Chères lectrices, chers lecteurs,

En cette rentrée déjà bien avancée, nous vous proposons un panorama riche des dernières actualités des contentieux climatiques et environnementaux en France et à travers le monde.

D’abord, en focus, le projet de directive européenne sur le devoir de vigilance qui pourrait être utilisé comme nouveau fondement à des recours contre les sociétés qui ne respecteraient pas ce devoir.

Ensuite, vous trouverez un état des lieux des procès climatiques aux USA, la derivative action de l’ONG Client Earth contre la société Shell, et les premiers recours pour greenwashing en Grande-Bretagne.

En matière de contentieux environnementaux, enfin, dans le troisième chapitre de notre série sur le sujet, nous aborderons la place de la consultation des communautés autochtones dans le triangle du lithium. Également, le recours victorieux de membres d’une population autochtone d’Australie contre  l’autorisation gouvernementale d’un projet d’extraction de gaz offshore.

Enfin, en contentieux environnemental interne, le recours justice pour le vivant ; la première condamnation de l’Etat en matière de dommage causé par la pollution de l’air et une question prioritaire de constitutionnalité qui accepte la limitation de la liberté d’entreprendre pour la mise en œuvre de l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement.

Très bonne lecture à toutes et tous,

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Sandy Cassan-Barnel, référente du groupe de travail veille-international.

Focus : La directive sur le devoir de vigilance – CSDDD

Depuis la publication des Principes Directeurs pour les droits humains et les entreprises, ou le guide OCDE à l’attention des entreprises multinationales en 2011, on assiste à une volonté de développer des standards et d’édicter des normes contraignantes pour aligner les activités économiques avec les objectifs de développement durable du XXIs. La France en 2017 durant la présidence de François Hollande, et par la suite l’Allemagne ont été à l’initiative de lois nationales sur le devoir de vigilance des entreprises en matière environnementale et de protection des droits humains. Ces législations ont imposé des obligations de vigilance aux entreprises afin qu’elles identifient et préviennent les risques d’atteinte à l’environnement et des violations de droits humains qui peuvent être causés par leurs activités économiques. 


La Commission, le Conseil européen ont adopté, entre février 2022 et juin 2023, trois versions différentes d’une directive sur le devoir de vigilance (ci-après CSDDD) qui a vocation à s’appliquer aux grandes entreprises européennes. Ces textes poursuivent le même objectif, celui d’imposer des obligations de vigilance raisonnables aux grandes entreprises en matière de protection de l’environnement et des droits humains. En revanche, leur contenu diffère sur certaines dispositions.

Affaires climatiques

Le directeur de Shell poursuivit pour sa stratégie climatique

Il s’agit de l’une des affaires les plus innovantes et commentées en droit du changement climatique cette année. En février 2023, l’organisation ClientEarth engage une action contre le conseil d’administration de Shell PLC (‘Shell’) et contre 11 directeurs à titre individuel. L’innovation réside en ce qu’il s’agit d’une derivative action, à savoir une action exercée par ClientEarth en tant qu’actionnaire de Shell. Pour l’instant, l’action a échoué à un stade préliminaire, mais ClientEarh a fait appel.

Les villes américaines demandent des comptes aux compagnies pétrolières

Depuis 2017, plus d’une dizaine de procès ont été intentés par des États et localités américains à l’encontre des principales compagnies pétrolières, telles que BP, Chevron, ConocoPhillips, Exxonmobil et Shell… La voie contentieuse devient un moyen d’expression alternatif afin de dénoncer l’incapacité des gouvernements à répondre aux vulnérabilités des populations et des territoires qui sont directement confrontés aux effets des changements climatiques. Ce recours au prétoire s’inscrit dans une démarche que l’on pourrait qualifier de « bottom up » permettant de faire émerger de nouveaux mécanismes de lutte contre le dérèglement climatique.

Décisions de l’autorité de régulation de la publicité anglaise sur le greenwashing d’entreprises pétrolières : Shell, Petronas, Repsol

L’autorité britannique de publicité (ASA) a rendu trois avis le 7 juin 2023 sanctionnant des publicités de Shell, Repsol et Petronas du fait de l’omission d’informations matérielles importantes sur leurs activités dans les énergies fossiles. En effet, les trois publicités faisaient référence à des énergies renouvelables et/ou à des mesures de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre sans mentionner que leur activité principale et leur business model correspondaient au développement des énergies fossiles. Le jury a conclu que cela pouvait induire les consommateurs en erreur sur la nature des activités des trois entreprises fossiles.

Affaires environnementales

Chapitre 3 : la licence sociale dans le triangle du lithium

Dans les articles précédents, les risques environnementaux résultant de l’exploitation de lithium dans les trois pays du triangle de lithium ont été abordés. Le défi d’articuler les modèles de développement a été constaté entre les tenants de la promotion des projets miniers, et ceux du développement d’autres activités telles que le tourisme.

1ere condamnation Etat responsabilité pollution de l’air

Dans un jugement avant-dire droit du 7 février 2022, le tribunal administratif de Paris avait ordonné une expertise afin de déterminer l’existence d’un lien de causalité entre la pollution de l’air et les dommages des victimes. Le 16 juin 2023, en se fondant sur cette expertise reconnaissant l’existence de ce lien de causalité, le Tribunal administratif de Paris a condamné l’État à indemniser une enfant victime de la pollution de l’air. Il s’agit, ici, du premier cas de condamnation à la réparation de préjudices subis par des particuliers qui résultent d’une pollution de l’air.

Application par CC de l’OVC de protection de l’environnement

Le Conseil constitutionnel était saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité dans laquelle était invoquée, notamment, l’atteinte à la liberté d’entreprendre. En procédant à un contrôle de proportionnalité, il constate que cette atteinte est limitée et justifiée par la mise en œuvre de l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement.

Recours Justice pour le Vivant

Après le climat et la pollution de l’air, l’État français est désormais aussi condamné en matière de biodiversité, dans le cadre du recours baptisé « Justice pour le Vivant », qui oppose cinq associations environnementales à l’État et Phyteis, le syndicat de l’agrochimie en France. 

Par un jugement historique rendu le 29 juin 2023, le Tribunal administratif de Paris reconnaît l’existence d’un préjudice écologique lié à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, dont l’État est responsable. Une première mondiale. Il reconnaît également les insuffisances du processus d’évaluation et d’autorisation des pesticides, qui ne permettent pas une réelle protection de la biodiversité, ainsi qu’un lien de causalité direct entre celles-ci et le préjudice écologique constaté. Les juges n’ont toutefois pas suivi la principale demande des ONG et les recommandations de la rapporteure publique. En effet, le tribunal n’ordonne pas à l’État de revoir les méthodologies d’évaluation des risques qui, pourtant, souffre de nombreuses lacunes. Bien que l’État n’ait pas été condamné sur ce dernier point, cette décision marque un véritable tournant dans la lutte contre l’effondrement de la biodiversité en France.

Recours victorieux d’australiens contre l’autorisation gouvernementale pour un projet d’extraction de gaz offshore

Le 21 septembre 2022, la Cour fédérale d’Australie énonce que la validation du plan environnemental développé par une entreprise dans le cadre d’un projet gazier est illégale si toutes les parties prenantes  affectées par ledit projet n’ont pas été préalablement consultées. Cette décision est rendue à la suite de l’action en justice intentée par un leader de la communauté autochtone Munupi des îles Tiwi contre la  National Offshore Petroleum Safety and Environmental Management Authority (NOPSEMA) et Santos  Ltd, car un projet gazier développé par l’entreprise n’a pas fait l’objet d’une consultation des membres  du clan Munupi, une communauté autochtone qui vit sur les terres concernées.