Chères lectrices, chers lecteurs,

Pour cette dix-neuvième newsletter des affaires climatiques et environnementales, vous trouverez en focus, le quatrième et dernier chapitre de notre série sur la saga du lithium. La question de l’encadrement juridique de l’extraction du lithium est, cette fois-ci, analysée sous l’angle des standards de l’ESG (gouvernance environnementale et sociale de l’entreprise).

Ensuite, vous retrouverez les chroniques sur les dernières décisions en matière de contentieux climatique : Suncor Energy; les affaires pendantes devant la CEDH; le premier recours climatique en Russie ; l’affaire ClientEarth contre le Conseil d’administration de Shell.

Enfin, vous aurez accès aux contributions de nos bénévoles relatives aux contentieux environnementaux : le référé pénal environnemental contre Arkema en matière de Pfas ; le référé-liberté pour l’accès à l’eau à Mayotte ; le contentieux de l’annulation des décisions de création de réserves de substitutions (méga-bassines) ; le contentieux relatif à la pollution de l’air en Europe et le recours contre l’inaction environnementale du Gouvernement mexicain.

Nous vous souhaitons une bonne lecture et si vous souhaitez, vous aussi, participer à la rédaction de cette newsletter, c’est par ici.

Sandy Cassan-Barnel, co-référente du groupe de travail veille-international

Focus : Les projets miniers de lithium

Cette contribution constitue le quatrième chapitre de notre dossier sur le Triangle de Lithium.

L’Argentine, le Chili et la Bolivie constituent les 3 pays où se trouve 60% des réserves mondiales de lithium. Il s’agit d’une matière première critique pour la transition écologique de plusieurs pays développés (Chine, UE, EUA, Canada), notamment en raison de son importance dans la fabrication des batteries des véhicules électriques capables de stocker efficacement de l’énergie (chapitre 1). Cependant, le lithium en Amérique Latine peut se trouver dans des aires protégées par la communauté internationale (sites Ramsar) (chapitre 2). Les mines de lithium se situent dans une zone des Andes commune aux frontières de ces trois pays avec une forte présence des communautés autochtones (chapitre 3). Les Etats devraient donc promouvoir des projets miniers qui utilisent des méthodes d’exploitation des mines alignées avec des standards ESG élevées. Or, les standards ESG applicables dépendent de l’État d’origine des entreprises qui développent ces projets miniers. Ce dernier chapitre constitue un bref descriptif des avantages et limites de ces différents standards ESG qui peuvent s’appliquer aux projets miniers de lithium.

Affaires climatiques

Le département de la justice américaine soulève la compétence des tribunaux étatiques pour juger des recours climatiques

La Cour suprême américaine vient de donner raison à des collectivités locales américaines et une association de protection de l’environnement et des droits humains, dans leur litige contre Suncor et ExxonMobil, deux majors pétrolières. Le 24 avril dernier, la Cour suprême a en effet rejeté la demande des deux entreprises visant à retenir la compétence des juridictions fédérales américaines et non celles de l’Etat du Colorado devant lesquelles la plainte a été déposée. L’affaire sera donc jugée devant les juridictions de l’Etat du Colorado, plus favorables aux plaignants en matière climatique et environnementale que les juridictions fédérales.

Le premier recours climat en Russie

Pour la première fois, une action en justice est formée devant une cour fédérale russe contre le  gouvernement concernant les mesures prises pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de  la Russie. Le 10 octobre 2022, la Cour Suprême de la fédération de Russie refuse d’examiner la requête  formulée à l’encontre de l’insuffisance des mesures prises par la Russie face au dérèglement climatique.  Cette demande était portée par le Groupe Helsinki de Moscou (une organisation russe de défense des  droits de l’Homme), Ecodefense (une ONG environnementale) et dix-huit individus issus de diverses  organisations environnementales et de défense des droits de l’Homme, notamment des membres de  diverses populations indigènes, particulièrement touchées par le réchauffement climatique en Russie.

Trois affaires climatiques devant la grande chambre de la CEDH

Au niveau mondial, plus de 2300 affaires sont soumises à des juridictions nationales ou internationales sur la question climatique, dont onze à la CEDH. Trois de ces affaires sont actuellement pendantes devant la Grande Chambre de la CEDH, il s’agit des affaires Verein KlimaSeniorinnen Schweiz et autres c. Suisse, Carême c. France, et Duarte Agostinho et autres c. Portugal et 32 autres États. Dans ces affaires les questions de la reconnaissance de la qualité de victime ainsi que de l’existence du dommage seront centrales, et il sera important pour les requérants de démontrer leur intérêt à agir. Si les audiences ont eu lieu en mars et en septembre 2023, la Cour ne s’est toujours pas prononcée sur ces trois affaires.

La procédure de ClientEarth contre les directeurs de Shell a été définitivement rejetée

En février 2023, l’ONG ClientEarth, en tant qu’actionnaire de Shell, a demandé la permission d’engager une action dénommée derivative claim, selon la section 260 du Company Act 2006. 

La demanderesse a cherché à engager la responsabilité individuelle des membres du Board of Directors  en raison de l’inadéquation de la stratégie climatique adoptée pour le groupe. Estimant que le Board of Directors a agi conformément au droit des sociétés anglais et que la demande de ClientEarth n’était pas bien-fondé a priori, le juge a refusé l’autorisation de la procédure dans une première décision datée du 12 mai 2023, laquelle a été confirmée dans une seconde en date du 24 juillet 2023.

Affaires environnementales

Méga-bassines: décisions du tribunal administratif annulant des retenues d’eau en Nouvelle-Aquitaine

Les deux décisions rendues par le Tribunal administratif de Poitiers le 3 octobre 2023 s’inscrivent dans la problématique des réserves de substitution ou méga-bassines. Il s’agit d’une nouvelle reconnaissance des effets néfastes de ces projets et de l’annulation des autorisations d’exploitation. La préfecture a fait appel.

La jeunesse mexicaine contre le gouvernement mexicain

Cette affaire a fait l’objet d’une première décision dans laquelle les juges se sont prononcés sur la question de la capacité à agir dans le cadre de la procédure d’amparo consacrée par la Constitution mexicaine. Il a été reconnu aux mineurs mexicains le droit d’agir face à l’inaction des pouvoirs publics en matière environnementale. Leur raisonnement s’est essentiellement basé sur la corrélation entre la Constitution mexicaine et la loi générale sur le changement climatique adoptée en 2012. Au-delà des questions de procédure, l’intérêt de cet arrêt se situe sur la possibilité des citoyens à faire reconnaître leur droit à la santé et à un environnement sain, permettant une clarification quant à la portée de ce principe constitutionnel. C’est pourquoi cette affaire a fait l’objet d’une seconde décision portant sur l’applicabilité de la procédure d’amparo pour la garantie aux droits à la santé et à vivre dans un environnement sain.

Les directives sur la qualité de l’air ne créent pas un droit à réparation

Un résidant en région parisienne a demandé une indemnisation à l’État français estimant d’avoir subi un préjudice en raison de la détérioration de son état de santé qui serait causée par la dégradation de la qualité de l’air ambiant dans l’agglomération de Paris. Cette dégradation est, selon lui, due au fait que les autorités françaises ont manqué aux obligations qui leur incombent en vertu du droit de l’Union européenne. La cour administrative d’appel de Versailles a posé une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne pour savoir si les particuliers peuvent solliciter une indemnisation de l’État pour des préjudices de santé résultant de dépassements des valeurs limites fixées par les normes du droit de l’Union en matière de la qualité de l’air ambiant, et dans quelles conditions.

Le référé pénal environnemental dans l’affaire des pollutions au Pfas par la société Arkema

Le juge des libertés et de la détention est saisi d’un référé pénal environnemental pour les pollutions aux PFAS constatées dans la région lyonnaise, la requête est rejetée tant en première instance qu’en appel.

Le recours au référé-liberté pour l’accès à l’eau à Mayotte

Le juge des référés était saisi dans le cadre d’un référé-liberté afin que des mesures soient adoptées pour pallier la crise de l’eau à Mayotte. Le juge de première instance et le Conseil d’Etat ont conclu au rejet de la demande.