La journée que nous avons connue aujourd’hui est une illustration parfaite de la bataille menée par le gouvernement contre le climat et l’environnement. Deux « procès » ont eu lieu aujourd’hui : l’un devant de Conseil d’Etat pour statuer sur la dissolution des « Soulèvements de la Terre », l’autre devant le tribunal administratif de Poitiers concernant une subvention à Alternatiba contestée par le Préfet de la Vienne en raison du soutien apporté par Alternatiba à des actions de « désobéissance civile ». Ces deux procès sont avant tout les procès de la politique d’illégalité volontaire menée par le Gouvernement dans sa bataille contre les mobilisations de la société civile. 

Dans ces deux procédures, Notre Affaire à Tous est intervenue, aux côtés de nombreuses autres associations et citoyen.ne.s, pour défendre les libertés associatives, rappeler l’urgence environnementale et climatique et dénoncer le détournement des voies de droit par le Gouvernement à des fins politiques.

Dans ces deux procédures, la juridiction administrative a donné tort au Gouvernement (annulation du décret de dissolution des Soulèvements de la Terre), ou est invitée à le faire (conclusion de la rapporteure du TA de Poitiers en faveur d’Alternatiba).

Cette séquence éloquente met en lumière deux éléments déterminants de la politique de guerre ouverte menée par le gouvernement contre les défenseur.se.s de l’environnement.

D’une part, la stratégie flagrante du Gouvernement visant à transformer les réalités de manière outrancière (invention du terme « éco-terroristes ») pour justifier une utilisation du droit dévoyée et disproportionnée. Cette caricature a permis au gouvernement de déployer un arsenal répressif inédit à l’encontre des militant.e.s écologistes, les traitant comme de véritables terroristes. C’est ainsi que des personnes sans antécédents judiciaires, qui se seraient rendues de leur plein gré au commissariat si elles avaient été convoquées, ont été braquées au petit matin par des groupes d’intervention dotés d’armes de guerre, emmenées en garde à vue pendant plusieurs jours et remises en liberté les yeux bandés et sans aucun moyen de communication à des centaines de kilomètres de chez elles. Comment justifier qu’un pays si durement frappé par le terrorisme, le vrai, celui qui tue aveuglément pour semer la terreur et combattre les libertés, puisse aujourd’hui détourner les outils de lutte contre le terrorisme à des fins politiques ? Dès l’adoption de la « loi séparatisme » nous avions, avec d’autres, alerté sur ce risque de mise à mal des libertés fondamentales. Ces outils ne sont pas des outils permettant de mieux lutter contre le terrorisme, ce sont des outils qui permettent de justifier les atteintes aux libertés pour des motifs politiques. Quand pendant ce temps des actes bien plus graves à l’encontre des lanceurs d’alertes ou des institutions environnementales restent sans réponse : qu’il s’agisse d’une journaliste à qui on dévisse les roues de voiture (Morgan Large), d’un agriculteur quasiment tabassé jusqu’à la mort (Paul François) ou encore l’incendie criminel de locaux des services publics de l’Office Français de la Biodiversité. Inventant chaque semaine de nouveaux griefs à et de nouvelles menaces à l’encontre des mobilisations citoyennes et scientifiques, le Gouvernement est malheureusement atone face à des faits d’une gravité dramatique. 

D’autre part, la pratique systématique désormais pour le Gouvernement de prendre des décisions qu’il sait pertinemment illégales pour lui permettre de nourrir ses combats politiques, faire le « buzz », qu’il s’agisse d’empêcher les militants écologistes d’alerter sur la crise climatique et environnementale ou de bloquer les manifestations contre la réforme des retraites ou les violences policières. Rarement un Gouvernement aura vu autant de ses décisions annulées par la Justice. Ne nous y trompons-pas : le Gouvernement sait pertinemment qu’une grande partie de ces décisions seront annulées, mais elles auront entre temps permis d’empêcher des manifestations de se tenir, de mettre des amendes à des militants, de nourrir les peurs envers les « éco-terroristes ».

Face à ces dérives autoritaires, et quand au même moment le ministre de la Justice en exercice est jugé par la Cour de Justice de la République pour ses pressions à l’encontre des magistrats, il est rassurant de constater que l’Etat de droit tient bon et ne tombe pas, encore, dans le piège totalitaire.