Paris, le 7 août 2025 – Saisi à l’issue des saisines initiées par plusieurs groupes politiques, concernant la proposition de loi Duplomb, le Conseil constitutionnel vient de rendre sa décision en disant non au retour des néonicotinoïdes en France pour le moment. Très attendue, cette décision intervient après une mobilisation citoyenne d’une ampleur quasi-inédite contre cette loi rétrograde. Néanmoins il serait risqué de voir dans cette censure de l’article 2 une quelconque avancée dans la protection de la santé humaine et de la biodiversité.
Une censure à minima concernant les néonicotinoïdes
Le Conseil constitutionnel a rendu une décision de censure à minima concernant les néonicotinoïdes, en cohérence avec sa position de 2020. Il reconnaît les effets nocifs de ces substances sur la biodiversité, les sols, l’eau et la santé humaine, et censure la dérogation prévue par la loi Duplomb uniquement parce qu’elle n’était pas suffisamment encadrée : elle visait un champ trop large de substances et d’usages, et autorisait leur pulvérisation, particulièrement risquée. Toutefois, cette décision laisse ouverte la possibilité d’une nouvelle loi qui, si elle respecte certains critères, pourrait permettre une nouvelle dérogation. La vigilance reste donc de mise pour empêcher tout retour déguisé des néonicotinoïdes.
Des régressions du droit de l’environnement qui sont validées par le Conseil constitutionnel
Au-delà de la censure partielle sur les néonicotinoïdes, la décision du Conseil constitutionnel valide plusieurs régressions majeures du droit de l’environnement. Elle entérine notamment la réduction de la participation du public dans les projets d’élevage intensif, en supprimant l’obligation de réunions publiques et de réponses aux avis citoyens, posant des questions de conformité au droit européen et international. Le passage d’un régime d’autorisation à un simple enregistrement pour certains élevages industriels facilite leur implantation, au détriment des modèles extensifs.
Concernant les méga-bassines, le Conseil valide les présomptions d’intérêt général majeur et de raison impérative d’intérêt public majeur permettant de déroger aux règles de protection de l’eau et des espèces. S’il précise qu’il pourra être apporté la preuve contraire devant les juges, cela reste une régression importante. Si la protection des nappes inertielles constitue une avancée, elle reste insuffisante face aux enjeux.
Enfin, seule une disposition technique (l’article 8) est censurée pour vice de procédure, sans remettre en cause le fond du texte ou les conditions de son vote au Parlement. Une décision qui confirme une tendance préoccupante de fragilisation du droit environnemental.
Face à une décision qui entérine plusieurs reculs en matière de droit de l’environnement, le combat est loin d’être terminé.
Plus que jamais, il est essentiel de se mobiliser pour défendre la biodiversité, les écosystèmes, la santé humaine et notre droit à un environnement sain. Dans cette perspective, la décision en appel à venir fin août 2025 dans l’affaire « Justice pour le Vivant » (JPLV) représente un enjeu majeur : l’État pourrait se voir contraint de réformer ses protocoles d’évaluation et d’autorisation des pesticides, reconnus défaillants par une décision du Tribunal administratif de Paris de juin 2023, afin qu’ils respectent l’état actuel des connaissances scientifiques.
Communiqué de presse – Alors que la mobilisation citoyenne contre la loi Duplomb atteint une ampleur inédite — la pétition a déjà recueilli près de deux millions de signatures en un temps record (lien ci-dessous) —, les associations décident de multiplier les efforts en déposant une contribution auprès du Conseil constitutionnel pour soutenir les saisines des parlementaires et faire censurer plus de la moitié de la loi.
La pétition alerte sur le fait que la « loi Duplomb est une aberration scientifique, éthique, environnementale et sanitaire ». En effet, cette loi contient de nombreuses dispositions dangereuses : atteintes aux principes fondamentaux de protection de l’environnement, contournement des procédures démocratiques, affaiblissement du rôle des collectivités territoriales, verrouillage des voies de recours, ou encore normes impossibles à appliquer en élevage plein air.
Face à ces atteintes multiples aux droits fondamentaux, à la santé publique et à la protection de l’environnement, les associations appellent le Conseil constitutionnel à faire respecter la Constitution et à censurer les dispositions inconstitutionnelles de la loi Duplomb. Par leur contribution commune, elles réaffirment l’importance d’un cadre juridique rigoureux et démocratique, indispensable pour garantir un avenir sain et durable pour tou.te.s.
Les associations reviennent donc article par article sur les mesures les plus problématiques du texte, ainsi que sur les vices de procédure qui accompagnent son adoption.
Concernant l’inconstitutionnalité de la procédure d’adoption :
La loi Duplomb a été adoptée au mépris des principes de clarté et de sincérité du débat parlementaire, par un détournement de la motion de rejet préalable ayant empêché tout examen d’amendement dès la première lecture. Cette manœuvre, sans fondement constitutionnel, viole le droit d’amendement garanti par l’article 44 de la Constitution et justifie une censure par le Conseil constitutionnel.
Article 1 :
L’article premier de la loi est inconstitutionnel car il supprime l’encadrement obligatoire et indépendant du conseil sur l’utilisation des pesticides. En rendant ce conseil facultatif et possible par des vendeurs de ces produits, la loi favorise les conflits d’intérêts, affaiblit la formation des agriculteurs et augmente les risques pour la santé humaine et l’environnement. Elle viole ainsi plusieurs articles de la Charte de l’environnement – qui a valeur constitutionnelle -,notamment son article 8 relatif à l’éducation et la formation à l’environnement et l’objectif constitutionnel de protection de la santé.
Article 2 :
L’article 2 de la loi est inconstitutionnel car il permet des dérogations illimitées à l’interdiction des néonicotinoïdes, malgré leur forte toxicité pour la biodiversité et la santé humaine. Contrairement à une précédente décision du Conseil constitutionnel, cette dérogation n’est ni limitée dans le temps, ni restreinte à certaines cultures ou substances. Elle repose sur une définition biaisée des alternatives, axée uniquement sur les coûts pour l’agriculteur, au détriment de la santé publique et de l’environnement, violant ainsi les articles 1er, 2, 3, 5 et 6 de la Charte de l’environnement. En outre, elle ne prévoit aucune participation du public, en contradiction avec l’article 7 de cette Charte.
Article 3 :
L’article 3 autorise le gouvernement à relever par décret les seuils des ICPE d’élevage en affirmant que cela ne constitue pas une atteinte au principe de non-régression. L’article 3 prévoit également une dérogation pour les projets d’élevage bovin, porcin ou avicole soumis à autorisation environnementale en permettant de remplacer les réunions publiques obligatoires par de simples permanences, réduisant ainsi la transparence et la participation du public. Cet article est ainsi inconstitutionnel en ce qu’il constitue une :
Atteinte à la participation du public (article 7 de la Charte) : remplacer les réunions publiques par des permanences limite le débat et rend les réponses du porteur de projet facultatives.
Violation du principe d’égalité (article 6 DDHC) : la dérogation ne concerne que certains élevages sans justification objective. Méconnaissance des articles 1 et 2 de la Charte de l’environnement : la loi relève les seuils sans prévoir de mesures de compensation en cas d’atteinte grave à l’environnement.
Atteinte au principe de non-régression, corollaire des principes à valeur constitutionnelle garantis par la Charte de l’Environnement
Article 5 :
L’article 5, en présumant d’office que les ouvrages agricoles de stockage, aussi appelés méga-bassines, et prélèvement d’eau dans les zones en déficit hydrique sont d’intérêt général majeur (IGM) et justifiés par une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM), porte une atteinte disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif et aux principes de précaution et de gestion durable de l’eau. Cette présomption empêche une appréciation au cas par cas nécessaire pour équilibrer protection de l’environnement et besoins agricoles, alors que la jurisprudence européenne impose une analyse fine et stricte avant toute dérogation. De plus, ces infrastructures, souvent de grande taille, favorisent un modèle agricole consommateur d’eau et nuisible à la biodiversité, sans garantir d’alternatives durables ni limiter les impacts, ce qui justifie leur inconstitutionnalité.
Article 6 :
L’article 6 impose aux inspecteurs de l’environnement de transmettre leurs procès-verbaux d’infraction au procureur de la République « par la voie hiérarchique », et non plus directement. Cette exigence permet à une autorité administrative de contrôler, modifier ou bloquer la transmission d’actes relevant de la police judiciaire. Elle porte atteinte au principe de séparation des pouvoirs, à l’indépendance de l’autorité judiciaire et à l’objectif constitutionnel de recherche des auteurs d’infractions.
Pour les associations « la loi Duplomb fragilise gravement la protection de l’environnement et la santé publique au profit d’une minorité d’acteurs, dont l’agrochimie, en bafouant les principes démocratiques et constitutionnels, le tout sans répondre aux attentes d’une majorité des agriculteurs et des citoyens. Face à cette loi dangereuse qui multiplie les atteintes aux droits fondamentaux et vise sans complexe à l’industrialisation de l’agriculture et de l’élevage au mépris des humains et des animaux, nous avons déposé une contribution commune devant le Conseil constitutionnel pour faire censurer plus de la moitié du texte. Notre action vise ainsi à rétablir la vérité juridique et scientifique, et à défendre l’intérêt général. »
Réactive presse – La Cour internationale de Justice (CIJ) vient de rendre son avis consultatif très attendu concernant les obligations juridiques des États en matière de changement climatique. Saisie par l’Assemblée générale des Nations Unies, suite à la mobilisation de pays insulaires particulièrement impactés et de jeunes, la Cour devait répondre à deux questions suivantes : quelles sont les obligations des États, en vertu du droit international, face à la crise climatique ? Quelles sont les conséquences juridiques en cas de manquement ?
A l’unanimité, la Cour confirme des standards d’obligations élevés pour tous les Etats de faire leur part dans la lutte contre le changement climatique et que ces obligations doivent être guidées par des valeurs de justice et d’équité, notamment en prenant en compte les responsabilités et capacités différenciées des Etats. Elle appelle également les Etats à réguler les acteurs privés très émetteurs.
Les principaux éléments de l’avis rendu sont :
1.5°C. La Cour constate que les conséquences graves et profondes du changement climatique impactent les écosystèmes et les êtres humains. Au vu de la menace urgente et existentielle que fait peser la crise climatique, chaque degré compte et l’objectif de maintenir le réchauffement climatique à 1.5°C fait consensus.
Des obligations plus larges que celles de l’Accord de Paris. Les obligations des Etats ne se limitent pas aux engagements de l’Accord de Paris ou autres traités spécifiques au changement climatique, mais découlent de très nombreux traités internationaux et du droit international coutumier.
Tous les pays du monde sont concernés. Les Etats qui ne sont pas parties aux conventions tels que l’Accord de Paris ont la charge de la preuve de démontrer qu’ils se conforment au droit international général et aux obligations climatiques. Ils ne sont pas dispensés d’obligations, ni prémunis des conséquences juridiques en cas de manquements.
L’inaction climatique est une violation des droits humains. Le droit international relatif aux droits humains s’applique à la lutte contre la crise climatique. La Cour Internationale de Justice reconnaît également le droit à un environnement sain, y compris pour les générations futures.
Types d’obligations. Les Etats ont des obligations d’atténuation des émissions pour maintenir le réchauffement climatique à 1.5°C, en mettant en place des règles et mesures appropriées pour réduire rapidement et considérablement les émissions de GES, mais aussi d’adaptation au changement climatique et de coopération. Les principes qui doivent guider ces obligations sont ceux de la responsabilité commune mais différenciée, le principe de précaution, la diligence raisonnable, l’équité et l’équité intergénérationnelle.
Responsabilité commune mais différenciée. Tous les Etats doivent faire leur part dans la lutte contre le changement climatique, mais la part des efforts de chaque État dépend de sa responsabilité historique (émissions passées), et de sa capacité, matérielle et financière, actuelle à réduire ses émissions.
Obligation de coopération. Le devoir qu’ont les Etat de coopérer est intrinsèquement lié au devoir de prévenir les dommages significatifs, car les efforts que les États déploient pourraient ne pas être effectifs sans coopération (assistance financière, transfert de technologies, renforcement de capacité etc.).
Sortie des énergies fossiles. Le fait pour les États de ne pas prendre les mesures appropriées, notamment en matière de production et de consommation de combustibles fossiles, d’octroi de licences d’exploration de combustibles fossiles ou de subventions, peut constituer un fait illicite.
Obligation de régulation des multinationales. Les Etats ont le devoir de réglementer les acteurs privés.
COP 30. Les décisions des COP sont des éléments d’interprétation complétant les obligations existantes. La coopération financière entre les Etats et les obligations de réparation et de compensation financière (fonds pertes et préjudices) ont également été reconnus par la Cour.
Un avis qui s’applique aux tribunaux du monde entier. Bien que l’avis de la Cour soit consultatif et pose les bases du cadre juridique international, il est pertinent pour toutes les juridictions nationales qui pourront rendre des décisions de justice contraignantes.
Le 23 juillet 2025, la Cour internationale de Justice (CIJ) rendra un avis consultatif très attendu sur les obligations juridiques des États en matière de changement climatique. Saisie par l’Assemblée générale des Nations Unies, la Cour devra répondre à deux questions déterminantes : quelles sont les obligations des États, en vertu du droit international, face à la crise climatique ? Quelles sont les conséquences juridiques en cas de manquement ?
Bien que non contraignant, cet avis consultatif constitue une interprétation faisant autorité du droit international. Intervenant après la publication de l’avis consultatif historique de la Cour interaméricaine des droits de l’homme (CIADH) sur l’urgence climatique et les droits humains le 3 juillet dernier, il pourrait redéfinir les contours du régime international applicable au climat, notamment en matière de prévention des dommages, de droits humains, de responsabilité étatique, et de coopération.
Le processus de l’adoption de l’avis consultatif a déjà marqué l’histoire de la CIJ : 91 États ont déposé des mémoires écrits, et 97 ont pris part aux audiences orales. Ce rapport en synthétise les principales lignes de clivage et met en lumière les positions clefs portées par les États devant la Cour.
Les obligations des États en vertu du droit international en matière climatique
Les contributions des États sur la question des obligations juridiques se structurent principalement autour de cinq grands axes : le droit applicable (A), les droits humains (B), le principe de prévention (C), le principe des responsabilités communes mais différenciées (D), et les obligations des États à l’égard des acteurs privés (E).
Quatre de ces thématiques ont concentré l’essentiel des développements : les droits humains ont fait l’objet du plus grand nombre d’arguments (87), suivis par les discussions sur le droit applicable (77), puis sur le principe de prévention et le principe des responsabilités communes mais différenciées (58). Cette hiérarchie reflète une dynamique argumentative forte en faveur d’une interprétation intégrée et interdisciplinaire du droit international applicable en matière climatique — croisant normes environnementales, obligations de prévention et droits fondamentaux.
Thématiques les plus évoquées dans les contributions étatiques s’agissant des obligations des États en matière climatique :
Les normes applicables aux obligations des États en matière climatique
Un nombre très substantiel d’États (46) ont soutenu que les obligations climatiques des États s’ancrent dans un corpus juridique international bien plus large que le seul régime conventionnel (CCNUCC, Protocole de Kyoto, Accord de Paris). Selon eux, ces obligations trouvent également leur source dans le droit international coutumier, le droit international de l’environnement, le droit international des droits de l’homme, le droit de la mer, le droit des conflits armés, ou encore le droit international relatif aux catastrophes. Plusieurs États — Mexique, Micronésie, Gambie notamment — ont également soutenu que les obligations découlant des traités climatiques existent, ou doivent être interprétées comme existant, en harmonie avec d’autres sphères du droit international. D’autres — le Chili, le Costa Rica, la France, le Guatemala et la Gambie — ont explicitement réfuté l’idée que les instruments climatiques sont une lex specialis, affirmant que ceux-ci doivent être interprétés de manière compatible avec les engagements juridiques internationaux existants. De manière convergente, la Barbade, le Burkina Faso, les Palaos, la République démocratique du Congo, la Gambie, le Soudan et l’Uruguay ont affirmé que les traités climatiques ne sauraient supplanter ni écarter les autres normes internationales applicables.
Cette position majoritaire s’inscrit dans la continuité de l’avis consultatif de la Cour interaméricaine des droits de l’homme (CIADH) du 3 juillet dernier, qui affirme non seulement l’unité du droit international applicable aux enjeux climatiques, mais surtout la reconnaissance de normes impératives (jus cogens) protégeant l’environnement, au fondement des obligations des États [1].
À l’inverse, un groupe minoritaire de 19 États a défendu une lecture étroite des obligations climatiques, cantonnées au régime conventionnel. L’Afrique du Sud, le Brésil, les États-Unis, la France, la Nouvelle-Zélande, le Pakistan et Singapour ont ainsi soutenu que les obligations des États en matière de changement climatique relèvent essentiellement des traités climatiques existants. Certains États sont allés encore plus loin, en allant jusqu’à qualifier les traités climatiques existants de lex specialis, excluant par là même toute application parallèle d’autres normes juridiques internationales. C’est notamment la position de l’Arabie saoudite, de la Russie, de la Chine, de l’Inde, de l’Iran, du Koweït, du Japon et du Royaume-Uni. Enfin, d’autres États comme l’Allemagne, l’Australie, le Canada et la Corée du Sud ont présenté un argument distinct mais similaire, estimant que d’autres sources du droit international (par exemple, le droit international des droits de l’homme) doivent être interprétées à la lumière des obligations établies par le régime conventionnel climatique.
La protection des droits humains
La question de la protection des droits humains face à la crise climatique a occupé une place centrale dans de nombreuses contributions étatiques et est un enjeu majeur de l’avis à venir de la CIJ, dont le rôle premier n’est pas la protection des droits humains. Dix États l’ont ainsi appelée à reconnaître la pertinence du droit à un environnement sain, la Slovénie estimant que ce droit constitue une condition préalable à la jouissance des autres droits humains – comme l’a d’ailleurs rappelé la CIADH le 3 juillet dernier. La CIADH a en outre consacré le droit autonome à un climat sain, découlant du droit à un environnement sain [2].
Les États n’ont toutefois pas été unanimes dans leurs contributions : l’Arabie saoudite a jugé le droit à un environnement sain “non pertinent”, tandis que les États-Unis et la Russie ont soutenu qu’il n’est actuellement pas consacré par le droit international.
En outre, certains petits États insulaires en développement (PEID), tels que le Vanuatu, les Fidji et Tuvalu, ont souligné l’importance de protéger leur droit à l’autodétermination face à une élévation extrême du niveau de la mer. La Roumanie est allée plus loin, affirmant que ces PEID ont non seulement le droit, mais aussi l’obligation positive, d’agir pour préserver leur existence en tant qu’États.
Le Vanuatu et les Îles Cook ont quant à eux estimé que les interdictions de discrimination raciale et de genre sont applicables dans le contexte du changement climatique. L’Albanie a adopté une approche plus large, demandant à la Cour de déterminer les obligations des États à travers cette perspective intersectionnelle.
Dix États ont estimé que les obligations des États en matière de droits humains dans le contexte du changement climatique s’appliquent extraterritorialement, tandis que cinq États (dont la Corée du Sud, les États-Unis et la Russie), ont considéré que ces obligations ne s’étendent qu’aux individus se trouvant sur le territoire de l’État ou relevant de sa juridiction. D’autres États ont tenté de définir des critères d’applicabilité extraterritoriale. L’Albanie a soutenu que l’application extraterritoriale ne peut avoir lieu que sous deux conditions : (i) il doit exister un lien de causalité clair entre la violation alléguée et l’acte ou l’omission de l’État, et (ii) la conduite en cause a eu un impact direct et prévisible sur les droits humains d’un individu. Certains ont également argumenté que les droits humains ne peuvent s’appliquer extraterritorialement que dans des circonstances exceptionnelles, telles que s’agissant du jus cogens (le Canada), en matière de discrimination raciale (les Îles Cook), pour le droit à l’autodétermination (la Micronésie) ou encore pour le droit à l’eau (la Namibie).
Enfin, seize États ont soutenu que les droits des générations futures doivent être reconnus et protégés au moyen d’obligations incombant aux États, notamment au titre de l’Accord de Paris. Le Pérou a ainsi estimé que le respect de l’équité intergénérationnelle exige que les États entreprennent des mesures d’adaptation et d’atténuation tandis que la France a plaidé pour la prise en compte de ce principe dans la détermination des contributions déterminées au niveau national (CDN).
Comme souligné par la CIADH dans son avis consultatif du 3 juillet [3], le principe d’équité intergénérationnelle est déjà pris en compte par diverses institutions et tribunaux internationaux, dont la Cour internationale de justice [4], le Tribunal international du droit de la mer [5], la Cour européenne des droits de l’homme [6], en sus des tribunaux nationaux. À ce titre, la CIADH a précisé que le droit à un climat sain doit bénéficier aux générations futures [7].
La protection des générations futures ne semble néanmoins toujours pas faire consensus, l’Allemagne et la Russie ayant affirmé que les actes ou omissions commis à l’encontre de « personnes abstraites » futures ne pouvaient constituer des violations des traités relatifs aux droits humains applicables.
Le principe de prévention et les obligations de due diligence
Trois axes de débat principaux se sont dégagés quant à la portée et à la nature juridique du principe de prévention qui impose aux États l’obligation d’éviter de causer des dommages environnementaux. Ce principe est reconnu comme l’une des pierres angulaires du droit international de l’environnement.
Premièrement, la question de l’extension du principe aux dommages transfrontières causés par les émissions anthropiques de gaz à effet de serre (GES) — c’est-à-dire au-delà des seuls États voisins — a suscité des positions contrastées. Vingt-deux États ont plaidé en faveur d’une interprétation élargie, incluant les effets globaux des émissions, indépendamment de la proximité géographique entre États. À l’inverse, certains États — notamment l’Arabie saoudite, l’Australie, le Canada, les pays nordiques et le Royaume-Uni — ont soutenu que le principe de prévention ne saurait s’appliquer aux émissions de GES ni, plus largement, à la problématique du changement climatique. Une telle approche s’inscrit en porte-à-faux avec l’avis rendu par la Cour interaméricaine des droits de l’homme le 3 juillet 2025 : elle a en effet considéré que, bien que le principe de prévention ait été historiquement formulé dans le cadre des relations interétatiques, les obligations qu’il implique sont analogues à celles découlant du devoir général de prévenir les violations des droits de l’homme. Dès lors, un État est tenu d’adopter des mesures préventives tant à l’égard des activités susceptibles de porter atteinte aux droits humains que de celles comportant un risque environnemental au-delà de son territoire [8].
Deuxièmement, plusieurs divergences sont apparues quant à l’applicabilité temporelle du principe de prévention. La Micronésie et Nauru ont plaidé pour une application du principe aux émissions historiques de GES, considérant qu’il ne saurait être limité aux seules émissions récentes. La France, pour sa part, a proposé une approche plus nuancée, invitant la Cour à déterminer à partir de quelle date une obligation juridique de prévention est apparue. Selon elle, une telle analyse implique : (i) d’identifier le moment où le droit international a évolué d’un devoir de prévention circonscrit aux dommages transfrontières entre États voisins vers une obligation à portée globale ; et (ii) de déterminer la période à partir de laquelle les États ont eu une connaissance suffisante du caractère dommageable des émissions de GES.
Troisièmement, la nature de l’obligation découlant du principe de prévention a été discutée. Alors que la Barbade a défendu l’existence d’une obligation de résultat, les Émirats arabes unis et le Japon ont, au contraire, soutenu qu’il s’agissait d’une obligation de comportement de moyens.
S’est également posée la question du niveau de “due diligence” requise dans la mise en œuvre de cette obligation de prévention. Trois États — les Bahamas, le Costa Rica et les Philippines — ont soutenu que les États doivent faire preuve de diligence raisonnable dans la réduction de leurs émissions de GES, par l’adoption de mesures proactives proportionnées à leurs capacités et fondées sur les meilleures connaissances scientifiques disponibles, notamment celles du GIEC. Le Mexique a précisé cette analyse en identifiant quatre critères interdépendants permettant d’apprécier le respect de cette diligence : (i) l’élaboration et la mise en œuvre des contributions déterminées au niveau national (CDN) ; (ii) la prise en compte des pertes et préjudices ; (iii) l’allocation de ressources financières ; et (iv) le transfert de technologies ainsi que le renforcement des capacités. Les Seychelles ont, pour leur part, souligné qu’une diligence suffisante implique une mise en œuvre effective des CDN avec une ambition croissante, tandis que la Gambie a mis l’accent sur la nécessité de réaliser des évaluations d’impact environnemental.
Enfin, sept États — dont la France — ont plaidé pour une due diligence renforcée. Antigua-et-Barbuda a proposé que des exigences de diligence accrues soient imposées aux grands émetteurs historiques, tandis que la Suisse a limité une telle exigence renforcée aux principaux émetteurs actuels. Cette approche a été critiquée par les États-Unis, qui ont contesté toute base juridique permettant d’imposer des obligations différenciées en matière de diligence entre États.
Le principe des responsabilités communes mais différenciées
Conformément au principe des responsabilités communes mais différenciées (common but differentiated responsibilities – CBDR), lié à l’équité intergénérationnelle, il est attendu des États qu’ils assurent une répartition équitable des charges liées à l’action climatique et aux impacts climatiques, en tenant compte de leur contribution historique aux causes du changement climatique et de leurs capacités respectives [9].
Ce principe a été au cœur de débats, tout comme il l’avait été en amont de la publication de l’avis consultatif de la CIADH, aussi bien s’agissant de sa définition que de sa portée. Seize États ont affirmé que les États développés — ceux disposant de ressources plus importantes et portant historiquement une responsabilité disproportionnée dans les émissions mondiales de GES — sont tenus de prendre l’initiative dans la lutte contre le changement climatique, notamment par le biais du renforcement des capacités, de l’assistance financière et/ou du transfert de technologies. Certains États, comme la Roumanie, ont toutefois considéré que la responsabilité historique ne devait pas être prise en compte pour définir les obligations juridiques des États au titre du principe CBDR. De même, la distinction entre État développé et État en développement a été débattu, la République démocratique du Congo, les Bahamas et les Émirats arabes unis estimant que la Cour devait prendre en compte les capacités évolutives des économies émergentes, bien que classées à ce jour comme « États en développement ». Nauru a en outre demandé à la CIJ de tenir compte des vulnérabilités géographiques des pays enclavés et montagneux.
L’appréciation de la portée du principe CBDR n’a pas fait l’unanimité : alors que l’Équateur a soutenu qu’il impose une obligation de diligence aux États, les contraignant à prendre toutes les mesures nécessaires pour réduire les émissions de GES de manière proportionnée à leurs contributions historiques, le Canada a affirmé que le CBDR ne crée pas d’obligations juridiques pour les États. Des divergences d’opinion peuvent également être notées quant aux obligations concernées par le principe : certains ont pu avancer qu’il devait éclairer l’interprétation des obligations liées au climat en général tandis que d’autres ont cherché à le cantonner à l’Accord de Paris, voire à minimiser son importance au sein de l’Accord (il ne constituerait pas un principe global selon les États-Unis).
Les États étaient également divisés sur l’existence d’une obligation de financement en vertu du droit international. Alors que le Costa Rica et le Kenya ont soutenu que les États ont une obligation juridique de fournir une compensation pour les pertes et préjudices liés au changement climatique, l’Allemagne a affirmé que cette compensation devrait rester purement volontaire.
La responsabilité des acteurs privés
Plusieurs contributions ont porté sur les obligations des États à l’égard des acteurs privés dans la lutte contre le changement climatique. Comme l’a rappelé la CIADH le 3 juillet dernier, “il ne fait aucun doute que les entreprises sont appelées à jouer un rôle fondamental dans la lutte contre l’urgence climatique” et sont tenues de le faire [10]. Les instances internationales sont unanimes à ce propos : ce ne sont pas seulement les États, sujets de droit naturels du droit international public, mais également les entreprises qui ont des “obligations et responsabilités en ce qui concerne le changement climatique et ses impacts […] sur les droits humains” [11].
Onze États ont ainsi affirmé leur obligation de réglementer la conduite des acteurs privés relevant de leur juridiction afin de prévenir les dommages, certains mentionnant plus spécifiquement une obligation de réglementer la conduite des acteurs privés générant des émissions de GESou portant atteinte aux droits humains.
Des arguments ont également été avancés concernant l’importance de prévoir des cadres juridiques contraignants dans le contexte de la régulation des activités des acteurs privés opérant sur le territoire d’un État (Serbie), ainsi que la nécessité de garantir l’exercice d’une diligence raisonnable — en particulier concernant les impacts environnementaux négatifs — tout au long des chaînes d’approvisionnement des acteurs privés (Namibie).
Les conséquences juridiques
La seconde question posée à la CIJ concernant les conséquences juridiques en cas de manquement aux obligations a suscité de nombreuses discussions sur le cadre juridique de applicable, avec pas moins de 54 contributions sur le sujet (A), ainsi que sur les enjeux de causalité, d’attribution et de responsabilité historique et collective, sur lesquels 29 argumentaires ont été formulés (B), suivies par l’enjeu de la réparation des dommages climatiques (21) (C), et, enfin, de la cessation et de la non-répétition des manquements (3) (D).
Thématiques les plus évoquées dans les contributions étatiques s’agissant des conséquences juridiques en cas de manquement aux obligations :
Le cadre juridique applicable
Les États ont été divisés sur le cadre juridique de référence applicable pour déterminer les conséquences juridiques d’une violation de leurs obligations climatiques.
De nombreux États (43) ont affirmé que le droit international général de la responsabilité des États s’applique en cas de manquement. L’Arabie saoudite, le Canada, la Chine, la France, le Japon, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni ont au contraire soutenu que les conséquences juridiques doivent être plus strictement déduites des mécanismes de conformité prévus par le régime conventionnel climatique. Enfin, l’Afrique du Sud et l’Espagne ont plaidé pour un examen au cas par cas de la question des conséquences juridiques.
Les enjeux de causalité, d’attribution et de responsabilité historique et collective
Les enjeux de la causalité se sont avérés aussi centraux que controversés. L’Australie, l’Espagne, les États-Unis, le Koweït et le Timor-Leste ont affirmé que la réparation des préjudices liés au changement climatique nécessite l’établissement d’un lien de causalité clair entre les émissions de GES et le dommage en question, tandis que la France a soutenu que les critères de causalité doivent être définis au cas par cas. Les pays nordiques sont allés plus loin, affirmant que la causalité ne peut être traitée de manière abstraite. En réponse, l’Albanie, Antigua-et-Barbuda, les Bahamas, le Belize, le Guatemala et la Zambie ont soutenu que l’engagement de la responsabilité pour obtenir réparation ne devait pas être exclu par les difficultés à établir la causalité. Leur position s’inscrit dans la lignée de l’avis de la CIADH du 3 juillet, qui a souligné la possibilité de présumer un lien de causalité entre les émissions de GES et la dégradation du système climatique, ainsi que celui existant entre cette dégradation et les risques qu’elle engendre sur les systèmes naturels et les populations [12].
La question de l’attribution d’un dommage climatique à un ou plusieurs États a également fait l’objet de débats. Si la Russie a soutenu que cela est impossible, le Chili, le Costa Rica, le Ghana et les Samoa ont affirmé qu’une telle attribution peut être établie sur la base d’un consensus scientifique reconnu.
Enfin, des divergences de positionnement peuvent être constatées s’agissant du caractère individuel ou collectif de la responsabilité étatique. Six États (Micronésie, République démocratique du Congo, Samoa, Comores, Vietnam et Zambie) ont affirmé que le droit international coutumier fournit un cadre pour traiter à la fois la responsabilité collective et individuelle. Allant dans ce sens, Nauru et le Népal ont suggéré que la nature composite de la responsabilité des États en matière climatique signifie que les États développés ont un devoir collectif de compenser les dommages causés par leurs émissions historiques.
La Russie et le Japon se sont opposés à ce point de vue, soutenant qu’il ne fallait accorder qu’une considération limitée — voire aucune — aux émissions historiques dans la détermination de la responsabilité étatique. L’Australie a quant à elle soutenu que le droit de la responsabilité des États ne reconnaît pas de responsabilité collective pour les dommages climatiques.
La réparation des dommages climatiques
Dix États ont avancé que la réparation des dommages climatiques peut notamment être assurée en contribuant aux fonds de lutte contre le changement climatique, en offrant des ressources financières pour soutenir les efforts d’adaptation, d’atténuation et de relocalisation, en soutenant la recherche scientifique régionale, en garantissant le maintien du statut d’État pour les États touchés, en procédant à des transferts technologiques et en utilisant des mécanismes de réparation innovants tels que l’allègement et l’annulation de la dette, ainsi que les échanges dette-climat.
L’Égypte, l’Équateur, la Jamaïque et Sainte-Lucie ont quant à eux soutenu que le caractère discrétionnaire des mécanismes de pertes et dommages (Loss and Damage) dans le cadre de la CCNUCC ne peut se substituer à une réparation intégrale, y compris à une indemnisation, en vertu du droit international. Cette position fait échos à celle de la CIADH qui a, d’une part, affirmé que la responsabilité internationale engendrée par la violation du droit à un climat sain entraîne l’obligation de réparer intégralement le dommage causé [13], et, d’autre part, a averti que, compte tenu de l’ampleur des impacts prévus, le Fonds Loss and Damage mis en place dans le contexte de la COP27 nécessiterait “des ressources extraordinairement élevées pour remplir sa fonction” [14].
Enfin, les Fidji et la Micronésie se sont déclarées favorables à une différenciation des réparations entre les réparations dues aux États, en particulier aux PEID, les réparations dues aux peuples, y compris les peuples autochtones, et les réparations dues aux individus, y compris les détenteurs de droits des générations actuelles et futures.
La cessation et la non-répétition des manquements
Trois États ont élaboré sur les obligations de cessation et de non-répétition s’inscrivant dans le cadre du droit de la responsabilité des États. Les Fidji ont estimé que la cessation exige une réduction immédiate des émissions de GES ainsi que le démantèlement des structures systémiques alimentant de telles émissions, tandis que le Ghana a soutenu que les États doivent cesser et s’abstenir d’adopter des lois, politiques et pratiques qui soutiennent les émissions de GES, en particulier la production d’énergies fossiles. Afin de garantir la non-répétition, le Vanuatu a affirmé que les États doivent engager des réformes politiques, réglementaires et législatives et empêcher les acteurs non étatiques relevant de leur juridiction, y compris les entreprises, de causer de nouveaux dommages climatiques.
La CIADH a rappelé à ce titre qu’il est “du devoir de l’État de surveiller et de contrôler, au minimum, la prospection, l’extraction, le transport et le traitement des combustibles fossiles, la fabrication de ciment, les activités agro-industrielles” [15].
Notes et références :
[1] CIADH, Urgence climatique et droits humains, avis consultatif OC-23/17, 3 juillet 2025, § 290 et 291 et suiv. sur le caractère jus cogens de l’obligation de ne pas causer des dommages irréversibles au climat et à l’environnement.
[2] CIADH, avis consultatif OC-23/17, 3 juillet 2025, § 300 et suiv. La Cour affiche la volonté de “doter l’ordre juridique interaméricain d’un fondement propre, qui permette de délimiter clairement les obligations spécifiques des États face à la crise climatique et d’exiger leur respect de manière autonome par rapport aux autres devoirs liés à la protection de l’environnement”.
[3] CIADH, avis consultatif OC-23/17, 3 juillet 2025, § 305.
[4] CIJ, Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, Avis consultatif du 8 juillet 1996, § 29.
[5] TIDM, Changement climatique et droit international, Avis consultatif du 21 mai 2024, § 166.
[6] CEDH, Verein KlimaSeniorinnen Schweiz et autres c. Suisse, n° 53600/20, 9 avril 2024, § 410-420.
[7] CIADH, avis consultatif OC-23/17, 3 juillet 2025, § 311 : “bien que le droit international des droits humains reconnaisse à toute personne des droits inaliénables, son fondement éthique et normatif transcende les habitants de la planète dans le présent et s’étend également à l’humanité en tant que communauté morale et juridique qui perdure dans le temps”.
[8] CIADH, avis consultatif OC-23/17, 3 juillet 2025, § 276.
[9] CIADH, avis consultatif OC-23/17, 3 juillet 2025, § 310.
[10] CIADH, avis consultatif OC-23/17, 3 juillet 2025, § 345.
[11] CIADH, avis consultatif OC-23/17, 3 juillet 2025, § 346 ; Working Group on the issue of human rights and transnational corporations and other business enterprises, « Information Note on Climate Change and the Guiding Principles on Business and Human Rights, 2023 », p. 5.
[12] CIADH, avis consultatif OC-23/17, 3 juillet 2025, § 553.
[13] CIADH, avis consultatif OC-23/17, 3 juillet 2025, § 303.
[14] CIADH, avis consultatif OC-23/17, 3 juillet 2025, § 201.
[15] CIADH, avis consultatif OC-23/17, 3 juillet 2025, § 353.
Pollution de l’air et transport maritime – 2024-2025
La Clinique a été mobilisée pour approfondir les recherches quant aux normes internationales, européennes et nationales en matière de qualité de l’air et pollution et plus particulièrement celle concernant le transport maritime, ainsi que leur application à l’échelle locale. En particulier, la responsabilité des pouvoirs publics était au centre des travaux.
Opérationnalisation du principe pollueur-payeur – 2024-2025.
Les grandes pollutions induites par des activités industrielles, comme celle aux PFAS, posent la question de l’opérationnalisation du principe “pollueur-payeur”, au-delà des discours. Comment passer d’un concept moral à un outil juridique mobilisable dans la pratique ? Le travail de la clinique a permis de réaliser un grand benchmark des différents mécanismes mettant en œuvre ce principe, ainsi que de leur fonctionnement et efficacité : redevances environnementales, taxes environnementales, TGAP, fonds d’indemnisation…
Incidence de la réglementation des activités privées sur la compétence juridictionnelle – 2024-2025.
Les étudiant·es ont travaillé sur la question de la répartition des compétences juridictionnelles entre les tribunaux de l’ordre administratif et judiciaire pour des litiges visant indirectement des activités soumises à des permis. Ils ont également étudié la qualification d’engagements pris par des acteurs privés.
Communiqué de presse – Le vendredi 4 juillet 2025, trois organisations de la société civile (le Collectif des Premières Nations, l’Organisation des Nations Autochtones de Guyane et Guyane Nature Environnement) ont déposé des observations en qualité d’Amicus Curiae après du tribunal arbitral international siégeant dans le cadre du différend entre deux holdings financières russes et la France (1).
L’État français est attaqué par deux investisseurs russes dans le cadre d’une procédure confidentielle de règlement des différends entre investisseurs et Etats (RDIE ou ISDS en anglais), dans le cadre du méga-projet minier « Montagne d’Or » en Guyane. Plus de 4,5 milliards de dollars de compensations seraient réclamés par les investisseurs au titre de manquement allégués aux obligations de l’État français concernant leurs droits d’exploiter de l’or et d’autres ressources dans la zone. Cette procédure constitue le premier véritable cas majeur d’arbitrage d’investissement contre la France (2).
Cette procédure, initiée en 2021, sur le fondement du traité bilatéral d’investissement France-Russie de 1989, intervient à la suite du retrait du soutien du Gouvernement français à ce projet, jugé en 2019 par le Conseil de défense écologique incompatible avec les exigences environnementales fixées par l’exécutif. Le projet Montagne d’Or, mine à ciel ouvert, avait fait l’objet de campagnes de mobilisation importantes aux niveaux local et national en raison des impacts massifs attendus sur les droits humains et sur l’environnement.
Les demandeurs sont deux sociétés de droit russe, Severgroup LLC et KN Holding LLC, propriétaires de l’entreprise Nordgold, qui est elle-même actionnaire à hauteur de 55 % de la Compagnie de la Montagne d’Or, créée en juillet 2016 pour porter le projet minier (3).
Le non-renouvellement des concessions avait fait l’objet d’un contentieux national porté par la Compagnie de la Montagne d’Or. Après une décision du Conseil Constitutionnel de 2022 et du Conseil d’État de 2023, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a finalement confirmé en novembre 2024 la légalité du refus opposé par l’administration aux demandes de la société Compagnie minière Montagne d’Or de prolongation de ses deux concessions.
Cette procédure d’arbitrage international pourrait conduire l’État français à devoir verser une indemnisation aux investisseurs alors que l’abandon du projet était justifié par de graves atteintes à l’environnement et aux droits humains, des risques industriels et environnementaux (cyanure, explosifs…), ainsi que par l’opposition locale des habitants et des organisations de la société civile.
« Cette affaire intervient dans un contexte de tensions croissantes entre obligations de protection des investissements étrangers et impératifs de préservation environnementale pointées du doigt à la fois par le GIEC et l’IPBES. Elle questionne la capacité des États à redéfinir leurs priorités en matière de transition écologique face aux engagements contractés dans le cadre des traités d’investissement. » – Mathilde Dupré, codirectrice de l’Institut Veblen.
Pour Jérémie Suissa, délégué général de Notre Affaire à Tous, « cette affaire illustre la nécessité de poser des limites d’intérêt général aux droits des investisseurs privés : le fait que deux États aient signé un accord bilatéral ne peut pas prévaloir sur l’intérêt général mondial. Face aux enjeux actuels, les exigences vitales de protection de l’environnement doivent être mises en balance avec les intérêts économiques privés. »
« On est face à un cas inédit de mauvaise foi des investisseurs russes qui ont acquis une société dans un contexte très défavorable car elle ne pouvait légalement obtenir la prolongation de ses concessions, puisqu’elle multipliait les exploitations illégales et manquait à son obligation de réhabilitation des sites miniers (dont 500 ha sont encore à ce jour non réhabilités). Les holdings russes tentent leur dernier coup de poker auprès du tribunal arbitral pour faire indemniser leurs mauvais investissements par l’État français. On est donc en train de demander un effort aux contribuables français alors que, massivement, les citoyens s’y étaient opposés en raison de la grave atteinte à leur droit à un environnement sain sur un territoire où l’État se désinvestit déjà tout particulièrement. Alors que le territoire guyanais abrite 50% de la biodiversité française et qu’il ne reçoit que peu de crédits dédiés à la préservation de l’environnement, il serait outrageant que l’État, qui tentait de préserver un corridor écologique de la plus grande Réserve Biologique Intégrale de France, doive indemniser ces investisseurs. » Nolwenn Rocca, de Guyane Nature Environnement
Notre Affaire à Tous, Adeline Paradeise, juriste : adeline.paradeise@notreaffaireatous.org
Note aux rédactions
(1) Cet arbitrage se déroule sous l’égide de la Cour permanente d’arbitrage (CPA) à La Haye suivant le règlement d’arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI) de 1976 (affaire CPA n° 2022-13). Le tribunal est composé de trois arbitres internationaux: Prof. Dr. Klaus Sachs, Mme Anne K. Hoffman et Prof. Brigitte Stern. Le montant des compensations réclamées a été aussi évoqué dans la question écrite de la députée Aurélie Trouvé. https://questions.assemblee-nationale.fr/q16/16-2177QE.htm La Cour permanente d’arbitrage a annoncé en mars 2025, que le tribunal d’arbitrage – dans l’affaire KN Holding LLC & Severgroup LLC c. la République française – pourrait recevoir des observations d’amicus curiae, invitant les tiers qui seraient intéressés à soumettre une demande d’autorisation de dépôt d’amicus curiae d’ici le 10 avril 2025.
Au moins deux demandes ont été déposées en ce sens : l’une par le Collectif des Premières Nations, l’Organisation des Nations Autochtones de Guyane, WWF France et l’Institut Veblen, assistés par le cabinet Baldon Avocats (Clémentine Baldon et Nikos Braoudakis) et l’autre par Guyane Nature Environnement et Notre Affaire à tous, assistées par les avocats Charlotte Matthews, Ugo Birchen, Maria Dziumak et Sébastien Mabile.
Le tribunal a rejeté les demandes d’intervention du WWF France, de l’Institut Veblen pour les réformes économiques et de Notre affaire à tous, sans donner de justification.
(2) Les deux autres seuls cas connus antérieurs d’arbitrage contre la France (Serter c. France, 2013 concernant les droits de propriété de la conception de coques de navires et Encavis et autres c. France, 2022 concernant la révision des tarifs de rachat de l’électricité photovoltaïque) ont été interrompus. Un nouveau cas a été enregistré début juin 2025 sur le fondement du traité entre l’Arménie et la France. Il oppose S. Karapetyan, homme d’affaires russo-arménien propriétaire de l’un des plus grands conglomérats industriels et de construction de Russie – le groupe Tashir – à la France, suite à la saisie de ses biens immobiliers pour des soupçons de blanchiment.
(3) Alexey Mordashov, oligarque russe placé sous sanctions européennes depuis 2022, contrôle Severgroup LLC et KN Holding LLC et détient, par ce biais, une participation majoritaire dans Nordgold.
Les représentant·e·s des États membres de l’Union européenne ont adopté hier soir la position du Conseil sur l’Omnibus I – proposé en février dernier par la Commission. Loin d’être un compromis entre simplification et maintien d’une régulation effective des entreprises, cette position vide dramatiquement de son sens l’objet du devoir de vigilance européen (CSDDD) : prévenir et réparer les atteintes aux droits humains et à l’environnement commises par les multinationales. Cet accord, qui établit la position du Conseil pour les futures négociations avec le Parlement européen, confirme le « business as usual » promu par les lobbies économiques et l’extrême droite, avec la complicité de certains États membres, dont la France.
Alors que de nombreux acteurs (société civile, syndicats, entreprises, économistes, Banque centrale européenne) avaient alerté sur les conséquences délétères de l’Omnibus I, le Conseil de l’Union européenne a décidé de se murer dans une vision erronée de la simplification de la vie des entreprises.
Décidant d’aller au-delà de la proposition déjà moins-disante de la Commission européenne, le Conseil propose de relever les seuils d’application du devoir de vigilance européen. Reprenant l’argumentaire de la France, le Conseil voudrait que ce dernier ne s’applique qu’aux sociétés de plus de 5000 salarié·e·s et réalisant plus d’1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires. Le nombre de sociétés concernées s’en trouverait réduit à peau de chagrin.
En proposant de limiter le devoir de vigilance aux seuls partenaires commerciaux directs (tout en prétendant suivre une « approche fondée sur les risques »), le Conseil condamne l’effectivité du dispositif : cette limitation aurait des conséquences catastrophiques sur le terrain, les violations des droits humains et les atteintes à l’environnement les plus graves ayant souvent lieu au-delà du premier rang de partenaires commerciaux.
La responsabilité civile, pilier fondamental du devoir de vigilance, n’est pas non plus épargnée. Très loin d’une simplification, le Conseil s’aligne sur la proposition de la Commission de ne plus harmoniser le régime de responsabilité civile, ce qui conduirait à une fragmentation des régimes juridiques selon les États membres, au détriment à la fois des victimes et des entreprises.
Enfin, les États membres ont pris la liberté d’affaiblir davantage le volet climatique de la directive sur le devoir de vigilance européen. Alors que cette dernière faisait obligation aux entreprises d’adopter et de mettre en œuvre des plans de transition climatique, la position du Conseil revient nettement sur le niveau d’ambition de ces plans. Les entreprises resteraient libres de ne pas mettre en œuvre leurs engagements si les efforts demandés leur semblent déraisonnables.
De plus, le Conseil donne son accord pour réduire considérablement le périmètre de la directive sur le reporting de durabilité (CSRD). Cette position aboutirait à l’exclusion de milliers d’entreprises européennes de ce dispositif et favoriserait le greenwashing.
Cette séquence renvoie à un constat tout aussi bouleversant : la politique se coupe des citoyen·ne·s et le basculement des instances européennes vers l’extrême droite se concrétise.
Le Conseil, une nouvelle fois, a cédé à la pression des lobbies – MEDEF, FBF et autres – qui profitent de l’instabilité actuelle pour imposer leur agenda de dérégulation. Les intérêts privés prennent le pas sur les droits fondamentaux et l’avenir de la planète.
Au-delà de ses impacts environnementaux et sociaux, la séquence s’inscrit dans un contexte où l’extrême droite gagne du terrain en Europe et se félicite ouvertement de cette offensive contre le Pacte vert.
Nos organisations dénoncent également le silence délibéré des dirigeant·e·s français·es face à l’opinion de la grande majorité des citoyen·ne·s et aux demandes des organisations de la société civile. Ni Emmanuel Macron, ni François Bayrou n’ont accepté de dialoguer à ce sujet avec la société civile.
Face à ce panorama funeste, nos organisations appellent le Parlement européen, et tous les acteurs de la société ayant pris position contre l’Omnibus I, à s’unir pour combattre cette approche réactionnaire.
Traduction disponible en shimaoré (oral) en bas de page.
Communiqué de presse, 23 juin 2025 – Les difficultés d’accès à une eau potable dans les territoires dits d’Outre-mer représentent une crise majeure, aux conséquences quotidiennes dramatiques et croissantes sur les droits humains des adultes et enfants qui y vivent. Face à cette situation alarmante, associations locales et nationales publient aujourd’hui un rapport collectif et alertent les autorités ainsi que les Nations Unies sur cette grave discrimination environnementale.
Dans ce contexte, nous avons établi un état des lieux accablant, qui a vocation à mettre en lumière le ressort de la discrimination environnementale qui cible les territoires dits d’Outre-mer par rapport au territoire hexagonal. Les constats que nous y faisons, autour des problématiques d’accès à l’eau potable et des violations des droits fondamentaux qui en résultent, sont d’une gravité telle que nous transmettons également ce rapport au Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’eau potable. Il est important que la France soit amenée à répondre de ce scandale devant les Nations-Unies.
Le rapport en quelques mots :
– Le droit international, comme le droit européen et français, reconnaît le droit humain à l’eau potable, tout comme la nécessité de – prendre en compte les difficultés particulières qui pourraient concerner certaines populations, notamment en fonction de leur lieu de vie ou de leurs revenus. Pourtant, le cadre juridique encadrant le droit à l’eau potable en Francene permet pas une telle prise en compte des réalités des territoires dits d’Outre-mer. – Cela emporte des conséquences extrêmement fortes dans les territoires dits d’Outre-mer, de plusieurs ordres et de différents degrés selon les territoires, mais qui concernent notamment : des difficultés techniques et infrastructurelles engendrant des coupures d’eau régulières ; des pollutions très fortes qui impactent la potabilité de l’eau ; une tarification par endroits extrêmement élevée, à mettre en regard avec le service défaillant et les difficultés économiques des territoires dits d’Outre-mer. – Ces difficultés impactent fortement les différents droits fondamentaux – à la santé, à la vie privée et familiale, à la dignité humaine, mais aussi au logement décent ou au travail – des habitant·es dits ultramarin·es de façon générale, et des enfants encore plus intensément. – Ces difficultés sont de plus amenées à s’intensifier avec le changement climatique.
Dans les Antilles, les enfants perdent 20% de jours d’école à cause du manque d’eau selon l’UNICEF. En Guyane, dans l’Ouest du pays, l’accès à l’eau n’est pas garanti, affectant disproportionnellement les populations précaires et vulnérables de cette zone enclavée. Pendant la sécheresse qui a frappé Mayotte en 2023, les Mahorais·es n’avaient accès à de l’eau au robinet qu’environ 8h tous les trois jours, et un mois après Chido, une mission parlementaire a constaté la pénurie d’eau potable affectant toute l’île. Les Guadeloupéen·nes paient l’eau la plus chère de France bien qu’elle soit régulièrement impropre à la consommation, polluée et que sa distribution soit sujette àdes coupures quotidiennes qui peuvent durer plus d’un mois.
Ces difficultés, si elles représentent un défi technique, ne sont pas une fatalité ou une coïncidence qui toucherait par hasard les territoires dits d’Outre-mer : ces situations réunissent tous les éléments constitutifs d’une discrimination environnementale indirecte résultant de l’inaction de l’État. Il est urgent que la situation des territoires dits d’Outre-mer soit comprise pour ce qu’elle est – une discrimination environnementale – pour que les actions mises en place soient suffisamment dimensionnées et aient enfin un impact positif sur le quotidien des habitant·es.
Collectivement, nous formulons plusieurs demandes sans lesquelles il n’est pas possible d’espérer une amélioration. Elles concernent :
La reconnaissance de la situation pour ce qu’elle est – une discrimination environnementale territoriale.
Un augmentation forte des crédits alloués par l’État, à la hauteur minimale des besoins précisément évalués pour assurer à ces territoires un accès normal à l’eau potable.
Une responsabilisation des acteurs impliqués et une intégration réelle des populations à la construction des politiques publiques.
Une construction holistique des politiques publiques déployées dans les territoires dits d’Outre-mer autour de ces objectifs de justice environnementale.
Le sujet doit être traité proportionnellement à son ampleur : près de 3 millions de personnes en France subissent de graves problématiques pour accéder à un service public vital, l’eau potable. Ce n’est pas un problème local, c’est un sujet qui met à mal notre conception même d’égalité nationale.
Collectifs et associations signataires, dans l’ordre alphabétique : l’ASSAUPAMAR (Martinique), le Collectif des luttes sociales et environnementales, Guyane Nature Environnement, Kimbé Rèd F.W.I. (Antilles), Lyannaj pou dépolyé Matinik, Mayotte a soif, Mayotte Nature Environnement, Notre Affaire à Tous, l’association VIVRE (Guadeloupe).
Pour en savoir plus, retrouvez le rapport collectif faisant l’état des lieux des problématiques d’accès à l’eau dans les territoires dits d’Outre-mer et explicitant le ressort de la discrimination et les impacts sur les droits humains :
« Depuis 2021, suite au plaidoyer de Kimbé Rèd FWI, l’ONU a interpellé la France à de nombreuses reprises sur la crise de l’eau en Guadeloupe et la pollution au chlordécone aux Antilles, révélant des défis communs à la plupart des “Outre-mer”. Le présent rapport, fruit d’un précieux travail collectif coordonné par Notre Affaire à Tous, confirme une discrimination systémique, appelant des politiques nationales et des solutions locales adaptées. » – Sabrina Cajoly, fondatrice de Kimbé Rèd FWI.
«Les informations que nous avons réunies démontrent de manière dramatique à quel point les territoires dits d’Outre-mer ne sont pas traités comme le reste du territoire français. Nulle part ailleurs en France on n’accepterait une telle situation. On parle ici d’accéder à de l’eau potable, la première condition de toute vie humaine, en 2025.» – Jérémie Suissa, délégué général de Notre Affaire à Tous.
« Pendant deux années consécutives, 2023 et 2024, nous n’avons pas été capables d’assurer l’accès à l’eau potable à l’intégralité des citoyens guyanais sur une période de l’année notamment du fait des conséquences du réchauffement climatique. Cette situation ne saurait durer davantage et il est urgent d’apporter des solutions car il s’agit d’un droit fondamental. » – Nolwenn Rocca, coordinateur de Guyane Nature Environnement.
« Alors que le changement climatique intensifie les sécheresses, les territoires ultramarins sont en première ligne face au manque d’eau potable. Les réponses apportées doivent être à la hauteur des réalités propres à chaque territoire. » – Léna Lessard, juriste de Mayotte Nature Environnement.
Les problématiques d’accès à une eau potable sont nombreuses et croissantes dans les DROM. Or, elles ne résultent pas d’un manque de chance ou d’une fatalité, mais de politiques publiques, d’actions ou d’inaction injustifiées et inadaptées qui ont porté préjudice aux habitant·es des DROM. Les DROM ont connu des années de politique de l’eau construites autour de l’objectif de résorber la situation. Bilan, d’après un rapport d’évaluation de 2022 : « Nulle part son impact direct n’a pu être, jusqu’à présent, ressenti comme positif ni sur le plan de l’eau potable ni sur celui de l’assainissement ».
Ces injustices sont connues depuis longtemps, documentées par différents rapports institutionnels ou issus de la société civile.
Pour aller au-delà du constat, interroger la nature de ces injustices apparaît désormais essentiel, pour passer de l’injuste à l’illégal. Il devient alors possible de déduire l’existence d’une discrimination environnementale territoriale, défavorisant les DROM par rapport à l’Hexagone en matière d’accès à l’eau potable. La persistance et l’aggravation de ces problématiques doivent être comprises pour ce qu’elles sont : un problème de droit remettant en cause le principe d’égalité.
Si le défi technique ne doit pas être minimisé, un changement de paradigme doit s’opérer pour que les politiques publiques déployées soient justement dimensionnées à la hauteur du défi.
Pourquoi un rapport collectif sur le sujet ?
Nous sommes convaincu·es que, tant que les problématiques d’accès à l’eau potable dans les DROM ne seront pas analysées sous le prisme de la discrimination environnementale et comme une rupture d’égalité par rapport au territoire hexagonal, les choses ne changeront pas dans le quotidien des près de trois millions de personnes qui y vivent.
Ce document collectif, auquel ont participé des collectifs travaillant sur le sujet sur tous les DROM depuis des années, a pour objectif de porter un constat commun quant à l’historique et l’état des lieux des difficultés d’accès à l’eau potable. En fil rouge, il a vocation à expliciter le ressort de la discrimination qui caractérise de fait ces situations. C’est ici sa réelle plus-value, aux côtés d’autres rapports – institutionnels et associatifs – déjà établis sur le sujet. Il est urgent que la situation des DROM soit en effet comprise pour ce qu’elle est – une discrimination environnementale – pour que les actions mises en place aient enfin un impact positif sur le quotidien des Français.es ultramarin·es. Leurs droits fondamentaux sont bafoués par ces situations qui perdurent, par ailleurs amenées à s’aggraver sous l’effet des changements climatiques. De fait, il permettra également de proposer des pistes d’action, juridiques, politiques et citoyennes, sur lesquelles s’accordent les collectifs porte-parole de la voix de la société civile.
Pour se faire, le rapport “Agir contre les discriminations environnementales d’accès à l’eau potable dans les DROM” propose un décryptage du cadre juridique de l’eau en France, inadapté aux situations des territoires ultramarins, un état des lieux des problématiques, mais surtout des pistes d’évolution. Outre les mesures d’urgence à mettre en place rapidement, nous articulons nos demandes autour de quatre grandes pistes d’action.
La reconnaissance de la situation pour ce qu’elle est – une discrimination environnementale.
Un redimensionnement important des crédits alloués par l’État, à la hauteur des besoins précisément évalués.
Une responsabilisation des acteurs impliqués et une intégration réelle des populations à la construction des politiques publiques.
Une construction holistique des politiques publiques déployées dans les DROM autour de ces objectifs de justice environnementale.
Le constat présenté dans le rapport est trop grave : en juin 2025, nous sollicitons le Rapporteur Spécial des Nations Unies sur les droits humains à l’eau potable et à l’assainissement, pour qu’il puisse enquêter sur cette discrimination environnementale française.
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