17 mars 2021 : L’État français entame son découvert climatique
Pour la 2ème année consécutive, l’Affaire du Siècle organise le jour du dérèglement, qui marque le jour où la France a émis autant de gaz à effet de serre que ce qu’elle devrait émettre en une année entière si elle respectait l’objectif de neutralité carbone, objectif que l’État français s’est lui-même engagé à atteindre pour 2050.
En 2021, le jour du dérèglement tombe le 17 mars 2021 : c’est-à-dire que la France a émis, en 77 jours, l’intégralité des gaz à effet de serre qu’elle devra émettre en une année en 2050 pour respecter son objectif de neutralité carbone. À partir de maintenant, la France vit donc à crédit du climat. Cette date toujours précoce, malgré le ralentissement des émissions de gaz à effet de serre sous l’effet des mesures sanitaires, montre bien l’ampleur du chemin qu’il reste à parcourir en trente ans pour atteindre la neutralité carbone : en effet, à ce rythme, la neutralité carbone ne pourra être atteinte qu’en 2084, soit avec 34 ans de retard.
Jusqu’à la fin de l’année 2021, la France va creuser sa dette climatique, alors que nous sommes déjà nombreuses et nombreux à témoigner des effets concrets des changements climatiques.
Malgré l’effet Covid, la France est encore loin du compte
Le Jour du dérèglement arrive cette année douze jours plus tard que l’an dernier (5 mars 2020), car les conditions sanitaires ont conduit à prendre des mesures exceptionnelles. On estime qu’en 2020, la France a émis 52 mégatonnes d’équivalent CO2 en moins par rapport à 2019, c’est-à-dire une baisse de 12%. Mais cette situation subie par chacun·e ne résulte pas de nouvelles mesures politiques climatiques ambitieuses et durables, et le risque de constater un effet rebond dès que les restrictions seront levées demeure très important.
Malgré les mesures restrictives liées à la situation sanitaire, en 2021, la France devrait tout de même émettre 389 mégatonnes de CO2 équivalent. À ce rythme, la neutralité carbone, prévue pour 2050 ne pourrait être respectée qu’en 2084. L’État ne peut pas se permettre de creuser sa dette climatique – dette que nous paierons, et payons déjà, toutes et tous. Il est temps d’agir, rapidement, pour régulariser la situation.
Condamné pour inaction climatique, l’Etat doit agir
L’État vient d’être condamné pour son inaction climatique, et prochainement, le Tribunal administratif et le Conseil d’État devraient lui ordonner de prendre – enfin – des mesures concrètes et efficaces pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de la France.
Malgré cela, le gouvernement s’entête à ne pas prendre les actions qui s’imposent : le projet de loi Climat et résilience, qui sera examiné d’ici quelques jours par le Parlement, n’est pas du tout à la hauteur de l’urgence climatique. Le Conseil national de la transition écologique, le Conseil économique, social et environnemental, et le Haut Conseil pour le Climat ont tous les trois jugé que le projet de loi était insuffisant au regard des objectifs climatiques de la France. Les citoyennes et citoyens qui composent la Convention Citoyenne pour le Climat, dont le projet de loi devait reprendre les propositions, ont donné une note moyenne de 3,3 au texte.
5 mars 2020 : L’Affaire du Siècle lance le Jour du Dérèglement
Le 5 mars 2020 est le #JourDuDérèglement : L’Affaire du Siècle rappelle à l’ordre l’Etat quant à son objectif de neutralité carbone !
Entre le premier janvier et le 5 mars 2020, soit en 2 mois et 5 jours seulement, la France a émis la totalité des gaz à effet de serre qu’elle pourrait émettre en un an si elle respectait son objectif de neutralité carbone. Dès aujourd’hui et jusqu’au 31 décembre, l’État français est donc à découvert climatique et aggrave son impact sur le dérèglement de la planète. Le fait que cette date arrive si tôt dans l’année est une nouvelle démonstration que l’État est encore loin de respecter ses propres lois. Le recours en justice de l’Affaire du Siècle, déposé le 14 mars 2019 et soutenu par plus de 2 millions de Français-es, vise à mettre fin à cette fuite en avant !
Quelques mois après le lancement de notre appel à témoignages national pour rendre compte de l’ampleur des conséquences dramatiques du changement climatique sur le quotidien de tou-tes les citoyen-nes, l’Affaire du Siècle poursuit son projet de responsabilisation de l’Etat pour l’obtention immédiate de mesures concrètes et ambitieuses pour lutter contre le dérèglement climatique. Avec cet événement, nous montrons une fois encore le fossé qui se creuse entre les discours de l’Etat et les actions adoptées.
Explication en vidéo
Qu’est-ce que le Jour du dérèglement ?
L’Etat français s’est donné pour objectif d’être neutre en carbone en 2050, objectif inscrit dans la loi énergie-climat de 2019 et conforme à l’Accord de Paris. Cet objectif, que l’Etat s’est lui-même fixé, signifie que, chaque année à partir de 2050, la France ne pourra rejeter dans l’atmosphère que 80 mégatonnes de CO2, car c’est le seuil maximal de ce que notre biosphère (océans, forêts…) est en capacité de stocker.
L’Affaire du Siècle s’est penchée sur la question, pour mesurer le chemin qu’il reste à parcourir afin de respecter cet objectif, et avec celui-ci l’ambition de neutraliser l’impact de la France sur le climat.
Résultat : le 5 mars 2020, la France a d’ores et déjà émis ces 80 mégatonnes de CO2. En 2 mois et 5 jours, la France a donc épuisé son compte carbone et vit à découvert jusqu’à la fin de l’année.
La planète ne disposant pas de son propre banquier pour venir demander des comptes à l’Etat français, l’Affaire du Siècle se saisit de la question. L’Etat ne peut pas se permettre de creuser sa dette climatique – dette que nous paierons, et payons déjà, toutes et tous. Il est temps d’agir, rapidement, pour régulariser la situation.
Cette date du Jour du dérèglement nous dit une chose : il nous reste 30 ans pour tout changer. Moins d’une génération pour atteindre la date du 31 décembre. Moins d’une génération pour mener une transformation sans précédent de tous les systèmes : énergie, alimentation, transports, logement, industrie, gestion des terres.
Il n’y a plus un jour à perdre. Plus l’Etat tarde à agir, plus l’atteinte de la neutralité carbone est compromise et risque de se faire dans la douleur pour une grande partie de la société. Alors 30 ans, oui, ça peut paraître long. Mais, si on regarde le peu de chemin parcouru ces 30 dernières années, on peut aussi se dire que c’est très court.
Quelques exemples :
- En 30 ans, les émissions de gaz à effet de serre de la France ont baissé de 19%. Elles devront être divisées à nouveau par plus de 5 ces 30 prochaines années pour atteindre la neutralité carbone en 2050.
- Entre 2015 et 2018, les émissions ont baissé de 1,1% par an en moyenne alors que l’objectif était de 1,9% par an. Et passera à 3,3% à partir de 2025. Même ces dernières années, alors que la prise de conscience de l’urgence climatique est chaque jour plus forte, les actions prises sont bien en deçà ou contradictoires avec les objectifs fixés.
- En près de 30 ans, les émissions liées au secteur des transports ont augmenté de 10%, alimentées par la croissance de la demande et les politiques des gouvernements successifs faisant du transport une priorité.
- Dans le secteur du bâtiment, les progrès sont encore trop lents. Même si les émissions de ce secteur ont baissé de 10% entre 1990 et 2018, ce secteur représente encore 19% des émissions françaises en 2018. Surtout, les émissions du secteur ont diminué de 1,5% depuis 2015, alors que les objectifs officiels fixaient une baisse de 5,5%. 12 millions de personnes sont encore en situation de précarité énergétique et 7 millions de résidences principales sont encore des passoires énergétiques en attente de rénovation.
La méthodologie utilisée
Le calcul a été effectué par le cabinet de conseil indépendant Carbone 4, sur demande des organisations formant l’Affaire du Siècle (Notre Affaire à Tous, la Fondation Nicolas Hulot, Greenpeace France, et Oxfam France). Une estimation des émissions de 2021 a été réalisée sur la base de la tendance historique des émissions françaises corrigées des variations climatiques jusqu’en 2018 (source : Ministère de la transition écologique), et sur la baisse conjoncturelle des émissions observée en 2020 sous l’effet de la Covid-19 (estimation du MTES : -12% par rapport à 2019). La limite d’émissions annuelles choisie pour la neutralité carbone est celle que l’État lui-même s’est fixée dans la loi et la Stratégie nationale bas carbone : maximum 80 MtCO2e, qui correspond aux capacités prévues d’absorption du carbone en France pendant un an en 2050.Conformément aux règles de calcul des émissions territoriales de la France, ce calcul exclut les émissions liées au transport maritime et aérien ainsi que les émissions dites importées.