social.” Danyel Dubreuil
Ce 19ème numéro d’IMPACTS est consacré à la précarité énergétique et à ses impacts sur la population dans un contexte d’augmentation sans précédent des prix de l’énergie que vient aggraver la guerre en Ukraine. Pour parler de ce sujet urgent qui croise des enjeux sociaux et climatiques, IMPACTS a rencontré Aline To Lulala, en grand témoin de la précarité énergétique, et Danyel Dubreuil, coordinateur du collectif Rénovons engagé en faveur de la rénovation énergétique.
Aline Lo Tulala, grand témoin
Copyright Héloïse Philippe
“Aline, pouvez-vous vous présenter ?
Aline Lo Tulala, militante contre les passoires thermiques au sein de l’Alliance citoyenne 93 et actuellement suppléante de Bastien Lachaud, député sur Aubervilliers et Pantin et membre de l’Union populaire. En même temps, je suis aide-soignante de fonction et je travaille dans le secteur social.
Comment définiriez-vous une personne en situation de précarité énergétique ?
C’est une personne qui vit dans un logement souvent très mal isolé. Comme c’est très mal isolé, cette personne a beau chauffer, il fait trop chaud l’été et trop froid l’hiver, et les factures d’électricité ne cessent d’augmenter et deviennent très chères.
Entretien avec Danyel Dubreuil, coordinateur de l’initiative Rénovons
L’initiative Rénovons, alliance de 40 organisations mobilisées sur la précarité énergétique et la rénovation du bâti français, a proposé un bouclier énergie à l’hiver 2021 pour une politique efficace de lutte contre la précarité énergétique et de rénovation énergétique des bâtiments. Cette alliance regroupe entre autres la Fondation Abbé Pierre, le Secours Catholique, SoliHa, le CLER – Réseau pour la transition énergétique, le Réseau action climat.
En France, combien de personnes sont-elles touchées par la précarité énergétique ?
Tu as plusieurs chiffres qui peuvent servir d’indicateurs. La plupart des gens qui ont peu de ressources sont en précarité énergétique car c’est un rapport de consommation d’énergie sur le revenu. La barre est fixée à 8% pour les consommations de chauffage et d’eau chaude…
Que peut-on retenir du bouclier tarifaire mis en place par le gouvernement cet hiver ?
Les mesures 2021 ont annulé la hausse des prix de l’énergie pour les ménages concernés. La facture des ménages a augmenté de 100 euros et le chèque supplémentaire était de 100 euros, ce qui fait que les ménages n’ont quasiment rien gagné, ils sont dans la même situation qu’avant. Ils sont protégés de la hausse des prix mais la hausse continue avec des effets de rattrapage à venir, décalés dans le temps. Sur l’assiette dont on dispose, tout le monde n’a pas besoin d’être protégé de la hausse des prix. La hausse des prix est surtout pertinente pour ceux qui ont un usage immodéré de l’énergie, que ce soit en termes de carburant ou d’énergie consommée dans le logement. Pour eux, l’énergie n’est pas assez chère, c’est à dire que le poids de l’énergie dans leur budget est faible. Le taux d’effort énergétique de l’ensemble des français est de 4% environ. 8% pour les ménages en précarité énergétique, c’est déjà le double. Et ça ne concerne que les dépenses d’énergie liées au logement.
Les catastrophes naturelles, les personnes déplacées et les inégalités climatiques : le cas de la tempête Alex dans la vallée de la Roya
Entre 1988 et 2017 les intempéries sont à l’origine de 1121 décès par an et représentent un coût de 2,2 milliards de dollars de pertes estimées sur le territoire français. Selon le GIEC, la France métropolitaine a connu un réchauffement d’environ +1,4°C depuis 1900, une valeur plus élevée que la moyenne mondiale estimée à +0,9°C entre 1901 et 2012. La France figure parmi les pays d’Europe les plus vulnérables au dérèglement climatique.
Le 2 octobre 2020, le département des Alpes-Maritimes a été placé en vigilance rouge « pluie-inondation ». Les cumuls de pluie sur place ont atteint en quelques heures 450 à 500 mm dans l’arrière-pays et plus de 560 millions de tonnes d’eau sur le département, soit l’équivalent de 190 000 piscines olympiques. A l’issue de cet épisode, 55 communes des Alpes-Maritimes ont été reconnues en état de catastrophe naturelle. La Fédération française de l’assurance a recensé 14 000 déclarations de sinistres enregistrées pour un coût des dommages assurés atteignant 210 millions d’euros. Le coût final de la tempête Alex se répartit entre les dégâts causés aux habitations (72 %), aux biens professionnels et agricoles (25 %) et aux automobiles (3 %). Dans la vallée de la Roya, on recense 4 ponts détruits et 40km de voiries endommagées. Ces dommages s’accompagnent de traumatismes psychologiques pour les personnes sinistrées. Au lendemain de cette catastrophe naturelle exceptionnelle, de nombreuses questions se posent : comment reconstruire la vallée ? Où reconstruire les maisons détruites ? A l’avenir, comment prévenir de tels phénomènes climatiques, de potentielles crues similaires ?
Les dégâts de la tempête Alex dans la vallée de la Roya interrogent l’efficacité et l’adéquation de l’actuel régime d’indemnisation des victimes de catastrophes naturelles « CatNat » (I). Par ailleurs, les catastrophes naturelles, sources d’une augmentation des facteurs de paupérisation et de vulnérabilités nécessitent de questionner le rôle des acteurs publics dans l’adaptation et dans la prévention des catastrophes naturelles (II).
Alors que les ménages français les plus énergivores consomment 6 à 9 fois plus que les plus économes, une partie croissante de la population française, à cause de la hausse des prix de l’énergie, souffre de précarité énergétique, c’est-à-dire éprouve une difficulté à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins premiers. En 2020, 14% des ménages disaient avoir souffert du froid, en 2021, ils étaient 20%. Sur les 13 millions de personnes touchées, 40% estiment que c’est à cause d’une mauvaise isolation de leur logement, et 36% à cause de raisons financières. C’est pour dénoncer cette situation que les associations ont lancé le 10 novembre 2021 la journée de précarité énergétique.
Concrètement, la précarité énergétique a des impacts forts sur les populations touchées, leur santé, les logements, le climat et elle représente un coût pour la collectivité. La précarité énergétique aggrave fortement les inégalités sociales, et les passoires énergétiques, ces habitations très mal isolées et très énergivores classées F ou G sur les diagnostics de performance énergétique, sont particulièrement émettrices de CO2.
Plusieurs enjeux urgents se trouvent donc au cœur de ce problème :
– Celui de la rénovation massive des passoires énergétiques : pour protéger les ménages, améliorer l’efficacité énergétique des logements, et réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES). – Celui de la réduction des inégalités sociales puisque ce sont aujourd’hui les ménages les plus modestes qui, proportionnellement à leurs revenus, consacrent la plus grosse part de leur budget à l’énergie.
Malgré des mesures d’urgence prises en 2022 pour faire face à la flambée des prix de l’énergie, peu d’avancées ont été faites sur le terrain des politiques publiques pour protéger les ménages et rénover le bâti français.
Sous l’angle des inégalités climatiques et environnementales, plusieurs questions se posent donc : Quel impact la précarité énergétique a-t-elle sur les populations ? Quelles populations sont les plus touchées ? Est-ce que le dérèglement climatique peut renforcer les vulnérabilités existantes ? Quelles solutions peuvent atténuer ces impacts ?
I. La précarité énergétique, une réalité qui touche toujours plus de ménages en France et en Europe
Une réduction des consommations d’énergie est nécessaire pour faire face à la hausse des prix de l’énergie, aux risques d’approvisionnement et à l’enjeu climatique. Malheureusement, aujourd’hui en France, ce sont les besoins de base des ménages les plus vulnérables qui sont les plus menacés. Est-il socialement acceptable que 20% de la population ait du mal chaque année à disposer de l’énergie nécessaire pour couvrir ses besoins premiers en France ? Ce laisser-faire a non seulement des conséquences sociales et sanitaires importantes (10 milliards par an selon France Stratégies), notamment sur les enfants qui grandissent dans des foyers en précarité énergétique, et il ne permet pas de réguler les comportements qui sont en excès de consommation d’énergie, ni de régler la question des logements les plus émetteurs de CO2.
Réalisé par Malo Viennet, Antoine Moreau et Léa Ricard
Master D3P1 “Risques, Science, Environnement et Santé”, Sciences Po Toulouse
En partenariat avec l’association “Notre Affaire à Tous” (NAAT)
Remerciements:
Nous tenons à remercier les personnes qui ont bien voulu accorder du temps à cette étude et participer aux entretiens :
Gilles Martin, Professeur émérite de l’Université Côte d’Azur et Président du conseil scientifique du parc national de Port-Cros
Simon Jolivet, Maître de conférences en droit public à l’Université de Poitiers et secrétaire général de la Société française pour le droit de l’environnement
“Le parc n’a de sens que s’il parvient à protéger ce qui est remarquable mais aussi
ce qui est tout à fait ordinaire.”
Gilles Martin, Président du conseil scientifique du parc national de Port-Cros
Cette affirmation, à première vue contre-intuitive, questionne en réalité l’essence même d’un parc naturel, à savoir protéger le vivant. Mais quel type de vivant au juste ? Les écosystèmes et espèces rares et menacées ? Ou bien, sans hiérarchie aucune, tout type de vivant, “ordinaire” compris ? Cet article se propose d’explorer ces réflexions, avec un principal objectif : comprendre si les parcs naturels français représentent aujourd’hui une réponse efficace à l’enjeu de l’érosion massive de la biodiversité.
La Convention sur la diversité biologique des Nations Unies (CDB, 1992) définit la biodiversité comme suit : “variabilité des êtres vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie : cela comprend la diversité au sein des espèces, ainsi que celle des écosystèmes” (art. 2). Elle comprend ainsi trois niveaux d’organisation : la diversité des écosystèmes, la diversité des espèces et la diversité génétique, le tout étant en perpétuelle interaction. Si aujourd’hui 55% de la population mondiale vit en zone urbaine, l’humanité ne dépend pas moins entièrement de la biodiversité. Différentes raisons l’expliquent : celle-ci produit l’oxygène grâce aux végétaux terrestres et microalgues marines, fournit les sociétés en matières premières, bois, fibres, mais aussi ressources fossiles (pétrole dérivé du plancton ou charbon issu d’anciennes forêts), constitue la base de l’alimentation (végétaux, viandes, poissons), régule le climat, et est enfin gage de la santé humaine, plus de la moitié des principes actifs pharmacologiques étant extraits du monde vivant. Cependant, sans précédent non seulement dans l’histoire de l’humanité, mais aussi dans celle de la Terre aux échelles géologiques, la biodiversité connaît aujourd’hui un effondrement massif et rapide. Selon l’IPBES, les ¾ des zones terrestres et 2/3 des zones marines ont été modifiées de manière significative, et 60% des populations de vertébrés ont décliné entre 1970 et 2014 au niveau mondial. Cette véritable annihilation biologique est le fait des activités humaines. Cinq causes majeures sont à l’origine de cette érosion : les changements d’usage, les destructions, et fragmentations des terres dus à la déforestation, l’agriculture, et l’urbanisation ; l’exploitation directe de certains organismes ; le changement climatique ; la pollution ; et les espèces exotiques envahissantes. À ces causes s’ajoute également le commerce de la faune sauvage, 4ème marché mondial illégal le plus lucratif. L’érosion de la biodiversité représente donc une crise incommensurable en soi, tout en étant l’une des plus importantes menaces pour la santé humaine.
Face à ces constats, une mise à l’agenda des enjeux de biodiversité – étroitement liés à ceux du climat – s’est progressivement opérée au niveau international et national, et des outils ont été mis en place. Citons par exemple la Convention sur la diversité biologique (1992), la convention CITIES, certaines directives européennes telles que les directives habitats, directives oiseaux, directive cadre sur l’eau, et le réseau Natura 2000, mais aussi, au niveau national, la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (2016), le Plan National Biodiversité, la trame verte et bleue et, enfin, les parcs naturels, terrestres et marins.
Les parcs naturels font donc partie intégrante des outils de protection de la biodiversité, et sont reconnus juridiquement. De fait, il faut souligner la distinction entre parc naturel régional et parc national, rattachés à des régimes juridiques différents. La vocation des parcs est double :
Protéger et gérer des milieux naturels remarquables, des espèces rares ou menacées et des patrimoines géologique et paléontologique exceptionnels
Sensibiliser le public à ces richesses.
L’objectif est donc assez délicat, puisqu’il s’agit d’allier actions humaines et protection de la nature. Le classement d’un parc témoigne donc d’une volonté politique de doter un territoire d’une forte visibilité nationale et internationale, et d’y mener une politique stricte et intégrée de protection et de gestion de valeurs patrimoniales naturelles et culturelles. Aujourd’hui, le territoire français comporte 58 parcs naturels régionaux et 11 parcs naturels nationaux, représentés sur la carte ci-dessous.
Afin de comprendre si les parcs naturels français représentent aujourd’hui une réponse efficace à l’enjeu de l’érosion massive de la biodiversité, ou si, au contraire, leur portée se limite à des outils dits compensatoires insuffisants face à l’érosion massive et globale de celle-ci, nous avons interrogé deux acteurs de terrain : Gilles MARTIN, Professeur émérite de l’Université Côte d’Azur et Président du conseil scientifique du parc national de Port-Cros, et Simon JOLIVET, maître de conférence en droit public à l’université de Poitier et spécialiste des questions de conservation. L’article se propose ainsi de mettre en lumière les distinctions et spécificités juridiques de chaque type de parc, régional et national, avant d’analyser concrètement les enjeux quant au fonctionnement et à la finalité des parcs en matière de biodiversité.
Le cadre juridique des parcs naturels français : Bien faire la différence entre des entités administratives distinctes
Gilles Martin le rappelle, parler de « Parc naturels » renvoie à « deux choses très différentes ». En effet, la confusion est vite arrivée entre Parcs Nationaux et Parcs Naturels Régionaux, lesquels correspondent en réalité à des vocations et des régimes propres.
Les Parcs Nationaux (PN) sont des espaces essentiellement consacrés à la sauvegarde des milieux naturels. Il s’agit d’y mener une politique de conservation « de la faune, de la flore, du sol, du sous-sol, de l’atmosphère, des eaux et en général du milieu naturel »1. Ils relèvent d’un régime d’exception, à portée contraignante, pouvant conduire à « interdire ou réglementer toute action susceptible de nuire au développement naturel de la faune et de la flore ».2
Statut = Établissement public administratif.
Les Parcs Naturels Régionaux (PNR) ont quant à eux une vocation double : la protection des espaces naturels est mêlée à l’ambition de développement économique durable. Ils s’inscrivent ainsi dans la politique plus large d’aménagement durable des territoires : « ce sont des territoires de projet et d’aménagement beaucoup plus que de protection. »3. Ils restent en somme partie du droit commun, et présentent «beaucoup moins de contraintes en matière de protection »4… À titre d’illustration, les pratiques de la chasse et de la pêche n’y sont pas limitées.5 Le PNR est constitué par une charte, adoptée par décret et valable pour 15 ans, dans laquelle les parties contractantes s’engagent à réaliser un « projet de protection et de développement » du territoire concerné — Autrement dit, « les règles du jeu que se donnent les partenaires ».6
Statut = Syndicat mixte de collectivités locales.7
En bref, entre les deux régimes, la distinction la plus saillante est à trouver dans la portée de leurs mesures de gestion et de protection : elle est « réglementaire » pour les PN, et « contractuelle » pour les PNR.8 Pour grossir le trait, les seconds agissent indirectement, à travers les collectivités parties prenantes de leur charte, et ultérieurement en jouant un rôle d’animateur, d’incitation, de sensibilisateur, de coordinateur… À noter que sur leur nature même, le degré d’anthropisation des territoires fait aussi la différence, très faible pour les PN quand il s’agit de zones beaucoup plus habitées dans les PNR.
À la décharge du profane, il y a bien un facteur de confusion que nous avons volontairement laissé de côté jusque-là : les Parcs nationaux se décomposent en deux zones spécifiques dont l’une se rapproche du régime des PNR. En effet, autour des « cœurs» où le pouvoir réglementaire du parc s’applique, on trouve une « aire d’adhésion » qui répond à une charte, à l’instar des PNR. Cet espace, déterminé au préalable par le décret de création du parc, est délimité au territoire des communes signataires, les autres étant placées en « aire potentielle d’adhésion ».9
L’encadrement juridique des parcs naturels français en textes clés :
Parcs naturels
Loi relative à la création de parcs nationaux (22 juillet 1960) — Crée les PN
Loi relative aux Parcs nationaux, aux Parcs naturels marins et aux Parcs naturels régionaux (14 avril 2006) — Rénove l’esprit des parcs français pour le réancrer dans les enjeux du développement durable, et renforce la capacité de protection des PN : Elle crée notamment des instruments spécifiques de protection pour les espaces marins comme « l’Agence des aires marines protégées ».10
Parcs naturels régionaux
Décret instituant des Parcs naturels régionaux (1 mars 1967) — Crée les PNR
Décret relatif aux Parcs naturels régionaux (25 avril 1988) — Met en conformité les parcs avec les lois de décentralisation, « réaffirme l’objectif premier des Parcs, reconnaît aussi leur rôle de développement économique et social, ainsi que leur objectif d’expérimentation, d’exemplarité et de recherche ».11
Lois de décentralisation et la Loi sur la protection et la mise en valeur des paysages (8 janvier 1993) – Confère un poids réel aux chartes, principe étant établi que « les documents d’urbanisme doivent être compatibles avec les orientations et les mesures de la charte ».12
Conseil d’État, 29 avril 2009, arrêt Commune de Manzat – Consacre la portée réglementaire des chartes.13
Pour aller plus loin :
Les parcs ne sont pas les seuls types d’espaces naturels protégés en France. Pour compléter le tableau, il faut d’abord inclure les Réserves naturelles. Ces zones correspondent à un espace relativement restreint où s’applique une réglementation plus stricte que dans les parcs. C’est d’autant plus le cas pour les Réserves intégrales, qui ont elles une vocation de préservation.14 Prévues par les Parcs nationaux, on dénombre sur le territoire français 3 de ces espaces les plus réglementés en matière de protection de l’environnement — toute activité humaine y est proscrite. Ajoutons enfin les Sites classés et Sites inscrits, lesquels ne couvrent pas nécessairement des espaces naturels, mais des lieux « exceptionnels d’intérêt national »15. Précisons que tous les espaces que nous venons d’évoquer peuvent se situer au sein du territoire d’un parc naturel — seulement au sein des
PN, pour ce qui est des réserves naturelles. Seuls les territoires d’un PN et d’un PNR ne peuvent se chevaucher.16
Sur le terrain : Les parcs naturels français face à l’érosion de la biodiversité
La question de la pertinence des parcs comme outils d’action publique de lutte contre l’érosion de la biodiversité
Les personnes interrogées reconnaissent unanimement l’utilité des parcs naturels contre l’érosion de la biodiversité, en soulignant aussi bien leurs effets externes que internes. Concernant leurs effets externes, Gilles Martin souligne en effet que, contrairement à certaines idées préconçues, les parcs ne sont pas “sous cloche”, la faune et la flore interagissant entre extérieur et intérieur du parc. Par exemple, dans le parc national de Port-Cros, est observé un phénomène dit “effet réserve”, des zones fortes de protection du parc bénéficiant à des zones hors parc, et certains poissons protégés pondant ainsi des larves atteignant les côtes voisines, parfois jusqu’à Marseille. De plus, les deux interlocuteurs mettent également en avant l’importance de la création de réseaux écologiques, de corridors. Ceux-ci sont indispensables puisque certaines espèces, protégées au sein des parcs, ont besoin de se déplacer. C’est le cas des espèces migratrices, mais aussi de celles se déplaçant pour accomplir leur cycle de vie, alimentaire et reproductif.
Face aux effets bénéfiques des parcs sur la biodiversité, la question de leur extension et multiplication mérite d’être posée. Ici, les deux interlocuteurs mettent en avant les limites d’une certaine course à l’extension, et ce pour diverses raisons. Tout d’abord, Simon Jolivet souligne “la course au gigantisme des aires protégées” ayant lieu actuellement: une course entre Etats, avec en ligne de mire 30% d’aires protégées dans le monde d’ici 2030. Or, selon lui, cet effet d’annonce est en réalité souvent inversement proportionnel au degré de protection de l’écosystème. Concrètement, des stratégies de communication étatiques sont en jeu, puisque plus l’environnement monte à l’agenda des préoccupations politiques internationales, plus cela devient un enjeu de puissance pour les Etats, et plus il devient nécessaire de manifester son engagement. Gilles Martin met également en avant le risque de baisse d’ambition dans la multiplication des aires protégées, avec par exemple des activités humaines perpétuées au sein des parcs pour atteindre les 30%… Conséquence ? Une non protection de la biodiversité. Un autre enjeu de taille est celui de la régulation des espèces au sein des parcs, mais aussi celui du choix de protection du type de biodiversité. En effet, le chercheur D. Thierry dénonce le cloisonnement affectant l’action publique française en matière de protection de la biodiversité, et les échecs que cela entraîne. Les mesures selon lui sont trop largement centrées sur les espèces rares, en danger d’extinction, les protections tendant à s’apparenter donc à de la muséographie, et ce au détriment de la biodiversité ordinaire. Partiellement en opposition, Simon Jolivet indique que les espaces protégés ont au contraire été mis en place historiquement indépendamment des espèces, tout en soulignant effectivement que le droit de l’environnement dans son ensemble reste trop centré sur la nature extraordinaire, au détriment de l’ordinaire. Néanmoins, celle-ci ne relève selon lui pas entièrement des parcs naturels potentiels, puisqu’une grande partie se trouve en milieu agricole. C’est donc également à d’autres secteurs, notamment l’agriculture et l’habitat, plus éloignés a priori des problématiques biodiversité, d’intégrer ces dimensions de protection. Gilles Martin s’inscrit aussi dans cette perspective, puisque, selon lui, ce serait une erreur que de déconsidérer l’outil des parcs naturels au motif qu’il ne peut protéger l’entièreté de la biodiversité dite ordinaire. Si les parcs s’avèrent donc nécessaires aujourd’hui pour la protection de la biodiversité, ils ne sont néanmoins pas suffisants pour contrer à eux seuls l’érosion de la biodiversité. Enfin, ces territoires ne sont pas statiques et même en leur sein, peuvent survenir des contentieux juridiques, impactant de près ou de loin la biodiversité.
Un aperçu des contentieux juridiques ayant trait à la protection de la biodiversité au sein des parcs
Si les formes d’espaces protégés et tout le panel d’institutions et de mesures concrètes mises en place pour protéger la biodiversité semblent relativement efficaces, dans bien des cas les principes de protection de la nature avancés sont mis face à la complexité du terrain. Cette réalité, ce sont évidemment des intérêts socio-économiques propres à l’activité humaine et qui peuvent se trouver en contradiction avec ceux de la préservation de la nature (exploitation agricole, halieutique, tourisme, habitat…etc). Ce qui a pour effet de provoquer un certain nombre de litiges. On remarque à ce sujet que l’implication du juge dans la vie des parcs s’est nettement accrue au fil du temps. Si l’on prête attention aux chiffres dans les parcs naturels régionaux, on constate que le nombre d’arrêts et de jugements engageant les parcs entre 2002 et 2006 est supérieur au nombre d’arrêts et jugements constatés entre 1967 (date de création des parcs) et 2002, soit une période de 35 ans17. Dans le cadre de ces recours en contentieux, le juge qui sera alors amené à se prononcer sur la base du droit en vigueur peut mobiliser le droit des espaces protégés comme le droit commun de manière plus générale.
En l’occurrence, dans le droit des parcs, on retrouve les chartes précédemment évoquées. Les chartes des parcs nationaux ont toujours par essence fait office d’acte administratif, elles sont d’ailleurs reconnues par le préfet à la création du parc. Rappelons que leur portée réglementaire est consacrée depuis 200918. Ce socle juridique, défini dernièrement par la loi de 2006, implique ainsi tout un apanage d’acteurs qui vont eux aussi produire du droit. Parmi ceux-ci on peut citer les directeurs des parcs nationaux qui émettent des décisions, ou encore un corps de police qui adresse des procès-verbaux. En somme, on parle ici de tous les inspecteurs, agents administratifs assermentés, qui sont habilités à constater les infractions dans les espaces protégés. Ces agents sont détachés par l’Office français de la biodiversité (OFB), dont la compétence administrative découle directement du Ministère de la transition écologique et solidaire. Lors d’un entretien, Simon Jolivet nous dépeint l’OFB comme le “bras armé du Ministère”.
Ainsi, à l’échelle de l’espace protégé, en cas de désaccord avec un acte administratif relatif à la gestion des parcs, toute personne physique ou morale est en droit d’introduire un recours en contentieux auprès du Tribunal administratif de son lieu de résidence. Dans la pratique, les motifs de ces contentieux croissants sont multiples. Cela peut tenir à la contestation de procès-verbaux, de décisions de la direction, ou encore à la remise en cause d’une interdiction d’activité. Gilles Martin nous donne l’exemple dans le Parc national du Mercantour d’une association de cyclistes qui attaque une décision de la direction du parc limitant la circulation des vélos sur une zone protégée. L’association va alors fonder son action sur le droit commun, en mobilisant, par exemple, une atteinte à la liberté d’aller et venir. Toujours dans la lignée de litiges semblables, Gilles Martin nous cite un contentieux avec des commerçants qui contestent une décision d’interdiction d’activité. Ces derniers, gérants de magasins dédiés à la location de jet-skis, vont alors s’opposer à l’interdiction de ce loisir au sein du parc et considérer la décision de la direction comme une atteinte à la liberté d’entreprendre.
Après avoir évoqué les contentieux où les requérants contestent l’avancée de la législation protectrice, venons-en aux contentieux où les dégâts sont déjà palpables, où c’est cette fois le parc qui demande des réparations face aux dommages constatés sur son territoire. À ce sujet, Gilles Martin nous donne l’exemple d’un serial-killer jugé il y a quelques années pour avoir tué 104 chamois dans les parcs nationaux du Mercantour et des Écrins. Dans ce cas, le loisir de braconnage de cet individu se heurte à la législation protectrice du parc, l’infraction se constatant sur son territoire. Toutefois, dans bien d’autres cas, les responsables du dommage constaté se trouvent à l’extérieur de l’aire protégée, ce qui peut s’avérer problématique. Comme nous le rappelle Gilles Martin, la nature n’est jamais mise « sous cloche », les éco-systèmes communiquent entre eux et s’affectent sur des superficies toujours plus vastes que celle du territoire tel qu’il est établi juridiquement. Les animaux effectuent des migrations, de même que l’eau suit son cycle à une échelle bien plus large. On a encore une fois l’exemple à Port-Cros d’une pollution par des hydrocarbures, due à la percussion de deux bateaux au large de la Corse ayant impacté des côtes constituantes du cœur du Parc national en octobre 2019. Un procès est sûrement à venir, où il faudra avancer la notion de préjudice écologique. Or, la difficulté sera d’évaluer et de prouver ce préjudice. Le parc étant Parc national, il aura qualité pour agir en réparation des préjudices subis.
Une problématique classique : Comment concilier l’augmentation de la fréquentation touristique avec la protection de la biodiversité ?
La pandémie de Covid-19 a généré une hausse sensible de la fréquentation des parcs naturels. Elle vient renforcer une tendance déjà observable pendant la décennie, comme l’illustre cette statistique concernant les Parcs nationaux : En 2018, plus de 10 millions de visites sont recensées, soit une augmentation de 60% par rapport à 2011.19 Cette nouvelle manne économique bienvenue ramène néanmoins les parcs à un enjeu de taille : comment s’accommoder de l’augmentation du tourisme tout en menant à bien la mission de conservation des espaces naturels ? La question se pose avec d’autant plus d’acuité pour les Parcs naturels régionaux où, pour rappel, la valorisation et le développement économique sont parties prenantes de leurs objectifs.
S’agissant de la faune, par exemple, certains temps de l’année sont difficilement conciliables avec un flux important de visiteurs ; quand le printemps ouvre la saison des reproductions, l’hiver correspond à une phase de raréfaction de la nourriture, soit autant de périodes où la quiétude est de mise pour les espèces animales.20
« Quiétude Altitude » est justement le thème d’un dispositif mis en place par le parc régional des Vosges du Nord pour répondre à ce défi.21 Depuis 2015, le public est informé en temps réel sur les comportements à observer pour favoriser une expérience la plus harmonieuse possible avec les espaces naturels. Certaines zones peuvent ainsi être placées en vigilance renforcée, quand elles ne sont pas tout simplement interdites à la visite. Même son de cloche au parc des Landes de Gascogne22, où la fréquentation a doublé pendant la pandémie. La direction reste alerte ; si elle entend « aller à la rencontre des attentes des clientèles d’aujourd’hui et de demain », décision a déjà été prise de cesser de communiquer sur ses espaces les plus prisés. C’est tout particulièrement le cas de l’attraction phare du parc, le site labellisé “rivière sauvage” de La Leyre. Par ailleurs, tourisme et biodiversité ne sont pas nécessairement antagonistes ; c’est justement l’essence de l’éco-tourisme que de fusionner les deux. Prônée par les parcs, cette forme de tourisme est fondée sur “l’observation de la nature et l’éducation du public, en lien avec les spécificités de chaque territoire et le patrimoine culturel”. Le Birdwatching en est une pratique probante, à travers laquelle amateurs et professionnels s’adonnent à l’observation respectueuse des oiseaux. En France, les parcs seraient d’ailleurs “à la pointe” de l’accompagnement des acteurs dans le cadre de la mise en œuvre de la Charte européenne du tourisme durable.23
Oui, les parcs naturels peuvent concilier tourisme et biodiversité, à condition de s’en donner les moyens. À bien des égards, cette problématique restera à l’avenir un des enjeux primordiaux pour la gestion de la biodiversité en leur sein. En atteste, s’agissant des PNR, la nouvelle stratégie pour le tourisme – “Destination Parcs” – déployée par la Fédération des parcs naturels régionaux de France qui entend bien développer le secteur avec une offre « spécifique aux parcs »24 ; En 2021, 15 d’entre eux font partie de l’initiative.25
Pour autant, imputer au tourisme la responsabilité principale des nuisances de l’activité humaine sur la biodiversité des parcs serait une erreur. De fait, l’empreinte du secteur est à relativiser en comparaison avec d’autres activités humaines. Dans une enquête réalisée auprès des directeurs de Parcs naturels régionaux, le secteur arrive troisième au rang des plus concernés par la question de la biodiversité (45% de réponse positive), loin derrière l’agriculture/agroalimentaire (85%) et la filière bois/sylviculture dans une moindre mesure (50%).26
Somme toute, s’il peut être un poids, le tourisme peut être dans une certaine mesure un levier à disposition des parcs dans leur mission de protection de la biodiversité. Au-delà d’un apport économique utile, le secteur offre la possibilité de mettre en scène la mission des parcs et par extension justifier leur existence. C’est bien ce que ces derniers font en encadrant les pratiques du public autour des impératifs de la biodiversité, en le sensibilisant à sa richesse, en le rappelant à son indispensabilité pour l’Homme. Ici aussi, par rayonnement, les parcs naturels français apportent une réponse au phénomène d’érosion par delà leurs frontières.
1 Contributions collectives – Chercheurs ENS Lyon. (2020, décembre). Parc national en France / parc naturel régional (PNR) — Géoconfluences. Géoconfluences.ENS-Lyon.fr. Consulté le 18 mars 2022,
2 Idem.
3 Idem.
4 Entretien avec Gilles Martin.
5 Ibid. Géoconfluences.
6 Parcs naturels régionaux de France. (2018). Questions – Réponses sur les Parcs naturels régionaux. Argumentaire.
7 Ibid. Géoconfluences.
8 Idem.
9 Parcs Nationaux. (s. d.). L’organisation du territoire d’un parc national français | Portail des parcs nationaux de France. parcsnationaux.fr. Consulté le 15 mars 2022.
10 Ibid. Géoconfluences.
11 Parcs naturels régionaux de France. (2007, août). Les parcs naturels régionaux : 40 ans d’histoire. . .
12 Ibid. Géoconfluences.
13 Patrick Janin, “De la charte des parcs naturels régionaux en particulier et des chartes territoriales en général” in Revue juridique de l’Environnement, 2010-4, p. 591-603.
14 Ibid. Géoconfluences.
15 Ibid. Géoconfluences.
16 Ibid. Argumentaire PNR.
17 Aurélie Tournier, “Les tribulations du droit des chartes : regard d’une juriste des parcs”, Revue juridique de l’environnement, année 2006, HS, p. 65-74.
18 Patrick Janin, “De la charte des parcs naturels régionaux en particulier et des chartes territoriales en général” in Revue juridique de l’Environnement, 2010-4, p. 591-603.
19 Ministère de la Transition Écologique. (2021, 30 juin). Les parcs nationaux de France – Chiffre clés – Edition 2021 (Partie 3). statistiques.developpement-durable.gouv.fr. Consulté le 15 mars 2022.
20 Barroux, R. (2021, 21 janvier). Les 56 parcs naturels régionaux français à la recherche d’un juste équilibre. Le Monde.fr. Consulté le 15 mars 2022.
21 Idem.
22 Idem.
23 CDC Biodiversité. (2015, novembre). Biodiv’2050 – Mission économie de la biodiversité (No 8). Groupe Caisse des dépôts.
24 Ibid. Barroux, R.
25Destination Parcs : la plateforme d’offres touristiques des Parcs Naturels Régionaux. (2022, 17 mars). Hospitality ON. Consulté le 15 mars 2022.
Contributions collectives – Chercheurs ENS Lyon. (2020, décembre). Parc national en France / parc naturel régional (PNR) — Géoconfluences. Géoconfluences.ENS-Lyon.fr. Consulté le 18 mars 2022, à l’adresse :
Destination Parcs : la plateforme d’offres touristiques des Parcs Naturels Régionaux. (2022, 17 mars). Hospitality ON. Consulté le 15 mars 2022, à l’adresse :
Ministère de la Transition Écologique. (2021, 30 juin). Les parcs nationaux de France – Chiffre clés – Edition 2021 (Partie 3). statistiques.developpement-durable.gouv.fr. Consulté le 15 mars 2022, à l’adresse
Aurélie Tournier, “Les tribulations du droit des chartes : regard d’une juriste des parcs”, Revue juridique de l’environnement, année 2006, HS, p. 65-74.
2021 aura été à la fois l’année de notre plus grande victoire, la condamnation de l’État pour inaction climatique, mais aussi l’année qui nous aura montré à quel point la route est longue avant qu’une véritable prise de conscience collective ne soit suivie d’effets suffisants pour atteindre les objectifs des Accords de Paris et répondre aux alertes du GIEC.
Samedi 18 juin à l’école du breuil, 75012 Paris
Vous êtes invités à participé à l’Assemblée Générale de Notre Affaire À Tous. Rendez-vous samedi 18 juin à l’École du Breuil, école d’horticulture de la ville de Paris, 50 route de la Pyramide, 75012 Paris, pour revenir sur nos actions 2021, et échanger sur notre actualités et nos futurs projets.
Pour participer, c’est simple :
Être à jour de cotisation : L’Assemblée Générale est ouverte à l’ensemble des adhérent·e·s ayant adhéré ou ré-adhéré avant le 15 juin.
Remplir le formulaire : Nous avons besoin que vous remplissiez le formulaire pour pouvoir organiser l’assemblée générale dans les meilleures conditions. Vous recevrez par la suite toutes les informations utiles par mail sur le déroulement de l’AG.
Réalisé par Marie-Esther Duron, Willy-Boris Gence, Indra Garnier Master D3P1 “Risques, Sciences, Environnement et Santé”
En partenariat avec l’Association Notre Affaire à Tous
Remerciement : Nous tenons à remercier les chercheur-euses et bénévoles qui ont accepté de répondre à toutes nos questions et qui ont aidé à la réalisation de l’article.
S’inspirant de la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC), la Convention des Entreprises pour le Climat (CEC) a pour objectif d’établir des propositions en faveur du climat pouvant être mises en œuvre non pas par des citoyens mais au sein des entreprises. Ce projet a pour ambition notamment de réduire de 55% les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 avec un impératif de protection de la biodiversité et de régénération du vivant. Ce pourcentage s’aligne ainsi sur l’effort européen de réduction des émissions de gaz à effet de serre voté en 2021 par les Eurodéputés et les Etats de l’Union.
Lancée le 9 septembre 2021, la CEC est organisée en 6 sessions de 2 jours réparties sur 11 mois dont la fin est programmée le 1er juillet 2022. La CEC réunit plus de 150 dirigeant.e.s avec leur “planet champion”, souvent des responsables RSE, mais aussi des expert-es indépendant-es, un comité garant de la mission, des facilitateurs et facilitatrices et des participant-es du monde étudiant.1
I – Origine et objectifs de la CEC
Suite aux propositions énoncées par la Convention citoyenne pour le climat, les entreprises ont été invitées à agir pour la protection de l’environnement : la transition ne se fera pas sans l’implication active du monde économique. Cependant, le cadre législatif n’est pas, selon de nombreux-ses chef-fes d’entreprise, assez contraignant pour entamer une réelle transition : s’engager en faveur du climat est plus coûteux que l’inaction climatique à court terme, ce qui met en danger la survie des structures engagées. Dans ce cadre, la Convention des Entreprises pour le Climat a été imaginée notamment par Eric Duverger2 pour résoudre la dissonance entre urgence écologique et priorités économiques. Deux objectifs se cumulent :
au niveau microéconomique : permettre à chaque entreprise participante de repartir avec sa propre feuille de route à l’horizon 2030, spécifique à son activité et en adéquation avec les objectifs environnementaux, qui lui permettra de faire évoluer son business model.
au niveau macroéconomique : co-construire le cadre réglementaire et les normes applicables aux entreprises avec l’appareil politique et législatif
La Convention des Entreprises pour le Climat pourrait sembler être le miroir économique de la Convention Citoyenne pour le Climat, pourtant elles sont relativement différentes. Contrairement à la Convention Citoyenne, l’objectif premier de la CEC n’est pas de faire des propositions concrètes de lois mais de fournir au législateur des axes de réflexion pour accompagner le monde économique vers la transition écologique. En outre, les entreprises participant à la CEC ont postulé au dispositif, le système de tirage au sort de la convention citoyenne étant considéré comme inadapté pour obtenir un échantillon représentatif de la diversité des entreprises françaises. Elles ont été sélectionnées sur des critères de taille, de territoire et d’intérêt pour les enjeux climatiques afin de s’assurer que les dirigeant-es jouent le jeu jusqu’au bout.3
II – Quel est le bilan de la CEC à mi-parcours ?
À ce jour, 4 sessions sur 6 prévues ont eu lieu, dans lesquelles les dirigeant-es ont pu prendre conscience de l’urgence climatique et du dépassement des limites planétaires, puis travailler sur leur modèle économique dans le but de l’adapter aux enjeux écologiques de demain. A l’échelle collective, des propositions commencent également à émerger afin de donner aux pouvoirs publics une trajectoire souhaitable pour rendre le tissu économique plus résilient.
Le 19 janvier 2022, à mi-parcours du dispositif, trois chef-fes d’entreprises ont présenté les premiers résultats devant la Commission du Développement Durable de l’Assemblée Nationale4. Trois grands axes ont alors été discutés :
la formation : après avoir participé aux conférences et ateliers pédagogiques proposés par la CEC, les dirigeant-es impliqué-es estiment que les entreprises sont trop peu formées aux enjeux de la transition écologique. Ainsi, iels espèrent qu’un tel programme de formation de 20h minimum aidant à établir le bilan carbone de la structure et une feuille de route à 2030 puisse être généralisé à toutes les entreprises : l’enjeu des pouvoirs publics est de créer un label définissant ce qui atteste une formation suffisante sur ces sujets, ainsi qu’une aide financière pouvant passer par un crédit pour la réaliser. En ce qui concerne la formation professionnelle, au vu du manque d’offre à ce sujet, l’idée d’un MBA vert a été proposée sur le modèle de la CEC, dans un cadre apolitique.
les indicateurs et la mesure d’impact : au-delà du bilan carbone qui semble nécessaire, les entreprises demandent aux pouvoirs publics de mettre en place un cadre clair pour comptabiliser l’impact de leurs activités sur la biodiversité notamment. Les dirigeant-es proposent par ailleurs de mettre en place une forme d’index qui en fonction de la taille de l’ent permettrait de mesurer la capacité de l’entreprise à progresser (index égalité homme-femme par exemple…).
la transition des métiers : pour la CEC, l’accompagnement public à la reconversion est insuffisant. Plusieurs propositions ont donc émergé : un plan Marshall Vert qui permettrait de rediriger l’emploi et l’économie vers les métiers de la transition ou encore des primes à l’innovation verte pour orienter les investissements des entreprises.5
Pour les participant-es à la CEC, il est inévitable de passer par une refonte du cadre réglementaire car les chef-fes d’entreprise n’ont ni le temps, ni les moyens d’établir un autre cadre, plus durable. Ainsi, il faut coupler coercition et incitation, voire même intégrer des mécanismes d’intracting : un dispositif qui permet de mener des réformes énergétiques grâce à un prêt, remboursé par les économies réalisées.
Ces propositions ont été bien accueillies par la Commission du Développement Durable qui propose davantage de dialogue avec la CEC.
III – L’analyse critique de la CEC
Malgré la bonne presse de la Convention des entreprises pour le climat, nous observons plusieurs limites. Tout d’abord, la CEC se vante de représenter « la diversité, la richesse et les défis de l’économie française. » Pourtant les entreprises basées à La Réunion, en Martinique, en Guadeloupe et en Guyane manquent à l’appel.6 Également, dans l’ensemble de nos entretiens avec les bénévoles internes, nous avons eu le sentiment que beaucoup d’entre eux se sont engagés afin d’étendre leur réseau professionnel. En effet, la majorité des bénévoles sont aussi des consultants indépendants. De plus, l’impact de la Convention est avant tout en termes d’image : malgré la volonté sincère de la majorité des entrepreneurs et entrepreneuses de changer leur business model pour l’adoption d’une trajectoire plus éco-responsable, ils ne sont contraints par aucune obligation, ni aucun contrôle. À cet effet, le risque de greenwashing est une réalité.7
Toutefois, depuis la fondation de l’association, on peut souligner plusieurs points positifs. Premièrement, on remarque une forte décentralisation des sessions de formation qui ont eu et vont avoir lieu dans plusieurs métropoles à savoir Paris, Lille, Nantes, mais également à Marseille et à Lyon. Dans un second temps, le profil des entreprises sélectionnées est assez hétérogène. Les multiples entreprises ont toutes leur singularité, mais également des points communs qui leur permettent d’échanger et de s’enrichir mutuellement. Dans le même temps, plusieurs représentants ont le sentiment que la Convention est réellement bénéfique pour leur structure économique et pour l’environnement. Par exemple, Matthieu Brunet, PDG de l’entreprise Arcadie, pense la Convention comme une véritable impulsion qui va les aider à changer concrètement de
modèle économique8. Aussi, on constate que depuis la première session, un engouement des entrepreneurs pour la cause environnementale s’est concrétisé. En effet, plusieurs professionnels du monde entrepreneurial s’approprient le rôle “d’ambassadeur” pour l’environnement. Enfin, la Convention des entreprises pour le climat a obtenu une reconnaissance des institutions avec notamment une audition par la Commission du développement durable de l’Assemblée Nationale du 19 janvier 2022 mais a aussi retenu une attention particulière de la Ministre de la Transition Écologique Barbara Pompili lors de la Convention des entreprises pour le climat à Nantes le 3 décembre 2021.9
Conclusion
L’initiative de la Convention des entreprises pour le climat est par conséquent une preuve de la volonté d’une partie de la sphère économique de faire bouger les lignes. Même si l’argument de l’image est souvent avancé et que la CEC peut être un terrain propice au greenwashing, le dialogue instauré avec le législateur incite à créer un cadre réglementaire réellement contraignant. Un bilan sera à tirer en juillet, date de fin de la CEC, mais il est d’ores et déjà clair qu’un tel dispositif a vocation à se pérenniser, peut être avec la mise en place d’un évènement annuel qui regrouperait toutes les entreprises françaises et même européennes en vue de leur donner les moyens d’effectuer leur transition.10
1Convention des Entreprises pour le Climat. (2022, 18 mars). Accueil : https://cec-impact.org
2 Eric Duverger a exercé des missions diversifiées dans le domaine du marketing, de la stratégie et des finances chez Michelin à Clermont-Ferrand mais aussi aux Etats-Unis ou au Mexique. Aujourd’hui, il se consacre à la CEC
3 Frédéric Brenon. (2022, 9 mars). Après la Convention citoyenne pour le climat, les entreprises lancent leur Grand défi. 20
4Commission du développement durable : représentants de la Convention des entreprises pour le climat (CEC). (2022, 19 janvier). videos.assemblee-nationale.fr.de-la-convention-des-entreprises-pour-le-climat–19-janvier-2022
5 Entretien d’un.e intervenant.e sur la CEC
6 Entretien d’un.e bénévole impliqué.e dans la CEC
9 Entretien d’un.e universitaire invité.e sur la CEC
10LE « GRAND DÉFI » DES ENTREPRISES POUR LA PLANÈTE, UNE INITIATIVE « TREMPLIN » POUR ACCÉLÉRER LA TRANSFORMATION DURABLE. (2022, 21 février). Novethic.598.html
Bibliographie
● Sites internet
Convention des Entreprises pour le Climat. (2022, 18 mars). Accueil : https://cec-impact.org
● Articles en ligne
Frédéric Brenon. (2022, 9 mars). Après la Convention citoyenne pour le climat, les entreprises lancent leur Grand défi. 20
Jaworski, V. (2021). De nouvelles infractions de mise en danger de l’environnement pour un changement de paradigme juridique. Revue juridique de l’environnement, 46, 475-497. https://doi.org/
Gelin, Y. (2021, 21 octobre). Convention des Entreprises pour le Climat, de quoi s’agit-il ? EWAG Média positif – EWAG.fr est un portail sur l’actualité des entreprises en Martinique, Guadeloupe, Guyane et à La Réunion. Commerces, services, réseaux. . . tout l’actualité positive des Outre-Mer est sur EWAG.fr.https://www.ewag.fr/2021/10/convention-entreprises-climat/
MARIN, L. M. (2021, 26 novembre). ouest-france.fr. Nantes. Barbara Pompili à la Convention des entreprises pour le climat, le 3 décembre.
Commission du développement durable : représentants de la Convention des entreprises pour le climat (CEC). (2022, 19 janvier). videos.assemblee-nationale.fr. https://videos.assemblee-nationale.fr/video.11761507_61e7c99fe35c0.commission-du-devel oppement-durable–representants-de-la-convention-des-entreprises-pour-le-climat–19-janvie r-2022
Paris, 30 mai 2022. A l’occasion des élections législatives, Notre Affaire à Tous se mobilise, aux côtés de collectifs locaux de citoyens et d’associations . Ensemble, ils interpellent les candidat·es sur de nombreux projets locaux inutiles, imposés et polluants contraires à l’atteinte des objectifs de transition écologique nationale. Ils proposent également un nombre de ressources et d’outils, à destination des citoyens, des journalistes, des partenaires associatifs et des candidates et candidats aux législatives, mettant en lumière l’ampleur des chantiers écologiques auxquels les futur·e·s député·e·s français·e·s seront confronté·e·s.
Dans un contexte où l’urgence d’agir, pour maintenir un réchauffement planétaire bien en dessous des 2°C et pour arrêter l’effondrement massif du Vivant, n’est plus à démontrer, et où la prochaine Assemblée Nationale aura un rôle majeur à jouer pour sortir la France de l’illégalité climatique, Notre Affaire à Tous se mobilise pour interpeller les candidat·es à l’élection législative.
Aux côtés de collectifs de citoyen·ne·s en lutte contre des projets locaux climaticides, et persuadé.es que le droit est un levier majeur, à la fois pour accompagner la transition écologique, mais également face à l’inaction des principaux responsables, Notre Affaire à Tous publie aujourd’hui une série d’outils de mise en perspective des enjeux écologiques, locaux et nationaux, du prochain quinquennat, décryptés au travers du prisme du droit et de la justice climatique.
Tandis que partout dans le monde les contentieux climatiques contre des Etats et des multinationales se multiplient, que de nouveaux droits sont conférés à des entités naturelles pour mieux les protéger et que les objectifs et moyens de planification écologique inscrits progressivement dans la loi sont de plus en plus analysés dans la presse, ces ressources ont été pensées pour s’adresser aussi bien aux citoyens, journalistes, partenaires associatifs qu’aux candidates et candidats aux législatives, soucieux·euse·s de s’informer sur ces enjeux déterminants :
Comprendre les principaux chantiers écologiques des futur·e·s député·e·s et comment le droit peut être un outil efficace pour agir rapidement.
Découvrir les luttes menées par des collectifs locaux contre des projets qui, partout sur le territoire français, mettent en péril la transition climatique nationale, mais soulèvent également de nombreux problèmes sanitaires, sociaux, économiques ou encore démocratiques, dénoncés par les citoyen·ne·s.
Savoir comment les député·e·s peuvent agir en faveur de ces luttes locales en légiférant sur des enjeux d’ampleur nationale et européenne, et quelles sont les fonctions et le rôle d’un·e député·e en général.
S’informer et se représenter l’ampleur du détricotage du droit de l’environnement opéré par l’Etat ces dernières années, avec un focus sur la loi Climat et résilience.
Réalisé par Mélissa Bernard, Solange Coupé, Elora François, Marie Grandjean et Gabriel Theil du Master D3P1 « Transition Ecologique, Risques et Santé, à SciencesPo Toulouse
En partenariat avec l’association Notre Affaire à Tous
Remerciements :
Nous tenons à remercier les personnes qui ont bien voulu accorder du temps à cette étude et à participer aux entretiens
Dans le cadre de la Clinique de Sciences Po Toulouse, les étudiant.e.s du Master D3P1 « Transition Ecologique, Risques et Santé » ont pu approfondir des sujets forts à Notre Affaire A Tous concernant le dérèglement climatique. Ici, la lutte contre l’artificialisation des sols touche sensiblement le territoire toulousain et son aire d’attraction. Cet article fait part des recherches effectuées pour l’étude de terrain et des interviews réalisées auprès des acteurs de terrain par les étudiant.e.s.
La lutte contre l’artificialisation des sols représente un enjeu fort en matière de lutte climatique et environnementale, à tel point que la loi Climat et Résilience s’est emparée de la question via notamment l’objectif de Zéro Artificialisation Nette. Pour comprendre les différents enjeux et problèmes liés à l’artificialisation des sols, nous avons mené une enquête de terrain sur l’aire d’attraction de la métropole toulousaine afin de dresser une cartographie des différents acteurs et actrices concerné.e.s par les enjeux de lutte contre l’artificialisation.
Notre terrain comprend l’ensemble de l’aire d’attraction de la métropole toulousaine, afin de prendre davantage en compte la répartition différenciée des efforts de diminution d’artificialisation des sols, et ainsi mettre en lumière les interactions entre métropole et territoires à proximité.
Récemment, le rapporteur public a obtenu l’annulation pure et simple du PLUi-H de Toulouse Métropole pour une mauvaise appréciation de la consommation des espaces artificialisés sur les dix années précédentes. En effet, la loi Climat et Résilience à pour objectif à l’horizon 2031, pour chaque commune, la réduction de de moitié la consommation d’espaces par rapport à la consommation des années précédentes. Ainsi, en gonflant l’estimation des terrains artificialisés, Toulouse Métropole pouvait diminuer ses efforts de réduction de consommation des sols prévus à l’horizon 2030. Plus l’artificialisation était importante sur les dix dernières années, plus la marge de manœuvre pour respecter l’objectif de 2030 sera importante pour les communes, d’où la tentative de gonfler les chiffres de l’artificialisation des sols par la métropole de Toulouse.
Notre étude vise à établir un état des lieux et une cartographie des acteurs ayant un impact quant à l’artificialisation des sols de l’aire d’attraction de la métropole de Toulouse. Nous nous sommes intéréssé.e.s à la manière dont l’objectif Zéro Artificialisation Nette est appréhendé par différent.e.s acteur.rice.s, quelles étaient les difficultés auxquels iels sont confronté.e.s au quotidien et leurs biais cognitifs expliquant des situations de conflits entre volonté de développer et volonté de ne pas artificialiser.
L’artificialisation des sols : une définition non consensuelle
Chaque année en France, entre 24.000 et 30.000 hectares de terres agricoles et naturelles sont artificialisées1. Il n’y a pas de définition scientifique internationale de l’artificialisation des sols. Ce manque de définition scientifique explique que l’artificialisation puisse être comprise différemment en fonction des acteurs concernés. L’artificialisation des sols, selon le gouvernement, consiste à « transformer un sol naturel, agricole ou forestier, par des opérations d’aménagement pouvant entraîner une imperméabilisation partielle ou totale« .
La loi Climat et Résilience parue en 2021 précise cette définition dans son article L101-2-1 énonçant que l’artificialisation est “l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage”2.
Lutter contre l’artificialisation des sols est un enjeu primordial pour la transition écologique au vu de ses nombreux impacts sur l’environnement. En effet, elle entraîne une perte de biodiversité, une amplification des risques d’inondation dûe à l’imperméabilisation des sols, une baisse de rendements productifs des terres agricoles, un accroissement des dépenses énergétiques liées au réseau, une amplification de la fracture territoriale avec l’étalement urbain et la construction en périphérie qui relègue une partie des habitants à l’écart des centres-villes, et enfin, elle constitue l’une des premières causes des changements climatiques car un sol artificialisé n’absorbe plus le dioxyde de carbone (CO₂)3.
Les processus d’artificialisation peuvent être “légers”, tels que la création de jardins, d’espaces verts ou de friches intra-urbaines, et donc modifient peu les caractéristiques physico-chimiques des sols en comparaison avec les sols d’espaces naturels. Mais ils peuvent également être “lourds” et aller jusqu’à imperméabiliser totalement les sols ce qui entraîne des conséquences sévères, comme la fragmentation des écosystèmes.
De plus, pour pouvoir apprécier le processus d’artificialisation, il serait pertinent de connaître la nature des perturbations apportées au sol (déboisement, pose d’un revêtement temporaire, minéralisation…), le type géographique d’espace concerné (urbain dense, périurbain, rural), le type d’activité développée sur les terres artificialisées (activités commerciales, industrielles, logements, espaces verts…) et enfin leur degré de réversibilité4.
L’objectif ZAN en 2050, fixé dans le cadre du Plan National Biodiversité de 2018 a été confirmé par l’adoption de la loi Climat et Résilience à l’Assemblée Nationale le 24 août 20215. Comme il est précisé sur le site de France Stratégie, il est urgent de freiner l’artificialisation (près de 31.000 hectares d’espaces naturels et agricoles perdus en 20196) et l’objectif ZAN est l’outil qui permettrait d’y faire face. L’objectif ambitionne de diviser par deux le rythme d’artificialisation des sols par rapport à la consommation d’espaces observée depuis 2011, d’ici 2031 et d’arriver à zéro artificialisation nette des sols en 2050.
L’objectif Zéro Artificialisation Nette (ZAN)
Les principales avancées rendues possibles par la mise en place de cet objectif sont doubles:
un objectif contraignant, ce qui n’était pas le cas du Plan National Biodiversité. Désormais les régions sont contraintes à décliner leur plan d’action de lutte contre l’artificialisation.
la possibilité démontrer plus facilement les irrégularités au yeux du législateur grâce au développement d’outils de mesure (perfectibles) de l’artificialisation comme peut l’être la carte du Portail national de l’artificialisation des sols en France développée par le CEREMA7.
Les projets de décret publiés en mars 2022 ont précisé le contenu minimal du rapport que doivent établir les collectivités territoriales. Ce rapport devra présenter le rythme de l’artificialisation et de consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF)8. De plus, le décret apporte des précisions sur l’observatoire national de l’artificialisation des sols mis en place par l’État. Ces précisions devront permettre de mieux prendre en compte et qualifier les types d’artificialisation.
Une notion importante que nous aimerions préciser ici est la séquence ERC (Éviter, Réduire, Compenser) qui s’applique aux projets, plans et programmes soumis à évaluation environnementale. Les collectivités territoriales se basent notamment sur cette séquence pour réaliser leur PLUiH. Cette séquence est relevée comme intéressante par certains de nos interlocuteurs.trices même si en pratique la compensation est parfois utilisée avant même de tenter d’Éviter et de Réduire, contrairement à ce qui est préconisé.
Les faiblesses relevées lors de nos entretiens; la loi manquerait de définitions, par exemple, elle ne définit pas ce qu’est une friche, ni ce qu’est une zone de pleine terre. Or, une note de l’Institut Paris Région consacrée à cette notion démontre qu’en l’absence de définition partagée, on trouve une hétérogénéité des solutions retenues ainsi qu’une appréhension du phénomène imparfaite9. Dans cette même loi, la distinction entre les différents types d’artificialisation et leur importance n’est pas non plus établie. Or, en fonction de la façon dont le sol est artificialisé, les conséquences ne sont pas les mêmes.
En effet, la Fabrique Ecologique distingue 4 sols artificialisés10 :
Sol transformé : Jardins, terrains d’agriculture urbaine sur sols reconstitués,
Sol reconstruit ou reconstitué : Abords végétalisés d’installations industrielles ou de voiries, carrières réhabilitées,
Sol ouvert : Friches urbaines ou industrielles, remblais ferroviaires, carrières abandonnées,
Sol scellé et/ou imperméabilisé : Surface bâties, voiries, trottoirs…
Les impacts de l’artificialisation sont plus faibles pour les sols transformés et augmentent jusqu’à être très importants pour les sols scellés ou imperméabilisés. C’est pourquoi l’objectif ZAN mériterait de prendre en compte ces différences d’impact.
La cartographie des acteurs
Le schéma ci-dessus synthétise les positionnements des 7 acteur.rice.s interrogé.e.s concernant la loi Climat et Résilience et son objectif ZAN. Nous les avons regroupés en 5 catégories : associatifs (FNE), collectifs de citoyen.ne.s (Le Bocage Autrement et Gamasse Rébeillou), agricoles (la Chambre d’Agriculture du Tarn, et la Confédération Paysanne Haute-Garonne), institutionnels (CEREMA) et territoriaux avec la commune de Saint Sulpice La Pointe.
L’ensemble de nos enquêté.e.s reconnaissent une certaine avancée avec la promulgation de l’objectif ZAN dans la loi Climat et Résilience. Cependant l’objectif leur semble encore flou et difficile à cerner, et il faudra attendre les différents décrets d’application pour avoir une meilleure appréhension des avancées. Malgré cela, nombre d’’entre elleux dénoncent certaines facettes de l’objectif, comme le risque de sur-utilisation du principe de compensation ou l’accord de dérogations pour les surfaces commerciales. Certain.e.s craignent également des contraintes supplémentaires pour les zones rurales
En prenant de la hauteur, on se rend compte que l’artificialisation des sols met en exergue des conflits d’acteurs relevant d’une priorisation différente des enjeux. Les impératifs économiques spécifiques à certain.e.s acteur.rices sont nécessaires à prendre en compte, car ils se répercutent en influençant les biais cognitifs des individus.
Chaque acteur.rice représente plus ou moins consciemment ses propres intérêts. Les collectivités ont une approche particulièrement technique. Elles sont soumises à de nombreuses contraintes, notamment économiques, accentuées par les opérations de décentralisation et de déconcentration. Elles ont de moins en moins de moyens pour répondre aux enjeux environnementaux et sociaux et de plus en plus de dépenses. Ainsi, les projets d’aménagement permettent de répondre à ces besoins financiers (par l’apport de nouvelles taxes), et de rendre le territoire plus attractif. Les agricult.eur.rice.s elleux sont soumis.e.s à des impératifs économiques forts, dans un marché concurrentiel qui favorise les grosses productions
Ainsi, le modèle relationnel des collectivités et des agents économiques à la nature est principalement détaché, elle est perçue comme peu importante face aux projets urbains, voire comme une contrainte pour le développement économique. Face à cela, avec les collectifs et certaines associations comme FNE, qui ne sont pas diamétralement opposées au développement territorial, mais à la façon dont celui-ci est réalisé, on est davantage dans une relation tutélaire où la nature nécessite une protection bienveillante, entraînant des règles et des normes permettant la délimitation d’espaces spécifiques.
Le fait que les nouveaux projets d’aménagement soient de plus en plus contestés (Projet Terra2, PLUi-H de la métropole toulousaine, mais aussi les recours contre les entrepôts Amazon etc.)11 illustre en réalité des différences de paradigmes entre les collectivités territoriales, les acteurs économiques, et les acteurs citoyens et associatifs. Pour atteindre le compromis sociétal, il faut comprendre quelles sont les visions des différents acteurs, ainsi que les freins empêchant d’arriver au compromis. C’est notamment le rôle de la concertation publique, afin d’accroître l’acceptabilité sociale des projets; mais nos différents entretiens montrent que cet objectif n’est pas toujours atteint.
Tout d’abord, une différence d’appréhension des enjeux économiques est en jeu. Les collectivités territoriales en ont une approche particulièrement technique. Elles sont soumises à de nombreuses contraintes, notamment économiques, accentuées par les opérations de décentralisation et de déconcentration. Les collectivités ont de moins en moins de moyens pour répondre aux enjeux environnementaux et sociaux et de plus en plus de dépenses. Ainsi, les projets d’aménagement permettent de répondre à ces besoins financiers (par l’apport de nouvelles taxes), et de rendre le territoire plus attractif. De plus, les communes doivent répondre à certains besoins qui se heurtent à l’objectif ZAN; notamment fournir assez de logement aux populations toujours plus nombreuses qui arrivent dans l’aire d’attraction toulousaine.
Les agricult.eur.trice.s sont également soumis.e.s à des impératifs économiques forts, dans un marché concurrentiel qui favorise les grosses productions. Rappelons que le terme d’artificialisation tel qu’il a été consacré dans la loi renvoie principalement à l’altération des sols pour des fonctions urbaines ou de transport. Or, la question de l’altération des terres agricoles peut aussi être compromise par l’utilisation de certains produits pesticides, ou par l’utilisation des terrains pour y installer des panneaux photovoltaïques. Dans tous les cas, on voit s’opposer des modèles relationnels à la nature différents. Ainsi, le modèle relationnel des collectivités et des agents économiques à la nature est principalement détaché, où elle est perçue comme peu importante face aux projets urbains, voire comme une contrainte
pour le développement économique, même si ces enjeux sont de plus en plus pris en compte du fait de l’évolution des mentalités.
Face à cela, nous avons des collectifs et associations comme FNE, qui ne sont pas diamétralement opposés au développement territorial, mais à la façon dont celui-ci est réalisé. On est davantage dans une relation tutélaire où la nature nécessite une protection bienveillante, entraînant des règles et des normes permettant la délimitation d’espaces spécifiques.
Ainsi, l’artificialisation des sols est de fait l’une des conséquences de nombreux choix faits aux niveaux globaux et locaux, chaque acteur.rice a ses propres biais cognitifs. Si l’on veut pouvoir penser une transition réellement efficiente, il est nécessaire de comprendre ces biais et donc d’écouter les différents acteurs. Or, la question de l’artificialisation des sols est aussi révélatrice d’un certain échec de la démocratie territorialisée, qui semble nécessaire pour co construire des territoires résilients. Dans les collectifs, on a retrouvé cette volonté de participer aux différentes enquêtes publiques afin de faire entendre leurs voix et de proposer des alternatives. Cependant, ce n’est déjà pas possible pour tous les individus de se saisir des outils parfois très complexes mis en place lors de la consultation, d’autant plus que ces avis ne disposent d’aucun pouvoir contraignant. On retrouve alors une certaine défiance envers les collectivités territoriales, qui mettent en place des projets déconnectés de certaines aspirations, sans réellement prendre en compte les opinions de leurs propres contribuables.
La nécessité de nouveaux paradigmes de développement territorial
Si la lutte contre l’artificialisation des sols vise à protéger les terres agricoles, la biodiversité, les paysages, elle ne répond pas intrinsèquement aux impératifs de logement soulevés par l’accroissement démographique des décennies à venir et par le regain d’attractivité des zones périurbaines et rurales.
Pour faire en sorte que la zéro artificialisation nette ne se charge pas d’externalités négatives et pour répondre aux besoins en logement, il est nécessaire d’abord de densifier le bâti. Si, pendant longtemps, les urbanistes et architectes ont cherché à éviter la densification du bâti, c’est aujourd’hui un thème qui est l’objet d’un regain d’intérêt politique, et qui semble être indissociable des objectifs de « durabilité » des ville12], notamment dans la mesure où la densification est la principale marge de manœuvre que laisse l’objectif de zéro artificialisation nette. Cet attrait pour la densité s’explique facilement : en plus de permettre la sobriété de la consommation foncière, c’est un outil privilégié pour limiter l’utilisation de la voiture en ville. Construire en hauteur permet également de limiter la consommation énergétique des bâtiments, et de bousculer l’inertie de l’offre immobilière en centre ville. L’enjeu réside dans le juste milieu entre densité trop faible ou trop forte. Les maux d’une
densité trop élevée sont bien connus : l’urbain trop dense étouffe et amplifie, à raison, les désirs de quitter la ville et s’aérer loin chaque weekend, ce qui, en France, est souvent synonyme de recours à l’utilisation de l’automobile. Cette densité, pour rester attractive, se doit d’être mesurée. Le plus judicieux est de favoriser la densification des banlieues et des polarités périphériques13, qui sont encore relativement peu concernés par rapport aux centres urbains.
Ensuite, la densification concerne autant l’habitat individuel que collectif, il semble nécessaire de l’accompagner d’un changement dans la perception que revêt l’habitat collectif, qui est particulièrement économe en consommation foncière. En effet, les représentations psychosociales sont davantage favorables à l’habitat pavillonnaire, notamment dans son opposition à l’habitat collectif, qui éloignerait les individu.e.s de la nature et ne permettrait pas l’épanouissement personnel14. Or, des projets d’habitat collectif ambitieux sont pensés et réalisés : les représentations que l’on peut s’en faire les rattachent à des idées préconçues et donc faussées.
Enfin, peut-être faut-il également se pencher sur l’approche, uniquement quantitative, choisie par le législateur. Ainsi, Eric Charmes, dans la revue Etudes foncières, dénonce un débat public alarmiste qui « illustre en réalité un biais en défaveur du périurbain et de l’habitat individuel »15,. Eric Charmes propose de questionner l’artificialisation davantage à travers ses modalités : si on ne peut dénier que l’artificialisation progresse de plus en plus vite, il faudrait plus s’inquiéter de l’émiettement territorial induit par un processus d’étalement urbain relégué sans cesse plus loin16.
Car si cet émiettement a l’avantage de permettre de concrètement vivre entre ville et campagne, il renforce les effets sur le paysage, la biodiversité et l’agriculture en démultipliant les zones de contacts17.
2 Légifrance. (2021, août 24). LOI n° 2021–1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Consulté le 1 mars 2022, à l’adresse https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043956924
5 Fédération Nationale des SCoT. (2021). Objectif ZAN : Évaluez l’impact sur votre territoire. Objectif-ZAN. Consulté le 16 mars 2022, à l’adresse https://www.objectif-zan.com/#/
9 Étude citée dans F. Fortin (2021, 9 mars), Documents d’urbanisme : une étude souligne la nécessité d’une définition partagée de la « pleine terre », MCM Presse pour Localtis. Consulté le 20 mars 2022 à l’adresse
Par une décision du 21 mars 2022, le Conseil d’Etat a rejeté la requête portée par les Amis de la Terre France, Wild Legal, Notre Affaire À Tous, et Maiouri Nature Guyane. Les associations mettaient en avant les incidences du décret n° 2020-412 sur l’environnement, et la méconnaissance de plusieurs principes constitutionnels. Elles considèrent que cette décision permet aux préfets de déroger au droit de l’environnement avec le risque d’une motivation aléatoire voire inexistante.
Le décret du 8 avril 2020 relatif au droit de dérogation reconnu aux préfets leur permet de déroger à des normes arrêtées par l’administration dans plusieurs domaines, notamment l’environnement, la construction, le logement, l’urbanisme et l’aménagement du territoire. Ce décret avait fait l’objet d’une expérimentation en 2017, qui a par exemple permis l’installation d’une digue et d’un parc éolien en Vendée sans qu’une étude d’impact environnemental ne soit préalablement requise.
Selon le Conseil d’Etat, le décret attaqué ne porte pas d’incidence directe sur l’environnement et les conditions de dérogation sont encadrées.
Le Conseil d’Etat estime que le décret ne méconnaît pas l’objectif à valeur constitutionnelle de clarté et d’intelligibilité de la loi, alors que les associations soutenaient au contraire que les domaines juridiques concernés sont très larges, ce qui ne permet pas de délimiter précisément l’étendue du pouvoir de dérogation. Le Conseil d’Etat écarte également l’argument selon lequel le décret litigieux serait contraire au principe d’égalité, alors même que le décret va de toute évidence engendrer une disparité d’application du droit de l’environnement selon les territoires et les préfets concernés, comme l’avaient mis en avant les associations.
Le détricotage du droit de l’environnement : une tendance qui se confirme
Les associations requérantes estiment donc que cette décision entérine une fois de plus le processus de détricotage du droit de l’environnement qui se poursuit depuis une dizaine d’années. Ce processus se caractérise par une régression globale de la protection de l’environnement en ce qui concerne les projets industriels :
En réduisant le nombre de projets, plans, programmes soumis à évaluation environnementale,
En réduisant la prise en compte des impacts environnementaux réels pour faciliter l’implantation de projets,
En réduisant le nombre de projets qui doivent faire l’objet d’une enquête publique, et en créant une entorse à la procédure de participation du public,
Et désormais grâce à ce décret conforté par la décision du Conseil d’Etat, en donnant la possibilité aux préfets de déroger aux exigences normatives environnementales.
Cette dynamique a d’ailleurs été confortée le mois dernier, avec le rejet par le Conseil d’Etat par une décision du 3 mars 2022, de la requête portée par Notre Affaire À Tous sur le dispositif dérogatoire des 66 sites industriels “clés en main”,. Ce dispositif permet de réduire au maximum les contraintes pour les porteurs de projet industriel, en anticipant les procédures prévues par le droit de l’environnement et en prévoyant la possibilité pour l’Etat de les réaliser “à l’aveugle” à la place du porteur de projet, sans que cela ne soit prévu par le code de l’environnement ni le droit de l’Union européenne.
Pour Notre Affaire À Tous, ainsi que pour Wild Legal, “la reconstruction d’une politique industrielle française ne doit pas s’opérer au détriment de la protection de l’environnement, en faisant fi de la crise climatique‘’.
Un quinquennat nocif pour le climat et la biodiversité
Suite à la crise sanitaire, le gouvernement s’est engagé dans la relance de l’économie, quoi qu’il en coûte pour la préservation de notre environnement. Une politique désormais renforcée par la récente crise ukrainienne justifiant à ses yeux l’implantation de manière accélérée de projets de production d’énergie ou d’intrants critiques.
Le gouvernement détricote pour cela les mesures qui permettraient pourtant de trouver un équilibre entre l’opportunité de l’installation d’un projet d’une part, et la limitation de ses impacts sur les espaces naturels, la biodiversité, sur la santé humaine, ainsi que l’acceptation du projet par le public, d’autre part.
Notre Affaire À Tous, Les Amis de la Terre France, Wild Legal et Maiouri Nature Guyane appellent ainsi à cesser ce détricotage afin de mettre au centre la protection de l’environnement dans l’élaboration des projets industriels et de remettre en question ceux qui doivent l’être. Au vu de l’urgence climatique et des enjeux écologiques actuels, la protection de la nature n’est pas une contrainte, mais une obligation d’intérêt général visant à garantir la qualité des projets élaborés et le respect des objectifs environnementaux de la France.
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