Pour le deuxième numéro de la newsletter des affaires climatiques, Notre Affaire à Tous met en lumière la jeunesse devant les tribunaux ! Parce que les jeunes et futures générations subiront de plein fouet le dérèglement du climat et en seront parmi les premières impactées ! De l’Affaire Juliana aux Etats-Unis, à l’affaire Pandey en Inde, en passant par les jeunesses canadienne, colombienne et pakistanaise, nous montrons que les jeunes se mobilisent et activent le levier juridique pour la protection de leurs droits et leur avenir !
L’ambition de cette newsletter ? Donner les moyens à toutes et tous de comprendre les enjeux de telles actions en justice, face à l’urgence climatique ! Abonnez-vous pour recevoir, chaque mois, les actualités et informations sur ces affaires qui font avancer, partout dans le monde, nos droits et ceux de la nature face aux dégradations environnementales et climatiques : le combat qui se joue dans les tribunaux est bien celui de la défense des pollués face aux pollueurs, nouvel enjeu du XXIe siècle.
Le 25 mars 2017, une jeune fille de neuf ans, de la région indienne de l’Uttarakhand, Ridhima Pandey, a décidé de lancer une action en justice visant la responsabilité climatique de l’Etat indien, accusé de ne pas avoir conduit des politiques efficaces pour limiter le réchauffement climatique. Si des mesures ne sont pas prises rapidement contre l’urgence climatique, les jeunes et futures générations, dont elle fait partie, seront victimes du dérèglement du climat. Pourtant, elles ne font pas partie des processus de décision, et le gouvernement a échoué à prendre des mesures pour faire appliquer les normes environnementales.
Un recours a donc été déposé en son nom auprès du National Green Tribunal de l’Inde. Plus précisément, la procédure judiciaire a été entamée dans le but d’établir l’insuffisance des politiques indiennes d’atténuation vis-à-vis d’une série d’obligations nationales et internationales. Le recours met en évidence que les engagements prévus par l’Accord de Paris n’ont pas été sérieusement transposés au niveau interne. Le recours se fonde à la fois sur la constitution indienne et sur la doctrine du Public Trust. Cette dernière est mobilisée pour soutenir que l’Etat est tenu de préserver l’environnement et les équilibres écologiques tant pour les générations présentes que futures, au titre du principe d’équité intergénérationnelle.
La jeune requérante demande au juge de prononcer une injonction adressée au gouvernement indien pour qu’il soit tenu de revoir à la hausse l’ambition des politiques climatiques nationales, et notamment l’inclusion de l’impact sur le climat en tant que paramètre d’évaluation environnementale ainsi que la création d’un inventaire des émissions de gaz à effet de serre au niveau national et la définition d’une trajectoire de compensation et de réduction des émissions. La procédure est actuellement en cours. Une décision est attendue dans les prochains mois.
Le 12 août 2015, un groupe de 21 jeunes plaignant-es toutes et tous âgé-es de moins de 19 ans, dont la voix est portée par Kelsey Rose Juliana, et accompagné par Our Children’s Trust et Earth Guardians, a déposé une plainte constitutionnelle devant la Cour du District de l’Oregon contre l’inaction climatique du gouvernement fédéral des Etats-Unis, violant ainsi leurs droits constitutionnels à la vie, à la liberté et à la propriété. Les requérant-es et associations se fondent également sur la doctrine du Public Trust. Selon cette doctrine, certaines ressources ne peuvent faire l’objet d’une appropriation privée, et doivent recevoir une protection de l’Etat.
La juge Ann Aiken a joué un grand rôle dans cette affaire, reconnaissant le 10 novembre 2016 la recevabilité du recours en admettant, d’une part, l’existence d’un lien de causalité entre les changements climatiques et le fait du gouvernement, et d’autre part, en reconnaissant que les autorités fédérales ont la charge de protéger et de préserver les ressources communes à tout le vivant, pour les générations présentes et futures. Cependant, le jugement fut reporté à de nombreuses reprises suite à l’action de blocage du gouvernement qui n’a eu de cesse de tenter de ralentir la procédure, voire de la faire échouer, à travers l’utilisation de tous les mécanismes à sa disposition.
Suite à cela, la Cour d’appel du 9ème Circuit avait le 7 janvier 2019 accordé une procédure accélérée aux requérants. Cela a permis la tenue de l’audience des parties devant cette même Cour ce mardi 4 juin 2019.
Notre Affaire à Tous a récemment rédigé une tribune sur cette affaire, à lire ici.
Le 26 novembre 2018, l’organisme à but non lucratif ENvironnement JEUnesse (“ENJEU”), a déposé une plainte devant la Cour supérieure de la Province de Québec, District de Montréal, contre le gouvernement du Canada. L’organisation, essentiellement constituée de jeunes, travaille à la sensibilisation de la jeunesse sur les questions environnementales à travers des projets éducatifs.
Elle considère que le gouvernement du Canada, par l’absence prise de mesures radicales pour la protection du système climatique, a violé les droits fondamentaux des membres du groupe, inscrits à la Charte canadienne des droits et libertés et la Charte québécoise des droits et des libertés de la personne : le droit à la vie, à l’intégrité et à la sécurité, le droit à un environnement sain et respectueux de la biodiversité, et enfin le droit à l’égalité. D’une part, l’organisation considère que la cible de réduction de gaz à effet de serre du gouvernement n’est pas suffisamment ambitieuse pour éviter des changements climatiques dangereux, et d’autre part, les actions de celui-ci ne permettent pas l’atteinte de cette cible, pourtant déjà insuffisante.
Elle se fonde notamment sur les engagements pris par le gouvernement canadien lors des conférences internationales, des discussions et de l’adoption de l’Accord de Paris. Les alertes des scientifiques sont également au centre du recours afin de montrer la violation évidente de ces droits. La demande d’autorisation sera entendue le 6 juin 2019 par le juge Gary D.D. Morrison de la Cour Supérieure du Québec à Montréal.
Un groupe de 25 enfants, accompagné de l’association colombienne Dejusticia, a intenté une action en justice à l’encontre de l’Etat colombien au motif que ce dernier ne garantit pas leurs droits fondamentaux à la vie et à l’environnement. En effet, malgré les engagements internationaux de la Colombie de réduire la destruction des forêts, les statistiques les plus récentes montrent que la déforestation a augmenté de plus de 44 % entre 2015 et 2016. Les plaignants ont utilisé un dispositif spécial pour que leur requête soit étudiée dans de très courts délais par la Cour Suprême. Pour ce faire, ils ont plaidé une violation de leurs droits constitutionnels.
Dans sa décision du 5 avril 2018, la Cour Suprême colombienne ordonne à la présidence et aux ministères de l’environnement et de l’agriculture de créer un “pacte intergénérationnel pour la vie de l’Amazonie colombienne”. Ce pacte devra être construit avec la participation des plaignants, des communautés affectées et des scientifiques. Afin de protéger ce qu’elle reconnaît comme un “écosystème vital”, la Cour Suprême colombienne a reconnu l’Amazonie colombienne comme une entité « sujet de droit”. Elle a ordonné au gouvernement de mettre fin à la déforestation, lui rappelant son devoir de « protéger la nature et le climat » au nom « des générations présentes et futures ».
Asghar Leghari, agriculteur pakistanais de 25 ans, a formé un recours d’intérêt public devant la Haute Cour de Lahore contestant l’inaction du gouvernement fédéral pakistanais et du gouvernement de la province de Punjab face au changement climatique. Le requérant reproche au gouvernement de ne prendre aucune mesure d’exécution de la politique nationale relative au changement climatique de 2012 (National Climate Change Politcy”), ni du Cadre de mise en oeuvre de la politique relative au changement climatique (“Framework for Implementation of Climate Change Policy”) (2014-2030).
Le 4 septembre 2015, la Cour acte la responsabilité du gouvernement pakistanais dans le retard dans l’exécution du Cadre d’action climatique, en violation des droits fondamentaux de ses citoyens. La Cour impose aux ministres de présenter une liste des actions d’adaptation qui peuvent être réalisées dans les mois qui suivent, et institue une Commission sur le changement climatique composée de représentants des ministères, des ONG, et d’experts. Le 14 septembre 2015, elle nomme expressément les membres de la Commission sur le Changement Climatique.
Un groupe de sénateurs français a récemment déposé un rapport relatif à l’adaptation de la France au changement climatique. Il part du constat que le “choc” climatique est inévitable et qu’il faut s’y préparer. D’après le rapport, les politiques d’atténuation sont, certes utiles, mais insuffisantes face à ce qui attend le pays. Il est indispensable d’adopter des mesures capables d’atténuer les chocs sur les territoires et la population. Ainsi, le rapport relève l’incidence qu’aura la crise climatique sur les sols, les ressources en eau, la santé ou encore les activités économiques. Il constate l’existence, aujourd’hui, de fondements réglementaires et scientifiques prompts à permettre le développement de politiques d’adaptation. Il fait référence à des outils qui permettent aux acteurs de terrain d’évaluer leur vulnérabilité en la matière et d’élaborer les réponses appropriées à leur échelle.
A l’international, le 14 mai 2019, un groupe de peuples autochtones des îles du Détroit de Torres a déposé une plainte sans précédent auprès du Comité des droits de l’Homme des Nations Unies, contre l’inaction climatique de l’Australie, suite au non-respect des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre du pays définis par l’Accord de Paris, constituant ainsi une violation de leurs droits humains.