Auteur/autrice : Notre Affaire à Tous

  • ENS RENNES

    Site de la clinique de l’association UbiDEM.

    • Déchets et responsabilité élargie du producteur : rôle et ambivalence de l’État – 2023/2024

    Les étudiant.e.s ont étudié la mise en œuvre des politiques publiques de prévention et de gestion des déchets et leur capacité de pallier les atteintes à l’environnement. Par ailleurs, si les politiques publiques en la matière se révèlent insuffisantes, il est intéressant d’identifier les diverses responsabilités pouvant être engagées dans le cadre de la mise en œuvre de la REP. Le projet clinique s’est donc focalisé sur le diagnostic des failles et des conflits d’intérêt liés aux filières REP, et étudier les possibilités contentieuses qui en découlent afin d’engager les réformes nécessaires. Un rapport final a permis de restituer ces réflexions.

  • UNIVERSITÉ PARIS NANTERRE

    Programme EUCLID.

    Site de la clinique EUCLID.

    • L’accès à l’eau potable dans les Outre-Mer – 2023/2024, 2024/2025

    Quel est l’état des lieux de l’accès à l’eau potable dans les Départements et Régions d’Outre-Mer ? Quelles sont les différents modes de gestion, et qu’est ce que cela implique en termes de responsabilité ? Cette clinique s’inscrit dans le cadre de la campagne de Soif de Justice, concentrée sur les discriminations environnementales et l’accès à l’eau potable dans les territoires dits d’Outre-Mer. Ce travail a abouti à un rapport dressant un état des lieux approfondi de la problématique dans les différents DROM, en collaboration étroite avec les acteurs locaux sur le terrain, et des pistes contentieuses pouvant être explorées sur la thématique. Les recherches de la clinique se sont également intéressées à l’échelle onusienne et aux violations du droit international des droits de l’Homme engendrées par cette grave discrimination environnementale.

    • Droit à un environnement sain – 2021/2022

    Quels sont les outils de plaidoyer en faveur de la reconnaissance du droit à un environnement sain ? L’objet de cette clinique est d’établir les éléments de définition de ce droit au regard du droit international, européen et national, ainsi que son articulation avec d’autres concepts mise en place pour assurer la protection de l’environnement. La clinique a permis de mettre en lumière différentes pistes de réflexion afin de prendre davantage en compte la communalité des questions relatives à l’environnement. Par ailleurs, il convient de mentionner que l’argument de l’équité intergénérationnelle est un pilier de ce droit tout comme l’édification de la protection de l’environnement comme l’intérêt général de la société. Un rapport final s’est concentré sur “Les inégalités d’accès aux ressources climatiques et les pistes contentieuses relatives aux droits fondamentaux en matière climatique”.

  • SCIENCES PO TOULOUSE

    Programme “Co-construire la justice climatique”.
    Site du Master “Transition écologique, risques, santé”.

    Quelles sont les capacités d’action en justice de la nature pour lutter efficacement contre le changement climatique ? Cette clinique a pour objet la co-construction de la justice climatique au travers de différentes thématiques, proposées chaque année aux étudiant.e.s du parcours D3P1. Il s’agit d’acquérir des connaissances théoriques mais surtout pratiques et professionnalisantes de plaidoyers juridiques et politiques. Les étudiant.e.s ont ainsi pu travailler sur les différents sujets investis par NAAT : l’Affaire du Siècle, les multinationales, les recours locaux, les droits de la nature, les inégalités climatiques, l’éducation-sensibilisation aux enjeux climatiques et environnementaux…

    Différents livrables y sont co-construits chaque année, comme : 

  • SCIENCES PO PARIS

    Clinique Justice Environnementale et Transition Écologique (JETE) ; Clinique Human Rights, Economic Development and Globalization (HEDG).

    Sites des programmes de clinique JETE et HEDG

    • PFAS et autres pollutions dans la Vallée de la chimie – 2019/2020, 2020/2021, 2021/2022, 2023/2024, 2024/2025

    Depuis 2019, ce partenariat porté par le groupe lyonnais de NAAT a permis de cadrer les bases juridiques et les réflexions contentieuses du travail de NAAT sur la Vallée de la chimie, une zone industrielle chimique du sud de Lyon. La première année, la clinique s’est concentrée sur l’exploration du mécanisme d’action de groupe et de l’outil du benchmark. Une étude des plans de vigilance et du non-respect du droit des ICPE de certaines entreprises de la Vallée de la chimie a été menée la seconde année. La troisième année, le groupe clinique a appuyé la construction d’un contentieux inédit lancé en mai 2022 : deux référés pénaux environnementaux contre les entreprises Arkema et Daikin pour leurs infractions à leurs obligations. Enfin, alors que le travail de NAAT Lyon s’est réorienté autour de la question des pollutions “éternelles” aux PFAS, la quatrième année du partenariat s’est intéressée à la question de la réglementation de ces molécules nocives en France et autour du monde. La réalisation d’une synthèse comparée de ces réglementations dans différents pays du monde a permis de solidifier les propositions de Notre Affaire à Tous sur ce sujet, et de les diffuser auprès des parlementaires français en amont du vote de la loi PFAS en mai 2024. À la suite de ces travaux à l’échelle nationale, l’équipe clinique 2024/2025 s’est intéressée à l’échelle onusienne, pour visibiliser les violations du droit international des droits de l’Homme engendrées par les actions et inactions, publiques comme privées, autour des PFAS en France.

    • L’accès à l’eau potable dans les Outre-Mer – 2023/2024

    Comment la notion de discrimination peut-elle être mobilisée dans la préparation d’un contentieux environnemental ? Cette clinique guide une action dédiée à traduire le concept d’inégalité environnementale – la campagne Soif de Justice – à travers le prisme de la discrimination, en se concentrant notamment sur l’accès à l’eau potable dans les Outre-Mer. Ce travail implique un état des lieux approfondi de la problématique dans les différents territoires d’Outre-Mer, en collaboration étroite avec les acteurs locaux sur le terrain, et l’appui à la préparation de contentieux sur la thématique.  Avec l’assistance des travaux des étudiant.e.s et de Me Hilème Kombila, Notre Affaire à Tous et l’association “Mayotte a soif” ont uni leurs forces avec 15 requérants mahorais dans un référé-liberté défendu pendant la sécheresse historique qui a frappé Mayotte en 2023 et sur les problématiques d’accès à l’eau qu’elle a révélé. Ces travaux se sont prolongés et élargis dans la réalisation d’un rapport faisant l’état des lieux de la problématique dans d’autres départements et régions d’Outre-Mer.

    • Pollution de l’air et inaction publique locale – 2022/2023

    À plusieurs reprises ces dernières années, l’État a été condamné par les plus hautes instances européennes et nationales pour sa carence fautive en matière de lutte contre la pollution de l’air, avec d’importantes conséquences sanitaires, environnementales, sociales et économiques. L’outil réglementaire principal à sa disposition pour planifier son action en la matière au niveau local est les plans de protection de l’atmosphère. Ces plans étaient en phase de renouvellement dans plusieurs agglomérations : le projet, mené par NAAT Lyon, s’est attelé à documenter leur insuffisance sur le plan juridique et à se projeter dans la définition de mesures plus ambitieuses qui pourraient être intégrées à ces plans.

    Le travail des étudiant.e.s a soutenu le lancement d’une nouvelle campagne juridique, Pour un droit à respirer. La campagne regroupe plusieurs recours locaux demandant l’annulation de ces plans et exigeant de l’État qu’il se donne enfin les moyens de protéger la santé de ses citoyen.ne.s contre la pollution de l’air tout en intégrant réellement le paramètre de la justice sociale.

    • Contentieux climatiques – 2019/2020

    Quels sont les préjudices environnementaux pouvant être mobilisés lors d’un recours ? Les étudiant.e.s ayant participé à cette clinique se sont inspiré.e.s de la nomenclature proposée par L. Neyret et G. Martin dans Nomenclature des préjudices environnementaux (LGDJ, 2012). Leur travail a abouti à une cartographie des préjudices pouvant être invoqués dans les recours futurs liés à la justice climatique. Le rapport se découpe en sous-catégories de préjudices et en y associant une définition, un rappel de la législation et de la jurisprudence en vigueur ; ainsi que des articles de doctrine avec des contacts clés.

  • Colloque sur les “Droits de la Nature” à l’Assemblée nationale

    Communiqué de presse, 26 mars 2025 – À l’initiative de Charles Fournier, député d’Indre-et-Loire, la représentation nationale se met à l’heure des droits de la nature mercredi 30 avril prochain de 14h à 18h30. Un événement auquel s’associe Notre Affaire à Tous.

    En écho avec la journée prévue du 12 juin 2024, annulée à la suite de la dissolution, et dans le sillage d’un grand nombre d’initiatives citoyennes venues des territoires de France, le député Charles Fournier vous invite à l’Assemblée nationale pour une après-midi de discussions et de travail autour d’un tournant majeur : celui des droits de la nature.

    Organisée sous le haut patronage de la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, cet évènement présentera des voix françaises et européennes qui plaident pour la reconnaissance, sur le territoire de la République française, de droits à des entités naturelles.

    Des collectifs de Corse, du bassin ligérien, de la rivière le Lez, des juristes, des responsables de politiques publiques, des élus de collectivités territoriales, des voix venues de Pologne, d’Allemagne et d’Espagne, des scientifiques… toutes et tous ensemble se mettront à l’écoute des besoins, des valeurs et des droits des entités naturelles.

    Fidèle à son combat pour les droits de la nature, Notre Affaire à Tous s’associe à cet événement.

    Pour vous inscrire à l’après-midi en présentiel, à l’Assemblée nationale :

    Découvrez le programme :

    Contact presse :

    Marine Coynel – Notre Affaire à Tous : marine.coynel@notreaffaireatous.org

  • Censure de la loi d’orientation agricole : le Conseil constitutionnel permet d’éviter le pire

    Article rédigé par Alice Renaud.

    Contexte

    La loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture, qui remet en cause un grand nombre de garanties environnementales, a été adoptée rapidement par le Parlement avant le début du salon de l’agriculture. Le Conseil constitutionnel a été saisi avant sa promulgation par les députés écologistes et insoumis. Notre affaire à tous a déposé une contribution extérieure pour appuyer et compléter leurs arguments. 

    Décision

    Par une décision n° 2025-876 DC du 20 mars 2025, le Conseil constitutionnel a censuré 18 articles soit près d’un tiers de la loi. 

    • 11 articles ont été considérés comme des cavaliers législatifs ou ont méconnu la règle de l’entonnoir ;
    • 7 articles étaient contraires, pour des motifs de fond, à la Constitution.

    Précisions

    Si le projet de loi d’orientation agricole avait été pensé pour répondre aux demandes des agriculteurs en crise, une partie de la loi qui est sortie des couloirs du Parlement visait à affaiblir les protections environnementales relatives à l’agriculture et à la biodiversité. Le juge constitutionnel a heureusement permis de limiter une telle dérive sur un certain nombre de points.

    Les articles censurés sur le fond

    Il a notamment censuré, au sein de l’article 1er, l’alinéa qui empêchait le pouvoir réglementaire d’aller au-delà des règles européennes dans le domaine de l’agriculture. Le Conseil constitutionnel considère, qu’en vertu de l’article 37 de la Constitution, le gouvernement dispose de compétences propres dont il ne peut être privées, par le pouvoir législatif, au profit de l’Union européenne. Cette interprétation inédite du principe de séparation des pouvoirs permet de censurer cet alinéa et de laisser une liberté au pouvoir réglementaire afin de protéger plus fortement certains intérêts. 

    L’article 2, qui introduisait le principe de non-régression de la souveraineté alimentaire, est censuré en ce qu’il méconnaît l’objectif à valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi et le principe de séparation des pouvoirs. Cette censure est bienvenue puisque ce principe aurait pu être opposé au principe de non-régression de la protection de l’environnement dès lors qu’il était défini comme la protection du potentiel agricole de la Nation ne pouvant faire l’objet que d’une amélioration constante. Le Conseil constitutionnel décide que cet article est susceptible de faire obstacle à l’exercice du pouvoir réglementaire en ce qu’une évaluation systématique des textes qui pourraient avoir une incidence, même lointaine, sur l’agriculture ou la pêche aurait dû être effectuée. 

    Le juge constitutionnel a également censuré l’article 31 qui instaurait une présomption de non-intentionnalité, lorsque l’exploitant exécute une obligation légale, réglementaire ou administrative, concernant l’atteinte aux espèces protégées et à leurs habitats naturels rendant beaucoup plus simple de ne pas être condamné pour ce délit. Cet article est contraire au principe de légalité des délits et des peines dès lors qu’il faisait dépendre le champ d’application de la loi pénale d’une décision administrative. 

    L’article 35, qui introduisait une présomption de bonne foi de l’exploitant, obligeait à prioriser les procédures alternatives aux poursuites pénales et permettait à l’exploitant de ne pas être sanctionné si le manquement reposait sur une norme en contradiction avec une autre norme, a aussi été déclaré contraire à la Constitution. Pour les juges, cet article était, en partie, dépourvu de portée normative et inintelligible. 

    Enfin, l’article 48, qui excluait les piscicultures, c’est-à-dire l’élevage de poissons en bassin artificiel, du régime de protection IOTA, méconnaît les articles 1 et 3 de la Charte de l’environnement. Cette nomenclature permet, selon le Conseil constitutionnel, d’empêcher certaines atteintes à l’environnement et sa suppression pour ce type d’activités n’est pas remplacée par un autre moyen de protéger l’eau et les milieux aquatiques ce qui met en péril l’environnement. 

    Les cavaliers législatifs

    La censure de certains articles de la loi d’orientation agricole, sur le fondement de l’article 45 de la Constitution, permet d’empêcher des atteintes graves à l’environnement. 

    En effet, l’article 33 déclarait les travaux forestiers, notamment les travaux d’exploitation incluant la récolte des bois destinés aux filières industrielles et énergétiques, comme d’une part, indispensable à la préservation des écosystèmes et, d’autre part, des activités d’intérêt général sécurisées juridiquement tout au long de l’année. Le Conseil constitutionnel a expliqué qu’il ne présentait aucun lien avec le projet de loi déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale. 

    Un autre cavalier législatif important à relever est l’article 42 de la loi qui excluait du décompte du zéro artificialisation nette les bâtiments agricoles et vidait en partie de sa substance cet objectif important pour l’atténuation au changement climatique et l’adaptation à celui-ci. 

    La non-censure de certaines menaces

    Bien que la décision du Conseil constitutionnel a permis de protéger certaines garanties environnementales que le Parlement essayait de supprimer, certains articles déclarés conformes à la Constitution demeurent des menaces pour la préservation de l’environnement. 

    Le juge constitutionnel n’a censuré que partiellement l’article 1er de la loi. Il n’a pas déclaré contraire à la Constitution le fait que la protection, la valorisation et le développement de l’agriculture et de la pêche étaient d’intérêt général majeur et constituaient des intérêts fondamentaux de la Nation. D’après lui, cette partie de l’article 1er constitue une loi de programmation qui détermine les objectifs de l’action de l’Etat. Il ne peut donc pas se substituer au pouvoir du Parlement et se prononcer sur l’opportunité des objectifs que le législateur assigne à l’action de l’Etat. Toutefois, cet article pourrait avoir des conséquences réelles sur l’environnement si l’interprétation qui lui est donnée inclut toute la chaîne de valeur des produits agricoles comme l’installation d’usines agroalimentaires.

    Le Conseil constitutionnel valide également le principe “pas d’interdiction sans solution” institué par l’alinéa 14 du 1er article de la loi qui empêche les autorités d’interdire des produits phytosanitaires autorisés par l’Union européenne s’il n’existe pas de solution pour les remplacer. Aussi, même si des études scientifiques établissent la dangerosité d’un ces produits, les autorités françaises ne pourront en prendre acte et devront attendre que l’Union européenne l’interdise. D’après le Conseil constitutionnel, cette disposition est programmatique et n’est pas contraire au droit de vivre dans un environnement sain. Il est cependant possible d’espérer une déclaration d’inconventionnalité de cet article dès lors que l’article 71 du règlement n° 1107/2009 du 21 octobre 2009 oblige chaque Etat-membre à tirer les conséquences de la dangerosité avérée d’une substance active en l’interdisant dans l’attente d’une action à l’échelle européenne. 

    La différence de traitement permise par l’article 32 est justifiée, selon les juges, au regard de la nature de l’activité d’élevage et des variations qu’elle peut connaître. Les exploitants d’élevage sont donc davantage susceptibles de franchir les seuils d’application du régime de déclaration ou d’enregistrement des ICPE. Ainsi, le fait que l’amende soit 100 fois moins élevée (450 euros à la place de 45 000 euros) que pour les autres industriels lors d’un dépassement des seuils de maximum 15%, ne viole pas le principe d’égalité. Le Conseil constitutionnel explique qu’il ne voit pas le lien entre le montant très faible de l’amende et un manquement à l’article 1er ou 3 de la Charte de l’environnement. Pourtant, il paraît évident qu’une amende très faible n’est pas dissuasive pour les exploitants d’élevage ce qui affaiblit le régime protecteur qui découle de la nomenclature des ICPE. 

    Enfin, le Conseil constitutionnel valide la facilitation de la modification du régime de déclaration ou d’autorisation des retenues collinaires ce qui rendrait, à terme, la mise en place de méga-bassines plus simple. 

    Aussi, si la décision du Conseil constitutionnel permet d’éviter une grande partie des dangers initiaux de la loi d’orientation agricole, il faudra rester vigilant sur les conséquences de certains des articles validés rue de Montpensier. 

  • Commentaire de l’arrêt de la Cour de cassation du 18 mars 2025 : Victimes et référé pénal environnemental

    Article rédigé par Manolo Cléarc’h-Chalony.

    Les riverains des installations industrielles et les associations de protection de l’environnement sont-elles des personnes concernées par la procédure de référé pénal environnemental ?  La Cour de cassation apporte une réponse négative dans son arrêt du 18 mars 2025 (pourvoi n° 24-81.339). 

    Selon la haute juridiction judiciaire, les riverains affectés par les émissions de PFAS et les associations qui les soutiennent ne sauraient être qualifiées de “personne concernée” au sens de l’alinéa 5 de l’article L. 216-13 du Code de l’environnement. Par conséquent, elles ne peuvent pas interjeter appel de l’ordonnance du Juge des libertés et de la détention (JLD) refusant de prononcer des mesures pour mettre un terme aux infractions à la législation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). La procédure de référé pénal environnemental est donc la chose du Ministère public et du mis en cause, au détriment des victimes, personnes réellement concernées. 

    Celles-ci sont pourtant à l’origine de l’ouverture de la procédure. 

    En l’espèce, aux mois de mai et juillet 2023, quarante-sept riverain.e.s, soutenu.e.s par onze associations, représentés par le cabinet Kaizen Avocat, ont demandé au Procureur de la République de Lyon d’adresser une requête au JLD. Leur objectif était alors d’obtenir “toute mesure utile” (1) de nature à faire cesser les infractions aux obligations de l’industriel en matière d’installations classées. Il était notamment reproché à l’exploitant de ne pas limiter la quantité de PFAS rejetés dans ses effluents aqueux. Au mois d’octobre 2023, le Procureur a accédé à cette demande et a saisi le JLD, comme le prévoit le Code de l’environnement. 

    Après avoir écarté les questions prioritaires de constitutionnalité (2) soulevées par l’industriel, le JLD a, par ordonnance du 16 novembre 2023, rejeté les demandes du Procureur. Les motifs de la décision indiquent que “les mesures utiles permettant de mettre un terme à la pollution, et à tout le moins d’en limiter les effets” ont été “prises par le préfet dans” plusieurs arrêtés publiés en 2022 et 2023. Partant, le JLD conclut que “le non-respect des prescriptions relatives” aux installations classées “n’était donc pas ou plus caractérisé” au jour de la requête du Procureur. 

    En application de l’alinéa 5 de l’article précité, le collectif de victimes et d’associations à l’origine de la procédure a interjeté appel. L’article en question dispose que “la personne concernée ou le Procureur de la République peut faire appel de la décision du juge des libertés et de la détention dans les dix jours suivant la notification ou la signification de la décision.” 

    Le 11 janvier 2024, la chambre de l’instruction de la Cour d’Appel de Lyon a toutefois jugé l’appel des riverains et associations irrecevable. L’arrêt retient ainsi “qu’il est évident que les personnes physiques et les personnes morales concernées”, au sens de l’alinéa 5, sont “les personnes soupçonnées de ne pas respecter les prescriptions” relatives aux installations classées pour la protection de l’environnement. En d’autres termes, seul l’exploitant industriel serait à même de contester la décision du JLD, à l’exclusion des autres parties de la procédure. 

    Cette interprétation n’a toutefois rien d’évident. C’est pourquoi le collectif à l’initiative de la procédure, ainsi que l’Avocat général, se sont pourvus en cassation. 

    Les riverains et associations ont, en premier lieu, soutenu que la rédaction de l’article L. 216-13 du Code de l’environnement reflète la volonté du législateur de faciliter l’intervention des associations dans la procédure de référé pénal environnemental. 

    Depuis sa création en 1992, le référé pénal environnemental permet aux associations de protection de l’environnement de saisir le Procureur de la République des manquements des installations industrielles. Cette procédure a, par la suite, fait l’objet de réformes (3) qui ont étendu son champ d’application, sans que la participation des associations ne soit remise en cause. Et pour cause, la ratio legis de cette procédure est de permettre aux associations et aux victimes d’agir lorsque l’autorité compétente fait défaut. Les riverains et riveraines jouent tout autant ce rôle de sentinelle. Comme le note la doctrine, “les victimes d’atteintes à l’environnement ne manqueront ainsi pas dorénavant de solliciter du JLD – ou au juge d’instruction – la prise des mesures conservatoires que le préfet se serait abstenu ou aurait refusé de prendre” (4). 

    Si les associations et les personnes vivant à proximité des installations industrielles jouent un tel rôle dans le déclenchement de la procédure, pourquoi le législateur aurait-il souhaité les priver du droit d’appel ? L’économie de l’article L. 216-13 se trouverait alors bouleversée et il serait difficilement compréhensible que l’interprétation de ce texte retire d’une main ce que le législateur a donné de l’autre. 

    Le collectif à l’origine de la procédure soutient, d’ailleurs, que le législateur utilise des termes différents, à l’intérieur même de la rédaction de l’article L. 216-13 du code de l’environnement, pour désigner l’exploitant industriel et les autres parties. Ainsi l’alinéa 3 de l’article précité fait-il référence à la personne “intéressée”, et non pas “concernée”, pour désigner le responsable d’exploitation. Dans son réquisitoire devant la Cour d’appel, le Procureur Général de Lyon avait, d’ailleurs, souligné cette subtilité rédactionnelle pour conclure à la recevabilité de l’appel. 

    La Cour de cassation ne s’est toutefois pas adonnée à une analyse sémantique de l’article précité, ni à fournir une cohérence d’ensemble à l’article L. 216-13. Elle se contente de rejeter sèchement le pourvoi en rappelant que “pour déclarer irrecevable l’appel formé par les demandeurs, l’arrêt attaqué énonce que la personne concernée, titulaire du droit de relever appel de la décision du juge des libertés et de la détention en matière de référé environnemental, ne peut être que la personne soupçonnée de ne pas respecter les prescriptions imposées par les dispositions visées par l’article L. 216-13 du code de l’environnement”. 

    A l’instar de son arrêt en date du 14 janvier 2025 (5), la Cour de cassation restreint l’accès à la procédure aux riverains et associations en leur refusant la qualité de parties. Elle donne ainsi davantage de poids à l’aspect pénal de la procédure de référé, plutôt qu’à son caractère environnemental. Cet arbitrage du Quai de l’Horloge est regrettable à double titre. En premier lieu, en ce qu’il prive la procédure de sa visée préventive. En second lieu, en ce qu’il entretient un trouble sur la régime de la procédure de référé pénal environnement, à rebours des dernières avancées jurisprudentielles. 

    Le référé pénal environnemental vise avant tout à ce qu’il soit mis un terme rapidement aux manquements constatés, dans un objectif de prévention des atteintes à l’environnement ou de leur aggravation. Comme le souligne certains auteurs, l’intérêt principal de cette procédure réside dans “l’édiction rapide de mesures de nature à faire cesser l’atteinte en cours” (6). Dans ces conditions, “l’absence de droit d’initiative des victimes semble injustifiée” (7), l’objectif de cessation des atteintes à l’environnement semblant davantage relever des intérêts civils, de surcroît lorsqu’une association agréée de protection de l’environnement est à l’origine de la procédure. 

    En déniant la qualité de personne concernée aux acteurs à l’origine du référé pénal environnemental, la Cour de cassation vide de sa substance la visée préventive de l’article L. 216-13 du Code de l’environnement et amoindri le rôle de vigie conféré à la société civile dans cette procédure. L’inertie initiale des services préfectoraux en charge de la police de l’environnement ne sera, in fine, que transférée aux services des Parquets. Ces derniers manquent déjà de moyens et, souvent, de connaissances spécifiques en matière environnementale (8). Atteindre les objectifs de célérité et d’efficacité de la procédure de référé pénal environnemental semblent, dans ces conditions, relever davantage du vœu pieu que de la réalité économique des Tribunaux.

    Le récent arrêt de la Cour de cassation contribue, par ailleurs, à entretenir le trouble au sujet du régime procédural et des objectifs du référé pénal environnemental. Alors que plusieurs décisions avaient clairement distingué cette procédure des règles classiques de la procédure pénale, la Haute juridiction signe ici une décision contraire. 

    La procédure de référé pénal environnemental n’a pas pour objectif de rechercher la responsabilité pénale de l’auteur des manquements. En effet, la Cour de cassation elle-même a jugé que la procédure de référé pénal environnemental “ne subordonne pas à la caractérisation d’une faute de la personne concernée de nature à engager sa responsabilité pénale le prononcé par le JLD, lors d’une enquête pénale, de mesures conservatoires” (Crim, 28 janvier 2020, n°19-80.091). 

    Le Conseil Constitutionnel (9) a également pris soin de distinguer, d’une part, la procédure de référé pénal environnemental s’inscrivant dans une enquête pénale et, d’autre part, la procédure de référé pénal environnemental autonome de toute investigation pouvant mettre en cause la responsabilité du contrevenant. Ce n’est que dans le premier cas de figure que l’audition de la personne à l’origine des manquements constatés doit être avisée de son droit de garder le silence (10). Les principes directeurs du procès pénal n’ont donc, par principe, pas à s’appliquer à la procédure de référé pénal environnemental (11). 

    En appliquant à la procédure de référé pénal environnemental les règles classiques de l’appel des jugements sur la culpabilité des personnes poursuivies pénalement, la Cour de cassation entretient le trouble sur le régime de cette action, en contradiction avec la visée préventive de la procédure prévue à l’article L. 213-16 du Code de l’environnement. 

    La seule œuvre de clarté offerte par la Cour est la démonstration, s’il en était encore besoin, de l’inadaptation de la procédure pénale pour répondre aux préoccupations et besoins des victimes de pollutions industrielles. Privées de recours devant la juridiction répressive, elles pourraient, à l’image de l’action de masse (12) en réparation des préjudices liés aux PFAS annoncée au mois de février, se tourner vers le juge civil pour obtenir d’urgence une mesure conservatoire ou de remise en état sur le fondement de l’article 835 du CPC.

    Désormais, seule une réécriture de l’article L 213-16 du Code de l’environnement semble à même de concrétiser les objectifs initiaux de la procédure de référé-pénal environnemental. En sus de l’inclusion de cet article au sein des dispositions communes du Code de l’environnement (13), des précisions doivent nécessairement être apportées pour que les victimes et associations soient reconnues comme parties intégrantes de la procédure. 

    En premier lieu, la réforme devra explicitement consacrer le droit d’appel de ces acteurs qui, comme il a été souligné, sont à l’origine de la procédure. En second lieu, l’inertie procédurale ne doit pas se transmettre des services préfectoraux au Parquet. A l’instar de la possibilité reconnue aux victimes de déposer plainte avec constitution de partie civile auprès du Juge d’instruction passé un certain délai après la saisine du Procureur (14), une réelle initiative procédurale doit être reconnue aux victimes et associations. Celles-ci, passé un délai nécessairement court en raison de l’urgence de la situation, doivent pouvoir saisir directement  le JLD de leurs demandes en cas d’absence d’action du Ministère public. 

    La Cour de cassation avait l’opportunité de reconnaître pleinement le rôle des associations et riverains dans la justice environnementale. Les mesures demandées étaient étudiées, scientifiquement validées et utiles à tout un territoire affecté par une pollution extrêmement grave aux polluants éternels. La Cour aura finalement préféré maintenir à distance la société civile. Les personnes concernées apprécieront.

    Notes

    (1) Article L216-13

    (2) Celles-ci portaient, notamment, sur les pouvoirs du JLD, le respect des droits de la défense et de la présomption d’innocence.

    (3) Notamment par la Loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement, l’Ordonnance n°2012-34 du 11 janvier 2012 portant simplification, réforme et harmonisation des dispositions de police administrative et de police judiciaire du code de l’environnement, la Loi n°2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages,  l’Ordonnance n°2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale, la Loi n°2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

    (4) Benoît DENIS, Valérie SAINTAMAN, « La préservation de l’environnement opérée par le Juge des Libertés et de la détention au moyen de l’article L. 216-13 du Code de l’environnement », Energie – Environnement – Infrastructures n°5, Mai 2020, comm. 14.

    (5) Crim, 14 janvier 2025, n°23-85.490 : “les moyens doivent être écartés, le premier étant inopérant, faute pour l’association d’avoir la qualité de partie.”

    (6) Sébastien Bécue et Marc Pitti-Ferrandi, “Le référé pénal environnemental, une procédure juridique non identifiée ?”, Dalloz, AJ Pénal 2024, p.252.

    (7) Bécue et Pitti-Ferandi op cit.

    (8) Voir en ce sens le rapport de la Cour de cassation “Le traitement pénal du contentieux de l’environnement”, qui en 2022 soulignait déjà que: “le manque de temps et de moyens sont souvent avancés pour expliquer le faible investissement des magistrats, notamment du parquet, dans le traitement des contentieux de l’environnement. Il est permis de penser que le manque de connaissances en la matière est un facteur aggravant de cet état de fait” (page 19).

    (9) Cons.const., 15 novembre 2024,n° 2024-1111 QPC.

    (10) Pour une application par la jurisprudence, voir Crim, 28 janvier 2025, n°24-81.410.

    (11) Inès Souid, “Référé pénal environnemental : l’application des principes directeurs du procès pénal en question”, Dalloz actualité 18 février 2025.

    (12) https://kzn-avocatenvironnement.fr/action-juridique-pfas/

    (13) Bien que son champ d’application soit large, l’article L 213-16 du Code de l’environnement figure pour l’heure au sein du livre II relatif aux milieux physiques, et non pas au livre premier relatif aux dispositions communes. 

    (14) L’article 85 du Code de procédure pénale ouvre cette faculté aux victimes passé un délai de trois mois après la saisine du Procureur.

  • Loi TRACE : un permis de bétonner !

    Pourtant de nombreuses solutions existent pour concilier développement territorial et préservation des espaces naturels

    Communiqué de presse – Chaque année en France, l’équivalent de 2 fois la surface de Paris est bétonnée, menaçant notre biodiversité, notre souveraineté alimentaire et notre résilience climatique. Mais au lieu de renforcer la protection des sols, la loi TRACE qui sera votée le 18 mars au Sénat saborde l’objectif Zéro Artificialisation Nette (ZAN) à atteindre en 2050. La Fondation pour la Nature et l’Homme (FNH), la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO), France Nature Environnement (FNE), Notre Affaire à Tous (NAAT) et Terre de Liens appellent les sénateurs à rejeter ce texte destructeur !

    La loi TRACE : pourquoi est-ce un permis de bétonner ? 

    Adopté dans le cadre de la loi Climat et Résilience, l’atteinte de l’objectif ZAN en 2050 représente une avancée essentielle pour préserver les terres naturelles, agricoles et forestières. Pourtant, la proposition de loi TRACE (Trajectoire de Réduction de l’Artificialisation Concertée avec les Élus locaux) menace cet engagement en remettant en cause le principe même de réduction de l’artificialisation, en multipliant les dérogations et en affaiblissant les outils existants.

    En effet, le texte initial et ses amendements vont à l’encontre des enjeux de sobriété foncière. Ce texte prévoit notamment :

    • L’abandon de la définition écologique de l’artificialisation, au détriment de la protection des sols vivants, de la qualité de vie dans les villes et villages et de la lutte contre le changement climatique ;
    • La suppression de l’objectif intermédiaire de réduction de moitié de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) d’ici 2031, qui fragilise la crédibilité de l’atteinte de l’objectif de 2050 ;
    • Le report des échéances pour intégrer les objectifs ZAN dans les documents d’urbanisme ce qui prolonge la période d’incertitude pour les acteurs des territoires ;
    • L’exclusion de nombreux projets (industries, logements sociaux, énergies renouvelables, services d’eau et d’assainissement, certains postes électriques) du calcul de l’artificialisation jusqu’en 2036 ce qui sous estime l’impact réel de l’urbanisation ;
    • L’affaiblissement du caractère contraignant de réduction de l’artificialisation des documents régionaux de planification, qui réduit l’efficacité des politiques territoriales de préservation des sols ;
    • La possibilité pour les communes de dépasser sans justification de 20% les objectifs de réduction de l’artificialisation qui leur ont été attribués, ce qui ouvre la porte à une artificialisation plus importante que prévue.
    • La mise en place d’un mécanisme permettant d’artificialiser des terres supplémentaires en contrepartie de la construction sur des friches (1 hectare de friche réhabilité ouvrant droit à 0,5 hectare supplémentaire d’artificialisation) ce qui risque de créer un effet d’aubaine et d’encourager à une artificialisation additionnelle.

    « Face à l’urgence climatique et écologique, la priorité doit être à la protection des terres vivantes, pas à leur destruction programmée« , déclare Thomas Uthayakumar, Directeur des programmes et du plaidoyer à la FNH. « Nous appelons les sénateurs à rejeter ce texte et à renforcer les outils du ZAN.” 

    Soutenons les collectivités engagées dans la sobriété foncière

    Nous appelons à un changement de cap en matière d’aménagement du territoire. Plutôt que de cautionner l’artificialisation croissante des sols, il est urgent d’accompagner et de soutenir les collectivités qui s’engagent activement dans la sobriété foncière.

    De nombreuses solutions existent pour concilier développement territorial et préservation des espaces naturels. La réhabilitation de friches industrielles, la densification raisonnée au sein des villes et villages, la lutte contre les logements vacants ou encore l’encadrement des meublés de tourisme sont autant de leviers permettant de répondre aux besoins en services publics, en transports, en logements et en activités économiques sans sacrifier les terres naturelles.

    Toutefois, ces politiques nécessitent un renforcement des moyens des collectivités, tant en ingénierie territoriale qu’en financements. Aujourd’hui, le modèle économique de l’aménagement encourage encore trop souvent l’artificialisation des sols alors qu’il devrait mieux pénaliser les comportements allant à l’encontre de la lutte contre l’artificialisation des sols. En plus d’une augmentation des dotations de l’État, un changement des critères de répartition permettrait aux collectivités de bénéficier de ressources dynamiques, non incitatives à l’artificialisation et mieux alignées avec les besoins des territoires. Ces critères pourraient inclure la superficie d’espaces naturels préservés, la sous-densité, ainsi que le nombre de logements vacants et de friches, en tenant compte des spécificités de chaque territoire. Par ailleurs, des mesures comme la taxation des multipropriétaires de logements vacants ou des terrains nus devenus constructibles constitueraient des leviers supplémentaires pour encourager une gestion plus durable du foncier.

    Nous appelons les pouvoirs publics à agir sans attendre pour une gestion plus durable de nos sols. L’avenir de nos territoires et de notre biodiversité en dépend.

    Contacts presse

  • Santé, climat : trois associations attaquent l’aéroport de Beauvais en justice Beauvais, 11 mars 2025 

    Les associations Notre Affaire à Tous, Sauvez le Beauvaisis, ADERA engagent aujourd’hui un  recours auprès du tribunal administratif d’Amiens pour empêcher l’expansion du trafic aérien à  l’aéroport de Beauvais, hub de la compagnie low-cost Ryanair. L’action en justice qu’elles  lancent est la première, en France, à articuler les volets santé (nuisances sonores, pollution aux  particules fines) et climat (émissions de gaz à effet de serre) pour exiger l’annulation ou la renégociation d’un contrat de concession aéroportuaire. 

    Dix ans après la signature de l’Accord de Paris, le compte n’y est pas. L’État, qui s’est engagé à une  réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, ne parvient pas à tenir la  trajectoire qu’il s’est fixée. Depuis la fin de la pandémie de Covid-19, la validation des projets d’extension d’aéroports régionaux (à Beauvais, Lille, Nice, Montpellier, etc.) et la croissance spectaculaire des compagnies low-cost (Ryanair, WizzAir, EasyJet, etc.)1 font apparaître une  déconnexion croissante entre les ambitions climatiques nationales et le business as usual des  politiques locales. Il est urgent de rompre aujourd’hui avec cette logique et d’exiger une plus grande cohérence dans l’action publique. Alors que les événements climatiques se multiplient tout autour de la planète (inondations à Valence, cyclone à Mayotte, mégafeux à Los Angeles), est-il vraiment acceptable de continuer à faire la promotion de vols à prix cassés pour aller faire les soldes à Barcelone le temps d’un week-end ? 

    Certains n’hésitent pas à répondre par l’affirmative. Le 17 juillet 2024, le Syndicat mixte de l’aéroport de Beauvais Tillé (SMABT), établissement public de coopération entre collectivités (agglomération du  Beauvaisis, département de l’Oise et région Hauts-de-France), a ainsi confié à la société Bellova (consortium Bouygues-Egis) la gestion et l’exploitation de la plateforme aéroportuaire pour une durée de 30 ans. Négocié dans la plus grande opacité, le contrat de concession table sur une très forte hausse du trafic aérien : de 3,9 millions de passagers en 2019, celui-ci devrait atteindre 7,2 millions de  passagers en 2030 (+85%), avant de se hisser à 9,4 millions de passagers au terme de la concession (+141%)2. Pour y satisfaire, les terminaux de l’aéroport devront être rénovés et agrandis. 

    “La croissance du trafic prévue pour l’aéroport de Beauvais excède nettement les objectifs visés par la France : la hausse de +85% du nombre de passagers d’ici à 2030 excède de 67 points le seuil défini par le projet de Stratégie Nationale Bas Carbone 3 (+18%) – lequel envisage une diminution très rapide des émissions au-delà de cette date3”, alertent les associations. 

    Cette croissance de l’activité bénéficiera très largement à Ryanair, entreprise entrée récemment dans le top 10 des plus gros émetteurs de gaz à effet de serre de l’Union européenne4. L’hostilité de la compagnie irlandaise à l’égard des réglementations sociales et environnementales est au moins aussi connue que sa capacité à faire pression sur les collectivités locales pour capter des subventions publiques5

    Malgré tous leurs efforts pour susciter un véritable débat démocratique dans le Beauvaisis, et malgré un positionnement entendable (maintenir le trafic à l’état actuel), les associations locales se sont heurtées à un mur de mépris et d’indifférence. Dans les zones survolées, pourtant, les riverains sont toujours plus nombreux à se mobiliser, inquiets des effets néfastes pour leur santé d’un développement accéléré de l’aéroport. 

    La croissance du trafic aérien a, de fait, déjà entraîné une hausse significative des émissions de  particules ultrafines. Les données récoltées par les stations de mesure à proximité directe de l’aéroport et publiées chaque trimestre par l’exploitant6 montrent que les concentrations de polluants dépassent  fréquemment les seuils recommandés par l’Organisation Mondiale de la Santé7, et qu’elles font courir des risques sanitaires graves (cancers, maladies respiratoires) aux populations des zones survolées. Rappelons que la pollution de l’air est responsable de 48 000 décès chaque année en France, et qu’il est établi que l’impact des aéroports en la matière a été très longtemps sous-estimé8

    Le plan de développement visé par le contrat exposerait également les riverains à une hausse significative des nuisances sonores et aux risques sanitaires associés (troubles du système auditif,  mais aussi perturbations du sommeil, maladies cardiovasculaires, baisse des capacités  d’apprentissage, etc.), alors même que – de nouveau – le bruit enregistré par les cinq stations d’écoute  situées à proximité de l’aéroport excède déjà les seuils recommandés par l’Organisation Mondiale de  la Santé9. En cas de hausse du trafic, l’intensification des vols de nuit observée depuis une dizaine  d’années10 devrait se poursuivre, alors même que les effets nocifs de la pollution sonore sont accrus  en période nocturne. 

    Alarmées par l’absence de réelle prise en compte de ces enjeux sanitaires et climatiques sur le territoire, ces associations locales s’allient aujourd’hui à Notre Affaire à Tous pour ouvrir un nouveau  chapitre dans la mobilisation. 

    L’arrêt récent de la Cour européenne des droits de l’homme (30 janvier 2025) jugeant que l’État italien avait violé le droit des habitants de la province de Campanie à vivre dans un environnement sain, et, moins d’un mois plus tard, la décision historique du juge administratif (27 février 2025) d’annuler les travaux sur l’A69 ont confirmé la légitimité des mouvements citoyens mobilisés sur les territoires pour y défendre l’intérêt général.  

    Pour les associations requérantes : “L’extension de l’aéroport de Beauvais est bien plus qu’un problème local : c’est le révélateur d’un échec persistant dans la lutte contre le réchauffement climatique, et d’un déni des impacts délétères du transport aérien sur la santé des riverains d’aéroport. Tant que les  collectivités continueront à soutenir des projets ultra-émetteurs en contradiction avec les engagements nationaux et internationaux, nous irons collectivement dans le mur. Mais ce n’est pas une fatalité. La hausse du trafic aérien peut être empêchée : d’autres avenirs sont possibles.”

    Contacts presse :

    Notre Affaire à Tous – Justine Ripoll, Responsable de campagnes :  

    justine.ripoll@notreaffaireatous.org

    Sauvez le Beauvaisis – Hélène Vivier, Secrétaire de l’association : 

    sauvezlebeauvaisis@gmail.com

    ADERA – Dominique Lazarski, Présidente de l’association : 

    dlazarski.adera@gmail.com

    Notes :

    1 “Émissions de l’aviation en 2023 : l’inquiétant rebond des compagnies low-cost”, étude publiée par Transport & Environnement, avril 2024

    2 Rapport d’analyse des offres remis au SMABT en avril 2024.

    3 Cf. les hypothèses de calcul pour le transport aérien international – et, plus largement, la feuille de route établie pour le secteur par le Ministère de l’écologie.

    4 “‘Ryanair is the new coal’: airline enters EU’s top 10 emitters”, The Guardian, avril 2019

    5 Deux rapports de la Cour des comptes régionale publiés en 2008 et en 2017 ont épinglé la mauvaise gestion de l’aéroport de Beauvais, pointant les largesses concédées à la compagnie irlandaise.

    6 Les données de 2015 à 2024 sont disponibles au téléchargement sur le site de l’aéroport.

    7 Déclinés dans la Directive (UE) 2024/2881 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2024 concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe.

    8 “Les particules ultrafines des avions font peser un risque sur la santé de 11 millions de Français”, étude publiée par Transport & Environnement, avril 2024

    9 Déclinés dans la Directive du Parlement européen et du Conseil du 25 juin 2002 relative à l’évaluation et à la gestion du bruit dans l’environnement.

    10 Ceux-ci ont augmenté de 118% entre 2015 et 2023, alors que le nombre de mouvements n’a augmenté que de 48% sur la même période.

  • Vigilance climatique des multinationales : Un nouveau rapport de Notre Affaire à Tous démontre le besoin de maintenir les règlementations européennes

    Notre Affaire à Tous publie sa cinquième édition du Benchmark de la vigilance climatique des multinationales qui passe au crible les mesures de vigilance climatique de 26 grandes entreprises françaises (1) emblématiques issues de secteurs d’activités fortement émetteurs. Les objectifs visés par ces entreprises ne permettraient de réduire leurs émissions que de 12% en 2030, loin des 50% requis par l’Accord de Paris. L’association souligne l’extrême importance de maintenir les obligations prévues dans la CSRD et CSDDD telles que votées par la précédente mandature et exhorte le Parlement européen et les Etats membres à rejeter massivement les propositions catastrophiques de la loi Omnibus présentée le 26 février par la Commission Européenne.

    Alors que la Commission Européenne a dévoilé son projet de loi Omnibus le 26 février, actant un recul historique concernant les normes environnementales et sociales en Europe qui vise à faire respecter par les multinationales les droits humains et prévenir les atteintes à l’environnement  (CSRD, CSDDD, taxonomie), l’édition 2025 du rapport de Notre Affaire à Tous dresse un constat clair : l’autorégulation est un échec et sans normes contraignantes dont l’application est contrôlée, les entreprises ne seront pas au rendez-vous de la transition. 

    En France la loi sur le devoir de vigilance oblige les entreprises à identifier les risques d’atteinte aux droits humains et à l’environnement et à prendre des mesures propres à éviter la survenance de ces risques. Néanmoins, faute d’autorité de contrôle et de volonté politique des gouvernements successifs d’Emmanuel Macron, la loi n’est toujours pas réellement mise en œuvre, notamment en matière climatique, alors que son respect repose exclusivement sur la mobilisation des ONG et de la société civile. 

    Pourtant, les émissions des scopes 1, 2 et 3 des 26 entreprises multinationales françaises étudiées s’élèvent à 2 577 MtCO2eq, ce qui signifie qu’elles ont le pouvoir – à elles seules – d’agir sur 4,51 % des émissions mondiales de GES (2). Ces chiffres démontrent la pertinence ainsi que la nécessité de réglementer les multinationales en matière climatique. 

    Cette cinquième édition du Benchmark montre que les entreprises ne s’estiment pas tenues de faire leur part pour limiter le réchauffement à 1,5°C. Les objectifs climatiques affichés par les entreprises analysées permettraient de réduire leurs émissions d’à peine plus de 12% d’ici 2030. La réalisation de ces objectifs n’est ni conforme au 50% (3) requis, ni garantie à ce stade par des mesures concrètes correspondantes. 

    Et pour cause, si pratiquement toutes les entreprises intègrent l’enjeu climatique à leur plan de vigilance (à l’exception de Veolia et Casino), beaucoup d’entre elles tentent encore de limiter leur responsabilité individuelle

    • en renvoyant à la responsabilité collective et au caractère global du réchauffement climatique. C’est le cas de TotalEnergies qui identifie le changement climatique comme « un risque global pour la planète qui est le résultat d’actions humaines diverses dont la consommation d’énergie », sans reconnaître qu’il revient à l’entreprise de cesser le développement de nouveaux projets pétroliers et gaziers et d’effectuer urgemment une transition énergétique vers le bas carbone, y compris pour changer l’offre en énergies, influencer la demande et faire baisser ses propres émissions indirectes.
    • en refusant d’adopter des mesures de vigilance qui s’imposent sur les émissions de scope 3 alors qu’elles sont prépondérantes pour la plupart des entreprises. C’est le cas de Renault qui ne reconnaît pas, au sein de son plan de vigilance, que ses émissions de scope 3 (liées à l’utilisation de ses véhicules) contribuent à l’aggravation du réchauffement climatique et ne met toujours pas en place de mesures de décarbonation alignées avec l’objectif 1,5 °C de l’Accord de Paris.
    • en prétextant un besoin de subventions publiques pour effectuer la transition alors que certaines entreprises réalisent des profits colossaux, comme l’a démontré un récent rapport (4). C’est le cas d’ArcelorMittal dont le plan de décarbonation repose sur des mesures encore incertaines techniquement et trop dépendantes de subventions publiques, alors que l’entreprise réalise chaque année des profits importants. Un argument qui semble fallacieux si l’on considère que, malgré des aides publiques, ArcelorMittal a annoncé fin novembre 2024 suspendre le projet de décarbonation de son site de Dunkerque, à l’origine de 3% des émissions de CO2 en France (5). 
    • ou encore en laissant entendre dans leurs plans de vigilance que de meilleures réglementations étatiques sont nécessaires, alors qu’elles engrangent des profits importants, disposent de la capacité d’agir plus fortement dès aujourd’hui … et s’opposent dès qu’elles en ont l’occasion aux réglementations, telles que la CSRD ou la CSDDD. 

    L’ensemble de ces exemples démontre l’absolue nécessité d’imposer au plus vite des règles claires aux entreprises pour les contraindre à intégrer les enjeux climatiques dans leurs stratégies. Sans un changement de cap fort et immédiat des entreprises, elles continueront à aggraver la crise climatique au lieu de contribuer à la résoudre.

    Pour en savoir plus, nous vous invitons à un webinaire de présentation le mercredi 12 mars à 19h : lien d’inscription

    Contacts presse

    Justine Ripoll, Responsable des campagnes : justine.ripoll@notreaffaireatous.org

    Anne Stevignon, Juriste Multinationales : anne.stevignon@notreaffaireatous.org

    Brice Laniyan, Juriste Multinationales : brice.laniyan@notreaffaireatous.org

    Notes

    (1) EDF, ENGIE, TotalEnergies, AXA, BNP Paribas, Crédit Agricole, Natixis, Société Générale, Air Liquide, ArcelorMittal, Bolloré, Schneider Electric, Veolia, Aéroports de Paris, Airbus, Air France – KLM, Michelin, Renault, Stellantis-PSA, Bouygues, Eiffage, Vinci, Auchan, Carrefour, Casino, Danone.

    (2) PNUE, Emissions Gap Report 2024, 15e éd. Avec une marge d’incertitude due à l’absence de transparence de certaines entreprises, en particulier les acteurs financiers – voir le graphique page 14

    (3) Constitue la valeur minimale à atteindre pour être aligné sur 1,5°C selon le groupe d’experts de l’ONU « HLEG » sur les engagements climatiques des entreprises.

    (4) “Les actionnaires plutôt que les solutions  – Comment les grandes entreprises privilégient les rémunérations au détriment de la transition énergétique”, SOMO et Amis de la Terre Europe, 2025 : le coût financier de la mise en conformité avec la CSDDD – tel qu’estimé par la Commission européenne – ne représenterait que 0,13 % de la moyenne des paiements aux actionnaires effectués en 2023.

    (5) https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-brief-eco/malgre-l-aide-publique-arcelormittal-suspend-son-projet-a-deux-milliards-d-euros-pour-decarboner-son-acier-a-dunkerque_6889793.html

    Ressources

    Les ressources utiles à trouver dans le Benchmark de la vigilance climatique : 

    • Des graphiques résumant les étapes fondamentales de la transition de chaque secteur. Un exemple ici avec le secteur de l’énergie :
    • Des outils pour tout comprendre de notre méthodologie. 
    • Un outil pour comprendre les scope 1, 2 et 3. 
    • Les analyses détaillées par entreprise. 
    • Un podium des mauvais élèves en matière de vigilance climatique, ainsi que le classement général des 26 entreprises analysées.