Pourquoi se tourner vers les tribunaux ?
L’inaction de l’État est illégale ! L’Etat est tenu de respecter ses engagements nationaux, européens et internationaux, et de protéger les droits humains de ses citoyennes et citoyens.
La justice climatique est indissociable de la justice sociale ! Les français-es l’ont bien compris, à travers la crise des gilets jaunes. Les victimes du changement climatique sont aujourd’hui visibles. Maurice Feschet ou encore Jean-François Périgné subissent une perte de revenus de leur travail liée à la dégradation du climat. Magali Duranville déplore la mise en danger de la santé des français-es, de leurs vies de famille, de leurs maisons. Les citoyen-ne-s ont bien saisi l’accroissement du décalage entre les paroles et les actes, et que rien n’est véritablement entrepris aujourd’hui pour contrer la crise climatique en cours. Pourtant la France est le pays européen le plus impacté par les impacts du réchauffement climatique. Mais les coûts de la transition reposent sur les plus pauvres.
Tous les moyens d’action ont été utilisés : les gestes individuels, les marches citoyennes, les opérations de boycott ou encore la résistance non-violente. Mais rien n’y fait : ni les pollueurs, ni les Etats, n’écoutent les aspirations citoyennes et l’urgence soulignée par les scientifiques.
Aujourd’hui, la France ne tient pas ses engagements, même ceux fixés par la loi. Si les français-e-s respectent la loi, les États en ont également l’obligation ! L’Etat est responsable, il doit agir directement, et réguler l’activité des pollueurs.
Le 18 décembre 2018, lancement de l’Affaire du Siècle
Le 18 décembre 2018, Notre Affaire à Tous, en partenariat avec la Fondation pour la Nature et l’Homme, Greenpeace France et Oxfam France, a initié “l’Affaire du Siècle”, le recours climat contre l’Etat français. Ce recours a pour objectif de faire reconnaître par le juge l’obligation générale d’agir de l’Etat français dans la lutte contre le changement climatique, afin de protéger les droits des citoyen-nes français-es face à l’impact du changement climatique sur leur vie. La pétition de soutien qui accompagne ce recours a recueilli en l’espace de quelques semaines plus de 2 millions de signatures.
Le 14 mars 2019, dépôt de la requête sommaire
Le 15 février 2019, le ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, a rejeté la demande des organisations Notre Affaire à Tous, Greenpeace France, Oxfam France et de la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme. Elles sollicitaient, d’une part, la réparation des préjudices subis en raison des fautes de l’État en matière de lutte contre le changement climatique et, d’autre part, à ce qu’il soit enjoint à l’État de mettre un terme à l’ensemble de ses carences en matière de lutte contre le changement climatique. Jeudi 14 mars 2019, elles déposent leur recours en justice contre l’inaction climatique de l’Etat via une “requête sommaire” devant le Tribunal administratif de Paris.
Le 20 mai 2019, dépôt du mémoire complémentaire
Après la requête déposée pour l’Affaire du Siècle devant le tribunal administratif de Paris le 14 mars dernier, les avocats de Notre Affaire à Tous, la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme, Greenpeace France et Oxfam France ont transmis au juge un “mémoire complémentaire” détaillant l’ensemble des arguments présents dans le recours en responsabilité contre l’État français pour inaction climatique. Ce dépôt a lancé le début de la période d’instruction.
Le 24 juin 2020, l’Etat répond à l’Affaire du Siècle
Près de seize mois après le début de l’instruction, l’État répond enfin aux arguments déposés contre lui par Notre Affaire à Tous, la Fondation Nicolas Hulot, Greenpeace France et Oxfam France, dans le cadre de l’Affaire du Siècle. Dans son mémoire en défense, composé de 18 pages, l’État rejette les arguments présentés par les organisations co-requérantes et nie en bloc les carences pointées par l’Affaire du Siècle, alors qu’elles avaient été confirmées par le Haut conseil pour le climat. Cette réponse intervient alors que deux autres organisations – la Fondation Abbé Pierre et la Fédération Nationale d’Agriculture Biologique – versent au tribunal leurs arguments en appui à l’Affaire du Siècle.
Le 4 septembre 2020, l’Affaire du Siècle dépose son mémoire en réplique
Nos avocat-e-s ont déposé notre “mémoire en réplique” (c’est-à-dire nos contre-arguments) le 4 septembre 2020 et 100 témoignages issus de la plateforme « Témoins du climat » lancée par l’Affaire du Siècle en décembre 2019.
Dans son mémoire en réplique, l’Affaire du Siècle rappelle au tribunal que la responsabilité de l’État est bel et bien engagée, en démontrant qu’il a failli à établir un cadre juridique efficace, et à mettre en œuvre les moyens humains et financiers permettant d’assurer son respect, et qu’il ne peut se cacher derrière la multiplicité des acteurs. L’État a un rôle crucial à jouer, de régulateur, d’investisseur et de catalyseur à tous les niveaux. L’Affaire du Siècle démontre également qu’en ne respectant pas ses objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre, d’efficacité énergétique ou encore d’énergies renouvelables, il a lui-même directement contribué à la crise climatique : entre 2015 et 2019, la France a émis environ 89 millions de tonnes de CO2 équivalent en trop par rapport à ses objectifs– soit l’équivalent de deux mois et demi d’émissions du pays tout entier (au rythme d’avant le confinement).
Le 14 janvier 2021, l’audience de l’Affaire du Siècle
L’audience de l’Affaire du Siècle se tiendra devant le Tribunal administratif de Paris, le 14 janvier 2021 à 13h45, plus de deux ans après le lancement de ce recours en justice inédit contre l’inaction climatique de l’État. Plus de deux ans après le formidable élan de mobilisation qui a entouré le lancement de ce recours en justice inédit pour faire reconnaître l’inaction climatique de la France, la justice pourrait obliger l’État à agir.
Lors de l’audience, jeudi 14 janvier, le rapporteur public présentera ses conclusions, c’est-à-dire la décision qu’il recommande au Tribunal de prendre. Les avocates et avocats de l’Affaire du Siècle, qui ont fourni un travail remarquable pour démontrer les fautes de l’État, prendront ensuite la parole pour rappeler nos arguments :
- L’Etat a l’obligation de nous protéger face à la crise climatique or elle est loin de respecter ses engagements :
- La France a systématiquement dépassé les plafonds carbone qu’elle s’était fixée ;
- L’objectif de 23% d’énergies renouvelables en 2020 n’est pas respecté ;
- Le retard pris sur la rénovation énergétique des bâtiments est tel qu’il faudrait multiplier par 10 le rythme d’ici à 2030 ;
- Les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports n’ont baissé que de 1,5% alors que l’objectif était de -15% !
L’État, en tant que partie défenderesse, est alors également censé prendre la parole. Il n’est pas censé développer de nouveaux arguments. Il faut noter que dans le dossier de Grande-Synthe, en novembre, l’État n’a pas souhaité s’exprimer. Le Tribunal devrait rendre sa décision environ deux semaines après l’audience, c’est-à-dire fin janvier.
Le 3 février 2021, le tribunal condamne l’Etat pour inaction climatique
Plus de deux ans après la mobilisation incroyable qui a porté l’Affaire du Siècle, le tribunal administratif a rendu sa décision : nous avons remporté une victoire HISTORIQUE pour le climat !
Pour la première fois, la justice vient de reconnaître que l’inaction climatique de l’État est illégale, que c’est une faute, qui engage sa responsabilité. C’est une avancée majeure du droit français !
Dans son jugement sur l’Affaire du Siècle, le tribunal administratif de Paris reconnaît la responsabilité de l’État français dans la crise climatique et juge illégal le non-respect de ses engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre. L’État est également reconnu responsable de “préjudice écologique”. Nous espérons un jugement plus historique encore au printemps : l’Etat pourrait être condamné à prendre des mesures supplémentaires sur le climat.
L’Affaire du Siècle et Grande Synthe
L’Affaire du Siècle s’implique également aux côtés de l’action en justice de Grande Synthe, la commune qui a attaqué l’Etat devant le Conseil d’Etat en novembre 2018. En février 2020, l’Affaire du Siècle a déposé une “intervention volontaire”, c’est-à-dire qu’elle a ajouté ses arguments au dossier juridique. Le 9 novembre 2020, le Conseil d’Etat a rendu une décision historique : il a reconnu le caractère contraignant des objectifs climat inscrits dans la loi, ainsi que des trajectoires pour les atteindre et a donné 3 mois à l’Etat pour prouver qu’il peut atteindre les trajectoires qu’il s’est lui-même fixé. L’Affaire du Siècle est en train de produire de nouvelles expertises scientifiques qui montrent que les trajectoires de réduction de GES prévues ne sont pas crédibles, sans politiques climatiques radicalement ambitieuses.
Décryptage juridique en vidéo
#1 Les lois et les obligations que l’Etat ne respecte pas
#2 Quels sont les retards climatiques de l’Etat ?
#3 : Face à la crise climatique, que peut la justice ?
#4 : Gagner ou perdre l’Affaire du Siècle, et après ?
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