L’Appel pour une Constitution Ecologique
Le 22 avril 2018, Jour de la Terre, Notre Affaire à Tous, CliMates, WARN et le REFEDD ont lancé un Appel pour une Constitution Écologique sous le nom de “Notre Constitution Écologique”. L’objectif était d’inciter le gouvernement et les parlementaires à inscrire à l’article 1er de la Constitution la protection du climat et de la biodiversité, mais aussi le principe de non-régression et la reconnaissance des limites planétaires. Une portée très symbolique puisque l’article 1er énonce les principes fondateurs de la République française, mais aussi un outil juridique, après le passage de l’Affaire du Siècle.
En août 2019, l’exécutif a dévoilé son nouveau projet pour l’article premier de la réforme constitutionnelle, rédigé ainsi : « la République favorise toutes les actions en faveur du climat et de la biodiversité ». Or, en 2018, la proposition adoptée par l’Assemblée nationale imposait une obligation à l’Etat d’agir en matière de protection de l’environnement. Par ce revirement, le Président de la République faisait en toute conscience et connaissance de cause le choix de phrases creuses, et non contraignantes.
La réforme constitutionnelle abandonnée (2017-2019)
Le 3 juillet 2017, le Gouvernement annonçait une réforme constitutionnelle visant à inscrire “l’impératif de lutte contre le changement climatique à l’article 34, qui définit le domaine de la loi”. Un important premier pas puisque la Constitution établit les lois fondamentales qui régissent notre société. Cependant, l’article 34 de la Constitution, qui se contente de définir le domaine de la loi, était loin de satisfaire les différentes ONG environnementales.
Notre Affaire à Tous entame alors un travail inter-associatif avec diverses structures, notamment la Fondation pour la Nature et l’Homme, pour rédiger une proposition d’amendement à l’article premier de la Constitution. L’association s’allie avec les organisations de jeunesse CliMates, le REFEDD et le WARN pour porter une pétition citoyenne, en parallèle du travail de plaidoyer auprès des parlementaires, sous le nom de “Notre Constitution Ecologique”, signée à ce jour par plus de 100 000 citoyen-nes. En mai 2021, l’organisation Noé a rejoint le collectif Notre Constitution Écologique.
Au mois de juillet 2018, l’Assemblée Nationale permet une avancée symbolique dans la protection du climat et de la biodiversité en intégrant ces deux notions dans l’article 1er de la Constitution française grâce à l’amendement déposé par l’ex-Ministre de l’Écologie Nicolas Hulot : « La République agit pour la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et contre les changements climatiques ». La nouvelle formulation présentée par la Garde des Sceaux, Nicole Belloubet, lors du Conseil des Ministres du 28 août 2019, remplace le terme “agir” par “favorise”. Ce changement fait suite à un avis prévenant du Conseil d’Etat. Les termes retenus signalent une simple incitation à préserver notre environnement, alors même que les forêts du monde brûlent.
La formulation adoptée par l’Assemblée Nationale en 2018 laissait déjà beaucoup (trop) de parts d’ombre alors que le projet initial, porté par Notre Affaire à Tous, proposait d’inscrire deux principes majeurs que sont la reconnaissance des limites planétaires et le principe de non-régression. Cet amendement était insuffisant pour garantir une préservation efficace de nos ressources et une action ambitieuse dans la lutte contre les changements climatiques.
Notre proposition de loi
“La France est une République indivisible, laïque, démocratique, sociale, solidaire et écologique. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion.
La République veille à un usage économe et équitable des ressources naturelles, garantit la préservation de la diversité biologique et lutte contre les changements climatiques dans le cadre des limites planétaires. Elle assure la solidarité entre les générations. Une génération ne peut assujettir les générations futures à des lois moins protectrices de l’environnement que celles en vigueur. »
Nous défendons
- L’inscription des limites planétaires dans la Constitution
Les limites planétaires sont une notion scientifique et font référence à dix processus et systèmes régulant la stabilité et la résilience du système terrestre. Elles ont été définies par le Stockholm Resilience Center en 2009 puis actualisées en 2015. Elles incluent le climat, l’acidification des océans, la biodiversité, l’eau douce, l’usage des sols, les cycles du phosphore et de l’azote, la couche d’ozone, l’émission d’aérosols atmosphériques et la pollution chimique. Une dixième limite relative à la diffusion d’entités nouvelles dans l’environnement (molécules de synthèse, nanoparticules, …) a été établie en 2015. Pour chacune de ces limites (sauf la dixième), il existe une valeur limite, un seuil à ne pas dépasser, si l’humanité veut pouvoir continuer à se développer sur une planète sûre. Leur franchissement nous conduirait vers un « point de basculement » entraînant un processus d’extinction irréversible des espèces, humaines et non-humaines.
Or quatre de ces limites planétaires ont déjà été dépassées au niveau mondial, et six en France selon le “Rapport sur l’état de l’environnement en France” publié par le Ministère de la transition écologique et solidaire le 24 octobre 2019. L’inscription des limites planétaires dans la Constitution permettrait de poser un nouveau cadre normatif prenant en compte la réalité scientifique, et de faire évoluer notre droit vers une approche écosystémique.
- L’ajout du principe de non-régression dans la Constitution
Ce principe est un enjeu pour préserver les acquis environnementaux et éviter tout retour en arrière en matière de protection de l’environnement. Il figure déjà dans la loi à l’article L.110-1 du Code de l’environnement, qui énonce que “la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment”. Néanmoins, si ce principe a une valeur normative, il ne s’impose qu’au pouvoir réglementaire et non au pouvoir législatif.
En outre, sa valeur constitutionnelle n’a pas été explicitement reconnue, même s’il est inscrit en filigrane dans la Charte de l’environnement (article 2). Le Conseil constitutionnel aurait eu l’occasion de consacrer le principe de non-régression dans sa décision du 10 décembre 2020 relative à la loi néonicotinoïdes, mais il ne l’a pas saisie et a validé cette la loi mettant en place une dérogation à l’interdiction d’usage des néonicotinoïdes.
L’intégration du principe de non-régression dans la Constitution aurait sans doute pu empêcher le retour des néonicotinoïdes sur le marché, qui constitue une régression évidente en matière de protection de l’environnement. Son inscription dans la Constitution, et pas seulement dans la loi, permettrait en outre de le mettre à l’abri de tout changement conjoncturel de majorité parlementaire.
Pourquoi la Charte de l’Environnement ne suffit pas ?
Les bons élèves se rappelleront sans doute qu’il existe déjà une Charte de l’Environnement, inscrite en 2004 dans le préambule de la Constitution et qui introduit 10 principes fondamentaux en faveur de l’environnement. Si l’adoption de la Charte de l’Environnement reflète une première prise de conscience des enjeux environnementaux, elle n’est plus à la hauteur des prises de conscience actuelles et des enjeux climatiques. Elle ne contient aucune référence au climat. L’invocabilité de toutes les dispositions de la Charte est limitée : l’article 6 et les considérants de son préambule ne sont pas invocables dans le cadre d’un contrôle a posteriori de la loi avec la question prioritaire de constitutionnalité. Enfin, la Charte de l’Environnement est appliquée timidement par le juge constitutionnel. Il conviendrait donc de la renforcer en modifiant l’article 1er de la Constitution.
Dans ce cas, pourquoi ne pas modifier la Charte de l’Environnement ? La Charte a introduit les principes de précaution, de prévention et de pollueur-payeur. Ne pas la modifier permet d’éviter un nouveau débat qui pourrait porter atteinte aux principes qui y sont déjà intégrés et amoindrir leur portée.
En 2019, le gouvernement a annoncé le report sine die de la réforme et dévoilé en attendant son nouveau projet de modification de l’article premier de la réforme constitutionnelle, désormais rédigé ainsi : « la République favorise toutes les actions en faveur du climat et de la biodiversité. »
Notre Affaire à Tous s’étant toujours mobilisée pour une réforme constitutionnelle ambitieuse, il était hors de question de reculer sur un sujet aussi important ! En adoptant une telle réforme constitutionnelle, la France deviendrait le premier pays européen à intégrer la lutte contre le changement climatique dans sa Constitution et montrerait l’exemple.
La suite ?
La Convention Citoyenne pour le Climat a été lancée en octobre 2019. Notre Constitution Écologique a déposé une contribution volontaire auprès de la Convention Citoyenne pour le Climat pour défendre la modification de la Constitution. Après neuf mois de travail en groupes thématiques, en juin 2020 les citoyen·nes ont formulé 149 propositions, dont la réforme de l’article 1er de la Constitution, défendue par Notre Affaire à Tous et Notre Constitution Écologique. Le 14 décembre 2020, devant les citoyen-nes de la Convention, Emmanuel Macron ouvre la voie d’un référendum sur la modification de l’article 1er de la Constitution afin d’y inclure la défense du climat et la préservation de l’environnement.
Cependant, faute d’un accord entre les deux chambres, le projet de réforme constitutionnelle a été de nouveau abandonné par l’exécutif et les parlementaires.