Quels sont les impacts sociaux du dérèglement climatique ? Dans un contexte de crise sociale, avec les mobilisations des Gilets Jaunes et la prégnance du slogan : « Fin du monde, fin du mois, même combat », nous mettons en lumière les inégalités environnementales que subissent d’ores et déjà les citoyen-nes français-es. Sachant que réussir une transition écologique, signifie réussir une transition sociale. Santé, logement, participation et accompagnement : tous nos droits sont touchés, affectant d’abord les plus précaires et renforçant les inégalités

Ce numéro de la revue de presse a pour but de présenter à la fois les impacts liés au changement climatique et aux dégradations environnementales, puisque celles-ci se cumulent et se renforcent. En effet, un monde affecté par le changement climatique est aussi un monde plus pollué : l’exposition moyenne aux particules fines, par exemple, a augmenté de 11,2% depuis 1990, selon The Lancet

Pour combattre les inégalités, sociales et climatiques, il nous faut les connaître. C’est le sens de cette revue de presse élaborée par les bénévoles de Notre Affaire à Tous, qui revient chaque mois sur les #IMPACTS différenciés du changement climatique, sur nos vies, nos droits et ceux de la nature.  

  • Des impacts sur nos corps : allergies et maladies infectieuses, le duo menaçant

Pourquoi une recrudescence des allergies ? D’une part car le réchauffement climatique a tendance à augmenter la quantité de pollen émise : plus les températures sont élevées sur une période donnée, plus la pollinisation des végétaux est précoce et les quantités de grains émises importantes. D’autre part, l’augmentation du CO2 dans l’atmosphère entraîne un développement plus rapide et vaste des plantes. La répartition des espèce évolue aussi, à l’image de l’ambroisie, historiquement présente dans le sud et centre de l’Europe, qui commence à s’implanter en Europe du Nord. Les orages, dont la fréquence a tendance à augmenter avec le réchauffement climatique, peuvent aussi provoquer la fragmentation des grains de pollen et libérer des allergènes dans l’air, entraînant une exacerbation des crises d’asthmes. Parmi les personnes touchées, 63% n’ont pas d’antécédents d’asthme, d’après l’agence Santé Publique France. 

Ainsi, la quantité de pollen concentrée dans l’atmosphère ne cesse de croître depuis 1987. Conséquence directe ? Le nombre d’allergies en France a triplé depuis 20 ans. Des impacts qui en entrainent d’autres, comme l’asthme allergique, souvent tardivement diagnostiqué, notamment chez les populations ayant le moins accès aux soins. 

Les maladies infectieuses aussi se propagent avec le réchauffement climatique. En tête des maladies liées au climat ? Le choléra, dont la bactérie est liée à 9 composantes climatiques, et la maladie de Lyme, liée à 7 facteurs climatiques. Températures, humidité, niveau de précipitations, tous ces aléas peuvent être responsables de telles propagations, qui concernent surtout les maladies vectorielles. La dengue, le chikungunka, le zika, la fièvre jaune, maladies provenant du moustique-tigre, gagnent de nouveaux territoires chaque année. En 2019, la dengue a particulièrement touché l’Ile de la Réunion. C’est en 2014 qu’une première étude établissait le lien direct entre changement climatique et émergence d’une maladie avec l’ulcère de Buruli en Guyane, infection qui connait des pics épidémiques lors des épisodes El Niño.  

Des maladies dont nous pensions être protégé-es vont aussi aussi refaire surface avec la fonte des calottes glaciaires, provoquée par la hausse du niveau des mers. Ce phénomène va également modifier la propagation des virus. La fonte du permafrost, le sol normalement gelé toute l’année, va menacer les populations en libérant des bactéries et virus oubliés, qu’ils emprisonnent depuis des millénaires. comme l’anthrax. Mais face aux multiples études, les chercheurs restent toutefois divisés quant au rôle du réchauffement planétaire sur la diffusion des épidémies.  

  • Impacts psychologiques du changement climatique 

Le terme d’éco-anxiété a fait parler de lui ces derniers mois, mais de quoi s’agit-il ? Militant-es, scientifiques, citoyen-nes, de plus en plus de personnes se sentent angoissées et bouleversées face à l’urgence climatique : un stress aux conséquences physiques comme mentales. Le chercheur Per Espen Stoknes revient sur ce concept dans Marianne : il s’agit pour lui d’anxiété plus que de peur, car le phénomène est plutôt “invisible”, à la fois “partout et nulle part”. Pour éviter d’affronter l’angoisse d’une catastrophe climatique, les mécanismes de protection du cerveau sont multiples : fuite, dissonance cognitive, dénigrement des études, humour…, le risque étant que les personnes touchées arrêtent tout effort pour lutter contre ce phénomène global.  

A l’échelle individuelle, cette “éco-anxiété” peut redéfinir des choix de vie, comme pour Xavier, un témoin interrogé par Francetvinfo : l’angoisse du changement climatique l’a conduit vers un métier plus en accord avec ses principes. Et les citoyen-nes ne sont pas les seul-es ! Les climatologues aussi ont le blues : ces scientifiques qui alertent la population depuis plus de 30 ans, voient les conséquences de l’inaction s’accentuer. Sans pour autant désespérer, puisqu’ils et elles mobilisent de plus en plus l’intelligence collective et s’efforcent à plus de pédagogie pour une meilleure prise de conscience. Le collectif « Labos 1point5 » s’inscrit dans cette tendance, pour une recherche qui respecte l’environnement. D’un autre côté, cette prise de conscience et la culpabilité qui peut en découler ont parfois des effets bénéfiques. Comme en Suède, où le “flygskam”, la honte de prendre l’avion, plombe le transport aérien dans le pays depuis le début de l’année, avec une baisse de 4,4% de passagers aériens.  

En dehors de France, la recherche psychiatrique s’intéresse d’ailleurs de plus en plus aux effets du réchauffement climatique sur la santé mentale : c’est notamment aux Etats-Unis, à la suite de l’ouragan Katrina, que la recherche en psychiatrie s’est développée. D’autres études montrent de fortes corrélations entre taux de suicide et hausse des températures, notamment dues à des troubles de sommeil plus fréquents. De 20 % à 50 % des personnes exposées à une catastrophe naturelle ont un risque de développer des troubles psychologiques, notamment chez les populations aux ressources limitées. 

Depuis la COP24, le dossier “Alerte Pollution” de FrancetvInfo s’intéressent aux témoins de pollutions. Une enquête participative qui donne la possibilité aux internautes de signaler des sites pollués près de chez eux. Elle a permis de rendre visibles des situations inquiétantes. Grâce à l’alerte donnée par un jardinier du parc floral de Paris, des taux de métaux lourds « néfastes pour la santé » y ont été détectés. Une question posée par un père de famille a également permis de s’interroger sur la toxicité des sols amortissants des aires de jeux dans les écoles. Les écoles d’Ile-de-France sont d’ailleurs très touchées, avec 682 établissements scolaires exposés à des niveaux de pollution dépassant les normes légales, selon un rapport de l’association Respire. En région parisienne toujours, plusieurs personnes se posaient la question des particules fines rejetées par les grilles de ventilation de la RATP, redoutant l’impact à long-terme sur la santé humaine : selon AirParif, l’organisme chargé de mesurer la qualité de l’air en Ile-de-France, la pollution aux particules fines coûte en moyenne six mois d’espérance de vie aux habitants, tant chez les passager-es que les salarié-es de la RATP, avec des pics aux heures de pointe. En bord de mer aussi les citoyen-nes s’inquiètent de la qualité de l’eau : comme dans le bassin d’Arcachon, dont les écosystèmes sont de plus en plus bouleversés par une augmentation du nombre d’habitants et de touristes. 

Le but de l’enquête ? Alerter les autorités locales sur les dangers de la pollution. A Toulon par exemple, l’alerte sur la pollution des ferries a forcé la mairie à promettre des installations propres d’ici à 2020. Mais les promesses ne sont pas toujours concluantes, à l’instar de l’usine installée près de Gardanne et Bouc-Bel-Air, dans les Bouches-du-Rhône. A cela s’ajoute des règles qui ne sont pas toujours respectées. Des dépôts sauvages pleins d’amiante sont d’ailleurs signalés partout en France. Face à ces situations, des plaintes ont été déposées en Auvergne, où une laiterie est accusée de polluer une rivière depuis 40 ans, ou dans l’Aube où un ruisseau reçoit les déchets médicamenteux et des matières fécales d’une prison depuis des années. Une bonne nouvelle au milieu de tous ces constats ? En avril, la Cour de Cassation a ouvert, en théorie, l’indemnisation du préjudice d’anxiété à tous les travailleurs de l’amiante. 

Face à tous ces impacts sanitaires, la Croix-Rouge organisait les 15 et 16 avril à Cannes, une conférence mondiale relative à l’impact des changements climatiques sur la santé, une “COP humanitaire’”, pour éveiller les consciences. Et pour en savoir plus sur tous ces impacts sanitaires, la revue médicale The Lancet, sortait en novembre 2018 un deuxième rapport sur ces questions : chocs cardiovasculaires, propagation de virus, pénuries alimentaires, un état des lieux détaillé des différents risques que pose le changement climatique sur la santé humaine. 

Mais les impacts sociaux du changement climatique ne concernent pas seulement la santé : en effet, le droit au logement est lui aussi touché, notamment à cause de la précarité énergétique, situation qui concerne 7 millions de français et 26 millions d’européens. Ce phénomène est dû à une facture élevée à cause d’une mauvaise isolation thermique. Ces 7 millions de français dépensent plus de 8% de leurs revenusdans l’énergie, selon l’Observatoire national de la précarité énergétique. Les dangers ?Hausse du risque de dépression, d’asthme chez les enfants, de comportements à risques chez les adolescents. 

Face à cela, des voix s’élèvent pour rendre obligatoire la rénovation des bâtiments. L’association Armec à Rennes, sensibilise aussi à la rénovation énergétique des logements, qui est une des mesures du plan climat de la métropole rennaise visant une réduction de 40% des émissions de gaz à effet de serre à horizon 2030 (par rapport à 2010). Cela représenterait environ 2 000 logements à rénover par an. Le Réseau Eco Habitat aussi aide les familles les plus modestes à engager des travaux de rénovation de leur habitation, et les accompagne pour solliciter les différentes aides. 

Du côté de l’Etat, le plan national de rénovation énergétique des bâtiments, présenté par Nicolas Hulot, est loin d’avoir tenu ses promesses, puisqu’au lieu des 500 000 rénovations prévues par an, l’estimation est retombée à 40 000.

Retrouvez le quatrième numéro de notre revue de presse sur les impacts du changement climatique dans un mois !