Notre Affaire à Tous, en partenariat avec une coalition internationale d’associations (Canopée Forêts Vivantes, CPT, Envol Vert, France Nature Environnement, Mighty Earth et Sherpa) et d’organisations représentatives des peuples autochtones de Colombie et du Brésil (OPIAC, COIAB, FEPIPA et FEPOIMT) assigne en justice le groupe Casino pour qu’il lui soit ordonné de prendre les mesures nécessaires pour exclure le boeuf issu de la déforestation et l’accaparement de territoires autochtones de sa chaîne d’approvisionnement au Brésil et en Colombie.
Pourquoi Casino ?
Le groupe Casino est le leader de la distribution au Brésil à travers sa filiale “Grupo Pão de Açúcar”. Il y représente 15% des parts du marché, et près de la moitié du chiffre d’affaires mondial du groupe (47%) se fait sur le marché latino-américain. En juin 2020, l’association Envol Vert publiait une enquête accablante, mettant en évidence des preuves de déforestation récente et de pratiques d’accaparement de terres menée à partir d’échantillons de produits carnés vendus dans plusieurs supermarchés du groupe Casino au Brésil.
Malgré les nombreux rapports liant les produits du groupe Casino à la déforestation et à l’accaparement de terres des peuples autochtones, la multinationale n’a pas veillé à la révision de ses mesures de vigilance, afin d’assurer l’absence d’atteintes aux droits humains et à l’environnement tout au long de sa chaîne d’approvisionnement. La multinationale s’est même aventurée à justifier qu’en raison du “faible nombre de rapports mettant en avant l’élevage bovin comme la cause de la déforestation en Colombie”, Casino n’a pas jugé pertinent d’inclure le pays dans son plan de vigilance. Pourtant, la Colombie a l’un des taux de déforestation les plus élevés au monde, le bétail en étant la source principale selon un grand nombre de rapports officiels (2).
C’est pourquoi le 3 mars 2021, des représentants des peuples autochtones d’Amazonie brésilienne et colombienne, ainsi que des organisations non gouvernementales (ONG) françaises et américaines*, ont assigné en justice le groupe Casino devant le tribunal judiciaire de Saint-Etienne, en raison de ses ventes en Amérique du Sud de produits à base de viande bovine, liée à la déforestation et à l’accaparement de terres des peuples autochtones.
*Canopée Forêts Vivantes, COIAB (Coordination des organisations autochtones de l’Amazonie brésilienne), la Commission Pastorale de la Terre (CPT), Envol Vert, FEPIPA (Fédération des Peuples Autochtones du Pará), FEPOIMT (Fédération des Peuples Autochtones du Mato Grosso), France Nature Environnement, Might Earth, Notre Affaire à Tous, OPIAC (Organisation Nationale des Peuples Autochtones de l’Amazonie Colombienne), Seattle Avocats, Sherpa
Les raisons de l’action
Depuis 2017, le Groupe Casino est soumis à la loi française sur le devoir de vigilance qui lui impose de prendre des mesures adaptées pour prévenir les atteintes graves aux droits humains, à l’environnement et à la santé et sécurité des personnes résultant de ses activités, de celles de ses filiales, fournisseurs et sous-traitants. Alors que le groupe Casino reconnaît explicitement que la chaîne d’approvisionnement en viande bovine au Brésil est exposée à des risques extrêmement graves, sa politique en la matière est manifestement défaillante. Le seul fait que Casino déclare dans son plan de vigilance que 100% de ses fournisseurs ont adhéré à sa politique sur la déforestation, alors que l’implication de ces mêmes fournisseurs dans la déforestation est régulièrement dénoncée, démontre que cette politique est soit inadaptée, soit non mise en oeuvre, soit les deux.
Casino achète du bœuf à des fournisseurs comme JBS, l’une des pires entreprises internationales en ce qui concerne la déforestation – et la plus grande entreprise de viande au monde. JBS est devenu célèbre pour sa corruption grâce au scandale « Lava Jato » (lavage express) ainsi que son implication dans l’esclavage moderne, la déforestation, les incendies en Amazonie, et l’accaparement des terres autochtones. Cependant, grâce à la nouvelle loi française, Casino doit enfin assumer une réelle responsabilité envers JBS et tous ses autres fournisseurs de viande responsables de déforestation et des violations des droits humains. En effet, tous les supermarchés français sont désormais avertis : nous avons l’intention de les tenir responsables du respect de la loi.
L’assignation conclut à des atteintes systémiques à l’environnement et aux droits humains ont eu lieu, tout au long de la chaîne d’approvisionnement du groupe Casino au Brésil et en Colombie, sur une période significative.
Selon les preuves rassemblées par le Centre d’Analyse de la Criminalité Climatique, le groupe Casino aurait acheté régulièrement de la viande bovine à trois abattoirs qui s’approvisionnent en bétail auprès de 592 fournisseurs responsables d’au moins 50 000 hectares de déforestation entre 2008 et 2020 (1). Il s’agit d’une surface équivalente à cinq fois la taille de Paris. Les preuves présentées dans cette affaire démontrent également des atteintes aux droits des peuples autochtones. Il a notamment été rapporté que les terres ancestrales détenues et gérées par la communauté Uru Eu Wau Wau dans l’État de Rondônia, au Brésil, ont été envahies pour permettre l’exploitation des élevages de bétail qui fournissent de la viande bovine au Grupo Pão de Açúcar de Casino.
Il s’agit d’une action historique contre le groupe Casino, fondée sur une loi pionnière qui permettra au juge français de prescrire les mesures qui s’imposent pour enrayer la destruction de l’Amazonie par des compagnies françaises et réparer les préjudices subis. C’est la première fois qu’une chaîne d’hypermarchés est assignée en justice pour des faits de déforestation et de violation de droits humains dans sa chaîne d’approvisionnement, sur le fondement de la loi sur le devoir de vigilance adoptée en mars 2017. Les organisations autochtones demandent à être dédommagées en raison des dommages causés à leurs terres ancestrales et de l’impact sur leurs moyens de subsistance.
Chronologie de l’action
Juin 2020 : Enquête d’Envol Vert sur le #doublejeu de Casino avec les forêts :
Septembre 2020 : Mise en demeure formelle de Casino par une coalition internationale d’associations et d’organisations représentatives des peuples autochtones de Colombie et du Brésil
Mars 2021 : Assignation de Casino devant le Tribunal judiciaire de Saint Etienne. Le collectif s’est désormais élargi avec la région Centre et France Nature Environnement.
Le rapport Envol Vert
L’enquête d’Envol Vert décrit les méthodes de 4 fermes impliquées dans la déforestation au Brésil, en Amazonie et dans le Cerrado. Ces fermes aux pratiques illégales approvisionnent le Groupe Casino au Brésil : 52 produits vendus en rayon de 10 magasins et les étals de boucherie de 2 magasins sont concernés. A elles seules, ces fermes représentent 4500 ha de forêts coupés illégalement pour laisser place au pâturage de bovins. Des terres autochtones protégées sont également converties.
L’une de ces ferme est la Fazenda Ellus, en Amazonie (Mato Grosso).
- 2 477 ha de forêt brûlés en 2019 (images de la NASA)
- Ellus est fournisseur direct de JBS à Araputanga sur l’année 2018-2019
- JBS à Araputanga est fournisseur de viande fraîche des magasins Extra de GPA/Casino à Cuiabá.