Pourquoi agir sur la loi climat ?
Comme les diverses études d’impact ont pu le montrer, le projet de loi climat est bien loin de l’ambition de la Convention Citoyenne pour le Climat, qui était de baisser d’au moins 40% les émissions de GES du territoire français d’ici 2030, dans un esprit de justice sociale. Défigurées, les propositions de la convention ont été transformées en un projet de loi peu ambitieux, un texte truffé d’exemptions et renvoyant à des décrets d’application.
La loi climat et résilience est aujourd’hui la loi comptabilisant le plus haut taux d’irrecevabilité du quinquennat. En Commission spéciale, certain·e·s député·e·s ont en effet tenté de rehausser l’ambition du texte, en tirant des propositions des citoyen·ne·s des amendements ambitieux, afin de faire de ce texte un réel outil de lutte contre le réchauffement climatique et pour la résilience.
Mais 25 % de ces amendements ont été déclarés irrecevables par la mobilisation de l’article 45 de la Constitution qui précise que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ».
Cet article a pour but de sanctionner les “cavaliers législatifs” afin de protéger l’esprit du texte et d’éviter que celui-ci serve de cheval de Troie à des dispositions n’ayant rien à voir avec le projet de loi.
Cette mobilisation abusive des “cavaliers législatifs” est inacceptable, autant au titre de l’urgence climatique que de l’impératif démocratique : elle entraîne l’éviction de plus de 1 000 amendements déposés au projet de loi climat et résilience. C’est d’autant plus décevant que ce projet de loi est l’aboutissement et la traduction d’un processus démocratique sans précédent, mais dont les résultats n’ont été repris que partiellement – seulement 46 mesures sur les 149 proposées par les citoyens ont été retranscrites au sein de celui-ci.
Face à ces irrecevabilités et au manque d’écoute des citoyen·ne·s, nous continuerons de nous mobiliser pendant toute la période des débats parlementaires. La séance plénière a débuté le lundi 29 mars, suite à une forte mobilisation de la société civile lors de la Marche pour une Vraie loi climat partout en France, à laquelle 110 000 personnes ont participé.
Notre Affaire à Tous se mobilise principalement sur trois titres du projet de loi :
La reconnaissance du crime d’écocide
Notre Affaire à Tous a rédigé des amendements pour le renforcement du droit répressif environnemental français et les a une nouvelle fois déposés avant l’examen du texte de loi en séance plénière à l’assemblée nationale qui a débuté le lundi 29 mars.
Depuis la création de Notre Affaire à Tous, nous nous battons pour la reconnaissance de l’écocide et le renforcement du droit répressif environnemental français. Cette mesure de la Convention Citoyenne pour le Climat avait par ailleurs été approuvée à plus de 90% des voix. Pourtant, lorsque la commission spéciale de l’Assemblée nationale a étudié le Titre VI du projet de loi Climat et Résilience dédié à la protection judiciaire de l’environnement, elle a rejeté le crime d’écocide, tout en entérinant de nouveaux délits inapplicables. Les député·e·s nient ainsi, une fois de plus, l’urgence écologique et l’urgence de la justice.
L’examen du Titre VI s’est opéré de manière expéditive, dans une cacophonie d’arguments, d’une qualité juridique variable. Le grand gagnant du débat a été un libéralisme qui nie que les droits humains sont conditionnés par les droits du vivant. La majorité, soutenue par les Républicains, a avec constance défendu les intérêts des entreprises, notamment ceux des grands groupes. Ils ont repoussé les amendements et se sont contentés d’un texte bancal ne permettant pas de créer un véritable droit pénal général de l’environnement.
Nous le rappelons : nous avons besoin de condamner la mise en danger et les atteintes à l’environnement et au vivant. La France n’a plus de temps à perdre pour reconnaître et condamner l’écocide.
La lutte contre l’artificialisation des sols
Avec Terre de Liens, la Confédération paysanne et les Amis de la Terre, nous dénonçons une coquille vide sur le sujet de l’artificialisation des sols dans le projet de loi climat alors même que celle-ci est responsable de la disparition des terres agricoles et de l’effondrement de la biodiversité.
Aucun des sujets clés permettant un recul net de l’artificialisation des terres agricoles n’est inscrit dans le projet de Loi : le projet prévoit des dérogations pour les surfaces commerciales inférieures à 10 000 m², permet un laisser-aller sur le développement des plateformes logistiques (notamment de e-commerce), ne met en place aucune fiscalité contraignante…
France Stratégie suggère pourtant qu’atteindre le « zéro artificialisation nette » dès 2030 nécessiterait de réduire de 70% l’artificialisation brute et de renaturer 5 500 hectares de terres artificialisées par an. Une telle perspective nécessite des mesures ambitieuses.
Mais la loi climat, en ne proposant qu’une réduction de 50% de l’artificialisation constatée dans les 10 dernières années, en est loin. Si des paliers sont essentiels, il est important que ceux-ci soient conçus dans l’optique d’un objectif daté.
Nous avons donc rédigé des amendements afin de redéfinir cet objectif à l’horizon 2040, et en conséquence de fixer un premier palier de réduction ambitieux dans l’optique de sa réalisation.
Le secteur aérien et l’extension des aéroports
Contre les extensions d’aéroports, le projet de loi est particulièrement lacunaire.
Aux côtés de Greenpeace et du Réseau Action Climat, nous avons co-signé un amendement visant à interdire les projets de construction de nouveaux aérodromes et d’extension de ceux déjà existants, à l’exception des projets ayant pour motif des raisons de sécurité, de défense nationale ou de mise aux normes réglementaires. Cet article reprend la proposition de la Convention Citoyenne visant à limiter la croissance du trafic aérien.
Le champ d’application du projet de loi actuel ne concernerait pas les dix plus grands projets d’extension d’aéroports recensés par le Réseau Action Climat. Dans l’optique de réduction des émissions de gaz à effet de serre du secteur, ces projets d’aménagement, justifiés par l’évolution prévisionnelle du trafic aérien à moyen terme, ne sont pas soutenables et vont à contre-sens des préoccupations citoyennes et des projections de trafic en période de crise sanitaire.
Notre amendement est en cohérence avec les dernières annonces du Gouvernement concernant l’abandon du projet d’extension de l’aéroport de Roissy et l’incompatibilité de l’extension des aéroports avec l’atteinte des objectifs climatiques de la France. De son côté, la Banque Européenne d’Investissement, dans le cadre de l’élaboration de sa nouvelle politique relative aux transports, a acté en 2020 la fin de son soutien aux différents projets d’extension d’aéroports en Europe.
Enfin, limiter ces projets d’extension très coûteux permettra de mettre en place et de développer des projets qui iront dans le sens de la réduction des émissions de gaz à effet de serre du secteur : intermodalité avec le transport ferroviaire, infrastructures pour l’avitaillement en carburants alternatifs.
Il est essentiel de mettre fin aux projets d’extensions en cours et d’amorcer la réduction du trafic aérien.
Réforme de la constitution
Réforme constitutionnelle : Les députés ont adopté le projet de loi constitutionnelle complétant l’article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l’environnement.
Si l’absence d’amendements qui auraient pu réduire la portée de cette réforme est une bonne nouvelle, l’occasion d’instaurer une véritable République écologique est encore manquée, faute d’inscrire le principe de non-régression et les limites planétaires à l’article 1er. Nous resterons mobilisés pour une réforme constitutionnelle à la hauteur des enjeux lors des débats à venir au Sénat qui débuteront le 10 mai.
Et maintenant ?
Les débats à l’Assemblée Nationale se sont avérés très décevants. La loi n’est ni à la hauteur de l’urgence climatique ni conforme aux propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat. En mai, c’est le Sénat qui va à son tour examiner le projet de loi.
Notre Affaire à Tous reste mobilisée et vous invite à marcher le 9 mai pour rompre avec un gouvernement qui refuse de faire face à l’urgence écologique et nous unir face aux défis climatiques et sociaux qui nous attendent.